[En toute modestie, voici une des toutes premières compilations sur le thème parue en 2005 dans le défunt e-zine Le cafard cosmique. La structure mériterait certes une refonte, mais je me suis contenté d'une légère mise à jour, préservant l'enthousiasme et l'élan initiaux]
La Science-Fiction et les sciences du langage ont un point
commun : ce sont de grandes exploratrices.
La SF n’hésite pas à s’aventurer sur les terres d’autres
littératures comme les romans policiers, ou à côtoyer le mainstream à travers,
par exemple, les ouvrages de Christopher PRIEST ou J.G. BALLARD. Il en est de
même pour la linguistique qui a été instrumentée, entre autres, par BOURDIEU
dans la sociolinguistique, par CHOMSKY dans la psycholinguistique, ou par LACAN
dans la psychanalyse.
La SF et les sciences du langages butent aussi sur le même
écueil : aventureuses, elles sont difficiles à appréhender, à contenir. Parfois
ces deux exploratrices se rencontrent. Pour notre plus grand bonheur...
EXERCICE
PRATIQUE
Avant de commencer, échauffez vous les neurones ! Saurez-vous
reconnaître les auteurs de ces phrases ? [La solution est en bas de page]
LA LANGUE, LIEN ENTRE LES HOMMES
Le langage est ce qui unit les hommes. Inversement, elle
peut être ce qui les sépare, comme le conte l’histoire biblique : pour punir
les hommes d’avoir la prétention de construire la Tour de Babel, un édifice
s’élevant jusqu’au ciel, Dieu multiplia les langages. Les bâtisseurs ne purent
terminer l’ouvrage faute de se comprendre entre eux.
Robert SILVERBERG fait une relecture de ce mythe dans
"La tour de verre" : il met en scène un homme d’affaires tout
puissant, Siméon Krug, qui bâtit une tour gigantesque afin d’y installer un
émetteur à ultra onde supra-luminique destiné à entrer en contact avec des E.T.
Mais Krug n’est pas qu’un chef d’entreprise aux visions
Prométhéennes rêvant d’envoyer l’Humanité dans les étoiles. C’est un homme qui
a édifié sa fortune en concevant des androïdes intelligents à l’usage des
humains ; ceux-ci le révèrent secrètement comme un Dieu qui les délivrera de la
servitude et les élèvera au statut d’Homme. « Et Krug envoya ses créatures
servir l’homme, et Krug dit a ceux qu’Il avait faits « Voilà je décrèterai sur
vous un temps d’épreuves. Et vous serez esclaves en Egypte.... ...vous ne serez
pas toujours les serviteurs des Enfants de la Matrice ... un temps viendra ou
Je vous délivrerai de l’esclavage »
Les androïdes se réunissent dans des lieux de culte. La
messe y est dite, non en latin, mais dans un langage dont l’alphabet n’est
autre que les 4 bases constituant l’ADN et l’ARN du code génétique : Adénine,
Guanine, Cytosine et Uracile, soit A, G, C et U. Malheureusement, Krug-Jéhovah,
obnubilé par ses propres Dieux, non seulement reste sourd aux supplications de ses
fidèles [ce qui est, notons le, l’apanage de la Divinité] mais de plus les
renvoie à leur statut de machine [Krug est un mauvais politique]. Résultat :
sabotée, la tour s’effondre faute d’ouvriers androïdes pour la reconstruire et
l’entretenir.
Dans l’ouvrage de SILVERBERG, les protagonistes ne parlent
donc pas le même langage, au sens propre comme au sens figuré. Attardons nous
sur celui des androïdes. Le choix du code génétique comme alphabet relève du
Sacré [l’espoir d’être un Homme] mais soulève une question. Tout langage en
plus d’être un système de communication, est porteur d’une Culture donc d’une
Histoire. Alors comment élaborer un langage quand on n’a pas d’histoire ? On
sait aujourd’hui que sous l’effet des migrations et mélanges des populations, «
l’écriture génétique » évolue, à tel point que dans la recherche des origines
des signes, un parallèle est effectué par les linguistes entre l’évolution du
langage et l’évolution des gènes. Ce code contient donc bien une histoire, mais
c’est celle des humains. Les Androïdes Esclaves eux ont une autre Histoire à
édifier, celle de leur révolte et de ce qui en suivra.
LA LANGUE, BARRIERE ENTRE LES HOMMES ET LES E.T.
En 1977, la NASA a lancé les sondes Voyager, emmenant à
leur bord quelques témoignages picturaux et sonores de notre existence. Mais,
en imaginant que des E.T. intelligents les réceptionne, que comprendront-ils de
nos mots, de notre culture ? De très nombreux textes de SF abordent ce thème :
comment communiquer lorsqu’on ne comprend pas la langue de l’autre ? Une
question d’autant plus passionnante qu’elle se pose également à nous, entre
nations, entre cultures et même parfois entre voisins !
