jeudi 12 mai 2022

La ballade du café triste

Carson McCullers - La ballade du café triste - Stock

 

 

 

« La ville même est désolée ; il n'y a guère que la filature, des maisons de deux pièces pour les ouvriers, quelques pêchers, une église avec deux vitraux de couleur, et une grand-rue misérable qui n'a pas cent yards de long. Les fermiers des environs s'y retrouvent chaque samedi pour se voir et parler affaires. Le reste du temps, la ville est triste, soli­taire, un endroit loin de tout, en marge du monde. La gare la plus proche est Societv City ; les lignes d'autocar Greyhound et White bus line passent â trois miles de là, sur la route des Forks Falls. Les hivers y sont vifs et brefs, les étés blancs de chaleur dure et sauvage,

Si vous marchez dans la grand-rue, un après-midi du mois d'août, vous ne trouverez rien à faire. Le plus grand bâtiment, juste au centre de la ville, n'a que des fenêtres aveugles et penche si fort vers la droite qu'à chaque seconde, on attend qu'il s'effon­dre. C'est une très vieille maison. Elle a quelque chose d'étrange, d'un peu fou, que vous ne parve­nez pas à comprendre, et, brusquement, vous découvrez qu'il y a très longtemps déjà, on a com­mencé à peindre le côté droit de la véranda et un peu du mur - mais on n'a pas terminé le travail […] »

  

Nous sommes en 1943. L’américaine Carson McCullers publie en magazine une longue nouvelle La ballade du café triste. Elle sera reprise en volume avec d’autres récits quelques années plus tard. Tout de suite elle se remet à la tâche et entreprend d’achever un nouveau roman Frankie Addams laissé en gestation. Elle qui aimait, nous dit le préfacier Jacques Tournier, les écrivains européens dont Gustave Flaubert, la voilà servie. L’écriture prendra au total cinq ans, le temps de Madame Bovary. Ce sera la fin de sa période d’inspiration majeure, l’épuisement, la maladie, le destin tragique de son ex-mari éteindront progressivement un talent révélé jadis par Le cœur est un chasseur solitaire et Reflets dans un œil d’or porté à l’écran par John Huston.

 

Le court et puissant roman qui donne son titre à cette publication constitue une bonne introduction à l’œuvre de Carson McCullers. Il éclipse, sans les effacer totalement, les six autres textes. L’histoire se déroule dans le Sud natal de l’écrivain, une ville décrépie engluée dans les « étés blancs » sabrés de fureur humaine qu’affectionnait Faulkner. Une grande maison à l’abandon y recèle le secret d’un drame ancien. Le bâtiment constituait jadis l’épicentre des lieux. Il abritait un magasin. Dotée d’une constitution robuste et d’un caractère à toute épreuve sa propriétaire Amelia Evans y déployait une activité considérable. Elle possédait, en outre, dans les marais voisins, une distillerie dont les alambics fournissaient le meilleur alcool de la région. A peine se souvenait-on de son mariage avorté avec Marvin Marcy qu’elle avait mis à la porte au bout de dix jours. Et voici qu’un soir avait débarqué un nain bossu, Cousin Lymon, se réclamant de la famille d’Amelia. Il demandait asile ; à l’étonnement général cette femme redoutable l’avait hébergé se prenant d’affection pour lui. Le magasin se transforma en café. Cet état de choses perdura jusqu’au retour de Marvin Marcy fraichement libéré d’un pénitencier.


 Physiques déformés, psychismes altérés, l’autrice n’a pas cherché bien loin le modèle de ses personnages. Un mari suicidaire, ce corps qui n’en finit pas de la faire souffrir. Miss Amelia garçon manqué c’est aussi elle. L’amour dérègle le mécanisme de cette vie vouée au travail et au profit. L’hôtesse ouvre les portes, accueille ses clients, fait de sa maison un lieu de vie. Erreur fatale, mieux vaut aimer qu’être aimé, car c’est devenir l’otage des sentiments d’un autre, dit la narratrice. Le vagabond-philosophe d’« Une pierre, un arbre, un nuage » dépassera ce dilemme en élargissant le champ affectif, en abandonnant Eros pour Agapè, l’amour universel.

 


Reprenez les premières lignes. Le texte gagne à être lu à haute voix, on dirait une narration cinématographique. Il y a d’ailleurs quelque chose du western dans cette histoire de règlement de compte, de domination non revendiquée qui prend brutalement fin ne laissant que des vaincus et une ville à l’abandon. Tout se termine magnifiquement et de façon impromptue par des chants de bagnards, écho des chants mélancoliques des esclaves d’antan, même s’il est question ici d'esclavage affectif.

 

Les autres récits restent à la peine. Ils mettent en scène des êtres cassés, isolés moralement. « Le Jockey » ne convainc pas. L’histoire, effleurée, d’un cavalier responsable involontaire de l’invalidité d’un jeune garçon reste trop abrupte. La confusion des sentiments paralyse le jeu d’une jeune pianiste, amoureuse de son professeur (« Wunderkind »). L’occasion de rappeler la vocation manquée de Carson McCullers, musicienne émérite. De musique il est aussi question avec l’humoristique « Mme Zilensky et le Roi de Finlande » où le Directeur d’une section musique d’un collège ne sait par quel bout aborder un professeur mythomane. Les trois dernières fictions semblent plus denses, plus abouties. Dans « Celui qui passe », un homme rend visite à son ex-femme remariée et mère de deux enfants. Le bonheur de ce foyer révèle le vide de sa propre existence. « Un problème familial » aborde avec délicatesse les ravages de l’alcool dans un couple. Déjà évoquée la tendre nouvelle « Une pierre, un arbre, un nuage » conclue sur une paix spirituelle retrouvée, peut-être celle de l’écrivaine.


Les Parleuses rendent hommage à Carson McCullers



 

118 commentaires:

Christiane a dit…

Comme vous en parlez bien. Joie de plonger dans cette nouvelle. Merci, Soleil vert.

Soleil vert a dit…

Cela faisait très longtemps que l'ouvrage reposait dans ma bibliothèque. Il était temps de le réveiller et de rendre hommage à cette artiste émouvante.

Christiane a dit…

Ah chic ! du coup, j'ai cherché un de mes livres sur Edward Hopper. Je l'imagine comme cela la maison de Miss Amélia, "cette vieille maison aveugle (...) une très vieille maison. Elle a quelque chose d'étrange, d'un peu fou et inexplicable", à moitié peinte, "un côté sale et sombre. elle a l'air tout à fait inhabitée." Maison désolée dans une ville désolée. "Une grand rue misérable"...
Je la vois comme la maison près de la voie ferrée peinte par Hopper en 1925. Une maison solitaire. Une maison de nulle part. Un monde incertain. Celle qui a influencé le cinéma par l'angoisse qui émane d'elle comme Psychose de Hitchcock. Un cadrage presque cinématographique.
Des personnages enroulés dans l'absence chez Hopper comme dans les nouvelles de Carson McCullers.
Et la voilà, au second étage. "Une main pousse la persienne". "un visage surplombe la ville" déserte. "Un visage blafard, asexué". Puis "la persienne se referme, il n'y a plus âme qui vive dans la grand-rue."
Un être solitaire comme le sont les personnages de Carson McCullers.
C'est alors qu'il arrive, le cousin bossu, Lymon, tenant "une valise bancale fermée par une ficelle". "Il posa sa valise sur la dernière marche du perron, mais garda la poignée en main."
Oui, Soleil Vert, "La Ballade du café triste", un livre aussi fort que "Frankie Addams".
Deux êtres en marge qui vont se trouver.
Merci de chroniquer ce livre.

Christiane a dit…

Oh oui, elle est émouvante.
Son personnage, Amélia, cette "grande brune avec une charpente et des muscles d'homme, des cheveux coupés court coiffés en arrière", comment et pourquoi va-t-elle fondre devant ce petit être ? L’impossibilité d’assumer sa féminité s'effacera en douceur et délicatesse devant lui. Mais quel sortilège dans ses nouvelles fait que celui qui est aimé en aime un autre. Poursuite vaine du désir, solitude de l'amour. Oui, c'est poignant. Autant que Frankie Addams qui s'accroche désespérément au volant de la voiture de son frère qui part en voyages de noces avec sa femme sans l'emmener.

Christiane a dit…

Sans votre billet je partais en lecture dans "Guerre" de L-F. Céline. Une écriture tellement forte qu'elle balaie facilement tant d'autres écritures. Qui d'autre a su cracher ce dégout de la guerre, de sa férocité, du sang qui poisse la vie, de la chair éventrée, de la douleur, de la boue. Je m'attends au pire mais ce sera magnifiquement écrit.
Une plongée dans McCullers pour entrer en mélancolie. Justement parce "C'était un peu avant minuit, un soir doux et calme d'avril. Le ciel était bleu comme un iris des marais. (...) C'était une de ces nuits où l'on aime écouter, à travers l'obscurité des champs, la voix lointaine et heureuse du noir qui va faire l'amour. Où l'on voudrait s'asseoir doucement et gratter sa guitare, ou simplement, être seul et ne penser à rien."
Jacques Tournier a dû se régaler en traduisant le roman.

Soleil vert a dit…

Céline : un de mes oublis
Edward Hopper : fascinant en effet

Christiane a dit…

Et puis, il y a le Sud natal de l’écrivain (la Géorgie) et là-bas aussi William Faulkner.

Christiane a dit…

Voilà, terminé. Quelle puissante nouvelle au final imprévisible.
Que de questions sans réponse.
Ainsi cette femme rendant impossible à son mari , Marvin Macy, toute approche sexuelle, le transformant en un homme hargneux, revenchard. Quel autre mystère que cet amour maternel pour son cousin, le bossu . Et cette solitude , cette amertume après leur départ. La maison devient sinistre et ressemble encore plus au tableau de Hopper.
Le chant des douze prisonniers enchaînés est une merveille de métaphore. Oh, il y aurait tant de détails à relever comme cet égarement qui la saisit quand elle assiste, impuissante, à l'attachement du cousin Lymon à cet affreux Marvin qui ne cesse pourtant de le rudoyer méchamment. Ce cousin qu'on n'appelle plus Je "le bossu".
Quelle finesse dans le future dans la façon de regarder les moments importants. Et comme ce titre est bien trouvé " La ballade du cafey triste".
Merci pour cette découverte. Je ne connaissais que ses quatre grands romans et son autobiographie "Illuminations et nuits blanches".
Il est riche votre blog.

Christiane a dit…

que le bossu
La ballade du café triste

Christiane a dit…

Déçue par le manuscrit retrouver de L.F. Céline "Guerre". Premières pages formidables. La suite à l'hôpital est une obsession d'attouchements sexuels avec les infirmières. C'est lassant. J'abandonne. Mais j'ai beaucoup aimé le début quand il git blessé dans la terre, au milieu de ses camarades morts. Il a là des phrases incroyables. Un mélange de précision, d'argot et de poésie crue dans la laideur. Mais la guerre c'est comme ça.

