mercredi 27 juillet 2022

Brassens ou le désaccord parfait

 

Raymond Prunier - Brassens ou le désaccord parfait - Mille Sources

 

 

 

Agrégé d’allemand, écrivain, poète (remarquable) et traducteur, Raymond Prunier nourrit une passion de très longue date pour Georges Brassens. Sa voix l’accompagne depuis l’enfance. Pour qui ne s’abreuvait pas dans les années 50 au rock d’outre-Atlantique ou au jazz, le paysage musical français résonnait des roucoulades de Tino Rossi et de la voix tragique d’Edith Piaf. Trenet régnait depuis vingt ans, Bécaud perçait à peine, l’astre Brel entamait son ascension. Pour une jeunesse en quête de rebelles, l’affaire était mal engagée… C’est alors que vint le Sétois.

 

Brassens ou le désaccord parfait n’est pas une biographie mais plutôt un voyage à l’intérieur des mots d’un des monuments de la chanson française. La première partie « Variations » évoque les étapes clefs de la carrière de Brassens, et s’attache à décrypter les thèmes favoris. La seconde partie « Quelques chansons » plonge dans les textes phares. L’ordre établi (« Le gorille ») et la langue y subissent de furieuses attaques :

« Mes parents ont dû

M’trouver au pied d’u-

Ne souche,

Et non dans un chou,

Comm’ ces gens plus ou

Moins louches … »

 

Voilà un livre d’inspiration et non un essai. Comme Hugo, Raymond Prunier déverse sa poésie dans sa prose. Par instants les voix du narrateur et de « Tonton Georges » fusionnent. Le voici dans la loge, « vérifiant la tension des cordes et des vers à venir » ou ruminant contre les cognes qui l’incitèrent, pour quelques bagatelles, à quitter la cité ensoleillée des premières années. 

  

L’éveil de la vocation, les tâtonnements, la voie du succès donnent lieu à des développements très intéressants. Réussir consiste à identifier le cercle des contraintes et à le briser. Pour Brassens les difficultés s’amoncellent. En premier lieu la difficulté d’écrire après Aragon, Prévert et tant d’autres. Or quelque chose vient au secours de l’auteur des « Trompettes de le renommée » et que Raymond Prunier exprime admirablement :

 « Ce qui s'est perdu dans notre XXe siècle, et peut-être avant, c'est l'adhésion spontanée à l’Art. Imitation directe du corps, de la maison, du visage, du paysage, l’œuvre était lisible, audible, selon une tradition très ancienne. La poésie dite ou lue renvoyait un monde directement compréhensible, avec parfois ses longueurs et quelques obscurités, certes, mais toujours abordable. L’école nous a formés sur ces modes académiques, tandis que l'art contemporain s'en venait au plus proche de nos existences, c'est-à-dire paradoxalement loin de nous qui étions habitués au ton d'autrefois, devenu par la grâce hautaine de nos maîtres tellement naturel.

 La   proximité   brûlante   de   la   poésie contemporaine, le glacé de ses blancs, son mutisme sans cesse reporté, ont détourné les lecteurs avides de fluidité, nous avons été formés à l'école des syllabes comptées les doigts et les poètes contemporains nous échappent ; ils ont perdu la voie facile des vers égaux, attentifs à capter la stupeur d'être ici, dans les cités aux remuements effroyables où l'être se dissout, fuit en lui-même, et leurs productions ne procurent plus le plaisir directement   frémissant de sons harmonieusement combinés. Même s'ils s'en défendent, les poètes du XXe siècle sont liés à l'œil plus qu'à l'oreille et leurs œuvres sont des morceaux d'espace écrits plutôt qu'une suite de sonorités qui s'organisent de façon linéaire. C'est que les poètes sont en prise directe sur la dérive des boulevards sans fin ; ils murmurent et se taisent en parlant, à la recherche d'un sujet perdu dont ils tentent d'esquisser le portrait sur la page blanche. L'œuvre semble moins faite pour être entendue que pour être vue : les mots ne franchissent plus la barrière des dents pour résonner dans l'air surchargé de rumeurs chaotiques ». Cette attente, cette nostalgie, Brassens va la combler.