Dans "Une rose pour l’Ecclésiaste", ROGER ZELAZNY
se montre pessimiste quant à nos facultés de compréhension des cultures
étrangères. Il imagine un personnage, Gallinger, poète et maître linguiste, qui
se rend sur Mars pour étudier la Haute Langue d’un peuple dont les males sont
stériles. A son corps défendant il se retrouve impliqué dans un rituel ancien.
Et de railleur passe au statut de raillé. Moralité : Parler une langue est une
chose, appréhender une culture en est une toute autre... « Vanité tout n’est
que vanité... »
Le problème est encore plus difficile lorsque la langue de
l’autre est incompréhensible. Au début de "Solaris" de Stanislaw LEM,
le docteur Kelvin débarque dans une station aménagée sur la planète Solaris.
Dotée d’une atmosphère irrespirable cette planète étrange est recouverte
presque entièrement d’un océan. Il n’y a qu’une seule forme de vie apparente :
la mer elle-même. Mais personne n’a découvert le moyen d’entrer en contact avec
cette entité, ni réussi à en déterminer la nature.
Lorsque le scientifique débarque, cela fait longtemps que
la Terre a renoncé à résoudre le mystère de ce monde. Il découvre un désordre
total, des collègues apeurés et des fantômes. L’océan en effet s’intéresse au
psychisme des humains et fabrique des simulacres tirés de leur inconscient. Il
essaie de communiquer au moyen des symboles qu’il perçoit dans l’esprit de
Kelvin. C’est alors que celui-ci se retrouve dans un huis clos angoissant avec
sa femme décédée.
Comme le souligne LEM, il existe aux frontières du langage,
une forme de communication dite symbolique. C’est celle qu’utilisent les enfants
avant l’apprentissage de la parole, celle qu’emploient également les adultes
lorsqu’ils tentent de décrypter le message des dieux dans le ciel, les rêves ou
les entrailles des animaux. [On trouvera dans "Le syndrome du
scaphandrier" de Serge
BRUSSOLO une variante de "Solaris" sur le thème
de la substance des rêves.] Mais malgré les symboles, ce qui rend insurmontable
la compréhension d’un langage c’est le code des références culturelles dont il
est porteur. Une nouvelle pousse cette constatation à l’extrême
Les maîtres de l’évolution sont connus : ils s’appellent
les gènes. Enfin c’est ce que tout le monde croit jusqu’à ce qu’un chercheur
nommé Pierre Blanc découvre que nos Créateurs sont les virus. Ils se sont
servis de nous jusqu’au jour ou ils ont voulu se débarrasser de nous. En pure
perte. Qui sont-ils vraiment, nous ne le saurons jamais car - et c’est le titre
de la nouvelle de Gérard KLEIN extraite de son livre d’or - "Les virus ne
parlent pas".
Pour clore ce chapitre sur une note positive, ajoutons qu’il est cependant un langage commun à toutes les espèces de l’Univers. C’est Theodore STURGEON qui le dit magnifiquement dans une des plus belles nouvelles de la SF : c’est celui de la solitude ["La soucoupe de solitude" - in "Histoires d’E.T."]
LA LANGUE POUR SE CONNAITRE SOI MEME
La découverte du mensonge, n’est ce pas le point de départ
de la conquête de la Vérité ? Questionner et répondre permet d’en apprendre un
peu plus et d’abord sur soi-même
La quête de Gilbert Gosseyn dans « le Monde des non A » de
A.E VAN VOGT est bien connue des lecteurs de SF Gosseyn se rend dans la ville
de la Machine pour participer aux Jeux qui détermineront son avenir social. Il
y apprend qu’il n’existe personne de ce nom dans son village natal et que sa
femme décédée est bien vivante et n’a jamais été mariée avec lui. Pour
couronner le tout il est mêlé à un conflit opposant son monde et Vénus [une
société démocratique ou les citoyens sont éduqués suivant les principes de la
Sémantique Générale de KORZYBSKI], à un empire Galactique. Tout en luttant
contre les représentants de cet empire sur Terre, il va s’efforcer de découvrir
qui le manipule.
Gosseyn est donc un homme programmé qui s’interroge sur sa
programmation. Sans rentrer dans les méandres fumeux de la Sémantique Générale,
simplifions en disant que c’est un mode de pensée ayant des déclinaisons
linguistiques. En particulier, bien évidemment « la carte n’est pas le
territoire ». Autrement dit un mot est incapable de décrire la totalité de
l’objet qu’il désigne. Non que le langage soit impuissant à représenter la
réalité, simplement il a ses limites. Une de ces limites est la restitution de
la réalité intérieure, de ce qui n’est pas verbalisable. Conclusion : nous ne
percevons qu’une partie de la vérité
Les héros de VAN VOGT s’efforcent toujours de garder le
contrôle de leurs émotions. Pourquoi ? Parce que, de même que l’observation
d’un phénomène est conditionnée par l’observateur, l’adhésion à un discours est
conditionnée par le locuteur [l’émetteur]. Nous transmettons non seulement des
mots mais une attitude, une gestuelle, des émotions, bref du non verbal. Chez
VAN VOGT la maîtrise d’une situation a pour prérequis le contrôle des mots et
des émotions, c’est à dire des signes.