Christiane a dit…

retrouvé

Soleil vert a dit…

Voyage au bout de la nuit est une de mes lacunes, pourtant apprécié de mon père. Mais après, stop sur Céline.
Je relirai ce que dit Zweig de Hölderlin pour comparer avec l'ouvrage de Jacques Teboul sur le sujet. Je me souviens de ses propos sur le mur de la réalité qui s'est abattu sur l'auteur d'Hyperion.
Bien à vous

Christiane a dit…

Le livre de Teboul "Cours Hölderlin" est prodigieux. Je l'ai lu grâce à Paul Edel. Un livre qui m'a hantée longtemps comme Gaspard de Peter Handke. Un moi qui brise toutes les règles.
Je me souviens des dernières phrases de Gaspard : "Je ne suis pas ce que j'ai été. Je n'ai jamais été comme j'aurais comme j'aurais dû être... J'aimerais devenir celui-là même qu'un autre a déjà été."
Entre mensonge et vérité. Il fait comme s'il disait la vérité parce qu'on le bat. Gaspard voit le langage le tromper. Hölderlin on le musèle. Terrible.
J'ai prêté ce livre à un ami passionné par la poésie d'Hölderlin . Il n'a pas du tout aimé. Trop fragile...
Dans les deux cas, le langage est retourné contre l'homme. Ils veulent supprimer le désordre que représente ces hommes. Lisez le billet de Paul.

Pour Céline, quelques phrases de "Guerre" :
"J'ai attrapé la guerre dans ma tête. Elle est enfermée dans ma tête."
"J'ai appris à faire de la musique, du sommeil, du pardon et, vous le voyez, de la belle littérature aussi, avec des petits morceaux d'horreur arrachés au bruit qui n'en finira jamais. Passons."
"Je sentais de la vie qu'il en restait encore beaucoup en dedans, qui se défendait pour ainsi dire."
Un passage que cité Paul Edel dans son formidable billet : "je m'étais divisé en parties tout le corps..."
"Je la regardais moi la vie, presque en train de me torturer. Quand elle me fera l'agonie pour de bon, je lui cracherai dans la gueule comme ça. Elle est tout con à partir d'un certain moment, faut pas me bluffer, je la connais bien."
"Ça brille pas fort l'espérance, une mince bobèche au fin bout d'un infini corridor parfaitement hostile. On se contente."

C'est beau et fort.
Le Voyage, c'est terrible et beau.

Christiane a dit…

J'aime bien pouvoir être vraie ici. Je laisse le langage s'installer.

Christiane a dit…

Il est vraiment bien votre billet. Je viens de le relire.

Christiane a dit…

Je m'interrogeais. "Ballade", poème narratif en trois parties. Pour Frankie Addams, les trois parties sont nettes avec l'évolution du prénom de l'héroïne et trois étapes de sa vie.. Ici, y-a-t-il trois parties ?
Dans la vie d'Amelia, oui : mariage éphémère suivie d'une vie solitaire - arrivée du cousin, le bossu... rêverie sentimentale - désastre final : la trahison du bossu et retour à la solitude. Et pour finir la ballade : le chant des prisonniers.
De plus, il me semble que la relation d'amour de ses héroïnes est toujours triangulaire :: ( j'aime qui aime un autre, je suis aimée par qui je n'aime pas).
Qu'en pensez-vous ? Est-ce une déviation qui ne mène à rien ?

Soleil vert a dit…

Je ne suis pas allé suffisamment loin dans l'oeuvre de McCullers, mais l'idée d'une structure dramatique en trois actes (une invention du theatre grec ? ) me semble très pertinente.

Christiane a dit…

"Interrogée sur sa méthode de composition, McCullers dit : « Je ne comprends que par fragments. Je comprends les personnages mais le roman lui-même reste flou. Le point se fait parfois, comme par hasard, à des instants que personne, et l’auteur moins que quiconque, ne peut comprendre. » Le tâtonnement est son mode opératoire. Il me semble refléter avec beaucoup de justesse la complexité de la vie, qui n’est jamais aussi lisible qu’on voudrait le croire, et c’est ce qui la rend, cette vie, plus passionnante qu’un roman de gare, et ce qui place la littérature de Carson McCullers à un niveau qui nargue les majeurs, mineurs et autres gammes hors de propos."

Ce lien "Les parleuses..." Permet de mieux comprendre les liens entre sa vie et son écriture. Je tente de vous le mettre ici



(Elizabeth Taylor dans la

Christiane a dit…

https://www.fannychiarello.com/les-parleuses-3-carson-mccullers/
Voilà c'est là. Il y a, outre le texte très long mais passionnant, beaucoup de photos d'elle et de ses amis.
Vous retrouverez cette citation et plein d'approches nouvelles de "La ballade du café triste."

Christiane a dit…

Merci, c'est encourageant. Tard je me suis interrogée sur ces deux L dans le mot ballade.

Christiane a dit…

Autre exemple qui me semble pertinent entre la vie de Carson McCullers et son écriture (même lien) :
"Selon toutes apparences, Carson et Reeves sont avant tout des compagnons de beuverie. L’absence de sexualité au sein du couple fait l’objet d’un commentaire collectif, comme dans La Ballade du café triste, où l’on voit le village épier la nuit de noces de Miss Amelia et de Marvin Macy. Une légende naît forcément à la convergence de versions antagonistes d’un même événement, et c’est bien ainsi qu’apparaît Miss Amelia à travers l’écriture de McCullers : comme une légende."

Christiane a dit…

C'est bien que les éditions Stock, à l'occasion du centenaire de la naissance de Carson McCullers, rééditent cinq livres d'elle.
C'est un de ceux-là que vous avez choisi.

Christiane a dit…

vous écrivez : "Miss Amelia garçon manqué c’est aussi elle. L’amour dérègle le mécanisme de cette vie vouée au travail et au profit. L’hôtesse ouvre les portes, accueille ses clients, fait de sa maison un lieu de vie. Erreur fatale, mieux vaut aimer qu’être aimé, car c’est devenir l’otage des sentiments d’un autre, dit la narratrice."
Oui. Elle est tellement lucide quand elle écrit dans La ballade du café triste :
"Car, s'il faut avouer toute la vérité, la plus cruelle, la plus secrète, pour la plupart d'entre nous, être aimé est insupportable. Celui qui est aimé à toutes les raisons de craindre et de haïr celui qui aime. Car celui qui aime est tellement affamé du moindre contact avec celui qu'il aime qu'il n'a de cesse de l'avoir dépouillé, dût-il n'y trouver que douleur."
On ressort tout chamboulé de cette lecture. Les fins de ses nouvelles toujours floues, tristes sont comme la vie. On ne sait pas ce que deviendront ces personnages à qui elle a donné vie. Tous cabossés, marginaux, solitaires.

Christiane a dit…

Toutes ces belles fascinations féminines dans sa vie... Des femmes fortes, indépendantes ayant souvent un lien avec l'écriture, comme un rempart de douceur entre les hommes et elle, comme un groupe d'appartenance. Qui était-elle ? Un être androgyne pas trop intéressé par les unions charnelles mais sentimentales et intellectuelles, oui. Avec les hommes ça devait être compliqué. Comment se blottir tendrement contre un corps d'homme et refuser sans le blesser un rapport sexuel ? Trop d'habitudes dans ce domaine... Je pense à un être asexuel. Un corps comme une enveloppe, une carapace qui lui a causé bien des souffrances tout au long de sa vie.
Écrire, lire ce devait être pour elle goûter à l'apesanteur comme lorsqu'on de laisse aller à flotter sur une eau dense et rassurante.
C'est tout ce non-dit que je rencontre dans son écriture très floue, très surprenante où elle se perd parfois dans une songerie le temps de regarder un paysage ou d'écouter une musique. Puis ça revient. Ça s'est dénoué malgré elle. Le hasard arrange beaucoup de choses dans les impasses de ses personnages ou les anéantit. La lire c'est comme écouter un negro-spiritual. Bien mélancolique, bien charpenté et si grave si pur.

Soleil vert a dit…

J'ajoute votre lien au texte.
Ce corps torturé, comme celui de Frida Kahlo, quelle tristesse.
Et Arthur Miller quel imbécile. D'ailleurs je ne connais qu'un Miller : Henry
J'y pense, la bagarre entre Miss Amelia et Marvin Marcy, un acte sexuel manqué ?

Christiane a dit…

Jacques Teboul écrivait à propos de son livre "Cours, Hölderlin" : "C'est donc une fiction violente et sérieusement documentée, qui met en jeu la vérité du poète et la mienne, sans précaution. Une fiction peut être plus vraie que n'importe quel discours, explications et théories. (...) C'est aussi la description recomposée d'une réclusion : 37 années à tenir ferme dans l'hébétude, dans l'ouvert, à écrire tous les jours pour rien, puisque ce qu'un fou peut écrire n'a aucune importance, puisque tout ou presque a été perdu ou brûlé."

Soleil vert a dit…

La construction d'un roman : certains se laissent guider par leur écriture, d'autres élaborent un plan.

Christiane a dit…

Un vrai combat. Des pages magistrales.
Un acte sexuel manqué ou... réussi. Là au moins leur corps se sont touchés, frottés, étreints, enlacés ... férocement. Jubilatoire. Le bossu était-il effrayé ou jaloux ? Qui sait... En tout cas grandiose.
Dans le sport ( je pense aux mêlées dans le rugby, ay la lutte, aux Sumos...) Il y a certainement une grande jouissance sexuelle. C'est beau. Au musée d'Orsay, la sculpture des lutteurs, extraordinaire. Je l'ai contemplée, dessinée, admirée.

Christiane a dit…

https://collections.louvre.fr/en/ark:/53355/cl010092121

Magnifique ! ( Comme Amelia et son mari !)

Christiane a dit…

Au Louvre bien sûr !

Christiane a dit…

Alors là... Dans son autobiographie elle parle d'illuminations la saisissant au hasard des rencontres comme pour le couple d'Amelia et de son cousin. Puis du travail. Vous évoquez cinq années...

Christiane a dit…

C'est page 45 :
"Il y a une rue de Brooklyn dont je garde une image attendrie tant elle se confond avec les souvenirs d'Hart Crane et de Walt Whitman : c'est Sand Street. Et c'est dans un bar de Sand Street, où j'étais un jour avec George D'avis et Wystan Auden, que j'ai remarqué parmi les consommateurs un couple qui m'a fascinée : une femme assez gigantesque serrant contre sa hanche un petit nain bossu. Je ne les ai vus qu'une fois, mais quelques semaines plus tard l'illumination a jailli : c'était La Ballade du café triste.
Quelle est la source de ces illuminations ? Elles jaillissent pour moi après de longues recherches où je me tiens l'âme à l'affût. Et soudain l'éclair la traverse comme un miracle religieux."

