Kamo No
Chômei - Notes de ma cabane de moine - Le bruit du
temps
Quelques mois après la création de ce blog en 2011, je rendais compte de la lecture d’un livre de Sylvain Tesson Dans les forêts de Sibérie, récit d’une échappée solitaire en Russie et miroir, tel était mon sentiment à l’époque, de ma propre condition : « Alimenter – ici le mot paraît usurpé – un blog tient du journal d’ermitage. Enfermé dans une cabane à deux dimensions apparemment sans issue, mais dissimulant une fenêtre pouvant s’ouvrir potentiellement à des milliers ou millions d’observateurs, le rédacteur couvre en solitaire les murs de sa prison de hiéroglyphes et s’autorise quelques échappées via des liens hypertextes dans le monde extérieur c'est-à-dire le Web.
L’autre, l’espace réel, l’espace de liberté, s’amenuise progressivement. Les jeunes générations l’ont compris qui explorent des territoires vierges dans les mondes virtuels, jeux vidéo, web, simulations en tout genre. Seulement voilà, dans la Toile le regard s’inverse, l’ermite devient paysage. » (1)
N’exagérons rien, ni
retraite, ni ermitage, La sortie est au fond du web, titre inspiré d’un
livre de Jacques Sternberg, est un espace monologique - nonobstant d’épisodiques
fugues dans des forums - enrichi de quelques présences amicales. L’Histoire
regorge de vrais anachorètes, certains moins connus que d’autres. C’est le cas
du japonais Kamo No Chômei dont il nous reste quelques
écrits dont le petit opus Notes de ma cabane de moine datant de 1212.
Fils d’un prêtre shintô de la cour impériale, il n’obtint pas à la mort de
celui-ci la position sociale espérée et fit son deuil de l’héritage des
fonctions paternelles et des profits matériels associés, de la nomination comme
membre d’un Bureau de la Poésie créé par l’Empereur, ou de l’attribution d’un
poste de desservant d’un prestigieux sanctuaire religieux. Déboires successifs
dus non pas à une quelconque disgrâce mais aux obscurs rouages d’une
administration tatillonne. Sans doute, nous dit l’orientaliste Jacqueline
Pigeot, à qui l’on doit ces précisions biographiques et une étude érudite de l‘œuvre
en postface, sans doute faut-il trouver dans ces vicissitudes le chemin de la réclusion
monacale. Pour reprendre les mots de Roland Barthes dans sa préface à La vie
de Rancé de Chateaubriand : « Celui qui abandonne
volontairement le monde peut se confondre sans peine avec celui que le monde
abandonne ». Agé de trente ans, Chômei migre de cabanes en cabanes de
plus en plus rudimentaires tout en se dépouillant du passé. Il mourra quatre ans
après la rédaction de son petit opuscule, vers la soixantaine.
Les Notes, d’une trentaine de pages, déploient deux thèmes,
celui de l’impermanence et celui de la recherche du bonheur dans la solitude. L’auteur,
témoin du désordre du monde évoque les incendies successifs qui détruisirent
partiellement Kyoto, les épidémies, les séismes. Le ciel bouddhique étant vide
(2), nulle colère ne peut s’exercer à son encontre comme en fit l’exercice
Voltaire dans Le tremblement de terre de Lisbonne. Mais le déchainement
des forces naturelles n’est pas seule cause du malheur des hommes. La
domination des uns, la sujétion des autres engendrent crainte et avidité et
pervertissent leurs rapports. Chômei fuit les contingences humaines au contact
de la nature : « L’aigle de mer vit sur les plages désertes ; la
raison en est qu’il craint les hommes. Pour moi il en est de même. ».
Comme Robinson Crusoe il est sa propre société : « Si par une
soirée tranquille, à ma fenêtre, je pense à de vieux amis tout en contemplant
la lune, et si j'entends les cris du singe, je mouille ma manche de mes larmes.
Lorsque, sur les buissons, je vois des vers luisants, c'est comme si
j'apercevais au loin les feux de pêche de Makishima, et le bruit de la pluie
matinale ressemble bien à celui du vent qui secoue les feuilles des arbres.
Quand j'entends l'appel des faisans, j'ai l'impression d'entendre mon père ou
ma mère, et si je constate que même les cerfs des sommets de la montagne
s'approchent tout près de moi sans crainte, je comprends à quel point je
suis loin du monde. Quand je m'éveille et ranime le feu qui couvait sous la
cendre, j'y vois comme un compagnon fidèle de mes vieux jours. Je ne
suis pas dans une montagne bien terrible ni déserte, mais alors que la simple
voix du hibou suffirait à m'émouvoir, que dire de ces paysages de montagne,
infiniment variés selon les saisons ! Il faut ajouter que l'intérêt d'une
pareille vie ne pourrait que s'accroître encore pour quelqu'un qui approfondirait
ses pensées et essaierait d'acquérir un savoir profond ». Même si
l’on prend acte du rapprochement effectué par Paul Claudel entre les écrits du
moine et Walden ou la Vie dans les bois de Thoreau, on ne saurait
écarter le cheminement spirituel de Chômei, celui de l’amidisme, un bouddhisme répandu
surtout en Chine et au Japon, assimilé aussi au Grand Véhicule où l’état d’éveil
se double d’une compassion universelle. Il existe plusieurs traductions de
haute volée des Notes de ma cabane de moine. Celle du Révérend Père Sauveur
Candau allie élégance et clarté. Pas étonnant que ce petit volume prenne rang parmi
les livres de chevet. Oui nous sommes écume dans le Fleuve du Temps.
(2) Encore que le concept amidiste de Terre pure
évoque une forme de Paradis.
494 commentaires:
1 – 200 sur 494 Suivant› Les plus récents»Quelle belle surprise que ce billet philosophique sur ce besoin de solitude et d'ermitage qui semble s'épanouir dans ce livre
de Kamo No Chômei : "Notes de ma cabane de moine "- (Le bruit du temps).
Ce billet est passionnant qui prend le temps d'interroger l'existence de ce blog par un retour à sa création en 2011. C'était à propos du si beau livre de Sylvain Tesson "Dans les forêts de Sibérie".
Voilà donc ce coup de cœur de Paul Claudel qui aimait ce livre et le rapprochait de celui de Thoreau , le rêveur de "Walden".
On peut penser aussi au poète Bashô, à sa vie errante d'ermitage en ermitage passagers , à pied, par tous les temps, célébrant la beauté du monde dans ses haïkaï.
Une vie d'errance. Un voyage d'écriture à la rencontre du détachement et de la paix intérieure . Huttes modestes où rêver dans le retrait du monde... Libre...
"Le printemps est là
Sur la montagne sans nom
Brume matinale"
Hâte de me baigner dans la lecture de ce beau livre : "Notes de ma cabane de moine" , suivant l'invite de Soleil vert.
Dans les lettres à Max Brod, Kafka pose une question cachée dans une affirmation : "Écrire n'est rien d'autre que le drapeau de Robinson sur le plus haut sommet de l'île". (P.239)
Ces solitaires auraient-ils le sentiment d'une absence ?
"Au milieu de la plaine
Chante l'alouette
Libre de toutes choses"
Bashô
Des hommes se dénudant lentement jusqu'à l'effacement...
Les variations de ce blog introduisent le temps.
La vie de Soleil vert n'est ici ni antérieure ni extérieure à l'écriture. Son enjeu, une voix de fin de silence impossible sans la lecture.
Comme le journal d'un écrivain.
Autre chemin, "Le Parcours" d'Edmond Jabès.
Il écrit :
"Il y a le destin d'un livre ; le passé et l'avenir d'un livre où se dissimule une origine si ancienne qu'elle n'est plus que blessure, à peine l'égratignure laissée par un moment d'audace du silence au silence qui, désormais l'enveloppe." (P.91)
Une page d'écriture et ses paliers...