Mais la leçon la plus forte de ce livre est que l’homme,
comme le langage, se reconstruit sans cesse.
"Connais-toi toi même et tu connaîtras l’Univers et
les Dieux " dit SOCRATE.... c’est l’entreprise étrange qu’accomplit Kinal
Darrival, fils du septarque de la province de Salla sur la planète Borthan dans
le roman de Robert SILVERBERG, "Le temps des changements".
A la mort de son père, son frère Stirron prend la
succession et comme les fils cadets des Seigneurs moyenâgeux Kinal doit partir.
Il s’installe dans la cité portuaire de Manneran ou il rencontre un négociant
terrien Schweiz. Celui-ci lui fait goûter une drogue interdite qui permet de
pénétrer l’esprit d’un partenaire. Kinal répète cette expérience avec d’autres
personnes et devient « un montreur de soi », mot qui désigne sur Borthan, un
être criminel et impudique. Les habitants de Borthan vivent en effet sous le
poids de lois et coutumes rigides réunies sous le terme de Convention. Il
s’agit d’une immense fratrie de sang et de « lien » qui les enchaîne les uns
aux autres mais les isole par la même occasion. En particulier, il est interdit
de révéler son être profond et de prononcer le mot JE
C’est ce tabou que brise Kinal et en fait le prophète et
martyr d’un monde nouveau. Commentaire : Le langage est instrument de la
connaissance de soi et promesse de liberté. Par conséquent il est porteur de
changement individuel et social. Autrement dit : la langue n’est pas q’un
reflet du réel, elle le manipule, elle a un pouvoir.
LA GUERRE DES LANGAGES
"Babel 17" de Samuel DELANY : un conflit oppose
les forces de l’Alliance à un ennemi mystérieux .Chacune des attaques de
celui-ci est précédé d’une émission radio codée dans un langage inconnu, le
Babel 17. Il ne s’agit pas d’un cryptage, mais bien d’un langage à part
entière. Le service du Chiffre étant impuissant à le traduire, l’armée fait
appel aux compétences de Rydra Wong, poétesse et linguiste de génie.
Voilà un court space opéra [250 pages] à dévorer, classique
et délirant tout à la fois. La guerre des mots n’est pas nouvelle : lutte des
services de renseignements durant la seconde guerre mondiale et la guerre
froide [le titre d’un ouvrage de Neal STEPHENSON, "Le code Enigma" y
fait référence], mais aussi propagande des Etats totalitaires
["1984"]. Connue aussi la guerre des communiqués, forme de langage à
sens unique des sociétés modernes qui se décline sur le mode intransitif, en
publicité, communication d’entreprise, information [« Où en est la com ? »] et
qui constitue d’ailleurs une régression par rapport à la communication animale
[les abeilles échangent des signes] ... A chaque fois il s’agit d’instaurer un
discours dominant, sans réplique, à vocation consumériste.
Lorsque Rydra Wong tente de se libérer du « réseau
contraignant » [sorte de champ de force] elle commence par en détecter les
nœuds, grâce au Babel 17, pour le détruire. Les gouvernants ne font pas autre
chose lorsqu’ils tentent de manipuler une opinion. Le premier objectif est en
effet de s’assurer de la participation des maillons c’est-à-dire des leaders
d’opinions qui se feront leurs relais vers le peuple.
Mais la guerre la plus récente c’est la guerre logicielle
entre éditeurs, fournisseurs d’accès et hackers ["Neuromancien" de
William GIBSON, "Les mailles du réseau" de Bruce STERLING] Justement
le Babel 17 imaginé par Samuel DELANY est issu de langages informatiques : il
n’a pas les contraintes de nos langages natifs porteurs d’intentionnalité. Il
s’apparente à la logique, aux algorithmes, il permet d’analyser rapidement une
situation. Plutôt qu’un langage, c’est un programme, un virus.
Alors que les navigateurs de Rydra Wong s’appellent Nez,
Oreille [ !] parce qu’il reniflent, écoutent l’espace, parce que, comme tous
les êtres vivants, ils ont besoin de percevoir, d’appréhender, de modéliser
leur environnement, un programme d’échecs peut lui s’en passer : l’échiquier
n’existe pas pour l’ordinateur qui joue aux échecs. En dernière limite la
question posée est : peut on concevoir une forme de conscience qui ne
s’appuierait pas sur la représentation mais sur l’algorithme ?
La lutte contre le Babel 17 préfigure peut être le combat
de l’avenir, le combat de deux conceptions du langage : la pensée contre le
traitement de l’information, le dialogue contre la communication, l’éducation
contre l’acquisition de compétences. Une guerre qui pourrait avoir lieu dans un
avenir peuplé d’objets communicants, de machines en lutte contre l’organique,
comme dans le cycle du "Centre galactique" de Gregory BENFORD Pas
étonnant donc qu’on oppose la Poésie et ses objets fantômes au Babel 17.
Il est question de Triades dans l’ouvrage de Samuel DELANY.