  

Le second obstacle c’est la voix grave, un peu sourde, sans emphase, pas le hautbois dans la gorge que décrira un journaliste pour caractériser l’organe de Jean Ferrat. Y remédieront « la perfection des mots et la qualité des mélodies qui feront passer sa voix, si bien que, de ce grave si fragile il fera une vertu, puisque chacun, chaque auditeur, pourra s'entendre à travers elle, à cause de ses à-peu-près ».

 

Le chanteur édifie son univers :

 « La rude loi des rimes et des syllabes comptées permet de brider l'imagination : c'est une pièce de langage, aussi étroite que les quelques mètres carrés de l’Impasse qui ressemblent eux-mêmes tellement à la maison de Sète. Dans ses chansons, pas de paysages, pas de « jeunes années qui courent dans la montagne », pas de « plat pays qui est le [s]ien » ; mais pas d'enfants non plus qui diraient la pureté du futur ; non, c'est un monde imaginaire, monde intérieur grouillant de mots lus, entendus, dits ou chantés. C'est donc essentiellement un univers de personnages ou d'idées, mots que l’imagination habille.

Une chanson, c'est l'intérieur de la pipe aux parois dures d'où s'élève une fumée, c'est un nom de femme ou d’homme autour duquel les mots se cristallisent, c'est une goutte de citron ironique qui fait rendre la mayonnaise des rengaines, c'est l'intérieur construit par son père, c'est un arbre auprès duquel on rassemble l'antan, c'est une fable qui dévaste les valeurs : c'est, en bref, un monde d'autant plus universel qu'il puise dans la vérité de son expérience si particulière.»

 Chansons grivoises et courtoises alternent, une leçon que retiendra le groupe Ange dans les années 70 (Ballade pour une orgie) :

 

« Ils étaient tous réunis, le curé de la famille
Avait flanqué sa bedaine au confluent des cieux
Fermez les yeux, ces jeux ne sont pas pour les bons Dieux

 

Le faisan était déchiré, plumes s'en étaient allées
Couronner les lieux secrets de la belle baronne
Fermez les yeux, ces jeux ne sont pas faits pour les bons Dieux

 

Le valet de cœur posa ses mains de velours
Sur la fine fleur d'une dame de cour … »


Voilà Brassens peut désormais dresser son propre cercle :

 « Associant les deux arts majeurs, musique et poésie, dans cet art mineur et tellement obsédant, il s’enclot, il trace des cercles autour de lui à la fois pour s’exprimer (il faut bien un jour parler de sa vraie voix) et pour se protéger.»

  

Le titre du livre mérite quelques explications. Issu d’un siècle qui a connu deux guerres mondiales et des idéologies totalitaires, le chanteur clame son rejet des meutes et des idées mortifères. Se désaccorder, se désassembler, est une nécessité vitale. Il le fait sur des sujets brulants. Contre la peine de mort il évoque les transports amoureux d’un juge et d’un gorille :

 

« Car le juge, au moment suprême,

   Criait « Maman ! », pleurait beaucoup,

   Comme l’homme auquel, le jour même,

   Il avait fait trancher le cou. »

 

A l’inverse de confrères misogynes, il célèbre les femmes. Un bataillon de femen, dirons-nous aujourd’hui, se lance à l’assaut de gendarmes dans Hécatombe. Le blason, chanson peu connue dont le souvenir émut la chanteuse Lio à l’annonce de la mort du poète, évoque l’intimité féminine salie par les hommes.

 

La perfection s’obtient au prix d’un long travail, cette fois d’assemblage, de la  mélodie et du texte, ce que Raymond Prunier nomme le chanté-parlé. Du côté du Québec il y eut un cousin d’inspiration, nommé Félix Leclerc. Les deux se retrouvaient parfois dans la maison de Lézardrieux avec Devos, Fred Mella et quelques autres. Chez l’un une métrique implacable, chez l’autre une voix rocailleuse et des notes qui semblent se prolonger indéfiniment comme l’eau des torrents.

  

Brassens ou le désaccord parfait est préfacé par Stéphane Barsacq. Ce livre flexibound avec rabats comporte de nombreuses illustrations inédites ou peu connues. Qu’attendez-vous pour l’acquérir ? 