Toujours Edmond Jabès, "Elya - Le miroir brisé des mots" :
"Le silence est douloureuse intuition d'une parole destinée à l'autre.
Le jour de lève ailleurs.
Nos actes sont de nuit." (P.34)
Des encres d'une rare beauté de Mélanie Delattre-Vogt dans un livre édité par Fata Morgana.
C'est à propos d'ermitages. "Trois huttes", celles de Thoreau, Patinir et Bashô. Trois récits de Christian Doumet.
La grande famille des solitudes de la littérature. Trois solitaires vivant dans "les parois frêles de leur liberté".
Patinir peint le Saint Jérôme (Louvre) quittant le monde pour entrer dans sa hutte.
Bashô, le pèlerin du vide... Et Thoreau, sa grande robinsonnade.
Je ne qualifierais pas le Walden de Robinsonnade, compte tenu du côté métaphysique de ses bûcherons….
Oui, un rêveur bachelardien.
MC
Si vous voulez. Quoiqu’il y ait là beaucoup de Thoreau et peu de Bachelard. MC
Pour quelles raisons son livre est écrit entièrement au passé ? Cette expérience n'a-t-elle été qu'une parenthèse ? Qu'y a-t-il après ?
4 ans après... la mort
Sa retraite à Walden a duré deux ans et deux mois, entre 1845 et 1847,.
Il est mort en 1862...
Kamo No Chômei - "Notes de ma cabane de moine" - (Le bruit du temps)
Très beau livre qu'on aime avoir en mains comme une œuvre d'art autant par le raffinement de l'objet que par la pensée qui y mûrit. Tout peu à peu est mis à distance de ce qui a été souffrance, tourments. Cela surgit, inattendu et la parole devient légère. Il semble échapper au temps dans un crépuscule immobile et pur. Le monde extérieur devient incertain et flottant et le monde intérieur, lumineux.
Très beau livre. Merci, Soleil vert.
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/avoir-raison-avec/avoir-raison-avec-henry-david-thoreau-3158346
Une réflexion intéressante sur sa vie et ses idées...
Cette émission est sidérante. On découvre que Thoreau dans son journal de 6600 pages... ne parle pas seulement de la nature. La deuxième partie de l'émission explore les années qui ont suivi sa retraite à Walden, ses conférences, ses écrits et en particulier ses démêlés avec l'état dont son court séjour en prison pour refus de payer ses impôts. Donc ce révolté publia à compte d'auteur ses réflexions sur "La désobéissance civile" - mais pas dans l'appel à une action collective. Non, il reste un individualiste, anticonformiste cherchant à réinventer ses rapports avec la société et le gouvernements et luttant à
sa façon contre les injustices et l'exclusion .
J'ai une idée plus précise maintenant de sa façon de vivre et de penser. Son refus de consommer et de travailler à outrance, son choix de vivre de petits boulots pour garder du temps pour écrire, penser, marcher en forêt. Une façon poétique et très personnelle de mener sa vie. Walden... et d'autres chemins le menant vers une grande liberté intérieure.
Et dans la premieret partie une approche lucide des années de retrait dans sa cabane à Walden. Thoreau n'était pas un ermite mais un homme qui avait besoin de tranquillité pour vivre et penser...
Kamo No Chômei répond plus à ce que j'imagine d'une vie d'ermite, ou Bashô.
Non Thoreau n’était pas un ermite . Mais c’est Walden qui occupe le terrain plus que le Journal. Il me semble qu’ Onfray a commis quelque chose sur Thoreau. (Un lien avec l’émission ?) Bien à vous. MC
J'aime beaucoup quand vous me mettez en alerte. Alors je cherche. Je réajuster mes idees sur un écrivain, un livre. Se battre contre soi-même et ses certitudes. Découvrir.... .
Être ici, près de Soleil vert
et de ses visiteurs c'est s'ouvrir au débat calmement., Reconnaître que parfois on se trompe, progresser.
Merci à tous deux.
Je préfère me souvenir de la fascination de l'eau éprouvée par Thoreau.
J'évoquais Bachelard, j'y reviens. Dans son essai "L'eau et les rêves" (acheté chez Corti, rue de Médicis, face au jardin du Luxembourg quand cette enclave de bonheur existait encore... J'en avais soigneusement séparer les pages avec une lame fine.), Il évoque page 107, le passeur Caron et sa barque.
Soudain L'Extrême-Orient, la fête des morts, le septième mois dans la vie chinoise et Paul Claudel : "La flûte guide les âmes, le coup de gong les rassemble comme des abeilles... Le long de la berge, les barques toutes prêtes attendent que la nuit soit venue. (...) La barque part et vire, laissant dans le large mouvement de son sillage une file de feux : quelqu'un sème des petites lampes..."
Kamo No Chômei écrit : "Les poissons ne s'ennuient jamais d'être dans l'eau. Il faudrait être un poisson pour comprendre ce sentiment."
"En tel jour, de septembre ou d'octobre, Walden est un parfait miroir de forêt, serti tout autour de pierres aussi précieuses à mes yeux que si elles fussent moindres ou de plus de prix. Rien d'aussi beau, d'aussi pur, et en même temps d'aussi large qu'un lac, peut-être, ne repose sur la surface de la terre. De l'eau ciel."
Thoreau
"Heureusement qu'il n'y avait pas la paire !"
C'est la remarque de Guitry sortant de la représentation du... Soulier de satin .
Thoreau résumait son œuvre comme étant «un journal météorologique de l’esprit ».
Claude Nosal écrit dans un essai "Les palais du chêne et du saule"
"Lorsque Henry D. Thoreau écrivait sur l’étang de Walden, c’était souvent depuis la perspective de son bateau. Un petit canoë. Au milieu de l’eau immobile, il penchait son regard vers le bas pour observer les perches jouer au fond de l’eau, tout en jouant de la flûte. Charmé par les poissons et sa propre musique. (...) Il est des lieux où l’on arrive comme dans un songe retrouvé. Non pas un rêve illuminé ou un eldorado ensoleillé, mais un décor, un vrai ; un cadre que l’on avait secrètement attendu, et qui devrait se révéler conforme à l’estampe mentale que l’esprit avait tissée en secret, avec le désir d’une profonde immersion."
Voilà le plus beau portrait que j'ai lu de Thoreau.
https://www.univ-lorraine.fr/recherche-et-innovation/edul-editions-de-luniversite-de-lorraine/temoignage-memoire-histoire/les-dits-du-chene-et-du-saule-le-palais-de-memoire-dun-professeur-de-contes-cinematographiques/
Une très belle page trouvée sur internet.
Mais revenons à ce merveilleux recueil de Kamo No Chômei .
Ces deux pages me ravissent (32 et ...).
"Si, un soir, le vent chante dans les feuilles d'érable, j'évoque le souvenir de Jinyôkô et je me mets à jouer du biwa (...) Quand il me reste encore de l'entrain, j'accompagne la mélodie du vent dans les pins avec le morceau classique du "Vent d'automne" ; de même j'accompagne le murmure de l'eau avec le morceau célèbre de la "Source qui coule". (...)
Tantôt je cueille des pousses de roseaux, ou des fruits de laurier sauvage, je ramasse des ignames, ou du cresson. Tantôt je vais dans les rizières au pied de la montagne, je glande les épis abandonnés pour en tresser des offrandes sacrées aux dieux. Quand il fait très beau, je grimpe jusqu'au sommet de la montagne, et contemple de loin le ciel de ma patrie (...). Si par une soirée tranquille, à ma fenêtre, je pense à de vieux amis tout en contemplant la lune, et si j'entends les cris du singe, je mouille ma manche de mes larmes. Lorsque, sur les buissons, je vois des vers luisants, c'est comme si j'apercevais au loin les feux de pêche de Makishima, et le bruit de la pluie matinale ressemble bien à celui du vent qui secoue les feuilles des arbres."