Triades sentimentales [1], « Jules et Jim » du Futur, il en est une qui retient
notre attention, celle que forma Rydra Wong avec deux partenaires dont un
auteur de science-fiction. Elle symbolise pour certains d’entre nous [j’espère
que nous sommes nombreux] une autre Triade, celle de l’Imaginaire, à savoir le
Lecteur, la Poésie, la Science-fiction. La confluence de ces deux littératures
a donné des chefs d’œuvres comme "Les chroniques martiennes" de Ray BRADBURY,
"L’oreille interne" de Robert SILVERBERG, "Le dit d’Aka" de
Ursula Le GUIN... Elle s’y manifeste de trois façons : un style poétique [les
trois auteurs précités par exemple] ou une technique d’écriture automatique
empruntée aux poètes surréalistes destinée à stimuler l’imagination, avec des
résultats.... à l’opposé de la poésie [VAN VOGT], ou l’insertion, en général
désastreuse, de poèmes [rédigés par l’auteur de SF] dans le roman, mais il y a
une exception :
DELANY justement. Ecoutons le :
LES POUVOIRS DE LA LANGUE
POUVOIR
SUR LA PENSEE...
« « Paramètre. » Ce
n’était pas une voix, même lorsque Paramètre eut repris un peu plus de
conscience. C’étaient des mots qui se formaient dans sa tête, comme des pensées
mais pas les siennes propres » Dans le roman de John VARLEY, "Le canal
Ophite", l’héroïne du récit Lilo, se lit d’amitié avec un symbiote. Ces
êtres doubles, formés de la fusion d’un humain et d’un végétal vivent dans les
anneaux de Saturne, c’est-à-dire dans des conditions extrêmes ou cette forme de
collaboration permet à l’être humain de survivre hors de son milieu naturel.
Mais il y a plus ; le végétal s’installe aussi dans le système nerveux de son
hôte et devient pensant. Deux pensées cohabitent donc sous un même toit C’est
un thème que l’on retrouve aussi par exemple dans "Le torrent des
siècles" de Clifford
SIMAK.
Mais il n’y a pas que les symbiotes qui transmettent et
perçoivent les pensées en s’affranchissant de la parole et de l’écriture. C’est
avant tout, en SF, le privilège
[ou le drame] des télépathes, comme ceux
de "L’homme démoli" de Alfred
BESTER, ou comme David Selig dans
"L’oreille interne" de Robert
SILVERBERG. La SF aborde en permanence ce
vieux problème philosophique :
existe-t-il une pensée en dehors du langage ?
…DONC
POUVOIR SUR LA SOCIETE
Les habitants de la planète Pao, dans l’ouvrage de Jack
VANCE , "Les langages de Pao", sont des êtres paisibles supportant
avec résignation les tyrans qui les gouvernent. Cet état d’âme se reflète dans
un langage ne comportant « ni verbes, ni adjectifs, ni formes comparatives ».
Il s’agit d’une langue polysynthétique dans laquelle la complexité des
significations est traduite dans les modifications et extensions de mots, et
non dans l’élaboration de phrases comprenant des séquences sujet + verbe +
complément.
Ainsi il n’existe pas d’acte de langage [comme par exemple
la phrase « je te blesse »] dans le paonais. Si bien que quand leur souverain «
le Panarque » est tué et que leur planète est envahie sans résistance, le fils
de celui-ci décide, sous l’impulsion d’un « sorcier », de modifier l’esprit de
ses compatriotes pour organiser la résistance. Cinq nouvelles langues sont
créées, destinées à transformer les doux paonais en guerriers, scientifiques,
marchands... Les formes linguistiques de type isolatif seront préférées aux
formes polysynthétiques.
Au bout du compte, la planète retrouve sa liberté, mais il
faudra l’invention d’un dernier langage le « pastiche », pour réunifier toutes
les composantes de la société paonaise. Le propos du livre [à comparer avec "Le
temps des changements" de SILVERBERG] est de montrer que la structure du
langage peut induire une structure sociale. Qu’est ce qui fonde un ordre social
en effet ? Un ensemble de lois et de coutumes, mais aussi des croyances, donc
des modes de pensées, donc des langues. Le langage est un fait social.
Si langues et sociétés fonctionnent sur le mode de la
reproduction, on peut s’interroger sur le rôle tout puissant du locuteur, celui
qui détient la parole. C’est le sujet de « 1984 » de George ORWELL, un livre
phare de la science-fiction et de la littérature du XXème siècle. Winston Smith
vit dans une société totalitaire, condensé de fascisme et de stalinisme, qui
contrôle les agissements et les pensées de ses concitoyens. Contrôle, torture,
peur, haine, culture de la dénonciation, lavage de cerveau, les adeptes de Big
Brother maintiennent une pression constante. Winston entre en résistance avec
comme seules armes, la volonté de comprendre, l’amour, le goût de la lecture,
de l’écriture. Il sera "écrasé" comme dit ORWELL.