50 commentaires:

Christiane a dit…

Comment ne pas être ému par la lecture de ce billet. Vous avez, Soleil vert, su accompagner la pulsation qui vivifie le beau livre de Raymond Prunier. Sa méditation alors que ses yeux se ferment et qu'il chantonne les beaux textes de Brassens, glissant ses doigts dans les siens sur les cordes de la guitare, son sourire timide dans le sien. Tout au long de ces pages il articule avec justesse sa pensée, son regard sur l'oeuvre de Brassens, sa musique, ses textes, sa vie, son caractère. Le lire est un constant bonheur que j'ai déjà exprimé sur son blog "je peins le passage".
Partage ? Rencontre ? On ne sait plus comment qualifier ce chemin de lecture.
J'aime vos nombreuses citations et le cadeau de la chanson de Brassens si peu connue.
Leurs pensées s'enlacent l'une, l'autre, pensives.
Brassens devient si proche, Raymond si discret et vous pianotant sur cette double partition.
C'est très beau, très reposant.
Encore un vinyle, comme hier. Là, c'est Raymond qui écrit :
"Je me souviens. En sortant la galette de l'enveloppe où figure le visage du chanteur, je savoure par avance la douche chaude des mots. Mon pouce prend appui sur les bords du microsillon, trois doigts s'avancent vers le centre du disque, et je dépose sur la platine l'encyclopédie de mes rêves. Derrière ces gestes, je devine que la guitare n'est pas loin. Je tire en arrières le bras du Teppaz comme on cale la pédale d'une bicyclette et la machine tourne, véritable microcosme dont je suis un moment le petit dieu."
Il a quinze ans, a volé le Teppaz et le disque du "Gorille" et l'écoute en cachette, suavement, pendant que le tourbillon de la télévision accapare l'attention de ses parents et il savoure ces mots crus, ces syllabes à peine chantées. La vie telle qui l'a conçoit, enfin...
Sa voix, écrit-il, est"un mâchefer irrégulier qui accroche tendrement les syllabes suspendues et son oreille se surprend à mêler les craquements du vinyle à ceux du tabac que la gorge retient dans les flots de paroles "
Ils sont heureux : l'un chante, l'autre écoute et plus tard écrira cette paix profonde.

Christiane a dit…

J'ai encore oublié de cliquer sur "m'informer" !

Anonyme a dit…

Difficulté d’écrire après, on veut bien, mais ne faut-il pas penser à ce qui se faisait avant? Et là, il y a là figure de Béranger. Non que Brassens l’ait imité, mais il a pu facilement le connaître, s’agissant d’un chansonnier parmi les plus vendus en son temps. La différence serait dans la forme de l’engagement politique…A creuser.
A l’appui de ceci, la vacherie apparente de Brel disant qu’avec » Mr Brassens on est en 1850 »…La reprise aussi de titres mis en musique au dix neuvième siècle, dont Gastibelza!

Christiane a dit…


Pour compléter votre remarque sur la RDL, Soleil vert :

https://larepubliquedeslivres.com/il-ny-plus-dapres-saint-germain-des-pres-et-plus-davant-non-plus/

Unknown a dit…

Je dois dire un grand merci à Soleil Vert qui rend compte de mon livre avec empathie et beaucoup de soin. Tout ce que vous écrivez incite fermement à lire ce livre dont je dois dire qu'il m'a échappé, rêveries et analyses comprises; c'est un rêve éveillé qui veut rejoindre le tuf inconscient de tous les auditeurs amateurs de Brassens.
Merci de vous en faire l'écho, ce n'était pas facile, car l'écho d'un rêve, on se doute que c'est difficile à capter. C'est précis et doux à lire. Merci Soleil Vert !!

Raymond Prunier

Soleil vert a dit…

Je m'excuse cher Raymond d'avoir mis autant de temps à faire ce petit compte-rendu.

Christiane a dit…

Un temps de lecture, de réflexion, de germination...