Christiane a dit…

Et quelques pages plus loin, elle ajoute : "La miraculeuse illumination de La Ballade du café triste m'a redonné l'envie d'écrire et, pour éviter toute distraction, je suis rentrée à Columbus. Ma mère ne parvenait ne parvenait pas à comprendre la nostalgie qui m'habitait.
- Personne au monde n'a d'amis aussi merveilleux que les tiens et tout ce dont tu rêves c'est de te calfeutrer entre ton père et moi.
J'aimais cette maison, je l'ai dit, ses meubles et son jardin; (...) Je me levais le matin à six heures. J'écrivais toute la matinée. Il y avait un piano dans ma chambre et j'en jouais l'après-midi ou je lisais. (...)
En réalité, j'étais en attente. tout le monde était en attente. Nous attendions tous des nouvelles de la guerre. Edwin Peacock était en Alaska, Reeves dans un secteur inconnu. Je guettais les télégrammes et je les ouvrais en tremblant."
Puis elle reçois un télégramme alarmant d'Erika Mann qui lui annonce l'hospitalisation puis la fuite d'Annemarie Schwarzenbach tellement dépendante à la morphine. Elle se précipite et la trouve chez Freddy jouant du Mozart. puis tentative de suicide. Carson s'occupe de tout...
"Annemarie m'a rejointe et elle m'a embrassée.
- Merci pour tout, my Liebling.
C'était la première fois qu'elle m'embrassait et ce fut la dernière."

Entre écriture, lectures et amours la vie de Carson bien que douloureuse est fascinante...

Christiane a dit…

Cette Annemarie Schwarzenbach m'a toujours fascinée...
Après l'hospitalisation elle part rejoindre les Forces françaises libres et travaille pour de Gaulle au Congo Elle s'écrivent l'une et l'autre abondamment. Carson cite quelques unes de ces lettres dont celle-ci, si poétique :
"En descendant le Congo jusqu'à Léopoldville sept jours entiers sur un petit bateau, je regardais la jungle et elle me terrifiait. C'était comme un océan de verdure, de hautes murailles de verdure le long de chaque rive, une prison verte, sans espace et sans horizon. (...) J'ai parcouru ensuite deux cent miles à travers la jungle pour rejoindre Molanda. Et là j'ai découvert un grand espace vide, parfaitement désherbé et planté, où vivaient deux blancs, absolument seuls. Je me suis installée à l'écart, dans une immense case en paille, et, en dépit du climat, en dépit de la solitude, en dépit de tout, j'ai appris à lutter contre cette sinistre et épuisante dépression(...)"
J'imagine l'importance de ces lettres et bien d'autres pour Carson McCullers.
Tout cela me fait rêver et voyager plus que la science-fiction !

Christiane a dit…

Un jour, écrit Carson dans ce livre (Illuminations et nuits blanches), Klaus Mann lui a télégraphié pour lui apprendre qu'après une chute de bicyclette, Annemarie était tombée au fond d'un ravin. Elle est morte à l'hôpital de Zurich sans avoir repris connaissance.
Elle était revenue à Sils en Suisse, près des siens.
Carson écrit :
"La dernière de ses lettres m'est arrivée de Suisse.
"Je veux à jamais te remercier. Si je retourne un jour en Amérique, j'aimerais que tu m'autorises à traduire "Reflets dans un œil d'or". (Le livre lui est dédié.) Carson, souviens-toi des moments où nous étions si bien ensemble. Souviens-toi que je t'aime et à quel point je t'aime. N'oublie jamais la terrifiante obligation d'écrire qui est la tienne. Ne t'en laisse jamais distraire. Écris, chérie, écris, et prends soin de toi, comme je vais le faire de mon côté. (Je n'ai écrit que quelques pages à Sils, mais je crois qu'elles te plairont.)
Et, s'il te plaît, n'oublies jamais ce qui nous touchait si profondément.
"Ton Annemarie, et toute son infinie tendresse."

D'un côté la guerre comme correspondante, de l'autre cette petite ferme de Sils pour la vie tranquille et l'écriture des poèmes.

Christiane a dit…

Je me demandais à propos du double jeu de l'écriture et de la vie d'un écrivain, est-ce que le temps de sa vie a le même rythme que le temps de gestation, d'écriture de l'œuvre ? est-ce qu'un écrivain choisit d'écrire plutôt que de vivre, du moins y renonçant partiellement ? Est-ce que les nouvelles de Carson McCullers sont une sorte d'autobiographie, un dédoublement vertigineux ? Est-ce qu'elle s'écrit à travers ses personnages ?
Est-ce que la vie avec ses désirs, ses blessures peut être prise dans les rets du langage et devenir encre et papier ?
Il faut au lecteur tant de suppositions pour que les deux tiennent ensemble. Parfois il n'en a pas envie ciblant l'oeuvre oubliant l'auteur dans sa vie, ne gardant que la liberté de l'acte d'écrirede l'écrivain qui reste maître du jeu.
Ici, pour ce roman, ses romans, on peut juste repérer un cheminement, une opiniâtreté, de l'endurance dans un mouvement souvent hasardeux et beaucoup de solitude.
J'aime que vos billets, vos analyses ne fassent pas violence aux livres, tout en étant au plus près de leur singularité, interrogeant leur engendrement, croisant les fils d'une œuvre d'un livre à l'autre comme dans vos billets récents. J'aime aussi que vous multipliez les points de vue : des lecteurs, des critiques littéraires, des essayistes.
Les romans dont des énigmes, des pistes brouillées entre rêve et réel. Les romanciers, des séducteurs furtifs dont les pouvoirs fascinent les lecteurs (bien qu'ils s'effacent dans l'acte d'écrire et peuvent tâtonner, être en panne d'inspiration.)
Un bien beau chemin à faire ensemble et en solitaire : lire.

Anonyme a dit…

Carson Mac Cullers éprouvera l’un des chocs de sa vie sur la côte Normande, lorsque, côtoyant une charmante vieille Dame dans les années 1920-30, elle s’entendra répondre «  Ah , vous êtes écrivain?  J’en ai eu un dans ma famille, mais il n’est plus très connu: il s’appelle Gustave Flaubert! » elle a écrit son effarement dans un très joli texte. Joli sourire du destin qui lui fait rencontrer l’unique descendante de l’écrivain auquel elle voue un culte…

Christiane a dit…

Magnifique, M.C. Magnifique.

Christiane a dit…

Copie du groupe antique des Lutteurs du musée des Offices à Florence, réalisée à Paris en 1684-1688 et placé dans le parc de Versailles, puis de Marly de 1689 à la Révolution. Elle fut ensuite exposée dans le jardin des Tuileries de 1797 à 1865.
Envoyée le 23/07/1903 au Musée de l'Ecole nationale supérieure des arts et industries textiles à Roubaix, avec le Centaure de Bousseau. Retour de dépôt en 1999.
Acquisition date
date : 1798
date : 23/07/1903
date : 19/10/1999
Owned by
Etat
Held by
Musée du Louvre, Département des Sculptures du Moyen Age, de la Renaissance et des temps modernes
LOCATION OF OBJECT
Current location
Richelieu, [SCULPT] Salle 102 - Cour Marly, Salle 102 - RDC
INDEX
Category
statue, statuette, figurine - sculpture
Materials
matériau d'origine minérale - pierre - marbre
Places
France - Marly - parc
BIBLIOGRAPHY

Christiane a dit…

https://www.photo.rmn.fr/archive/07-509850-2C6NU0CTZLAN.html

Celui de la galerie des Offices ay Florence qui est lui-même une copie d'un bronze antique !

Christiane a dit…

J'ai trouvé dans les premières pages de son autobiographie ce texte étonnant, rare, où elle se souvient de la naissance des personnages de son premier roman "Le cœur est un chasseur solitaire".

Pour situer ce premier roman publié en 1940 (traduit par Jacques Tournier) et qui rencontra un succès énorme, un rappel : Une petite ville du Sud des États-Unis, dans les années trente. Poussière, chaleur, ennui. Deux amis sourds et muets sont sépares par l’internement dans un asile éloigné d'un des deux. John Singer, reste seul un peu perdu, marchant de longues heures dans les rues de cette ville.
Quelques personnages (dont un médecin noir, Mick, une adolescente un peu garçon manqué, le capitaine Penderton...) qui se sentent profondément seuls, viennent à lui pour se confier. Il les apaise mystérieusement tout en souffrant de l'absence de son ami.

Voici donc ce que Carson McCullers dit de la naissance de ce roman (p.19) :

"J'avais l'idée de plusieurs personnages, cinq ou six environ,que je voyais très nettement. Ils s'adressaient l'un après l'autre à un personnage central, et j'entendais ce qu'ils disaient, mais ce personnage central restait flou, et je savais pourtant qu'il occupait le cœur du roman. Je me disais parfois que ce serait plus simple d'écrire un recueil de nouvelles à partir de ces personnages, mais quelque chose m'en empêchait, l'intime conviction qu'un roman devait naître de ce mystérieux enfantement.
Un jour où j'arpentais nerveusement le tapis du salon, en évitant soigneusement les quadrillages du dessin, rongée par cette énigme que je me posais à moi-même, j'ai eu une brusque révélation. Dès le début, ce personnage central et silencieux s'appelait pour moi Harry Minowitz. A force de réfléchir en marchant, j'ai découvert qu'il était sourd-muet, ce qui expliquait clairement pourquoi les autres lui parlaient sans qu'il ne réponde jamais.
Ce fut une véritable illumination, qui rejaillit sur tous les personnages, et le livre entier s'est offert à moi dans son absolue précision. Le nom d'Harry Minowitz s'est changé en Singer, beaucoup mieux adapté à cette nouvelle conception, et dès lors que l'énigme était résolue, j'ai pu écrire ma première phrase : "Il y avait deux muets dans cette ville et ils étaient toujours ensemble." J'ai travaillé un an avec acharnement."

Christiane a dit…

Soleil vert, vous écrivez : "(...) J'y pense, la bagarre entre Miss Amelia et Marvin Marcy, un acte sexuel manqué ?"