Dans ce monde sans espoir, sans liberté, sans mémoire ou
l’Histoire est constamment réécrite et falsifiée, le langage est l’outil
essentiel du Pouvoir, de la Dictature. Ce livre est le récit du totalitarisme
et du mensonge. Le novlangue [le nouveau langage], dont l’auteur décrit les
caractéristiques dans un appendice, a un objectif : l’asservissement des
individus par la dépersonnalisation. La structure de cette langue, les règles
syntaxiques s’articuleront donc autour des items suivants :
La disparition : suppression des mots et des
concepts associés à des valeurs morales et spirituelles. Ou encore, en
reprenant la terminologie linguistique, détruire le signifiant c’est à dire la
trace matérielle du signe pour effacer le signifié qui lui est associé, c’est à
dire le concept. Adieu donc à la justice, l’honneur... et quand il ne disparaît
pas, le mot gênant est restraint dans son sens : le mot "libre" n’est
utilisé que pour dire "le chemin est libre"
Les oxymores : « La liberté, c’est l’esclavage
», « la guerre c’est la paix », des slogans qui inversent le sens des mots pour
inverser le sens des valeurs.
L’agglutination : des mots concaténés
remplacent des expressions [minipax pour ministère de la paix, miniver pour
ministère de la véritéqui est celui du mensonge-], la préfixation et la
suffixation à outrance [doubleplusbon] permettent d’économiser l’emploi
d’adjectifs.
En parallèle, adieu à l’écrit, support de la mémoire,
remplacé par une oralité support d’un présent perpétuel.
Pour l’anecdote, évoquons un reportage récemment diffusé
par arte, sur la vie d’un cadre du Parti communiste nord coréen : dans la
cuisine de son appartement est fixée une radio. Cette radio émet de façon
continue des « informations ».Il est interdit de l’éteindre. Lecteur de
"1984" cela ne te rappelle-t-il rien ?
POUVOIR
SUR LE REEL : LE MOT MAGIQUE
L’admirable cycle de Terremer de Ursula LE GUIN raconte
l’initiation et l’accomplissement de Ged l’Epervier, "un jeune sorcier
prometteur de l’école de magie de l’île de Roke, dans le cadre du monde
médiéval de Terremer." Dans Terremer, chaque créature et chaque objet
inanimé possède un vrai nom, un nom qui dit son essence. Connaître son nom
signifie reconnaître l’objet ou l’être et aussi le contrôler. C’est la base des
apprentissages de l’Ecole de Magie. C’est une façon de reconnaître le pouvoir
des mots et la façon dont ils modulent notre perception de la réalité.
La connaissance du « nom secret des choses » est à la fois
quelque chose de contemporain et de très ancien. Contemporain, parceque lorsque
nous apercevons une fumée au cours d’une balade estivale en foret, nous pensons
immédiatement à un feu et aux dangers encourus. La fumée est le signe du feu.
Ou inversement, le feu est le nom secret de la fumée : maîtriser le feu c’est
supprimer la fumée.
Mais Les noms secrets que prononce Ged viennent d’un
Langage Ancien. C’est une thématique que l’on retrouve chez LOVECRAFT : à
créatures anciennes, langues anciennes. En fait ce qui sépare ces vieux signes
des notres, c’est leur fixité, c’est le lien intangible existant entre les
choses et leur représentation. Nos connaissances évoluent, mais les grimoires
demeurent.
Le caractère médiéval de
"Terremer", et par delà de toute une littérature de Fantasy ou Dark
Fantasy, renvoie à une nostalgie, celle d’un monde ou « le langage n’est pas un système arbitraire ; il est déposé dans le
monde et il en fait partie à la fois parce que les choses elles-mêmes cachent
et manifestent leur énigme comme un langage et parce que les mots se proposent
aux hommes comme des choses à déchiffrer. La grande métaphore du livre qu’on
ouvre qu’on épelle et qu’on lit pour connaître la nature, n’est que l’envers
visible d’un autre transfert, beaucoup plus profond, qui contraint le langage à
résider du coté du monde, parmi les plantes, les herbes, les pierres et les
animaux. » [Michel FOUCAULT -
"Les
mots et les choses"]
Dans « Les
maitres-enlumineurs » de Robert Jackson Bennett, la ville de Tevanne
ressemble à une de ces innombrables cités décrites dans les romans de Jack
Vance voir China Miéville, plutôt médiévale que victorienne. A un détail
près : elle est enchantée. L’activité des quatre maisons marchandes qui la
gouverne se concentre sur la production d’enluminures. Enluminer un objet
consiste à modifier les forces physiques qui le régissent, à le détourner de sa
fonction, en y appliquant un sceau comportant des runes. C’est à la fois une
magie et une science du langage. Le temps aidant, les glyphes interviennent à
tous les étages de la vie sociale, que ce soit dans l’urbanisme, la propulsion
des « carrioles », le renforcement des armes existantes.
POUVOIR SUR LE TEMPS
Avec « L’histoire
de ta vie », Ted Chiang renoue avec la complexité linguistique de « L’enchâssement »
de Watson : « Les Heptapodes ont deux formes distinctes de
langage : l'heptapode A est leur langue parlée, incompréhensible pour
les Humains. La compréhension de l'heptapode B, la version écrite de
la langue des aliens, est au centre de l'intrigue. L'heptapode B a une structure
complexe telle qu'un simple symbole ne peut pas être exclu sans changer
tout le sens de la phrase.