Christiane a dit…

A propos de lecture d'un livre, irrésistible de drôlerie celui de Paul Edel : "Au-dessous du volcan" de Malcolm Lowry.
Un extrait ?
"(...) C’est la troisième lecture ,en 4O ans, qui fut la bonne. Cette fois, j’ai réussi l’exploit de lire l’ouvrage en entier. Jusqu’au chapitre 12.Bref, l’ascension de ce volcan fut particulièrement difficile. Reprises, abandons, perplexités, reprises, volontarisme, re- découragements puis réouvertures du livre. quand j’étais trop perdu dans les pages de Lowry je consultais des sites genre Babelio ou Wikipedia pour me servir de boussole.
(...) Cependant je reste perplexe devant ce « chef d’œuvre ». Impression d’être passé à côté d’une grande partie du roman et de ses implications philosophiques et allégoriques. Je l’ai compris, ce roman, par fissures. Il m’a été impossible de lire en continu plus de deux chapitres sans éprouver l’impression de me noyer dans ce flux verbal si nébuleux. (...)"

Soleil vert a dit…

Je cacherai la liste des grandes oeuvres que j'ai lu à moitié avant de jeter l'éponge.

Christiane a dit…

J'ai vraiment beaucoup beaucoup apprécié cette honnêteté rieuse. Voilà un grand lecteur et critique littéraire qui ne parle pas la langue de bois !

Anonyme a dit…

Oh vous savez, il n'est pas le seul à avoir échoué sur les pentes de ce volcan ! Au passage, j'ignorais que le Blason était une chanson peu connue . J'avais même le sentiment du contraire pour l'avoir entendue souvent sur disque! Mais si deux autorités le disent, ce doit être vrai...

Soleil vert a dit…

Le blason peu connu oui : pas entendu une seule fois en radio ou télé en 60 ans.
Le seul blason qui m'ait été martelé (avec plaisir) c'est dans Le petit joueur de fluteau

Anonyme a dit…

Ah , c’est un autre sujet: ce que les programmes de radio et de télé font de Brassens, bien distinct des amateurs de Brassens!

Soleil vert a dit…

Vous savez je ne suis qu'un tout petit amateur de Brassens … alors effectivement peu connu … de moi

La réflexion peu amène de Brel sur Brassens (chansons de 1850), Brel en a fait les frais à son tour de la part de Michel Delpech. Jetant un œil sur les instruments de scène du belge(contrebasse, accordéon …) il avait lancé quelque chose "c'est pas moi qui chanterai avec des instruments pareils". Ou Lennon se moquant "des chansons de grand-mère" de Macartney.

Pour Béranger vous avez raison. Il y a aussi au moins un texte de Paul Fort

Christiane a dit…

A propos de poésie, vous avez posé sur la RdL un poème de Lamartine, étrange, que je ne connaissais pas et que j'apprécie. Il peut arriver qu'un poème, caché dans le corps d'un espace commentaire en soit comme un sceau. Mystère...
Des secrets s'y révèlent par des fragments laissés par le passage du temps. Une trace fragile de l'infini. Nous sommes face à une énigme qui invite à devenir attentifs car le passé peut être présent de diverses façons. (Raymond Prunier excelle à cette mémoire).
Un monde englouti frôlé par les hirondelles. Marges de la mémoire... Inquiétude. Tâtonnements.
Heureuse halte dans ce déferlement de conceptions réductrices quant à l'oeuvre de Sylvie Germain livrée a une concurrence d'antagonismes.
Ce poème est très proche de certains paysages découverts dans votre collection de romans de science-fiction pour les survivants, les voyageurs, les marcheurs.
Ce poème offre un temps de tranquillité pour se poser, se reposer. Un temps de mémoire douce.
Vos interventions là-bas me rappellent celles de Jibé. Ses mots exploraient des énigmes pleines de silence et de rêve. Il savait aussi questionner et rendre la littérature féconde. Une belle expérience des livres. Comme une brèche pour ouvrir le monde.

Christiane a dit…

Le problème n'est pas là, M.C.. Ce n'est pas une biographie, mais un rêve continué. Raymond Prunier a déjà écrit et publié un livre sur Brassens. Mais le rêve insiste, perdure. Alors il reprend la plume. C'est un livre d'affection profonde, structuré et ample comme une obsession.. C'est son trésor, sa transmission. C'est à part des biographies.
La moindre des choses pour évoquer ce travail d'écriture lent, profond, c'est de lire le livre avant d'en parler un peu imprudemment, un peu hors du sujet.
Parfois, M.C., et je vous l'ai déjà dit, dans votre désir de nous faire partager vos références, votre savoir, vous ne prenez pas le temps d'ouvrir le livre dont on parle comme préférant les vôtres. Manque de tact ? Envie de polémiquer ? Vous parlez rarement des livres présentés par Soleil vert. Dommage...