Et que dire des liens ambigus entre Miss Amélia et son cousin, et ceux entre ce cousin et Marvin Macy ?

l
L'impuissance masculine pour ces hommes et l'impossibilité d'assumer sa féminité pour cette femme deviennent une sorte de marginalisation plus que leur aspect physique.
Pourtant Miss Amelia a suscité autrefois l'amour et le désir de Marvin Macy. Mais elle s'est refusée à lui après le mariage, l'a chassé, battu.
Donc, il revient pour se venger en sortant de prison.
Elle vit seule, dans sa maison-magasin, dure en affaires, soignant par ses remèdes les gens de son village (sauf les maladies féminines...). Elle vit comme un homme, s'habille comme un homme, jure comme un homme.
Arrive ce troisième personnage, Lymon, cousin éloigné. Nain, bossu, pathétique.
Contre l'attente des villageois elle l'accueille, l'habille de neuf, le choie, le couvre de cadeaux.
Quel lien entre eux (qui fait jaser salement les habitants) les unit ? Aucune réponse. Mais le bossu prend de l'importance, devient méchant, paresseux. Amelia s'adoucit, devient dépendante de sa présence. Elle installe "un café" ouvert le soir dans son magasin. (encore un tableau de Hopper) Lieu de rencontre des solitaires..
Amélia semble maternelle avec son cousin dont on ne connait l'âge. mais pas de tendresse exprimée entre eux.
Tout va basculer avec l'arrivée de Marvin Macy.
Lymon est immédiatement attiré par ce truand. Lui le méprise.
Amelia panique, cherche à retenir l'attention de Lymon.
Macy la guette, jouit de sa vulnérabilité. Se battent-ils pour régler leur compte ou pour gagner la présence de Lymon.
Au terme dun combat époustouflant, elle est prête à remporter le combat quand Lymon "fit un bond en avant, atterrit sur le large dos de Miss Amelia et lui serra la gorge de ses petits doigts crispés en forme de serres."
Lymon et Marvin Macy partiront le lendemain après avoir saccagé le café.
Miss Amelia dédaignée, trahie, retourne à sa solitude et à sa méchanceté.

Le seul moment vrai de l'amour se situe dans un lointain passé quand Amélia a rejeté l'amour sincère de son mari.
L'isolement et la mort l'attendent. C'est un roman très noir.
L'acte sexuel manqué c'est celui de la nuit de noce, ici, c'est une lutte à mort, une guerre. A la fin, battue, elle cesse de lutter. La mort ligote toute parole. Un tremblement inaudible passe dans les yeux de Miss Amelia.

Christiane a dit…

Vous n'avez chroniqué qu'un livre de Ray Bradbury ? Que pensez-vous de "La solitude est un cercueil" ? ( Death is a lonely business) 1984. Il a pour cadre Venice et commence par ces mots : "Venice, Californie, avait autrefois de quoi plaire y ceux qui aiment être tristes."
Véronique Ovaldé dans sa préface de "Le cœur est un chasseur solitaire" rapproche son univers de celui de Carson McCullers.

Christiane a dit…

https://www.lefigaro.fr/livres/2012/06/06/03005-20120606ARTFIG00635-ray-bradbury-la-planete-mars-est-un-reve-romantique.php

J'aime beaucoup sa façon de penser la science fiction et la vie. Qui eût pu penser que Carson McCullers via Véronique Ovaldé me mènerait à cet écrivain passionnant : Ray Bradbury ?
Au fait, j'ai été étonnée puis ravie en lisant dans votre billet le qualificatif "artiste" pour évoquer Carson McCullers.

Christiane a dit…

Véronique Ovaldé cite ce passage du roman noir de Ray Bradbury (La solitude est un cercueil de verre) :
"On a si vite fait de résumer la vie de certains que ça n'est rien de plus qu'une porte qui claque ou quelqu'un qui tousse dans une rue obscure à une heure avancée de la nuit. On jette un coup d’œil par la fenêtre ; la rue est vide. Celui qui a toussé est parti."
Ça donne envie, non ? Ça et la première phrase aussi étonnante que celles qui débutent les romans de Carson McCullers (comme un sésame qui invite à entrer dans une histoire écrit V.Ovaldé): "C'est arrivé au cours de cet été si vert qu'on devenait fou."
Ma prochaine lecture quand j'aurais terminé la relecture de "Le coeur est un chasseur solitaire".

Soleil vert a dit…

"Vous n'avez chroniqué qu'un livre de Ray Bradbury ?"

... oui; dans mes 15-20 ans j'en ai lu une petite dizaine. Il est meilleur dans la forme courte, à l'image des "Chroniques martiennes".
J'ai eu l'honneur d'une dédicace jadis dans le défunt Virgin Store des Champs Elysées pour le recueil "A l'ouest d'Octobre". Sa poignée de main m'est restée en mémoire

Christiane a dit…

Ah merci, pourtant c'est un début de weekend soleil. Ce n'était pas un reproche, juste un étonnement ( en plus votre billet n'est pas terrible car vous n'avez pas trop aimé le livre chroniqué )
Je me souviens de Farhenheit 451. Brûler des livres...
Nuit de Cristal... Les apprendre pour résister...
Et de mon frère lisant les nouvelles de Chroniques martiennes. C'est amusant votre remarque sur votre préférence des nouvelles courtes aux romans.
Donc une poignée de main. C'est beau.
Je crois que La solitude est un cercueil de verre (quel beau titre !) est un roman tardif appartenant aux "romans noirs". Étonnante exploration, loin peut-être de la science-fiction. Je vous dirai.

Soleil vert a dit…

Un best of de Bradbury :

- Chroniques martiennes
- Fahrenheit 451 (roman)
- L'homme illustré
- La foire aux ténèbres (roman)

Christiane a dit…

Merci Soleil vert, je vais commencer par celui qui semble être une variation dur la solitude. Je crois que Ray Bradbury a inspiré pas mal de cinéastes. C'est beau ce qu'il dit dans l'entretien de cet élan vers l'inconnu que représente pour lui la science-fiction.
Étrange aussi sa fascination à l'âge de trois ans pour le personnage de Quasimodo. Les monstres au grand coeur, parfois...les normaux au petit coeur, parfois...
Sur Mars, sa rêverie d'encre, ses personnages rencontrent-ils un monde hostile ?
J'ai beaucoup échangé avec l'astrophysicien Michel Cassé. Il déplorait que les films de science-fiction présentent un monde de guerre très bruyant. Il disait à mes petits élèves (11ans) accro à La guerre des étoiles que l'espace était un monde de silence. Et de lenteur. Ils leur avait montré des images de la naissance d'une étoile. Un petit élève songeur lui avait demandé - mais qu'est-ce qu'il y a autour de l'infini ? Il n'avait pas su quoi lui répondre...
Il relisait souvent Le bateau ivre de Rimbaud.
Et votre BD d'adolescence, l'avez-vous terminée ?

Soleil vert a dit…

"J'ai beaucoup échangé avec l'astrophysicien Michel Cassé. Il déplorait que les films de science-fiction présentent un monde de guerre très bruyant."

- Mon préféré, juste avant Blade Runner, c'est 2001 l'odyssée de l'espace. On y entend surtout la respiration stressée des astronautes

- Remarquez que le film Alien est connu pour son épigraphe : "Dans l'espace nul ne vous entend crier" :)

Christiane a dit…

"Mon préféré, juste avant Blade Runner, c'est 2001 l'odyssée de l'espace. On y entend..."
Idem pour l'Odyssée de l'espace. Un très grand film. j'aime beaucoup ces deux films avec une fascination pour l'odyssée de l'espace de Kubrick et ce mégalithe noir tellement étrange, ces singes (?) ou préhumains (?). Le premier outil : un os pour... tuer ! Puis il le lance en l'air (outil)et apparaît le vaisseau spatial. L'aube de l'humanité... Cet ordinateur en lutte pour sa survie contre les hommes, qui sera débranché et expirera d'une façon déchirante. Cette scène inouïe au final avec le vieillissement accéléré de l'homme qui va mourir puis qui devient le fœtus face à la terre.
Les maquettes sont extraordinaires. Mystère mystère et oui, "respirations haletantes". Peu de scènes parlantes. Et la musique. Le Beau Danube bleu.... Aucun extraterrestre.

Blade Runner, Ridley Scott., /Final cut, Denis Villeneuve.
Un film très très noir.
Mélancolique.
Les Blade Runner chassant les réplicants. Beaucoup de pluie. De brouillard. Oppressant. Ça grouille à Los Angeles.
Mais de beaux clair-obscurs.
Une belle présence : Rachel....
Deckard est-il qui il croit être ? Pourquoi Gaff les epargne-t-il ?

Christiane a dit…

"Remarquez que le film Alien est connu pour son épigraphe : "Dans l'espace nul ne vous entend crier" :)

Excellent !!!

Christiane a dit…

https://www.cinematheque.fr/expositions-virtuelles/truffaut-par-truffaut/index.php?id=9

Pour la couverture du livre Farhenheit 451 de Ray Bradbury annotée magnifiquement

Christiane a dit…

Mais aussi pour l'honnêteté de François Truffaut qui reconnaît les erreurs de son film. Je respecte et j'admire l'itinéraire de F.Truffaut même dans ce film où il se bat avec un rêve qu'il n'arrive pas à réaliser .

Anonyme a dit…

Ces illuminations de Carson Mc Cullers ne sont pas sans faire penser aux épiphanies joyciennes. Étaient-ils liés ? Bien à vous. MC

Christiane a dit…

Je ne crois pas mais elle parle de lui avec cœur dans son autobiographie. Je chercherai demain.

Christiane a dit…

Mais elle fit relire souvent "Portrait de l’artiste en jeune homme". Peut-être a-t-elle été marquée par la scène d'extase au bord de la mer où Stephen voit la jeune fille oiseau. L'apparition du réel d'un personnage comme une idée (intrusion) lumineuse chez un écrivain... Flaubert et Balzac aussi en ont témoigné... L'écriture hallucinatoire...

Christiane a dit…

dit

Christiane a dit…

Je pencherais plutôt pour la dernière nouvelle des "Dublinois", Les Morts, et ce final dont je parlais avec Jibé sur la RDL : la neige qui tombe sur les vivants et les morts...

Christiane a dit…

« Ce fut comme une apparition"... Frédéric aperçoit. Madame Arnoux sur le bateau. L'éducation sentimentale... DHH en parlait merveilleusement. Ces épiphanies parfois d'une grande beauté parfois juste la clé d'une énigme comme chez Carson McCullers. (Il était sourd et muet, c'est pour cela qu'il ne répondait pas.)
Je pense aussi au balcon à Ostie dans Les Confessions de Saint Augustin...
Bon, j'ai un peu sommeil. Et Soleil vert va faire une indigestion de tous ces commentaires !!! Bonne nuit MC.