Lire ces pages c'est entrer dans la paix de cet homme et de la nature. Cela apaise et c'est bon.
je glane
Ceci répond à votre question (page précédente), Soleil vert. Je me suis trompée de page.
"Au fait connaissez vous tous deux le mot de Guitry après une représentation de 5 heures du Soulier de satin ?"
Toujours Bachelard mais dans un autre essai, "La poétique de l'espace" - puf.(p.190)
"L'eau et les rêves, d'autres images littéraires qui nous disent que l'étang est l'œil même du paysage, que le reflet sur les eaux est la première vision que l'univers prend de soi-même, que la beauté accrue d'un paysage reflété est la racine même du narcissisme cosmique. Dans "Walden", Thoreau suivra aussi tout naturellement ce grandissement des images. Il écrit : "Un lac est le trait le plus beau et le plus expressif du paysagé. C'est l'œil de la terre, où le spectateur en y plongeant le sien sonde la profondeur de sa propre nature. "
Vous reprenez une partie de mon commentaire : "Thoreau n'était pas un ermite mais un homme qui avait besoin de tranquillité pour vivre et penser…"
Et vous ajoutez ; "Oui, il faut modérer les propos de Claudel à ce sujet."
Pourquoi ?
Claudel a isolé dans le livre de Thoreau les images poétiques qui avaient du sens pour lui. Ses longs séjours en Chine et au Japon en ont fait un fin connaisseur de l'art et de la poésie de ces deux pays.
Je repense au "Partage de Midi", à ce bateau qui fait route vers la Chine, à Yse si merveilleusement interprétée par Marina Hands. C'était un soir au théâtre. C'était beau. A "La jeune fille Violaine". "Le soulier de satin", c'était effectivement trop long (11 heures en 1979 !), à sa poésie, à la musique de sa langue, à cette étrange conversion derrière un pilier de Notre-Dame, à sa sœur Camille se mourant de folie à l'asile après avoir tant vibré près de Rodin et pétri des merveilles.
Les hommes sont complexes, tantôt grands, tantôt lâches. La vie, idem mêlant beauté et laideur, atrocités et bonté.
J'apprends à découvrir Thoreau. Poète et libertaire, individualiste ne voulant pas donner de leçons mais épris de liberté intérieure. Envoyant tout bouler pour vivre comme il le souhaitait à Walden, avec des vêtements semblables d'un jour à l'autre ou nu. Gardant quelques contact avec Concord et les habitants, proche de son ami Emerson le philosophe, s'autorisant cette fuite au milieu des bois, près du lac dans sa cabane puis retournant un temps dans l'entreprise familiale de fabrique de crayons, puis partant aux États-Unis puis revenant, s'essayant à des conférences sur la désobéissance civile face a l'état qui permet l'esclavagisme, le racisme, le profit., Tout en fustigeant ceux qui allaient écouter des conférences...
Et dans ce tourbillon, cette petite plaquette de 30 pages pour marcher aux côtés de Kamo No Chômei .
On est bien, chez vous, Soleil vert.
Bonne soirée.
PS. Le compte-rendu du repas de famille de JJJ vaut son pesant de rires.
Walden...Longuement mûri, réécrit huit fois entre 1847 et 1854, est le chef-d'oeuvre littéraire de Henry D. Thoreau. Mais le journal de 6000 pages, toujours pas traduit en français, semble pour ceux qui l'ont lu un trésor.
Pierre Assouline évoque les maisons d'écrivains, vous les cabanes. C'est très drôle.
Je pense à "Suite à l'hôtel Crystal" d'Olivier Rolin. Très drôle aussi.
C'était l'époque où il s'efforçait à écrire ce qui n'a pas d'intérêt,. Donc, des descriptions numérotées , "aussi séduisantes qu'un constat d'huissier" dira-t-il de ces exercices - des chambres d'hôtel où il avait dormi.!
Un exercice à la Perec. Sauf, qu'un jour, il imagine les intégrer dans une aventure loufoque.
Comme une "suite" de Bach. Une infinie variation-répétition. Il s'amuse et joue avec le lecteur.
Chaque chapitre commence par la description minutieuse d'une chambre d'hôtel. Mais il y a un narrateur, un pastiche d'espion-ecrivain qui ressemble à Olivier Rolin mais qui est mort.
Pour ce bourlingueur qui oublie des papiers dans une des chambres, dans celle numérotée 13 - qui porte le titre du livre- le drame côtoie la farce et dans la dernière "Hôtel du point final", il prend des pages arrachées aux "Mémoires d'outre-tombe", pour ecrire... Que vient faire Châteaubriand dans cette danse macabre ?
Un mirage pour attraper le réel.
(Spéciale dédicace au libraire anonyme !)
Pour Perec, il s'en explique ainsi dans la chambre 103 :
"J'ai le dessein, donc, d'écrire le livre que Perec a évoqué dans "Espèces d'espaces " : " C'est dans doute parce que l'espace de la chambre fonctionne chez moi comme une madeleine proustienne (...) que j'ai entrepris, depuis plusieurs années déjà, de faire l'inventaire, aussi exhaustif et précis que possible,de tous Les lieux où j'ai dormi." Or, autant que je sache, Perec n'a jamais écrit ce recueil qu'il projetait. Alors c'est moi qui le fais à sa place : mû non par la forfanterie, mais plutôt par une sorte de respect confinant (peut-être) à la piété. Les écrivains que j'aime, je ne peux supporter qu'ils ne soient pas aller au bout de leur projet. Je le fais donc, en toute modestie, à leur place. Ma façon de les lire, c'est de les achever, voilà tout ( il serait plus exact de dire : les sauver de l'inachèvement)."
Et dans la note en bas de page :
"Si l'on admet la sincérité de cette déclaration d'intention, voici ce qu'on peut raisonnablement inférer des (rares) éléments en notre connaissance : ce projet - écrire "Les lieux où j'ai dormi" - n'a jamais été repris de façon systématique, mais jamais abandonné non plus (...) La mort ne lui a en fin de compte pas permis de mener à son terme son entreprise (...)"
Un régal !
Et tout à la fin, avant l'index des noms , une note en lettres minuscules :
"Texte manuscrit sur quatre pages de garde arrachées des "Mémoires d'outre-tombe" de Châteaubriand, Gallimard, coll. "Quarto".
J’ai tique sur Thoreau ermite mais n’ai rien dit sur Claudel le 6 Août à 23h 40. Ni apres. MC
(Je répondrais bien que l’ asile de Mondevergues était à l’epoque la seule solution au cas Camille Claudel, sur laquelle il y a eu beaucoup de mauvaise littérature, dont Anne Delbee, par exemple. MC)
Évidemment !
Peut-être...
Mais souvent je regarde ses sculptures. Elle avait tant à exprimer. Puis elle s'est perdue en elle-même comme dévorée par sa création.
bonjour Christiane, voulez-vous dire "La tête d'obsidienne " ? je suppose que oui.
Ce crâne précolombien taillé dans du cristal de roche se trouve toujours au Musée de Mexico, le nouveau Musée National, un ouvrage absolument admirable conçu par deux bureaux d'architectes, l'un de Mexico City et l'autre de Lausanne (*)
Malraux avait vu ce crâne dans l'ancien Musée et il en avait été fasciné; il a dit (plutôt écrit, je crois)que ce crâne était comme un miroir, un symbole, "le signe d'un dialogue de l'homme avec l'autre monde"
(*) les architectes suisses sont de renommée mondiale, voyez la New Tate Gallery, entre autres, un peu comme votre Jean Nouvel national...
Bonne journée à vous tous sur ce paisible blog.
Merci, Claudio. Vous avez raison. Malraux associait-il sa couleur noire à la mort tel que le dit dans l'émission Jean-Marie Drouot ? Malraux dans sa réponse va dans le sens que vous donnez.