Christiane a dit…

Ce beau poème de Lamartine (La vigne et la maison) :

"Le mur est gris, la tuile est rousse,
L’hiver a rongé le ciment ;
Des pierres disjointes la mousse
Verdit l’humide fondement ;
Les gouttières, que rien n’essuie,
Laissent, en rigoles de suie,
S’égoutter le ciel pluvieux,
Traçant sur la vide demeure
Ces noirs sillons par où l’on pleure,
Que les veuves ont sous les yeux ;

La porte où file l’araignée,
Qui n’entend plus le doux accueil,
Reste immobile et dédaignée
Et ne tourne plus sur son seuil ;
Les volets que le moineau souille,
Détachés de leurs gonds de rouille,
Battent nuit et jour le granit ;
Les vitraux brisés par les grêles
Livrent aux vieilles hirondelles
Un libre passage à leur nid !

Leur gazouillement sur les dalles
Couvertes de duvets flottants
Est la seule voix de ces salles
Pleines des silences du temps.
De la solitaire demeure
Une ombre lourde d’heure en heure
Se détache sur le gazon ;
Et cette ombre, couchée et morte,
Est la seule chose qui sorte
Tout le jour de cette maison !



Je ne vois en ces lieux que ceux qui n’y sont pas !"

Christiane a dit…

Quelque chose qui ne se laisse pas rendre présent...

Soleil vert a dit…

C'est quelque chose que j'ai vécu.
Plus loin il dit :

"Que me fait le coteau, le toit, la vigne aride ?
Que me ferait le ciel, si le ciel était vide ?
Je ne vois en ces lieux que ceux qui n’y sont pas !
Pourquoi ramènes-tu mes regrets sur leur trace ?
Des bonheurs disparus se rappeler la place,
C’est rouvrir des cercueils pour revoir des trépas !
"

J'ai lu les surréalistes et quelques anglo-saxons comme Dylan Thomas. Mais parfois j'aime retrouver l'adhésion comme dit Raymond Prunier, en retrouvant des pages anciennes comme Lamartine et meme Les poèmes barbares de Leconte de L'isle

J'aime surtout votre présence bienveillante Christiane et celle de notre Agrégé. Je remercie aussi MC. J'ai reçu le fameux recueil parodique "Les voies Lactées". Saviez vous qu'un libraire avait publié un recueil de poèmes des Parnassiens, en faisant le lien avec la fantasy ?

https://soleilgreen.blogspot.com/2012/06/pourquoi-ne-lit-ton-plus-de-poesie.html

Merci à tous

Christiane a dit…

La parodie est intéressante seulement dans la superposition de deux niveaux, dans une sorte de double texte. Sans la référence au texte à l'origine de la parodie elle n'a aucun intérêt.Elle ne peut remplacer l'oeuvre originale dans le but de s'adapter à un langage jeune plus actuel.
Ainsi le spectacle parodique de Luchini sur les fables de La Fontaine en argot attirait un public de connaisseurs des fables de La Fontaine.
La parodie fantaisy des Conquérants nous était adressée parce que M.C. savait et que nous connaissions l'original et que nos références en matières de SF seraient assez pointues pour apprécier les références de l'exercice.
Si le jeune ado à qui elles étaient destinées trouvait les poètes classiques "chiants", il ne pouvait pas avoir suffisamment de références pour les comparer et risquait même de penser que l'auteur n'était pas son père mais José Maria de Heredia !
De plus j'aime beaucoup ce poème qui me rappelle mes années de collège. L'histoire des conquistadores, ces aventuriers extraordinaires était alors un mirage , celui des caravelles, des vents alizés...Cortés et Pizarro...
Je me souviens de La Nina, la Pinta et la Santa Maria.
Je me souviens , plus tard, du capitaine Achab, du Pequod, du cachalot blanc...
Et encore plus tard j'ai appris à connaître ces conquérants espagnols et leur rêve de pouvoir, de richesse et souvent un manque de grandeur d'âme et l'influence du pape et de l'Eglise. Que de sang... Que d'indiens assassinés... Que d'épidémies...
L'exploration des galaxies lointaines, le goût de l'inconnu sauront-ils se passer des appels de pouvoir ?
Oui, M.C. est passionnant et érudit mais la seule chose qu'il a trouvé à dire à propos du livre de Raymond Prunier manque de bienveillance.
Merci pour la fin du poemey de Lamartine. Vous êtes passionné et vos livres si bien chroniques source de rêves.
De plus vous savez rire et ne pas vous prendre au sérieux !

