mardi 23 mars 2021

Souvenirs d’Emanon

Shinji Kajio & Kenji Tsuruta - Souvenirs d’Emanon - Latitudes

 

 


1967 : de retour de voyage, un étudiant emprunte un ferry en direction de l’ile de Kyushu dans le sud du Japon. Fauché comme tous les jeunes gens de son âge, il s’apprête à passer une longue nuit dans un dortoir en compagnie de poivrots, quand une jeune fille vient s’installer près de lui. De naturels réservés l’un comme l’autre ils finissent par faire connaissance. Le narrateur - dont on ignore davantage l’identité que sa mystérieuse interlocutrice - trouve un exutoire à un spleen existentiel dans la lecture de livres de … science-fiction. L’adolescente s’appelle Emanon, anagramme de No name. L’histoire qu’elle raconte est tout simplement incroyable : elle est âgée de trois milliards d’années ! Au petit matin elle disparaît sans laisser de traces. Le temps passe, l’adolescent construit sa vie, fonde une famille, quand treize ans plus tard …

 

La trame très simple de Souvenirs d’Emanon suggère deux niveaux de lecture. Le récit d’un flirt amoureux sans lendemain - les êtres aimés viennent parfois d’ailleurs pour paraphraser Pierre Bachelet -, ou la rencontre d’un esprit immortel comme dans les romans de Henry Rider Haggard et Pierre Benoit, voir « Le Conte de Suzelle » de Jean-Philippe Jaworski. La suite des évènements, les allusions à la littérature de science-fiction, qu’il s’agisse de La mémoire du mort de Curt Siodmak ou du prix Hugo récompensant en 1967 Robert Heinlein pour Révolte sur la lune, inclinent à considérer la seconde hypothèse.

 

Au-delà des œuvres évoquées plus haut, la thématique de Souvenirs d’Emanon fourmille d’entrées SF tels les deux ouvrages de Robert Silverberg consacrés à la légende de Gilgamesh, Le grand secret de René Barjavel, Hedrock des Armureries d’Isher, le cycle du Monde du Fleuve etc. Quartier Lointain, manga de Jirô Taniguchi, évoque un personnage qui s’affranchit aussi des barrières du Temps. A l’instar de ce dernier, Kenji Tsuruta livre un graphisme de qualité, au-dessus des productions du genre.

 

Emanon, concentre en elle les figures du sphinx, de la réincarnation et des archétypes jungiens. Et pour cause puisqu’elle incarne la mémoire de l’humanité. Ce fardeau énorme qu’elle lègue à ses successeurs tranche avec une apparence d’adolescente bohème. C ’est tout le mystère de ce manga fort bien réalisé et publié où l’on appréciera comme chez Taniguchi les moments de respiration qui aèrent l’intrigue. Les auteurs ont hélas poursuivi l’aventure avec des suites fort dispensables.

 

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Très beau manga et je vais poursuivre le cycle des Emanon.
Belle réflexion sur le temps,la mémoire et l'humanité.
Merci pour cette découverte et pour votre chronique fort documentée.

Une libraire

Soleil vert a dit…

Merci !