L'heptapode B est
expliqué par la compréhension des mathématiques et du principe
de Fermat par les extraterrestres. Louise comprend que le système
d'écriture des Heptapodes vient de la façon dont ils perçoivent le temps, de
façon simultanée, ce qui suggère que le libre arbitre ne change en
aucun cas le cours des évènements, comme si tout était écrit d'avance. Lors du
départ des Heptapodes, un échange de cadeaux a lieu. Louise reçoit en cadeau la
faculté de percevoir le temps de sa propre existence de façon simultanée, à la
manière des Heptapodes. » Source Wikipédia.
LE LANGAGE EST UN VIRUS
"Le samouraï virtuel" de Neal STEPHENSON [ou la rencontre du langage et du
cyberpunk] Hiroaki Protagoniste est un Depêcheur. Entendons par là qu’il livre
des pizzas pour le compte de la Maffia dirigée par Tonton Enzo. La Terre du
futur est partagée en enclaves commerciales dirigées par des hommes d’affaires
tout puissant et peu scrupuleux. Outre la Coza Nostra de la pizza on y trouve
le grand Hong Kong de Mr Lee ou l’empire multimédia de L. Bob Rife.
Hiro est aussi sabreur et hacker dans le monde virtuel du
Metavers. Il complète en effet ses fins de mois en glanant et en vendant des
infos. Or justement le site d’un de ses copains est nettoyé par un crash, un «
snow crash » [du titre en v.o. du livre de Neal Stephenson], causé par un
métavirus « neurolinguistique » qui s’attaque à la fois aux logiciels et aux
humains via leurs nerfs optiques. Quelqu’un essaye de prendre le Pouvoir dans
le monde réel et le Métavers...
Ce livre très intéressant [hormis une interprétation
linguistico religieuse de l’histoire « Giueusesque »] de Stephenson met en
parallèle l’univers virtuel [Internet] et l’univers du langage ou se
déroulerait une guerre remontant à ...Babel c’est-à-dire à l’époque de Babylone
et plus loin Sumer. Gageons que les assyriologues Kramer et Bottero
hausseraient un sourcil en apprenant que le dieu Sumérien des eaux Enki est
qualifié de hacker par STEPHENSON... Mais l’important n’est pas là.
L’auteur effectue une analogie surprenante entre les Idées
et les Virus. Ainsi chacun peut observer que les idées les plus sombres [le
racisme par exemple] ont une faculté de reproduction qui rappelle celle des
agents microbiens biologiques et informatiques : une phase de contamination
suivie d’une phase de dissémination. La dissémination est accrue par les moyens
de communication mis à notre disposition [les médias télévisuels, Internet...].
Il existe deux façons de s’en protéger : l’une naturelle
qui est la barrière des langues [existant depuis ... Babel], l’autre qui est
tout simplement notre faculté de réflexion, antivirus linguistique et
conceptuel contre la bêtise. En outre
STEPHENSON introduit la notion de reprogrammation du
cerveau. C’est un concept équivalent au « lavage de cerveau » dont on a pu voir
les résultats dans les sectes religieuses ou les mouvements terroristes.
Le traitement de l’aliénation par le langage en SF passe
donc de « la raréfaction ["1984"] à la programmation mentale
["Le samouraï virtuel"]. Un langage qui ne fonctionne que sur le mode
de la reproduction et pas de la création est une arme potentielle pour les manipulateurs
de cerveau en tout genre. Telle est la leçon de ce livre.
Cette conception de la toute-puissance du langage est
développée à l’extrême dans deux nouvelles :
"Les neuf milliards de noms de Dieu"
de Arthur C. CLARKE,
ou la prononciation du nom secret de Dieu est associé à un cataclysme cosmique.
Ce texte évoque le pouvoir des mots présent chez les kabbalistes pour lesquels
rappelle STEPHENSON, « nommer une chose c’est la créer » [et on retombe là sur
les mots magiques d’Ursula Le GUIN].
"La Bibliothèque de Babel" de José Luis BORGES.
Cette bibliothèque imaginaire contient des livres remplis de toutes les
combinaisons de signes possibles. On y trouve donc, au sein d’une infinité de
non-sens, toute la littérature connue et à venir mais plus généralement tous
les Savoirs présents et futurs. Ici le Langage contient l’Univers.