Oui, ce blog est paisible et harmonieux.
L'architecture... On en parle si rarement.
La Suisse, vous avez encore raison. Je me souviens, lors d'un séjour à La-Chaux-de-Fonds avoir passé un temps d'émerveillement au musée de l'horlogerie. Souvenir de Le Corbusier(Charles Edouard Jeanneret ) un autre architecte, Suisse.
Célèbre par Malraux dans la Cour Carrée du Louvre! MC
(Au demeurant , visionnaire décati, le Jeanneret!)
Christiane,
j'ai probablement fait une confusion ou imprécision:
lorsque vous avez dit "sa couleur noire", j'ai compris qu'on ne parlait pas de la même chose; le crâne que j'ai vu en 1987 au musée national d'anthropologie de Mexico était un cristal de roche, de couleur claire et translucide, et n'était pas nommé tête d'obsidienne (je ne me souviens plus du libellé).
J'ignorait que Malraux avait peut-être fait une confusion ou qu'il parlait d'autre objet.
L'exemplaire de "La tête d'obsidienne" que je possède encore est avec une couverture de la NRF, acheté en 1974, année de sa parution, et donc sans une image de crâne d'obsidienne noir (ou noire?)
amicalement
C'était un moment assez confus de leur échange (voir le lien). Mais grâce à votre remarque, j'ai cherché et compris que Malraux faisait un lien entre ces têtes et ces crânes que Picasso a peints et dessinés durant les années de guerre. Une série assez morbide et oppressante. Et en particulier La tête de mort (bronze et cuivre - 1943). Ils sont à la fondation Maeght.
PS : parfois j'ai du mal à comprendre la voix de Malraux, assez feutrée, au début rapide. Mais c'est tellement émouvant de l'entendre. Intelligence. rapide et liens étonnants, grâce à sa culture entre objets de pays et d'époques différentes. Les 15 émissions sont axées sur l'art et dans ce domaine, Malraux est passionnant
Oups ! Jean-Marie DROT
Ce qu'en dit Bertrand Poirot-Delpech, avec talent
https://www.lemonde.fr/archives/article/1974/03/22/la-tete-d-obsidienne-d-andre-malraux_2514204_1819218.html
Claudio,
"La Tête d'Obsidienne" fait partie de ce dialogue imaginaire entre Malraux et Picasso à la galerie Maeght où se prépare cette exposition-
Et cela devient une recherche des arts du monde entier.
C'est cela que tente Jean-Marie Drot dans cette série d'émissions : renouer avec ce dialogue. Quelles sont les traces qu'un homme laisse après la mort... et cet artiste en particulier.
Formidable, la nouvelle de Paul Edel , "Une soirée dans la presqu'île" !
Cette vieille harpie, un peu maléfique, surgissant de la nuit pour tirer le narrateur par le bras jusque dans son antre, elle éveillé un souvenir, celui d'une gravure mystérieuse de Goya, cette Mala noche où une femme hante une lande perdue.
C'est un récit qui tire vers l'étrange comme les nouvelles de Kate Wilhelm.
Encore un texte qui va résonner dans l'esprit du lecteur...
Je suis perplexe. Nous avons si peu parlé de l'essentiel : ce livre rare d'un poète discret ayant vécu il y a si longtemps au Japon. Un solitaire percevant la vie comme un nuage flottant au-dessus des souffrances, des morts. Un homme qui a choisi la vie errante et des cabanes précaires pour aller vers un apaisement. Il est mort jeune mais peut-être que dans ce temps-là c'était un âge d'usure.
Alors Claudel, Malraux, Thoreau, Rolin, Châteaubriand, Bachelard, Tesson, ...dans le bruit du temps d'après. Des hommes aussi travaillés par le verbe,la solitude de l'écriture. Comme Soleil vert en son blog qui tient , il est vrai, "du journal d’ermitage. (...) une cabane, dissimulant une fenêtre pouvant s’ouvrir" sur tant de livres. Le rédacteur solitaire nous conduit ce jour au Japon, sur les traces de Kamo No Chômei . Sa lucidité, sa mémoire, sa melancolie, son retrait du monde.
Une belle halte...
https://www.dailymotion.com/video/x2wxla
Une éventualité que Clarke n'a pas explorée au delà des neuf milliards de noms de Dieu...
La nuit sur les pentes de l'Himalaya sans étoiles, c'est triste...
Voyez aussi Claude Santelli , « Andre Malraux , la Légende du Siècle » .MC
La nuit sur les pentes de l'Himalaya sans étoiles, c'est triste...
Pire car le Soleil est une étoile et donc tout disparait
Une très belle nouvelle. courte mais prodigieuse. J'ai beaucoup aimé
Terminer le récit en esquissant la fin du monde par une seule phrase, c'est un trait d'excellence :
"Là-haut, sans aucun bruit, s'éteignaient les étoiles."
Arthur C Clarke est vraiment un grand auteur de science-fiction.
Un grand auteur, je ne sais pas. Ce qui
Est postérieur à 2001 s’écroule souvent sous son propre poids.Reste cette nouvelle que je ne crois pas connaître,Mais pour la même époque, il me semble qu’Herbert ou Ballard vont plus loin, même si le second n’a pas charge d’univers, Bien à vous. MC
J'ai eu un grand plaisir à la découvrir dans un recueil de nouvelles "Supériorité et autres nouvelles" (Brage) traduit de l'anglais par Iawa Tate (traductions revues et corrigées par Tom Clegg).
La première nouvelle "Superiority" a été publiée dans un magazine SF en 1951( inspirée par le programme allemand de missiles balistiques V.
La deuxième "Les Neuf Milliards de noms de Dieu", publiée en 1953 dans une anthologie SF dirigée par F.Pohl, a suscité une réponse charmante du Dalaï-lama ( que j'aimerais bien connaître...) et inspiré un film à Frank Capra , "Horizons perdus / Lost Horizon".
Voilà le thème :
Un monastère tibétain demande le prêt d'un ordinateur Mark V, capable de résoudre toute opération mathématique, d'une imprimante et la présence de deux techniciens, pour faire aboutir un projet de Dieu, ( dont l'origine n'est pas donnée ), sur lequel les moines travaillent depuis trois siècles, projet ayant un rapport avec tous les noms possibles de Dieu selon des critères très précis ( nombre de lettres....).
Demande qui aboutit. Et le travail commence.
Les moines récupèrent avidement les feuilles de l'imprimante.
Tout semble allait pour le mieux.
Mais, les techniciens découvrent le but effrayant de l'opération : quand la liste sera complète (neuf milliards de réponses possibles), l'objectif de Dieu étant atteint, Dieu n'ayant plus besoin des hommes, provoquerait la fin du monde.
Et bien sûr les deux techniciens préféreraient se trouver ailleurs si cela devait se produire...
La dernière " l'Éternel Retour".
Voilà, MC. J'ai trouvé cette nouvelle originale et j'ai admiré le final.
Bonne soirée.
Mais on peut aussi considérer que les étoiles s'éteignent parce que c'est l'aube.
Dans le pari de Pascal, il y a la supposition d'Alain Souchon.
Alors le nom de Dieu est affaire d'homme...
Et si le ciel était vide....
Bientôt le douzième volume du "Dernier royaume" : "Les heures heureuses". Où Quignard va-t-il nous conduire ?
Un antidote à la nouvelle pessimiste de Clarke ? Loin des dieux, liberté de l'homme de modeler sa vie...
" Mais quelle folie que de prétendre mettre au jour ce que cache l’ombre de la nuit. N’y a-t-il pas de la démence à jeter dans la lumière ce que l’immense masse bleue de la nuit préservait ?"