Soleil vert a dit…

"Sans la référence au texte à l'origine de la parodie elle n'a aucun intérêt"

Les douze poèmes de références figurent aussi. Disons que c'est amusant

Christiane a dit…

Ah, c'est bien !

Anonyme a dit…

« La seule chose que j’ai trouvée à dire « venait à l’appui d’´une remarque de Soleil Vert, et ne visait en aucun cas Raymond Prunier, Christiane . Est- ce que c’est blasphématoire de penser qu’il y a pu avoir un avant-Brassens, lequel d’ailleurs ne lui ressemble que peu? Soleil Vert ne me parait pas l’avoir pensé….

Christiane a dit…

Ah, M.C.... parfois nous sommes sur le même chemin des mots, parfois nous ne nous comprenons plus ou moins bien. Ce n'est pas grave. Juste un nuage qui passe.
Il y aura d'autres mots, d'autres pensées, d'autres livres où se réjouir de dialoguer.
Vous êtes un homme complexe, M.C. Toujours je guette vos interventions ici et ailleurs, depuis des années. Fascinantes, imprévisibles, tantôt paisibles, tantôt orageuses.
J'aime vous imaginer au milieu de vos livres, de vos recherches, loin de la foule. Et puis soudain, vous voilà, piéton de Paris ou d'ailleurs scrutant une toile, un livre.
L'essentiel c'est de ne pas perdre le contact...

Anonyme a dit…

Ils sont doubles , voire triples ces conquérants. A la fois de petite noblesse castillane, quand ils le sont, ce qui ne leur donne pas accès à des postes intéressants. L’expédition du Mexique est de ce point de vue exemplaire.On les envoie un peu comme de la chair à canon avec des crédits dérisoires. Si ça marche tant mieux, sinon tant pis, on s’en lave les mains. Même cas de figure avec Colomb, et je ne parle pas de Cartier. Dans les trois cas on cherche les Indes et on va tomber sur un continent inconnu. Pour la foi, il devient difficile de s’y repérer tant les textes ont été modifiés et les personnages passés au prisme des différentes époques. Un Roselly de Lorgues ( ça ne s’invente pas)à pu construire pour Pie IX un Colomb débordant de catholicité qui a lui-même influencé le Claudel du Livre de Christophe Colomb, mais, hormis la Controverse de Valladolid et ses personnages, il semble bien qu’on en reste au dialogue de Calderon. Le Frère. « Quoi, vous prenez- leur lingots. Terrazas (?). Oui, et pendant ce temps là parlez- leur de la foi ». Reste qu’il est facile de diaboliser des époques antérieures, ou, au revers, de les magnifier comme Heredia avec son ancêtre mythique: Puisque le vent du Nord, parmi les Cyprières/ Pleure et chante à jamais d’éternelles prières/ Sur le grand fleuve où gît Hernando de Soto »…

Christiane a dit…

Vous situez bien, M.C., ce décalage dans le temps et les mentalités qui incitent ay porter un regard critique sur ce qui a pu se passer là-bas entre les populations qui vivaient sur ces terres et ces "conquérants".
Même problème avec le passé colonial des pays maintenant européens.
Poutine ne se prive pas de rappeler ces guerres coloniales et ce désir d'accaparer. Les richesses des pays convoités.
Et mêlé à tout cela les conversions qui voulaient changer les pratiques culturelles des pays conquis.
Découvrir le monde, oui. Découvrir que la terre est ronde, oui. Découvrir des épices, des végétaux , des animaux, des mœurs...
"Tristes Tropiques"... à relire...
Merci pour cette réflexion.
A propos , oui, Béranger était un chansonnier et poète excellent et redoutable.