Les Sp’thra, imaginés par Ian WATSON dans
"L’enchâssement", l’ont bien compris : ils parcourent l’Univers à la
recherche de tous les langages existants. Ils espèrent, leur moisson terminée,
trouver la clef linguistique qui leur permettra d’accéder à une Réalité
Supérieure. Parmi les langages des Terriens, celui qui les intéresse plus
particulièrement est l’enchâssement. Il est à la fois artificiel [on
l’expérimente sur des enfants « anormaux » dans un hôpital psychiatrique
anglais] et naturel [des indiens amazoniens l’utilisent comme incantation
contre un projet américano-brésilien d’édification de barrages
hydro-électriques]. Qu’est-ce que l’enchâssement ? Prenons la phrase : « Le
chien a chassé le chat qui a mordu le rat qui a mangé le malt » Sa forme
enchâssée donne : « C’est le malt que le rat que le chat que le chien a chassé,
a mordu, a mangé ». Ajoutons des parenthèses pour plus de compréhension : «
C’est le malt que le rat [que le chat [que le chien a chassé] a mordu] a mangé]
» En échange de ce langage, les Sp’thra promettent de livrer le secret de la
navigation interstellaire. Mais l’espèce humaine est une espèce prédatrice et disons-le,
complètement tarée...
[Une remarque : l’enchâssement désigne aussi en "narratologie" une imbrication de discours : un auteur rédige une intrigue, un des personnages de l’intrigue raconte une histoire mettant en scène des personnages etc ... on obtient ainsi plusieurs niveaux de réalités non communicants]
Ce livre de SF est ainsi le livre de la toute-puissance du
langage. Celui qui en détient la clef, détient la clef de la compréhension de
l’univers. [Ici, la carte c’est vraiment le territoire]. C’est ce que pensent
les Sp’thra, qui malgré un acquis technologique impressionnant ne s’intéressent
qu’aux signes. Ian WATSON, dans la foulée des travaux de CHOMSKY, suggère que
la syntaxe est une aptitude naturelle indépendante du sujet parlant [qui
semblerait d’ailleurs inscrite dans nos gènes]. La recherche de règles
universelles dans ce domaine par les protagonistes du roman, nous conduit à
reformuler une vieille question : existent-il des lois mathématiques et des
lois du langage communes à toutes les espèces intelligentes de l’univers ?
Enfin ce livre est aussi le livre de la folie. Folie des
politiques, folie des expérimentateurs de Haddon, folie du langage, quand comme
la logique, il tente d’être son propre objet et de s’affranchir du réel. Notre
Univers est il enchâssé dans d’autres Univers ou d’autres Réalités, à l’image
des imbrications de formes et de significations de ce langage ?
CONCLUSION
: SCIENCE-FICTION, QUE TON NOM NE SOIT PLUS !
Serge LEHMAN, dans son introduction à l’anthologie
"Escales sur l’horizon", analyse magistralement les difficultés
qu’éprouve la Science-fiction à s’imposer en France. L’inventaire est
impressionnant qui parcourt les obstacles ou préjugés culturels [la SF est une
littérature américaine] et historiques [le rejet de la science après la guerre
de 14] mais aussi... linguistiques. L’écrivain déploie en effet sous nos yeux
effarés les significations du mot « fiction » telles qu’elles émergent du Grand
Robert de la Langue Française et du Robert des synonymes : « Mensonge,
dissimulation, affabulation, fumisterie, galéjade... » Le parallèle est rapide
: science-fiction = mensonge de la science.
PLATON et PARMENIDE avaient formulé par un paradoxe ce refus
de l’imaginaire : On ne peut parler que de ce qui existe. Inversement si l’on
parle de quelque chose d’inexistant, c’est que cette chose existe. Voilà le
lieu ou le nonlieu dans lequel se débat toute littérature de l’Imaginaire en
France. Cependant on remarquera que la SF ne s’écarte que temporairement de la
réalité afin de mieux la percevoir dans son étrangeté. Elle explore, anticipe
de nouveaux schémas de signification. Plus généralement le propos de la SF
n’est pas ontologique : c’est une littérature attachée au sens, à la vérité
plus qu’à la réalité. Elle ne tient pas un discours métaphysique soucieux de
justifier de l’existence de ses objets.
Cette quête primordiale de la
signification que l’on retrouve dans les contes de fée
[Voyez BETTELHEIM] devrait rassurer le Lecteur : si vous
aimez les Histoires Vraies, lisez de la SF !
BIBLIOGRAPHIE
:
Alfred VAN
VOGT : "Le monde des non-A"
[J’ai lu]
Robert SILVERBERG :
"La tour de verre" [Le livre de poche], "Le temps des
changements" [Le livre de poche], "Le sixième Palais" in
"Les Chemins de la nuit" [J’ai lu] et "L’oreille interne"
[J’ai lu]
Alfred
BESTER : "L’homme démoli" [Denoël Présence du futur]
Jack VANCE
: "Les langages de Pao" [Denoël Présence du futur]
Ian WATSON
: "L’enchâssement" [Pocket]
Neal
STEPHENSON : "Le Samouraï Virtuel" [Le livre de poche]
David BRIN
: "Elevation" [J’ai lu]
Samuel
DELANY : "Babel 17" [Poche]
Roger
ZELAZNY : "Une rose pour l’ecclésiaste" [J’ai lu]
George ORWELL : "1984" [Folio]
Vernor
VINGE : "Un feu Sur l’abîme" [Le livre de poche]
Stanislaw LEM : "La voix du maître" [épuisé Denoël PDF] et "Solaris" [Folio SF]
Gérard KLEIN : "Les virus ne parlent pas" in Livre d’or [Pocket]
Theodore STURGEON : "La soucoupe de solitude" dans "Histoires d’extraterrestres" [Le livre de poche] ou aussi dans "Les songes superbes de Théodore Sturgeon", anthologie d’Alain DOREMIEUX [Casterman]
Ursula Le
GUIN : "Terremer" [Robert
Laffont / Ailleurs et Demain]
Arthur C.