P. Quignard - "L'amour La mer" (2022)
Le "Dernier Royaume" désigne la vie qui nous est allouée, notre existence hic et nunc. "
"Les choses vivantes sont toujours des souvenirs. Nous sommes tous des souvenirs vivants de choses qui étaient belles. La vie est le souvenir le plus touchant du temps qui a produit ce monde."
"Les solidarités mystérieuses" - P. Quignard
« L’ Amour la Mer « m’ avait profondément énervé. Le roman de trop. Vous avez raison de vous demander où il va vous conduire cette fois-ci ! MC
"La victoire dans une partie d'échecs appartient la plupart du temps à celui qui voit un peu plus loin que l'adversaire." - Emanuel Lasker (1868 - 1941)
Le lien possible entre Kamo No Chômei et Pascal Quignard est peut-être dans la recherche du silence et de la mise à l'écart volontaire du monde. Le silence de la lecture. Le silence de l'écriture.
Et pourtant pour P.Q. qui a traduit la Bible à sa façon, au commencement était le logos....
L'originel est perdu...
Il écrit : "Ce silence, c'est sans doute ce qui m'a décidé à écrire, à faire cette transaction : être dans le langage en me taisant. Ce que le langage oral ne peut dire, voilà le sujet de la littérature ».
Pierre Assouline a dit cela un jour dans une rencontre à la librairie Compagnie pour la parution de son livre "Rosebud" : "Ça je peux l'écrire, je ne peux pas le dire." Comme s'il y avait une menace dans le langage oral...
On peut écrire ce qui est à la fois présent et absent alors qu'il est quasiment impossible de le dire. L'écriture pour traquer l'innommable de la mort...
A l'intérieur de nous, y a-t-il une doublure du monde ?
C'est lointain le bruit d'une voix et fragile.
Quand j'écris "obsédé par l'Origine", je note sa manière obsessionnelle de chercher l'origine en amont de la naissance, dans ce temps où l’humanité n’a pas encore acquis le langage.. Souvent il évoque alors un temps de ténèbres. Ce que l'on retrouve dans maint récits de science-fiction après la disparition imaginée de l'humanité.
Ce qui m'évoque aussi les premières images du film de Kubrick "2001 l'odyssée de l'espace".
Et que penser du langage quand Beckett prend la plume ?
"pas besoin d’une bouche, les mots sont partout, dans moi, hors de moi, [...] pas besoin de les entendre, pas besoin d’une tête, impossible de les arrêter, impossible de s’arrêter, je suis en mots, je suis fait de mots, des mots des autres"(Beckett, l’Innommable).
"Dans un instant, tout se dissipera, nous serons à nouveau seuls, au milieu des solitudes"
(Ça ce n'est pas Clarke mais Beckett, dans "En attendant Godot".)
Soleil vert, fils aussi de la SF ; en modifiant la fin du texte de Paul Edel, vous le teintez de manière surréelle, et l'orientez vers une vision du monde grotesque et sarcastique .
Vous transformez le Goya en Ensor ! C'est très réussi !
Ou cela?
Puisqu’on était dans le « maisonnable « signalons si on la trouve encore, la collection Immémoriales Demeures, parue chez Christian Pirot tirée à 2000 exemplaires. Je suis en train de lire le Xavier Grall par Yannick Pelletier, publié en 2001. Peut-être que ca ne se trouve plus que chez les Bouquinistes…
lecture
Chez Paul Edel, dans les commentaires du dernier billet
Ah les bouquinistes... Comme un palimpseste le billet de Pierre Assouline. Je me souviens des quais et de leurs boîtes au temps où seuls les livres attiraient le promeneur et quelques affiches ou imprimés rares. Maintenant. c'est comme la rue de Rivoli, du clinquant pour touristes bien loin de l'esprit de la lecture.
Il reste la beauté calme des quais de l'île Saint Louis ou plus haut vers l'arsenal.
Les maisons....
Parlez nous de ce livre de Y.Pelletier.
C’est un curieux livre lyrique, à la fois une biographie partielle , ( seulement l’essentiel), et un essai sur les thèmes de Grall et leur évolution dans son lien aux lieux . Le Breton qui souffre du collège catholique, file à Paris, fait la Guerre D’ Algérie y decouvrant la torture, épisode clé qui ruine sa confiance en la France, puis de nouveau Paris, Sarcelles, et revient en Bretagne après une rencontre avec Glenmor qui le somme d’y habiter. Un antimoderne pour qui la Bretagne, et même Lammenais à qui il dédiera une mauvaise Stèle, est par essence du Moyen-Age, opposée à la technicité triomphante de l’ État Jacobin. La moyenâgerie Grallienne est suffisamment large pour coïncider avec l’utopie celtique des annees1960-70, et en concilier les contraires. Son expression française est un atout. Sa situation à la Vie Catholique et au
Monde, lui permet de toucher un vaste public. Pourtant c’est toujours un homme écorché qui arpente Botzulan, Nizon, Trevignon, Pont Aven , lequel n’est pas encore devenu un supermarché de la peinture. C’est dans la Galerie de Patrick Le Floch que je le verrai à la fenêtre. Même sachant qui il est , je garderai l’impression, l’homme étant mince , Grand, maigre , avec un regard tranchant, d’une sorte d’ Ankou s’invitant sans façon ni excès à l’Exposition. Mais ça, le livre ne le dit pas.,. Bien à vous. MC
L’ Âme de Grall est celle d’un mystique sans Eglise, fors la Bretagne recréée. Plus ou moins exacte , d’ ailleurs! Cette bio qui n’en est pas une est de ma part une tentative d’intégration post mortem d’ un poète trop « vieux « pour me toucher alors. Et qui le reste au moins partiellement . (Seigneur, cette Stèle pour Lammenais!) . Bien à vous. MC
N'a-t-il pas écrit un livre sur Bernanos ?
Oui, mais très peu Academique. Ces
Deux là avaient la revolte en commun! MC
Vous avez raison, il m’ énerve parfois. Et c’est peu dire! Mais il a su rendre hommage à des gens que j’aimais . MC
« Ces deux là avaient la révolte en commun » . Je pensais aux articles de Presse du Brésil contre Petain, et de Grall contre ce qu’il appelle l’ « État colonial ». Pas aux romans.
MC, bien sûr!
Oh je n’exagérais pas! Il faut imaginer une rue vide, et par la fenêtre, sans que rien le laisse prévoir, la silhouette élancée et le regard de cet homme, avec son sourire sarcastique. Je vous assure que les tableaux devenaient peu de choses devant cet écorché vif !!Bien à vous
. MC
« Votre Bretagne vous tient à cœur ». Moins qu’à lui, mais la sienne est une aimable fiction!
Michel le.Bris fut maoïste. Il paraît qu’on en sort! MC.