Soleil vert a dit…

>Les chants à la fin du roman.
John Huston a repris cette idée bien plus tard dans son film "Gens de Dublin"

>Les descendants : il y a qq mois j'avais croisé la fille de René Barjavel dans un café parisien. Je lui parlais des romans de son père, drômois de naissance comme le mien, elle évoquait ses chroniques dans … France Dimanche. La seule que j'ai lu évoquait les dangers des bonbons sucrés pour les enfants. Misères de la descendance …

Christiane a dit…

Bien, j'ai retrouvé le passage, page 93 de "Illuminations et nuits blanches" ce que Carson McCullers évoque de J.Joyce. Pas de rencontre notée mais des lectures et beaucoup de détails sur sa vie.
"Cette semaine, j'ai relu Gens de Dublin. Je trouve miraculeux qu'une telle impulsion poétique ait pu jaillir des rues encrassées de Dublin. Je relis chaque année Portrait de l'artiste en jeune homme. Pour Ulysse, même s'il a influencé de nombreux écrivains, c'est une nourriture trop compacte pour moi. Quant à Finnegans Wake, c'est hors de ma portée. Je ne me laisse prendre qu'au rythme étrangement poétique du passage Anna Livia Plurabelle. Joyce avait une fille psychotique. Il lui parlait dans un langage qu'ils étaient seuls à comprendre.(...)
Je pense à James Joyce chaque fois que j'évoque la vie difficile des grands artistes. Il s'est battu comme un démon pour gagner de quoi faire vivre sa famille. Gens de Dublin a été interdit, brûlé même, je crois. Ulysse, interdit lui aussi. Il en a circulé des éditions pirates dans le monde entier, mais Joyce ne touchait aucun droit sur ces piratages. Il n'y a gagné que la gloire d'un grand esprit. (...) C'est grâce à Sylvia Beach qu'il a pu être édité à Paris, ce qui a soulagé en partie ses problèmes et lui a permis de vivre avec sa fille dans un confort relatif."
Puis elle passe à Scott Fitzgeralkd, Hémingway et quelques pages avant à Richard Wright, Karen Blixen (dont elle dit que les écrits l'ont influencée pour l'écriture de Reflets dans un œil d'or, Virginia Woolf qui ne l'intéresse pas, Elizabth Bowen, E.M. Forster, et plus que tout Dostoïevski et Tolstoï (longuement) et d'autres écrivains et cinéastes dans la première partie du livre.
Par ailleurs dans ce livre, elle revient souvent sur ces "illuminations" qui surgissent pendant l'écriture de ses romans.
Elle écrit, page 54 : " J'ai utilisé à plusieurs reprises le mot "illumination". C'est un mot sur lequel il faudrait ne pas se méprendre, car j'ai traversé de nombreuses périodes où j'étais complètement "non illuminée", effrayée à l'idée que je n'écrirais plus jamais. pour un écrivain, c'est la peur la plus angoissante. D'où vient notre travail ? Quel infime incident, quel miraculeux hasard met brusquement en marche les rouages de la création ? (...)
Je poeux seulement dire qu'elles se produisent après des mois, des années parfois, de combat contre un livre, et qu'après les avoir reçues il faut autant de mois ou d'années pour que le livre soit fini."
Voilà, M.C., ce que j'ai trouvé pouvant répondre à votre question.

Christiane a dit…

Pour John Huston, quel film magique d'une beauté qui dure bien après l'avoir vu et revu.
L'enlisement dans l'écriture de la nouvelle de Joyce est un autre bonheur durable.
"Once upon a Time" , la première phrase de Finnegans Wake.. ça commence comme un conte et on entre dans un réel résistant. Mais dans ce visible tout ce qui est invisible. Des gouffres...
La lumière sur un visage comme celui d'Angelica Huston en haut de l'escalier quand elle écoute ce chant, Alors le temps s'arrête. Inhabitable pour son époux.
Joyce, je le lis sans toujours chercher à comprendre. On n'avait jamais écrit comme cela. Il écrit en se dechiffrant. J'entends ce langage. Il m'aspire. Phrases illisibles, obscures.
La langue se mesure avec le réel.
Si vous avez le temps, faites un saut chez Paul Edel. Son dernier texte. Son monde écrit vaut plus que le réel. Et quelle chute... Il regarde tout et épluche le monde : mouette, flaque d'eau, corps enduits de crème sur la plage, absence des amis mais avant leur transformation avec les années, un peu cruelle. Justesse de touche.
La mémoire de Joyce. la mémoire de Paul.
Je ne me souviens pas de la reprise du chant à la fin du roman. Là, elle dort. Lui la regarde, triste de ce qu'il a découvert, regarde la neige tomber sur les vivants et les morts, le visage collé à la vitre. Vous pouvez préciser ?
Barjavel... Souvenir d'adolescence... Faudrait-il y revenir. Retrouverais je le même bonheur ? Je ne voudrais pas abîmer cette lumière sur la neige...

Christiane a dit…

De René Barjavel un texte de conférence. 1934 à Moulins. "Colette à la recherche de l'Amour." Lu un jour lointain. Colette sans ses amours ne serait pas Colette...
Elle a soixante ans, lui 23. C'est beau et pur.
Un goût du Blé en herbe....

Christiane a dit…

Pour vous donner envie, quelques lignes de La solitude est un cercueil de verre de Ray Bradbury paru chez Denoël dans la collection Empreinte. (superbe couverture noire souple, douce. Une silhouette appuyée nonchalamment à un réverbère, esquissée en jaune vif. Cigarette, chapeau et pantalon souple comme celle d'un détective de polar américain. Nom de l'auteur en camaïeu de mauves, titre en blanc. Superbe illustration de Stanislas Zygart. Traduit de l'anglais (États-Unis) par Emmanuel Jouanne en 2017 pour Denoël.
pages 12 et 13.
"C'était une nuit pluvieuse, où je lisais un livre à l'arrière du vieux tram qui gémissait et rugissait entre une station de correspondance déserte et constellée de confettis et la suivante. Juste moi, le gros véhicule en bois qui souffrait et le chauffeur là-bas devant qui frappait ses manettes de cuivre, donnait du mou aux freins et laissait fuser les vapeurs de l'enfer quand nécessaire.
Et l'homme au bout du couloir central, qui s'était débrouillé pour monter sans que je m'en aperçoive.
Je finis par prendre conscience de sa présence, car il resta à tanguer et tanguer un bon moment, debout derrière moi, comme indécis parce qu'il y avait quarante sièges inoccupés et qu'il est difficile, tard dans la nuit, de décider lequel choisir au milieu d'un tel vide. Mais je l'entendis finalement s'asseoir et je sus qu'il était là car son odeur me parvenait comme celle des laisses à travers champs. Couvrant l'odeur de ses vêtements, il y avait les effluves d'une trop grande quantité d'alcool absorbée en trop peu de temps. (...)
Nous filâmes à travers Culver City (...) et le grand véhicule haletait, le plancher grinçait sous les pieds, les sièges vides craquaient, le sifflet du tram jetait des cris.
Et une bouffée d'air horrible venue de derrière moi quand l'inconnu cria : "La solitude..."
Le sifflet lui coupa la parole et il dut recommencer.
"La solitude..."
Un autre coup de sifflet.
"... est un cercueil de verre", fit la voix derrière moi."

Allez, hop, j'embarque ! Merci à Véronique Ovaldé qui, dans sa préface, citait ce passage du roman noir de Ray Bradbury La solitude est un cercueil de verre :
"On a si vite fait de résumer la vie de certains que ça n'est rien de plus qu'une porte qui claque ou quelqu'un qui tousse dans une rue obscure à une heure avancée de la nuit. On jette un coup d’œil par la fenêtre ; la rue est vide. Celui qui a toussé est parti."
Ça donnait envie, non ?
et... j'ai envie de plonger dans ce roman...

MC a dit…

Embarquez, vous ne regrettez pas. Il y a un Bradbury conteur à mille lieues du science-fictionneux auquel on le réduit trop souvent. merci pour Joyce. le Professeur Rainer Zaiser fit une thèse sur l'Epiphanie dans la Littérature française, thèse que je n'ai pas lue. Pour ces Dames, la descendante de Flaubert et l'autre, il ne me parait pas anodin que Carson Mc Cullers choisisse de se faire appeler "la Dame si bien"....Il y a de l'ironie là-dedans, meme entenant compte de la présence possible des enfants...
Désolé, je n'ai pu vous lire avant, déménagements obligent!
Bien à vous deux. MC

Christiane a dit…

Oui, Bradbury est un sacré conteur . Dans ce roman, une belle atmosphère de polar et de conte gothique. J'étais en train de répondre à Stanislas Zygart le créateur de la couverture du livre. J'ai fouiné un peu sur internet. Il crée de belles couvertures de livres, des illustrations, des animations graphiques de qualité. Allez voir. Donc je lui avais adressé un message pour lui exprimer mon estime de ce travail et il a répondu, ravi, car dit-il c'est assez rare qu'il ait des échos de son travail.
Tout se lie dans le plaisir de la lecture et comme j'aime les belles couvertures je cherche toujours à mieux connaître les créations d'un artiste.
Vous déménagez ? Quittez vous la Bretagne ? Ça c'est juste pas possible ! Et tous vos livres ?
"La dame si bien..." Bizarre !
Merci pour votre réponse. Bonne soirée.

Soleil vert a dit…

>MC "Il y a un Bradbury conteur à mille lieues du science-fictionneux auquel on le réduit trop souvent"

MC, j'apprécie vos interventions, aussi ne voyez pas de polémique dans ma remarque. Les lecteurs de SF dont je suis - et vous aussi semble t-il -s'ouvrent à la littérature générale. Mais l'inverse semble difficile. Pourquoi le passage du mainstream à la science-fiction serait-il réducteur ?

Christiane a dit…

Oui, soleil Vert, ce jugement de MC est méprisant par les termes science-fictionneux suivis de "réduit à"("il y a un Bradbury conteur à mille lieues du science-fictionneux auquel on le réduit trop souvent".) C'est dommage car le conte baigne dans la science-fiction dans ce roman inclassable.
C'est justement ce que j'aime dans vos choix explorant toute la littérature de qualité sans la compartimenter et y introduire un classement de valeurs comparées.
Je suis très heureuse d'avoir par la préface de Véronique Ovaldé

Christiane a dit…

Suite :
voyagé de Carson McCullers à Ray Bradbury en passant par Edward Hopper et Stanislas Zygart.