Christiane a dit…

"Le voyageur moderne court après les vestiges d’une réalité disparue , mais il sait en revanche qu’eût-il été ce voyageur ancien qu’il se plaît à imaginer, le sens du prodigieux spectacle qu’il aurait vu lui aurait échappé, comme il ne doute pas que, pour le voyageur de l’avenir, il aura été ce spectateur infirme, imperméable au vrai spectacle qui prend forme
Sous des yeux." (Tristes Tropiques" Claude Lévi-Strauss.)

Christiane a dit…

(qui prend forme en cet instant sous ses yeux)

Christiane a dit…

Connaissez-vous cet essai de Fernando Cervantès ?https://www.revueconflits.com/les-conquistadors-fernando-cervantes/

Anonyme a dit…

Cet essai là, non, mais peut-être faudrait-il rappeler au dénommé Vladimir que l'URSS, par son Histoire, est un Empire Colonial à lui tout seul?!

Christiane a dit…

Excellent !

Biancarelli a dit…


Donc Soleil Vert cet ouvrage est à commander chez l’éditeur ?

Pour reprendre votre belle chronique,c’est vrai Brassens n’était pas vraiment misogyne. Il mettait plutôt les femmes sur un piédestal. J’avais lu quelque part que les prostituées de l’époque lors de la sortie de La complainte des filles de joie,(reprise par Barbara),ces mêmes filles avaient aimé la chanson.
J’aime beaucoup aussi les reprises de Brassens par Maxime Le Forestier,et même Paco Ibañez en espagnol.

Soleil vert a dit…

Hello,
Je l'ai commandé à une association, mais il figure sur un site marchand bien connu: il en reste un neuf

sinon j'ai une adresse mail
BAV

Christiane a dit…

J'aime beaucoup votre remarque sur le respect et la tendresse de Brassens envers les femmes, surtout celles qui ont des vies malmenées. Soleil vert a insisté sur ce point dans son billet et c'est bien.

Christiane a dit…

Ah, j'ai oublier, merci Seil vert, d'éclairer le titre du livre en écrivant : "Le titre du livre mérite quelques explications. Issu d’un siècle qui a connu deux guerres mondiales et des idéologies totalitaires, le chanteur clame son rejet des meutes et des idées mortifères. Se désaccorder, se désassembler, est une nécessité vitale. Il le fait sur des sujets brulants."

Christiane a dit…

oublié

Anonyme a dit…

Et deux textes de Francis Jammes ,alors très connu comme Poete, auquel Brassens donne une prosodie remarquable

Anonyme a dit…

Au fond, on peut se demander si on n’a pas là le retour, via le Teppaz, d’une sorte de sirventès.Le retour du Troubadour satirique, en quelque sorte.

Christiane a dit…

https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Sirvent%C3%A8s

Chic encore un mot que j'apprends. Cela fait deux pour ce jour !

Christiane a dit…

Anonyme., Anonyme... Voilà une signature qui, se multipliant, oblige à chercher dans le style l'auteur des lignes écrites ici.
Un troubadour facétieux, que voilà une belle silhouette pour Brassens.

Christiane a dit…

"faseyer" était le premier ! (Dans le dernier poème de Raymond Prunier.)
Que la langue française est belle. Brassens en était fou !

Anonyme a dit…

Je n’ai pas toujours le temps de signer sur cette tablette, vous savez🤗.

Christiane a dit…

Mais je vous ai reconnu !

Christiane a dit…

Toutefois, on se croirait dans un bal masqué...

Anonyme a dit…

A ma decharge, je n’envisage pas un instant de me dissimuler! MC

Christiane a dit…

C'est évident !
J'imagine un blog où personne ne signerait ses commentaires, des livres sans nom d'auteur, des boîtes aux lettres dans nom ( pauvres facteurs), des enfants tous nés sous x, des mariages sans nom. Des objets sans nom, des pays sans nom...
Je pense à la joie des jeunes enfants quand au lieu de montrer du doigt, ils peuvent nommer. Je me souviens aussi de leur plaisir quand ils peuvent écrire leur nom.
Et vous qui travaillez souvent dans les généalogies que pourriez-vous nous dire sur l'apparition des noms de famille pour tous ?