Merci, j’écouterai . Mais pas sur ce portable qui ne capte rien! Bien à vous . MC
Pour votre village finistérien: Tous les soirs Alain et Guillaume voyaient s’allumer le phare d’ Eckmuhl. La lanterne de mer balayait leurs labours sans déranger leur âme. Ils se savaient au bout du monde et n’avaient de curiosité que pour les hommes…. C’etait la profondeur des campagnes, vers l’Est, qui sollicitait les deux compères. Par là se trouvaient les villes avec leurs étonnants bourgeois qui passaient leur temps à inventer des mécaniques, comme ce monsieur Bernard qui avait fabriqué un moteur à battre le blé au lieu du manège à quatre chevaux ou ce monsieur de Dion dont la voiture roulait avec le seul bruit de ses entrailles, sans homme ni bête pour la tirer. Une automobile, disait-on… Et maintenant on voyait des chars volants passer dans le ciel plus de trois fois par an. Il était grand temps d’aller voir comment se trouvaient les choses à Quimper, la Grand’ Ville, et peut être même à Paris, la Capitale de la France, un peu plus loin ». PJ Helias, Vivre en Cornouaille, Récits et Légendes, 1972, 5000 exemplaires, Ed de la Cité, Brest. A noter un conte au titre prémonitoire: le Cheval d’ Orgueil! MC
Cette chronique heliassienne -je parle du conte les Aventuriers- est tout ce que Grall n’est pas. Pondéré, prudent mais lucide sur certaines transformations, ( un texte intitulé mort d’ un Talus), en aucun cas indépendantiste, ce qui lui a permis de durer longtemps à la Radio. Un certain ton façon Souvenirs de Renan, aussi. Et, jusqu’au Cheval, des textes discrètement édités. A ce propos j’ai parlé d’un conte, il y en a en fait deux, dont le second montre un homme dépourvu du Cheval d’ Orgueil. Ils se suivent. Et quand Helias dit à Grall , c’est. Je crois
Dans Apostrophes, qu’il a fait passer le barde Glenmor à la télévision en un temps où c’était difficile, il touche juste ! Sans Glenmor, il n’y a pas de Grall breton. Yannick Pelletier fait une lecture intéressante du Cheval Couche en montrant qu’il véhicule aussi des thèmes qui ressortent de l’obsession Grallienne et n’ont rien à voir avec la querelle. Le seul peintre qui ait apprivoisé la silhouette farouche de Grall, c’est Marcel Gonzales, le dernier que Pont Aven ait reconnu.,.
Bien sur! J’avais compris. Mais vous me parliez aussi d’ Helias en disant qu’il ne l’appréciait guère, et j’essayais donc de vous faire comprendre pourquoi, avec des textes datant d’ avant le Cheval d’ Orgueil! MC
L’Agrippa ( d’ Agrippa de Netesheim? ) est le livre sacré, pour ne pas dire magique, que tout prêtre reçoit après son ordination, il apparaît à son réveil, doit être suspendu aux poutres car il peut s’envoler, est vivant, est capital pour les exorcismes … C’est Anatole Le Braz qui dans la Légende de la Mort, rapporte un chapitre entier de ces traditions aggripiennes. Or pour Helias, ( 3eme tome de ses mémoires, après le Cheval et les Autres et les Miens) le plus grand livre breton reste la Légende de la Mort. Je ne puis m’empêcher ici d’y voir ici plus qu ´un clin d’œil envers son devancier, salué par ailleurs chaleureusement. D’autant que Le Braz écrivit aussi des romans, mais pas sur l’ Agrippa! MC
J'ai ouvert "La mélancolie du futur" (colonne de droite sur ce blog) et je lis ces lignes :
"D'où provient alors la mélancolie ?
Pour Pierre Fedida, elle serait la cicatrice d'une séparation initiale."
Oui, dans ses yeux, une enfance inachevée...
Mais Dieu est antérieur à tous les noms..
Helias a noté la provenance dévote de ses légendes dans la préface au choix qu’il a réalisé au début des années 1960, et qui est très honorable. Cela dit, il existe aussi des contes licencieux chez HÉlias et même Le Braz . Voyez, dans la Légende, le Vieux, sorte d’esprit , de Dieu(?) farceur, qui ne se résout pas à partir, et joue mille farces à la fille de la maison! Bien à vous. MC
« Et l’Eglise la derriere pour en rajouter »Il a bien fallu qu’elle compose avec les croyances existantes, et ça se remarque parfois. L’enfer celtique est d’eau, et les épreuves dans les étangs ne manquent pas.Qu’on place après cette épreuve le paradis ne me gene pas trop, car c’est plus une croyance collective qu’une manipulation ecclésiale. Au demeurant, la conteuse insiste peu sur cet aspect. Voyez « Histoire du Boiteux et de son beau-frère l’Ange », ou l’étang joue son rôle de mise à l’épreuve, renvoyant à une mythologie très lointaine mais encore présente. Je n’oublie pas que le Père Maunoir croit aveuglément sa dirigée lorsqu’elle lui dit qu’elle a passé deux heures dans l’étang , sous l’ eau à « endurer pour (la naissance de ) l’héritier de Mr de Kergournadech! » Nous sommes en 1644, et Maunoir , tout Jésuite qu’il est, le rapporte dans son hagiographie!
Mais de quel livre parlez-vous ?
Il me semble que le titre est le bon , je vais vérifier.
Pour Le Braz, qui en effet s’écrivait à l’origine Le Bras, comme me l’a dit un de ses descendants mormons , cf Légende de la Mort, Bouquins, Chapitre XVII, conte XCIV, intitulé précisément « Le Vieux de Tourc’h »! Pas « le Vieux ». Il y a là beaucoup de choses. Helias a recueilli ce conte dans son anthologie de 1958, Alpina Éditions.
Quels livres ? Pour ce qui précède, j’évoquais la Légende de la Mort et une hagiographie non publiée du Père Maunoir. Dans le premier cas, l’Autre Vie est une répétition amoindrie de celle-ci, et liquide.une sorte de prolongement sans envergure de l’activite menée , mais sous l’eau. Dans la phase de christianisation évoquée par Maunoir, on retrouve l’eau comme porteuse de spectres; Le « méchant « Évêque Lezonnet apparait post mortem non au château de Lesnarvor, mais près de sa fontaine. Se rappeler ce qu’écrivait Christian Guyonvarc’h; « la créature de l’autre monde ( celte) vient de l’eau » se souvenir dans Le Braz des passages consacrés à la vie répétitive dans Ys engloutie.
Toujours dans Maunoir, ( manuscrit copie fix-huitieme!) La mystique déclare « endurer deux heures dans l’eau « pour « l’heureux accouchement de Madame de Kergournardech. » La, le lieu des morts se transforme en lieu d’épreuves, ce qu’il est aussi. Dans les deux cas, on part d’un substrat celte: l’eau qui marque l’ autre monde et devient progressivement )sous influence chrétienne? Ou non? ) un lieu d’épreuves…Maunoir n’a pas , non plus que nul autre, les clés qui lui permettent de faire la séparation entre le conte et la réalité.,Et la mystique? Non plus.
De quelle edition s’agit-il ? Il y en a une format mini poche, couverture neo celtique, et très incomplète!
Là Bouquin comporte l’intégrale de ce qui existe à la mort de Le Braz. L’anthologie d’ Helias n’est pas sans mérite, et les deux contiennent « Le Vieux de Tourc’h », lequel serait enchanté d’une semblable blague! Bien à vous. MC
XXe s.
Je ne suis pas competent pour les e-books, mais Le recueil a été complété. Il doit s’ agir d’une des ou de la première. J’utilise avec Bouquins l’édition avec préface de Georges Marillier, contemporain de Le Braz, mais qui lui a survécu! Bien à vous. MC
Je n’ai jamais accroché au Boecklin. Mais jetez un coup d’œil dans le Vieux de Tourch quand vous pourrez. Gardez aussi à l’esprit la formule qu’un folkloriste (Helias?) s’est vue proposer; « Voulez-vous des Contes de Nuit, ou des Contes de jour? » Je crois savoir que l’image de la Bretagne perd la gravité que vous lui supposez dans les seconds. Le rapprochement avec la Corse est intéressant , même s’il s’agit d’une île…Bien à vous. MC
Les « contes de nuit « sont bien plus angoissants que les « contes de jour, » ils sont aussi probablement surreprésentés chez Le Braz et Luzel…
Dans le dernier billet de Pierre Assouline , je lis cette citation de Malraux, « cette région obscure de l’âme où le mal absolu s’oppose à la fraternité ."
C'est un peu ce que je crains dans ces contes de nuit. Tous les fantasmes de Goya....
Les contes de jour ne sont pas exempts de cruauté mais quand ils nous entraînent dans l'horreur, il fait nuit, sans étoiles....