CLARKE : "Les neuf milliards de noms de Dieu" in
"Avant l’Eden" [J’ai lu]
José Luis
BORGES : "La bibliothèque de Babel" in Fictions
[Folio]
Carl SAGAN :
"Contact" [Folio]
China MIEVILLE :
« Légationville » Fleuve édition
Robert Jackson
BENNETT : « Les maîtres enlumineurs » - [Albin Michel Imaginaire]
Ted CHIANG : L’histoire
de ta vie in « La Tour de Babylone »
REPONSES
DE L’EXERCICE PRATIQUE :
1 :
LOVECRAFT
2 :
Robert Wise [tiré du film « Le jour où la Terre s’arrêta »]
3 :
SILVERBERG [dans "La tour de verre"]
4 :
Neal STEPHENSON [dans "Le samouraï virtuel"]
5 : Un
homme politique français oublié du début du XXIème siècle
Enfin le titre de la conclusion est emprunté au « mystère
de la Grande Pyramide », aventure de "Blake et Mortimer" dans lequel
Olrik se voit frappé d’un anathème puissant.
Crédit photo - Film Premier contact
16 commentaires:
Actualisation d'un texte parue en septembre 2005 sur le CC
Ce n'est pas un texte mais un essai sur le langage. Bravo.
Ne diriez-vous pas comme le philosophe Wittgenstein que tous les maux viennent des mots ?
"La tendance vers le mystique vient que la science laisse nos désirs insatisfaits. Nous sentons que, lors même que toutes les questions scientifiques sont résolues, notre problème n'est pas encore abordé” (Wittgenstein)
Un pan de la littérature, la science-fiction, offre l’autonomie idéale de la fiction, son privilège formel : l'absence de vérification externe, cette préférence de l'imaginaire sur la vérité. La littérature de l'imaginaire se nourrit comme vous l'écrivez de cette "folie du langage, quand il tente d’être son propre objet et de s’affranchir du réel. Notre Univers est il enchâssé dans d’autres Univers ou d’autres Réalités, à l’image des imbrications de formes et de significations de ce langage ?"
Ah, cette longue réflexion est passionnante et bien documentée.
La fiction est-elle au-dessus du réel ? Dans les romans que vous citez, elle semble secondaire, à côté, précédée par le réel, construite à partir de lui. Une interprétation du réel inachevé.
Ces récits fictifs nous donnent la possibilité de nous confronter à la réalité où nous vivons. Et c'est parfois affolant.
"Tout langage en plus d’être un système de communication, est porteur d’une Culture donc d’une Histoire. Alors comment élaborer un langage quand on n’a pas d’histoire ?"
Ça c'est une sacrée question que vous posez, Soleil vert !
Michael C. Corballis, de l'université d'Auckland (Nouvelle-Zélande), a avancé la thèse d'une origine gestuelle du langage chez Homo erectus. L'idée est que le langage aurait débuté par un langage des signes proche de celui employé par les sourds-muets.
Mais vous avez raison, Soleil vert, car de plus en plus de préhistoriens pensent que les activités des premiers hommes, (construction des huttes, chasses, danger, domestication du feu...), impliquaient une organisation sociale et donc une communication par le langage, même élémentaire.
Mais Wittgenstein ecrit dans "Le cahier bleu" que derrière les signes que nous combinons ou au-delà d’eux, une mystérieuse activité mentale régit leur combinaison.
Quant au langage articulé, une activité de l’esprit a bien eu lieu, utilisant ces signes pour faire apparaître du sens..
Mais je n'oublie pas que le dernier mot du "Tractatus" de Wittgenstein est l'appel au silence : « Sur ce dont on ne peut parler, il faut garder le silence."...
Alors, pour arrêter de poser toutes ces questions, je cherche dans la contemplation, dans l'art ou l'écoute de la musique sacrée leur effacement..
Vous citez Delany :
«Je demande à l’air froid, au Soleil de Novembre :
dites moi donc le mot qui m’ouvrira les portes.
Le vent répond : « Partir»,
Le soleil : « Souvenir». »
C'est très beau....
https://fr.wikipedia.org/wiki/Samuel_R._Delany
Encore une citation qui colle bien avec les questions que vous posez.
C'est dans les "Cahiers" de Paul Valéry, tome 2.
"La métaphysique sort des contes de fées, des rêves, des instants enchantés, de terreur ou d'étrangeté, de ces instants où l'ensemble des choses semble se proposer à nous, où s'effectue brusquement la fiction du Total ; Vie, Monde. Où le mot Être semble avoir un sens mystérieux. Où le mot Réel devient un mot magique. Où ce qui est naturellement Réponse se fait Question."
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