Christiane a dit…

Oui, c'est vraiment dommage, MC, d'avoir mis ce grain d'ironie dans notre échange, juste au moment où je me demandais comment parler de ce livre car vous savez que ça me démange et que ça ne gênera personne. (70 commentaires... qui descendrait si profond pour suivre nos accords désaccords ? Soleil vert, olympien, entrouvre la porte de temps à autre, glisse une remarque précise, histoire de dire qu'il suit le bourgeonnement des commentaires intempestifs d'une qui soliloque, d'un qui brusquement se souvient d'un autre livre qui pourrait bien avoir un rapport avec un fragment de ce qui se dit.
Hier, j'ai tourné longuement dans ma main ce nouveau mot "mainstream" ("Pourquoi le passage du mainstream à la science-fiction serait-il réducteur ?") La classe, non ? Pas tout compris - j'adore le mot- mais en gros, il vous reproche une certaine morgue et en plus vous n'avez pas tout à fait raison mais pas tout à fait tort.
Je n'ai lu que 50 pages - mais plusieurs fois -, c'était nécessaire pour savourer l'amorce du roman, tellement riche, imprévisible, faite d'un polar, d'une rêverie, d'imagination torride, d'un réalisme gothique à la Eugène Sue.
La langue est parfaite. Je retrouve ce vocabulaire des polars de mes années 60 mais aussi, - car l'auteur est un fin lecteur - dans la bouche de l'inspecteur (celui de la couverture) des allusions au fils de Raskolnikov ou à Hemingway. Et ces deux-là, le voyageur rêvant d'écrire enfin un bon roman et Elmo Crimley, l'inspecteur, cohabitent dans un morceau de cité aux mains des démolisseurs; Plateau de tournage, décors fantasques, dans une petite ville balnéaire désertée, Venice, en Californie. Ajoutez pas mal de pluie, la nuit, des fantômes, une vieille dame aussi racornie qu'une momie, un cadavre nu dans une cage à lions immergée dans le canal, des messages étranges dans des boulettes de papier, des rêves de dinosaures. Bien malin celui qui pourrait dire que ce n'est qu'un conte ou un polar ou un roman de science-fiction ou le journal d'un pigiste qui tape enfin son roman sur une vieille Underwood Standard modèle 1934 "aussi bruyante que des sabots dansant des claquettes sur un parquet nu". Je ne m'y hasarderai pas mais quel régal ! Ray Bradbury : un grand ! Quelle plume !

Christiane a dit…

Ray Bradbury se régale en écrivant ce roman. Ça se sent. Comme un hommage à toutes les littératures confondues. Je souris quand dans cet univers déglingué plein de personnages improbables, dans les dialogues entre l'écrivain et l'inspecteur, on se lance des noms d'auteurs, des citations comme des balles à la foire pour dégommer des piles de boîtes. Et soudain, au détour d'une page, un matin sans pluie, notre pigiste découvre les traces d'un orage ciblé juste devant chez lui. "Un mètre de large, deux mètres de long, et concentré en un seul endroit ?" alors qu'il n'y a pas un seul nuage dans le ciel.
Au milieu de ce carnaval à la Ensor "une pavane de camions noirs portant d'énormes grues" se dirigeant vers la jetée pour la démolir.. L'écrivain mène son enquête farfelue, introduit Crumley dans son roman. Le lecteur fait des grands huit pour s'y retrouver. C'est délicieux. Passe un homme de "grande taille vêtu d'une houppelande noire et portant un chapeau à la G.K. Chesterton". Tant de clins d'œil qui font sourire. Ce livre est un dessert. Je voudrais qu'il dure longtemps.

Soleil vert a dit…

Ray Bradbury fut le premier écrivain d'après-guerre à donner au genre SF ses lettres de noblesse grace à son écriture justement. Il ne donne pas dans la "quincaillerie" habituelle et son style s'accorde merveilleusement avec l'atmosphère fantastique qui préside à la plupart de ses recueils.
On peut illustrer sa manière, par une courte nouvelle, "La dernière nuit" tirée du volume L'homme illustré. Il s'agit de la fin du monde. Pas de bombes, pas de scènes d'apocalypse, juste un couple qui imagine ce que pourrait être leur dernière journée et qui évoque les meilleurs moments de leur existence. A la fin, ils se couchent et éteignent leur lampe de chevet. L'art de l'ellipse.

Christiane a dit…

Vous avez tellement raison, Soleil Vert. Comme il sait bondir dans le langage. Un vrai caméléon même si les caméléons ne bondissent pas mais plutôt lentement s'étirent. Le lisant, je ne m'ennuie pas, je ne me dis pas - Tiens, je n'aurais pas écrit cela ou conduis l'histoire ainsi. Je suis consentante à un plaisir de lecture fait d'une puissance et d'une finesse incomparables. Le lecteur est entraîné, ne résiste pas. C'est comme être dans la parole de Shérazade. J'attends toujours la prochaine surprise., Le prochain trait d'humour, la prochaine traversée ( en ce moment du cinéma muet et de ses grands interprètes.) La mort qui passe, sans qu'on la voit et les cueille un par un, ouvre les belles mémoires de chacun. C'est un roman sortilège. Et bien sûr je lirai la nouvelle que vous présentez. Vous touchez un point sensible : c'est bien l'absence des fins du monde fracassantes habituelles. Tout en douceur. Tout en décalage. C'est superbe.

Christiane a dit…

Je n'ai pu résister. Je viens de charger le recueil sur ma tablette et j'ai lu cette "dernière nuit". Cinq pages. Quelle douceur. La terre s'éteint. Et ils s'endorment paisiblement après avoir embrasser les enfants. Pas d'explosion. Pas de bombe. Un regret : le verre d'eau glacée quand il fait très chaud ou le changement de saison ou le sommeil... Et puis ils vont tous "s'éteindre" ensemble, Alors pas d'angoisse. Comme un script qu'on efface.
Très drôle l'épouse qui se relève parce qu'elle a oublié de fermer le robinet.
Il est vraiment de qualité cet écrivain.
C'était bien la poignée de main entre vous.
Très belle escale dans votre blog. Je retourne à mon roman, juste posé ouvert près de moi. (Il ne dormait que d'un œil !)
Merci.

Soleil vert a dit…

Scoop : j'ai récupéré, sur une tablette de distributeur de billet de banque de mon quartier, un vieux exemplaire de la bio de Josyane Savigneau sur CMC. Pas croyable

Soleil vert a dit…

La photo de couverture est la même que celle sur mon blog. Ray Bradbury en aurait fait un texte.

Christiane a dit…

Parfaitement ! Vous voici sujet post-mortem d'une nouvelle de Ray Bradbury. Et là c'est vous qui revenez à Carson McCullers par ce livre offert par le hasard avec une approche nouvelle. Cette biographie semble formidable. Vous nous direz....

Soleil vert a dit…

" Et c'est dans un bar de Sand Street, où j'étais un jour avec George D'avis et Wystan Auden, que j'ai remarqué parmi les consommateurs un couple qui m'a fascinée : une femme assez gigantesque serrant contre sa hanche un petit nain bossu. Je ne les ai vus qu'une fois, mais quelques semaines plus tard l'illumination a jailli : c'était La Ballade du café triste."

Il y a aussi dit JS, dans le personnage de Miss Amelia, une reminiscence de l'Emily d'"Une rose pour Emily" de Faulkner.

Christiane a dit…

C'est un rapprochement pertinent, puisque abandonnée par son prétendant Emily s'enferme dans sa maison envahie peu à peu d'une puanteur qui affole le voisinage. L'arsenic qu'elle acheta servait-il à éliminer des rats ?
A sa mort on retrouva dans la chambre nuptiale... le corps décomposé d'un homme... Sur le lit et à ses côtés, sur l'oreiller voisin, le creux laissé par une tête et un cheveu gris...
Nouvelle inoubliable, noire, terrible. Où rien n'est élucidé par Faulkner...
Hitchcock reprendra une maison semblable dans Psychose où un fils vit reclus, cache le cadavre de sa mère et raconte à l'entourage qu'elle ne veut recevoir aucune visite...
Même maison reprise par Carson McCullers dans ce roman La ballade du café triste.
Amelia s'y retirera quand son cousin l'abandonnera. Hitchcock s'inspirera aussi d'une maison semblable peinte par Hopper.
Tout se relie. Ces créateurs sont liés par leur inspiration. Abandon ou mort, un ou une se retrouve seul et vit en reclus dans une vieille maison délabrée et isolée. Les trois personnages ne sont guère avenants. C'est extraordinaire ! Merci à vous et à Josyane Savigneau.

Christiane a dit…

Oui, c'est bien la photo en couverture du livre Un coeur de jeune fille écrit par Josyane Savigneau et édité chez Stock que vous avez mis sur votre blog. Incroyable ! Cela a dû vous faire un choc digne des héros de Ray Bradbury quand vous avez trouvé le livre ! Quelle soirée. C'est grandiose !

Christiane a dit…

J'ai commandé le livre. Ça donne envie !

Christiane a dit…

https://www.cineclubdecaen.com/peinture/peintres/hopper/25maisonpresdelavoieferree.htm#:~:text=La%20maison%20ressemble%20plus%20%C3%A0,de%20la%20cons%C3%A9cration%20pour%20Hopper.

A vol d'oiseau, un lien entre Hopper et Hitchcock

Christiane a dit…

De maison en maison, celle d'Emily (W. Faulkner) ...
de mort en mort : d'Emily à Norman Bates...
http://libellus.over-blog.com/article-william-faulkner-une-rose-pour-emily-un-cheveu-couleur-gris-fer-121264560.html
Deux qui ne veulent pas se séparer de leur passé...

Christiane a dit…

Je me demande comment nous avançons ici dans cet échange ? C'est de la lecture et autre chose. On s'écarte et on revient au livre que vous avez choisi et sans le trahir, laissant vagabonder nos pensées à partir de ce livre. Tantôt une autre lecture vient croiser celle-ci, ou une toile, ou un film. Des influences nées de notre mémoire de lecteur, d'images enregistrées, d'autres voix. Comme si le roman de Carson McCullers qui est le sien devenait plus que le sien, un peu celui de
Josyane Savigneau ou rayonnait mystérieusement dans une toile de Hopper ou dans une nouvelle de Faulkner, puis rejoignant l'ambiance poétique et gothique d'un roman de Ray Bradbury. Et même le réel devient fiction quand mystérieusement vous trouvez le livre qu'il fallait trouver sur une tablette de distributeur. Notre échange devient alors une construction collective ou même des absents de ce blog jouent un rôle évident comme Véronique Ovaldé par une préface, un graphiste par une couverture de livre. C'est passionnant et ça fait un peu peur comme la Tour de Babel. Est-ce cela les blogs, la communication par internet ? L'aventure de la lecture qui était un acte solitaire devient un réseau que l'on peut élargir à l'infini, capturant des voix, des images, des livres.
Pour vous qui l'aimez, Soleil vert, n'est ce pas justement quelque chose qui a à voir avec la science-fiction puisque plusieurs strates du temps s'y rencontrent, puisque des mots se métamorphoses en images, des êtres en d'autres êtres. Mais ici pas de fin du monde, pas de guerres, pas d'anéantissement, c'est plutôt comme un bourgeonnement infini, une fractale. Le même donnant naissance à un reflet difracté comme dans un miroir face à un autre miroir. Votre blog devient un kaléidoscope ou un télescope orienté vers l'espace.... Infini.