Voyez plutôt le feu dans la cheminée, le conteur, les bruits du dehors, et la famille ou le collecteur autour. A l’opposé, le jour ne demande pas de contes que vous nommez » inquiétants »,ce qui est très relatif. Jean l’Or par exemple est un Conte traditionnel ou le héros épouse la fille du Roi de France. Chez Luzel, un petit malin gagne la Guerre de 1870 ( Contes du Garcon Boulanger, que Luzel trouve décadents!). Ils peuvent être licencieux, roses, tout ce que vous voulez! Ni Malraux ni Goya n’ont participé à une veillée, que je sache! A l’opposé, Marc’harit Phulup commençant son Conte par « Écoutez le Vent! « cela devait avoir une certaine grandeur, même si Le Braz n’a pas note les Incipit! Et la même disant à Le Braz »Après tout, c’est nous qui avons fait Luzel » ne manquait sans doute pas d’humour..,
« Ils peuvent être » les contes de jour, mais , pour les contes roses, aussi les contes de nuit! Né jamais oublier que l’on a en définitive le choix du collecteur!
Je viens de recevoir "Les heures heureuses" de Pascal Quignard que j'avais précommandé. Joie !
Et voilà, Quignard me vient à la rescousse !
Page 12.
"Saint Jean de la Croix ne dit pas "meum" en mourant. Car il n'y a pas de moi dans la mort . Il n'y a pas d'identité dans la mort. Ni il y a de langage, ni même de monde qui survivent à la respiration qui s'y est epanchée d'un coup. Même à l'intérieur de la langue vivante qu'on apprend si lentement sur les lèvres des mères et des aïeules dans l'enfance, tout ce que ne peuvent atteindre les mots est perdu puisque seul ce qui est souvenu peut être hélé. Et seul ce qui n'est pas sous les yeux a besoin du nom qui l'évoque. Le passé n'est que cet appel, ce n'est pas un état. Même l'Histoire n'est que cet appel, famine d'un fauve, tuerie qui ensanglante, espoir d'un répit ou d'une renaissance, désir d'un vengeur."
Et moi je lis le cours de Renan sur la Genèse, qui dit à peu près la même chose que le Quignard…
Ceci entre autres: L’homme a toujours lutté contre l’idée de la disparition; mais il veut que le monde soit juste… de la, au temps des Macchabees, l’idée d’un règne de 400, puis de 1000 ans, des Justes avec le Messie, dans un monde renouvelé. Mais dans nos vieux et naïfs récits, il ne faut chercher aucun dogme philosophique ». « Vieux et rassasié dé jours. » il en avait assez. Il avait tout expérimenté et sa famille était prospère. Il en est de même pour Job et Tobie… Quand un homme est arrivé à ce degré de prospérité, qu’il est parvenu à un âge très avancé, alors il est rassasié, il trouve juste de s’en aller. On ne proteste pas contre la mort, qui arrive tard; mais quand on meurt jeune on n’a pas son compte. Il en est encore ainsi pour Judith, elle meurt à 120 ans, contente et satisfaite. L’eschatologie du vrai Israélite est extrêmement simple…. »
(Il s’agit de la mort d’ Isaac )
Je crois que Renan s’y projette un peu, après ses études d’ Abraham, d’ Isaac, de Jacob. Mais cette idée de Shéol est profondément vraie dans l’ Ancien Testament. Que l’immortalité de l’âme procède des mythes platoniciens n’est pas niable non plus. Après, dirait Renan, la science consiste parfois à ne pas se prononcer…
cécité
« S’y projette un peu »; dans le fait de mourir rassasié, bien sûr, encore que ,curieusement, son idéal était de ne pas mourir…
Pour son voyage en Italie comme il n'avait pas encore de carnets, il ecrivait ses notes sur des supports de fortune : feuilles volantes , brouillons de lettres, morceaux de papier déchiré. Qu'en a-t-il fait ?
Ce cours (1887-88) est incomplet du début ( création, déluge) et de la fin.(Jacob seul partiellement traité) IRenan suppose que le Yavhiste et l’Elohimiste ( termes d’époque) ont eu accès à une troisième source qu’il identifie commeun fonds de légendes patriarcales dénuées de la moindre pensée religieuse .
C’est là où ça ne colle plus. Car on ne voit pas pourquoi elles en seraient privées. On peut penser qu’ Homere pris comme seule référence poétique et esthétique joue ici un tour à Renan . Sa thèse selon laquelle « l’épopée grecque est faite, » tandis qu’on » peut assister « dans Genèse « à la naissance de l’hébraïque » ne passe pas ou mal. De plus , aucune réflexion sur le lectorat ( Qui détenait les manuscrits? Qui lisait ? Quels étaient les modèles littéraires connus? S’agissait-il seulement d’un peuple de simples paysans ou est-ce plus complexe?) Reponse très vague avec une « réécriture sous le Roi Ezechias »Jouent ici aussi ses voyages en Orient et la certitude que l’Orient qu’il a vu est l’ orient biblique. Hors cela, on peut trouver plaisir à ce livre, mais l’identification de la troisième source a une tradition purement pastorale et la description du peuple juif posent problème. S’y ajoute une contestation pas très heureuse de la civilisation hittite, alors devinée, ici rejetée . Reste la caractérisation des deux écrivains du livre, « l’un qui ne laisse rien perdre », let qui Yavhise à fond » tandis que l’autre élohimise, ce qui est ma foi exact. Mais est-il le premier à le dire? Non. Mieux vaut rester à quelques formules heureuses : « le Temple, pas plus grand que la Cour du Collège de France », par exemple! Bien à vous. MC
En effet, Renan reste marqué de son éducation chrétienne. En ce sens, il est « lumineux dans son atheisme » meme si certaines thèses ont vieilli. L’ Apocalypse, notamment.. Je ne sais si « « ma Bretagne m’enchante », j’essaie simplement de ne pas perdre de temps. Pour Merlin, il doit il y avoir un très remarquable faux de La Villemarque. Pour le reste, se référer au Moyen Âge! Mélusine n’est pas sur mes terres, plutôt le Poitou des Lusignan, mais je la salue bien volontiers de votre part! Bien à vous. MC.
PS le Musée du livre et du Manuscrit, c’est Aristophil ( ou!) . Je le suppose démantelé.
Des carnets écrits au crayon, c’est fragile! Pour l’Italie, je ne sais pas, mais il y compose « Patrice » ou il met en scène sa propre crucifixion entre la religion et lui-même. La parution, posthume, désamorcera l’effet de souffle de ce roman d’ailleurs inachevé. MC
Pas la petite cosmogonie portative de Queneau. Déjà
lue ! Je l'aime beaucoup. Quel délire poétique !