Anonyme a dit…

Il y a un mot un peu barbare qui s'appelle la Pronomination. La genèse des prénoms. Guillaume par exemple connait selon Pierre-Yves Quemener une grande fortune aristocratique en Normandie puis en Bretagne vers le XI-XII avant de tomber complétement ("Maitre Guillaume", Bourreau de Paris, à qui Furetière adresse la dédicace de son roman bourgeois.) On n'est pas d'accord, et l'on s'étripe entre pronominalistes, sur la forme celtique Le Guillou, qui renvoie à une sorte de Diable rusé. Quemener ne l'est pas, moi, si, mais peut-etre pas entièrement pour de bonnes raisons.
Les noms, c'est plus complexe, l'amusant est que la Monarchie, peu soucieuse d accroitre la masse des non-redevables d'impots, a au contraire lancé des réformes ambitieuses amenant à réduire la masse de cette noblesse. Serieux coup d'arret sous Louis XIV et au delà avec les exigences du Juge d'Armes d'Hozier, puis sa dynastie, bien aidé par les rapports des Intendants et des erudits locaux dont chez moi Autret de Missirien, connu pour etre un des premiers français à avoir expérimenté le Thé comme médicament, et le premier Breton a avoir pratiqué à l'égard de Paris la Diplomatie du Beurre Salé. (Ces parisiens, il faut tout leur apprendre!) On a conservé ces Lettres. La Réforme Ducale etait pourtant très sure.
Sur les problèmes posés, les dates n'étant pas notées, les prenoms variant peu, et les dates manquantes merme chez le Père Anselme, on a de sérieux problèmes. Passe encore pour les Rosmadec, qui forment trois Sebastien dont deux Marquis deux gouverneurs, et un évêque, Sébastien, dont on a les dates. Mais les choses se compliquent avec les Scevole de Sainte Marthe, tous deux historiographes du Roi, tous deux frères, et dont le prénom se retrouve invariable à chaque génération! On peut certes avoir la chance (relative) de trouver un livre offert à Scevole (mais lequel?) par Sébastien! Si le bouquin est paru vers 1636, on retrécit la fouchette.Mais pour qui? La genealogie des familles nobiliaires, sauf trouvaille toujours possible, ressemble à un puzzle de 1000 pieces. On ne sait pas ou l'on va, on ne sait pas ce qu'on va trouver, et, parfois, par le jeu des mariages, apparaissent brusquement des informations capitales sur une famille figurant sous un autre nom! A l'epoque,personne n'y entendait malice - la Bretagne est un pays ou l'onn garde pour l'eternité son nom de jeune fille- il reste que quatre cents ans aprés, ce n'est plus aussi limpide. Maunoir dans son Journal parle des Moellien, et dans la Vie qu'il consacre à sa Mystique, des Gouandour.Il reste que c'etait la meme famille, la branche Gouandour s'étant fondue dans Moellien!
On passera enfin sur les titres qui peuvent renvoyer à une meme famille, selon qu'il s'agit de l'Ainé ( par exemple,De Boiseon) ou d'un Cadet, (De Coetnizan!).La titulature complete comprenant une douzaine de titres et parfois autant d'enfants! Voila ce que je puis vous dire le plus simplement possible. Le système n'est pas sans logique!
Bien à vous. MC

Christiane a dit…

Ooooh, merci ! Quelle aventure !

Christiane a dit…


Un passage que j'aime beaucoup dans votrepaysage des noms :
"La genealogie des familles nobiliaires, sauf trouvaille toujours possible, ressemble à un puzzle de 1000 pieces. On ne sait pas ou l'on va, on ne sait pas ce qu'on va trouver, et, parfois, par le jeu des mariages, apparaissent brusquement des informations capitales sur une famille figurant sous un autre nom."

Anonyme a dit…

Beh oui. C’est comme ça qu’on trouve les Coetnizan dans le ramage des Boiseon, et non isolement , ou l’inverse, la très bourgeoise famille Roland camouflée sous un de quelque chose obtenu par mariage. Ah, les « savonnettes à vilain! ». « Je sais un paysan qu’on appelait gros Pierre/ Qui de Monsieur de l’Isle à pris le nom pompeux! » disait déjà Moliere, ici mechant, car Corneille ne se faisait guère d’illusions sur son titre…