Christiane a dit…

diffracté

Biancarelli a dit…

Ces échanges de commentaires passionnés sont très constructifs

Je ne connaissais pas cette auteure mais j’ai aimé cette lecture qui m’a fait m’interroger sur la liberté de nos choix entre autres amoureux. Pourquoi on préfère souvent un amour non authentique à un amour authentique.
L’amour est enfant de bohème comme on dit mais il est difficile de cerner Miss Amelia, elle se hâte de se débarrasser de son mari,pour l’héberger à nouveau. Quelles sont vraiment les intentions de ce cousin .
Merci pour cette découverte.

Christiane a dit…

Oh chic des questions sur ce roman qui n'avaient pas encore été posées. Merci, Biancarelli.
Pour le retour du mari, il me semble qu'il s'est imposé à sa sortie de prison. Je crois que miss Amelia est démunie, désorientée par l'attirance qu'il exerce sur le cousin. (Incompréhensible car il est plutôt brutal et moqueur avec lui). Là, votre question est bienvenue. Pourquoi cette attirance ? Pourquoi se détourne-t-il de miss Amelia qui a été si généreuse avec lui ? Et elle, pourquoi cajole-t-elle ainsi cet être disgracieux et paresseux ? Et lui, le mari , pourquoi aimait-il miss Amelia au point de supporter pendant dix jours ses refus et ses coups ?(après leur mariage).
La réponse pour Miss Amelia semble se situer dans son impossibilité d'avoir des relations sexuelles avec un homme. Aimer sans cette contrainte est peut-être ce que lui offre le cousin puisque là, elle est plutôt maternelle et très possessive. Elle redoute certainement qu'il puisse partir... A-t-elle tant souffert de la mort de son père ?
Quand au cousin ? Il cherche qui l'aime mal, qui le rudoie, qui le méprise au point d'attaquer miss Amelia quand elle commence à l'emporter au combat contre son mari.
Miss Amelia semble redouter le retour de la solitude. Les deux autres personnages évoqués, surtout l'Amelie de Faulkner poussent la crainte de l'abandon si loin quelle préfère vivre avec ses morts que de les perdre. Idem dans Psychose où ce Norman Bates taxidermise sa mère, prend son apparence, sa voix, son caractère plutôt que d'accepter sa mort.
Ces trois là sont des névrosés rescapés d'une enfance certainement complexe, incapables de supporter la perte de l'amour, la solitude.
Des personnages sombres, pas très beaux, très dépendants aussi des papotages , du regard des autres. Deux beaux romans, très différents. Un film terrifiant, inoubliable.

Soleil vert a dit…

> Biancarelli : oui lisez absolument ce recueil; « Une pierre, un arbre, un nuage » qui clot le volume c'est beau comme "La soucoupe de solitude" de Théodore Sturgeon
> Christiane et Biancarelli: je vais bifurquer sur une ou deux lectures très … spécifiques. Je vous propose de nous retrouver sur des nouvelles de Joyce.

Christiane a dit…

Joyce ! Merveille de merveille. A bientôt donc.

Christiane a dit…

Oh Soleil vert. Comme cadeau de départ de ce billet c'est réussi. Heureusement que vous avez donné ce conseil à Biancarelli. Cette dernière nouvelle si petite (quelques pages) comme elle est grande !
"Une pierre, un arbre, un nuage". Bouleversant.

Je retiens : "je crois qu'on s'est tellement fui l'un l'autre qu'on a fini par être complètement emmêlés, et par s'écrouler en lâchant prise. La paix. Un vide étrange et merveilleux. (...)
Sais-tu comment l'amour devrait débuter ? (...)
Un arbre, une pierre, un nuage.(...)
Je peux aimer n'importe quoi. Sans même y penser.
Tout, fils. Tout le monde. Tous étrangers et tous aimés.
N'oublie pas, fils, je t'aime."

Eh oui, c'est ainsi...

MERCI


Christiane a dit…

Moi aussi, j'ai un cadeau pour vous remercier de votre accueil.
Lettres à Max Brod - Franz Kafka (Rivages) page 68

Prague, vers le le 27-05-1910

"Voilà, cher Max, tu as deux livres et un petit caillou. Je me suis toujours efforcé, pour ton anniversaire, de trouver quelque chose qui, vu son insignifiance, ne peut jamais se modifier, se perdre, se détériorer ou s'oublier.
(...) Voilà pourquoi je t'envoie maintenant ce petit caillou et je t'en enverrai aussi longtemps que nous vivrons. Si tu le gardes dans ta poche, il te protégera ; si tu le laisses dans un tiroir, il ne sera pas non plus sans effet ; mais si tu le jettes, se sera encore mieux. Car tu sais, Max, (...) cela fait du bien de jeter ce genre de pierre dans le monde, séparant ainsi ce qui est certain de ce qui ne l'est pas. (...) rien ne peut t'ennuyer dans une pierre ; et ce genre de pierre ne peut s'abîmer, et si oui, uniquement dans très longtemps ; tu ne peux pas l'oublier non plus - parce que tu n'es pas obligé de t'en souvenir ; enfin tu ne peux jamais le perdre complètement, - car tu le retrouveras sur le premier chemin venu, parce que c'est justement la première pierre venue. (...)
Bref, je t'ai cherché le plus beau des cadeaux d'anniversaire (...) qui doit exprimer l'impossible remerciement que tu sois là."

Ton Franz.

Christiane a dit…

Voilà, je viens de terminer "La solitude est un cercueil de verre" de Ray Bradbury. Quel magnifique roman. 380 pages lues avec passion. Outre l'énigme policière se rapportant au titre, quelle galerie de personnages ! Le roman sera écrit... par l'inspecteur. L'amitié, l'amour, LA SOLITUDE (oui, par cette dernière entrée on rejoint Miss Amelia et Emily) . V.Ovaldé, J.Savigneau ont bien compris Carson McCullers et R.Bradbury, Faulkner, Hitchcock ont inventé de beaux personnages noirs, désespérés, abîmés, cruels comme C.McCullers. La mort rôde dans toutes ces histoires. La plus fantastique est celle de Ray Bradbury. Quel écrivain ! Faulkner est plus vénéneux que Carson McCullers mais son Emily est émouvante, folle mais émouvante. Et pour Carson McCullers il y a cette lumineuse et dernière nouvelle du recueil : "Une pierre un arbre un nuage."

Anonyme a dit…

Désolé que vous l’ayez mal pris. Ce que je voulais dire pour Christiane c’est que Bradbury ne se réduit pas à la SF . La Foire des Ténèbres, entre autres, n’en comporte pas, contrairement à une image popularisée par les Chroniques Martiennes , ou Farenheit et le fâcheux film glacé qui en a résulté. ( un quart d’heure de grâce à la fin , mais cher payé !) C’est avant tout un très grand conteur . Et je trouve cette dimension un peu sous-estimée, pas chez vous, Soleil Vert, mais dans la perception générale de l’auteur encore qu’on assiste à un rééquilibrage dans les œuvres éditées, me semble-t-il. Cela dit, je n’ai pas ménagé Van Vogt, et on ne m’a pas tapé sur les doigts!🤗. Déménager c’est déménager une maison familiale, être obligé de jeter, de trier, toutes choses qui me prennent très longtemps. Ce n’est pas quitter la Bretagne, même si je vous écris présentement de Paris. A bientôt et désolé si vous y avez-vu, Soleil Vert , une ´Pierre dans votre jardin. Ce n’était certes pas dans mes intentions. Bien à vous. MC

Christiane a dit…

Bonjour, MC. Oui, ce roman m'a vraiment tenue en haleine. Une oeuvre de conteur ? Oui et plus que cela. Un hommage aux maîtres du roman noir, au cinéma des années 30 et 40, une mémoire de la littérature et que sais-je encore ? Une énigme plus philosophique que policière bien cachée dans le titre. Un jeu de double entre le narrateur qui se voudrait tant écrivain et l'inspecteur qui observe tous ces drames de loin et écrit le roman qui porte le titre de ce livre. Des personnages singuliers.
J'ai d'ailleurs écrit "plateau de tournage" essayant d'exprimer ce que je ressentais de ces scènes gothiques, oniriques, surréalistes. Des morts mais pas de crimes observables, pas de sang mais une peur grandissante. Un décor d'une beauté rare , tout en démolition, en eaux glauques qui devient réceptacle de tout ce qui est jeté : cages du cirques, armes, ferrailles des stands de la foire, morts...
Et une question qui taraude le narrateur : pourquoi serait-il épargné ? Qu'ont en commun tous ces morts ?
C'est très beau, très poétique, assez inclassable.
C'est bien que ce ne doit pas votre maison que vous déménagez. Bon courage.

Christiane a dit…

Des joies hors de la lecture. Oui, absolument. Dans la pénombre de l'appartement, volets et fenêtres entrouvertes, souffle d'air du ventilateur et à fond la sono. Hommage à Dietrich-Dieskau, artiste lyrique allemand sur France-Musique. Dix ans qu'il n'est plus là (depuis lejeudi 18 mai 2012).
Il nous reste les enregistrements merveilleux : Cantate BWV 82 de Bach, Lieder de Mahler, Schubert (Winterreise)... Le bouleversant War Requiem de Britten... et tant d'autres. Sa voix claire de baryton aux mille nuances, son articulation ciselée, sa noblesse naturelle et sa modestie. Une des voix que j'aime écouter (Kathleen Ferrier aussi)... Je crois que sa rencontre avec Wilhem Furtwangler fut décisive pour lui.
Littérature aussi Goethe, Schiller, Wagner... Poésie et musique. Erudit et musicologue. Un bonheur sans fin...

Soleil vert a dit…

A propos de La Nuit dernière (The Last Night of the World) de Ray Bradbury. Le récit est inspiré des derniers vers de "the Hollow man" de T.S Eliot

Christiane a dit…

This is the way the world ends
This is the way the world ends
This is the way the world ends
Not with a bang but a whimper."
***
C'est ainsi que finit le monde pas par un boum par un murmure...
Merci Soleil vert, c'est vraiment le premier cercle de l'Enfer de Dante : les limbes. Le décor s'y prête. Cette ville morte, cette lagune où finit toute chose, ce semeur de mort qui cherche les hommes "creux" et les tue par l'effroi. Le criminel n'est-il pas la mort ? Comme dans "Le Septième sceau" de Bergman .
Un écrivain qui devient enquêteur amateur et philosophe, un détective insolite qui devient écrivain, une chanteuse d'opéra qui se meurt dans son corps devenu difforme, et tant de personnages sur une scène de plus en plus vide. Le rideau tombe et le lecteur reste hypnotisé dans la salle vide.
Ce roman m'a bouleversée car quelque chose s'y cachait que vous me permettez d'approcher un peu plus ainsi que Pierre Assouline dans sa lointaine tour au milieu de ses livres.
Il y a tant de présence de la littérature dans ce roman. Lointain souvenir de G.K. Chesterton, "La Sphère et la Croix" ou "Les enquêtes du Père Brown", le polar y devient roman de chevalerie. Les personnages s'approprient un rôle qui n'est pas le leur.
Le crime, la mort y sont insolites et trompeurs. C'est un drame de masques. Chacun y prend l'apparence d'un autre qu'il a été ou qu'il aurait pu être.