http://expositions.bnf.fr/ciel/grand/3-028.htm
Que le monde comporte des cosmogonies des ses origines, il n’y a pas à en douter. Le Gilgamesh, plus ancien que la Bible, et que Renan je crois n’avait pas , en contient des éléments.Déluge, Enfers, etc. La position de Dieu, d’abord tribal, puis principal se joue dans les deux rédactions de Genèse. Le Yhave de Jacob est un Dieu tribal. L’histoire de Jacob rend compte sous un substrat mythique de sa progression. Il coexiste à un moment avec des dieux antérieurs, les Elohim, dont le récit final fera des Anges ( Angelon égale messager) Cette coexistence explique jusqu à un certain point la dualité du ms, dit Yahviste ou Elohimiste selon le scribe qui écrit ou conserve. ´La filiation apparaît avec le Christ, lequel, peut-être, n’est pas sans lien avec l’ Essenianislme, Judaisme très rigoureux, vécu à part. Le statut de cette paternité selon les Évangiles -que Renan qualifiait de Romans- est étrange. Il paraît comme une réplique à la tentation messianique de certains disciples Par exemple le fameux « Quand vas-tu rétablir la royauté en Israël? » Question directe qui n’est pas là seule. Et le pericope précise que les disciples ne comprennent pas. Le couplage avec Pilate « es-tu le fils de Dieu? - Tu l’as dit, je le suis « et la crucifixion introduit une autre dimension très explicite. La scène des outrages sur La Croix déroule une cosmologie inversée . On appelle un Père qui ne vient pas. Après, mise au tombeau et Résurrection d’un Corps Glorieux. A tout prendre, il y a autant de raisons de croire que de ne pas croire à cette filiation en se fondant sur ces lignes.Et à supposer qu’elles soient plus tardives (Ier , IIeme siècle pour Jean) on ne peut pas postuler la thèse d’une manipulation qui marcherait à tous les coups, vu ce qu’est l’Eglise de l’ Époque. Le primat de Rome ne remontant qu’au III eme siecle, selon Irenee. Ce qui est certain c’est qu’il nait à une époque difficile à fixer ( Ier, IIEme III eme siècle non un mais des christianismes. Un christianisme juif ( Jacques, Pierre) Le christianisme de Paul, celui enfin des Gnostiques, né de la collision du message avec l’ École d’ Alexandrie! Tout cela est passionnant, mais pas facile..,Et je ne dirai pas , contrairement à certaines caricatures qui circulent chez Pierre Assouline, que la foi est une chose bête et facile. Je ne suis même pas sûr de l’ avoir selon l’expression consacrée , « chaque jour que Dieu fait ». Maxime Charles, Recteur de Montmartre , avait coutume de se lever chaque jour en récapitulant les raisons de sa foi. Comme elles ne sont pas du même ordre, je ne crois pas pouvoir l’imiter, mais je le comprends ! Bien à vous. MC
A noter que Mélusine est une fée dynastique liee à la grandeur et à la chute de la Maison de Lusignan. Cas unique ou marine un souvenir d’ Amour et Psyché.( Ici c’est elle qui ne doit pas être vue) et des ingrédients folkloriques. Sans doute cuisines après la chute de ladite Maison. Je ne vois pas cela en Bretagne .
Je regarderai dans le roman de Mélusine à l’occasion. ( pas ici!)
Il y a ici trace d’ anciennes cosmogonies . La Dame du Lac est la seule qui n’ait pas de nom propre dans L’Univers Arthurien, et c’est elle qui l’emporte vers Avallon. Ginzburg en tirerait quelque chose…
Et la dégradation de la fée bienfaisante semble -il faudrait voir les textes- obéir à la même logique de sortie d’un univers antérieur. ( Un peu SF, cette image!)
Sauf qu’il s’agit ici de religiosité bonne et mauvaise. L’ homme du Moyen Age croyait au Diable et à ses différents avatars, et cela dure jusqu’à Louis XIV. Encore ne s’aperçoit-il pas qu’il en sort avec St Cyr…
Mais Hugo et Goethe ont lu la Bible : « « Joseph , Ruth et Booz, le Bon Samaritain » même si ce n’était pas tout à fait la même,Le Livre de la Sagesse en moins outre-Rhin , et quelques titres différents en plus…Je ne suis pas sûr que ce soit le cas du tout-venant de la SF, façon « XYZ pointa son desintegrateur moléculaire sur ZAB »,etc.Et par ailleurs, pour Hugo ,dont je parlerai ici,Satan est peut-être VH sublime , ( l’ appel à la Fille cherie) mais il est aussi Satan. Celui qui s’insurge contre Dieu et qui recueille par son autre fille, Isis-Lilith, les trois germes du crime. Et on peut penser que le Déluge, le Golgotha, et l’inachevée Bastille en portent la responsabilité.
Voici ce que dit le Déluge au Chaos. « Le condamné D’en Bas a soufflé dans la nuit ».
Et Barrabas, possédé par quelque chose de très similaire à l’Esprit. (Hugo dit « Quelque chose qu’on vit plus tard sur d’ autres fronts »); « Cette Chaine d’horreurs qui dans ce monde infâme, /Commencée à César, finit à Barrabas,/Dépasse l’Homme et va dans l’ Ombre encore plus bas/ Et, comme le serpent s’enfle sous la broussaille/ Je sens un être affreux qui sous terre tressaille. ». Je ne sais faute de texte ce qu’aurait dit la Bastille. Quelque chose d’analogue, probablement. Bref la mobilisation du Satan est tout sauf rhétorique. Elle sert certes d’exutoire au poète, mais elle sert aussi d’invocation au vieil archétype biblique, qui n’en est pas moins là, Ce n’est pas de la SF, même si Hugo, selon le Journal d’ Adele II juge l’Enfer et le Paradis des « mondes bêtes « sans s’expliquer d’ailleurs là dessus, ( la Révélation des Tables serait-elle plus intelligente ?! )Le Barde de Guernesey est ici possède par sa création et ses origines. MC
La plume blanche est un mythe hugolien . C’est donc le seul lieu du poeme où s’annule le côté diabolique au profit d’ur transfiguration divine et filiale, déjà ébauchée, il faut le dire , à la fin de À Celle qui est restée en France; « Et quand, ce qu’ un Dieu fit, un Père le ferait ». Le rapport de rivalité, règle dans Nemrod, fait place à un relatif apaisement, même si Hugo ne peut concevoir une divinité qui égale son pouvoir créateur de l’Exil. D’où cette annexion des deux grands principes, perceptibles dans la scène de la plume blanche et du pardon de Satan. Seulement la grille biblique est indispensable pour VH, Quitte à la tordre. MC
"La Fin de Satan"... Pendant sa chute dans l’abîme, les astres s’éteignent un à un
Comme a la fin des "neuf milliards de noms de Dieu" d'A C. Clarke.
"Quelqu’un, d’en haut, lui cria : – Tombe ! Les soleils s’éteindront autour de toi – Maudit ! "
Mais une plume des ailes de l’archange banni reste suspendue au bord du gouffre...
" La plume tressaillit, brilla, vibra, grandit,
Prit une forme et fut vivante, et l’on eût dit
Un éblouissement qui devient une femme.
Elle se souleva debout, et, se dressant,
Eclaira l’infini d’un sourire innocent."
Le rire reaction a l’humiliation se double quand même au début d’un contre cosmos: » Il aura le ciel bleu, mou j’aurai le ciel Noir!/ Croit-il pas que j’irai sangloter à sa porte? / Je hais l’ azur, Etc » Ponctué par la métaphore de la prison noire et du naufrage . « Soudain il tressaillit, il n’en restait plus qu’un . Et l’ Archange comprit, pareil au mat qui sombre/ Qu’il était le noyé du Deluge de l’ombre…Charbon d’un monde éteint, flambeau souffle par Dieu » etc. Tout cela va plus loin que l’impuissance. Il s’agit bien d’une révolte manichéenne. MC
Mais…ce Dieu jaloux sort de l’ Ancien Testament ou Hugo et Milton l’ont trouvé! (A propos de Milton,personne n’a vu que le texte d’ Auden, à côté, de refere par le titre au Samson agonistes. Passons.) Milton est aussi un Théologien dont le Paradis Perdu prépare la chute hugolienne. ( Nodier le lui aurait lu pendant le Sacre de Charles X à Reims. Et de Milton aussi, la réponse à l’ Eikon Basilike de Gauden, composé et diffusé apres la mort de Charles Ier. Hugo tentera dans « Cromwell »de s’ annexer Milton. La scène est encore très litteraire.
Il est normal que plus tard, pres de l’ Angleterre, dans un christianisme en crise, il tente un parallèle avec le Diable Miltonien, tous les deux étant issus, je le répète, de la Bible…. MC
On ne vous demande pas de croire mais de replacer chaque chose par rapport à la genealogie qui la fait être. Sinon en effet, on peut voir de la SF dans La Fin deSatan, ce qui n’est encore une fois pas le cas. Un poème n’est pas un roman de SF.
Enregistrer un commentaire