Christiane a dit…

Je m'aperçois que 'on parle de deux romans différents de Ray Bradbury. J'étais toujours dans "La solitude est un cercueil de verre" et vous dans "La Nuit dernière" (The Last Night of the World). Quel écrivain...

Christiane a dit…

"La dernière nuit", cette nouvelle si courte, si dense, si douce. La vie qui s'éteint comme un soupir. Comme dans le poème de TS Eliot.

Christiane a dit…

Joie ! Le cœur de jeune fille est arrivé. Il est énorme ce livre. 500 pages. A lire paisiblement maintenant que tant de choses ont été écrites ici de Carson McCullers et de cette biographie. Josyane Savigneau. On dit grand bien de son livre.
Les premiers mots : une citation de Carson McCullers de 1945 :
"Je pensais à l'immense dette que j'ai à l'égard de Proust. Ce n'est pas tant qu'il aurait "influencé mon style" (...), mais c'est le bonheur de savoir qu'il existe (...) un grand livre qui ne se ternira jamais, qui ne deviendra jamais ennuyeux à force de trop grande familiarité."

Christiane a dit…

Des photos en noir et blanc d'elle, de ceux qui étaient importants pour elle. J'ai un peu de mal à sortir de son écriture pour rencontrer un être qui a vraiment existé. C'est toujours comme cela quand je passe des livres à la vie d'un écrivain. Le rencontrer en vrai ou dans une biographie ne m'est pas un geste naturel. Je préfère qu'il soit livre. Après c'est l'Albatros de Baudelaire. Hâte de le revoir dans son ciel de mots.
Pourtant je vais lire ce livre, ne serait-ce que par cette histoire incroyable que vous avez racontée.
Le mien est tout neuf. Jamais lu. Il sent bon.
Je me souviens à l'école de la distribution des livres neufs en début d'année. Ce bonheur de les sentir, de les caresser. Parfois c'était un exemplaire qui avait bien vécu et là c'était une autre approche : imaginer une élève qui l'avait lu avant moi. Chercher des traces de son passage. Me demander qui elle était, dans quelle classe elle était maintenant. Mes préférés étaient les livres d'Histoire pour les images qui rendaient l'Histoire irréelle, figée. Comme si ce n'était qu'un conte et qu'elle n'existait pas plus que les contes d'Andersen ou de Perrault.
La guerre, mes parents n'en parlaient jamais. Nous n'avions pas encore la télévision.
Mais un jour j'ai vu la baleine Jonas sur le champ de Mars. Immobile, dure, empestant. Il manquait l'océan et ses bonds fabuleux. Les preuves nous éloignent de la vérité. Celle que l'on trouve par le cœur.

Anonyme a dit…

Je vous suggère Christiane, au gré de vos errances , le Livre du Retour de Sylvia Baron Supervielle. Il y a dans cet ouvrage tout un jeu de labyrinthes et il peut se lire aussi comme une méditation sur les frontières entre réalité et fiction. Ou commence , ou finit le récit ? Ce n’est pas sans analogie avec les labyrinthes de Priest, bien qu’évidemment il n’y ait pas la même thématique. Bien à vous. MC

Christiane a dit…

Quelle belle idée. Merci, MC.
Où commence où finit le récit ? Déjà, Borges avec ses chemins qui bifurquent. Je note.

Christiane a dit…

Par contre, je ne me reconnais pas dans votre mot "errances" qui évoque une perte de sens dans l'action de se diriger. Je vais d'une façon intuitive toujours vers le même soleil et choisis ainsi mes interlocuteurs -peu nombreux- avec qui j'aime faire un bout de route. Le chemin se construit d'année en année, parfois j'avance seule, parfois en compagnie d'êtres ouverts à l'art, à la littérature, à la nature, au silence. Très différents de moi.
Je fuis les endroits trop peuplés surtout si des rageurs y stationnent...
Je ne saurais dire quel est le plus grand poème que j'ai en mémoire (cf le billet de Pierre Assouline qui a donné naissance à tant de citations.) J'ai dans le coeur des fragments de textes poétiques ( prose ou forme versifiée). Selon le moment où j'en ai besoin, ils apparaissent, deviennent ma pensée, mon bonheur, puis s'éloignent, passent comme les nuages. J'aime les ciels nuageux et le vent qui berce ces mirages.
Mais vous avez raison, la frontière est parfois invisible entre réel et imaginaire. C'est bien, un oeil ouvert vers le dehors, l'autre vers l'intérieur de soi. Deux mondes à peine séparés par la peau du vivre. Bonne soirée.

Christiane a dit…

MC, Kiyoshi Nakagami a dit : " En tant que peintre il n'y a rien de plus difficile que de représenter la lumière. Ceux qui y arrivent sont les plus grands peintres, les plus grands artistes."

Anonyme a dit…

Errances au sens de vagabondage du lecteur entre plusieurs genres , mais aussi errance entre réalité et fiction voulue par le narrateur. Puisque vous évoquez Kioshi Nakagami, sachez qu’il a employé pour la première fois lacouleurbleue dans ces tableaux en contraste avec des tons or doux. Vu le résultat Je pense irrésistiblement au mot d’ Hiroshige presque septuagénaire : « Je commence à savoir dessiner « …

Christiane a dit…

Étonnant ! Du bleu... Quel chemin...
Merci pour la précision concernant "errance". Là, oui.

Christiane a dit…




Drôle d'impression, cher Soleil vert, après avoir refermé la biographie de Carson McCullers écrite par Josyane Savigneau, "Un cœur de jeune fille".
Solide travail bien approfondi, bien documenté. Riche de nombreuses citations. Bien écrit.
Mais je l'ai refermé avec un sentiment de soulagement : trop plein de vie douloureuse (sentiments, santé), d'alcool, d'une propension pour elle a tomber amoureuse et d'être alors envahissante, destructrice.
J'aime retourner à l'œuvre, m'éloigner de tous ces gens qui l'entouraient, l'adulaient, la jalousaient, l'admiraient, la comparaient à d'autres écrivain.
Oui, elle a eu une vie très compliquée, illuminée aussi de belles amitiés mais ce n'est pas ce qui m'a fait ouvrir pour la première fois un de ses romans. J'ai aimé son écriture sans trop savoir qui elle était puis quelques photos, articles émissions pour la situer et surtout retour à son écriture.
Je l'ai écrit : j'aime séparer la biographie de l'oeuvre.
Écrire est un tel mystère qui surprend souvent celui où celle qui écrit. Lire est un autre mystère tout aussi immense.
Il y a une planète où les deux actes se rencontrent et c'est loin de la vie et de l'un et de l'autre. C'est dans le mystère du langage écrit et toute une vie pour approcher cela par la lecture, la réflexion, l'échange avec d'autres lecteurs, des critiques littéraires. Le langage vaut l'interrogation d'une vie. Et ici, souvent c'est ce qui se passe. Chez Raymond aussi, j'aime échanger avec lui sur le mystère du langage poétique, sur l'écriture. Approfondir indéfiniment l'expérience des œuvres. Quelque chose se passe quand on écrit. Quelque chose se passe quand on lit. C'est comme pour la musique.. je tourne autour de la chose écrite depuis tant d'années. La lecture est silence. Donner de l'intensité à chacun de ces instants. S'y perdre parfois. Car nous plongeons dans une obscurité spirituelle, proche de la contemplation. Un langage architectural.. le langage ne se limite pas à dire le représentable. Il y a quelque chose qu'on ne peut exprimer. Là, la magie de l'écriture et de la lecture. La pensée...

Anonyme a dit…

Bonjour. J’accuse reception du commentaire précédent sur ma boîte mel. Une erreur ? MC ,

Christiane a dit…

Bonjour, MC, je reçois aussi les commentaires dans ma boîte mail. Cela correspond au fait de s'abonner au blog de Soleil vert et donc de ne rater ainsi aucun commentaire. Vous avez dû cliquer sur la deuxième ligne, "être informé".
Bonne journée.

Christiane a dit…

Vous pouvez annuler cet abonnement à tout moment. (Voir les cases).

Anonyme a dit…

D’accord. Parce que figurez-vous que je vous ai répondu hier soir! Et que tout est revenu ce matin!

Christiane a dit…

Alors là, mystère... C'est de la science-fiction ! Envoyez-le moi directement. prénom.nom @...

Soleil vert a dit…

- "Je l'ai écrit : j'aime séparer la biographie de l'oeuvre."

Je vous suis. Vaste débat entre Hemingway, Fitzgerald, Sainte-Beuve et compagnie…

- Abonnements : désolé MC, Christiane, de ne pouvoir vous aider. Je patauge.

Christiane a dit…

Merci, Soleil vert, pour moi aucun problème mais MC semble avoir des problèmes d'envoi, de publication, pas seulement sur ce blog. Ce doit être un korrigan qui lui joue des tours !

Christiane a dit…

Pour préciser ma pensée, le billet excellent de Paul Edel sur un roman de Virginia Woolf "Entre les actes" (lu grâce à lui dans un billet ou un commentaire ancien). De ce roman je retiens l'ironie et la cruauté voulue. Géniale idée de Miss La Trobe : à la fin de la pièce, présenter au public des miroirs brandis par des enfants malicieux où ces villageois caquetant sont confrontés à leur image. Déroute de ce mauvais public, ce "maudit auditoire". Colère de cette femme déjà contenue dans l'averse bienvenue ("La nature avait pris son parti.). Brouhaha. Présence insolite des vaches d'abord placides qui "se mettent de la partie, ne respectant plus rien, franchissant les barrières" suivies des chiens "excités par le tumulte dans ce décor champêtre puisque la pièce - interminable - se joue en extérieur. Belle astuce de Miss La Trobe qui aura connu la gloire, un instant ! Edel scrute l'écriture "soyeuse", jubilatoire de V.W. sans omettre sa charge grinçante et l'ombre prémonitoire d'une femme noyée dans le lac.

Christiane a dit…

Grâce à vous, je relis "Le cœur est un chasseur solitaire". Quel grand premier roman, quels portraits justes de l'adolescence (Mick, 14 ans) et de la famille du docteur Copeland (noirs du sud des États-Unis) ! Singer est un beau personnage, sourd et muet mais si doux, si ouvert que tous le prennent comme confident alors que dans son cœur, il y a l'immense vide creusé par l'absence de son ami grec Antonapoulos.
Merci pour ce billet concernant l’œuvre et la vie de Carson McCullers