Trevanian - Shibumi - Totem
La parution en Février 2024 d’un
ultime recueil de nouvelles Nuit torride en ville chez Gallmeister son
éditeur français, est l’occasion de braquer le projecteur sur Trevanian, un
écrivain aussi discret que son compatriote Thomas Pynchon, et de découvrir son
principal opus Shibumi. Il s’agit d’un thriller de cinq cent pages au
format poche racontant l’affrontement d’un tueur professionnel et d’un haut
responsable d’un consortium, la Mother Company, qui protège les intérêts des
compagnies pétrolières tout en tirant les ficelles d’un jeu nauséabond
impliquant l’OLP et l’OPEP dans les années 70.
A la suite des attentats de Munich
de 1972 qui vit l’organisation Septembre noir tuer des athlètes israéliens,
le père d’une des victimes décide de monter une cellule de cinq personnes,
chargée de l’élimination des terroristes survivants. Alertée, l’OPEP demande à
la Mother Company de les intercepter. L’opération sous-traitée à la CIA aboutit
à un désastre. L’une des rescapées part se réfugier dans le pays basque
français auprès de Nicholaï Hel, tueur à la retraite et ami de son défunt père. Mais
Diamond, l’homme du consortium, a suivi sa trace. (1)
Relatée telle quelle, la matière
de l’intrigue fournit la trame d’un honnête roman d’espionnage. Mais plusieurs
éléments narratifs le portent à plus haut niveau : une vision Balzacienne
du monde où l’intérêt des uns se heurte à des codes d’honneurs ou moraux en
désuétude, des reconstitutions historiques convaincantes comme la fin des
enclaves européennes à Shanghai dans les années 30 – à cet égard l’épisode du
petit Nicholaï déambulant dans les rues dévastées de la ville rappelle les
errances du jeune James Graham Ballard à la même époque – et surtout la
création d’un personnage hors du commun, un samouraï en quelque sorte, dont le
destin épouse celui du monde. Nicholaï Hel nait dans la Shangaï cosmopolite d’avant-guerre,
d’une comtesse russe, pas celle imaginée par Chaplin, et d’un père prussien de
passage. L’invasion japonaise ne trouble gère le quotidien de la noble
Alexandre Ivanovna qu’un général prend sous son aile ainsi que l’enfant. A la
mort de celle-ci il emmène le garçon dans l’archipel nippon où se forgera sa
personnalité.
Trevanian, alias Rodney Whitaker,
a incorporé dans son récit quelques éléments autobiographiques, dont le séjour du
héros au pays Basque. La figure de Le Cagot n’est pas sans évoquer celle d’un
proche et fictif Béarnais, Porthos. Le héros du roman tient de Mishima son refus
de l’occidentalisation du Japon d’après-guerre, cause de son expatriation. Aux
vicissitudes de l’existence il oppose une forme de supraconscience, d’éveil, de
satori, qui se brise un moment sous le poids d’événements dramatiques. La complexe théorie des jeux - Nicholaï Hel est un maitre du Go - avance un autre
concept, le point d’équilibre. Le roman structuré autour d’une partie de Go
évoque le passage du Seki (une position neutre) au Uttegae (un mouvement de
sacrifice, un gambit) toutes choses que l’on retrouve aux Echecs où la rupture d’une
position, initiative ou sacrifice, constitue un épisode à risque aboutissant
à un autre point d’équilibre final, victoire ou défaite.
Trevanian traite les années d’emprisonnement
de son personnage à la manière du cinéaste Robert Bresson. Dans Un condamné
à mort s’est évadé et dans Shibumi l’échappée ou la sortie sont
précédées ou traitées par/comme des reconstructions mentales. On pourrait dire,
ce sont des accomplissements. Episode répété de façon dramatique comme une Pâques
dans le chapitre de la cinquième partie « Le Gouffre de Port de Larrau ».
A ce stade il m’est difficile de
définir le shibumi : l’efficacité et la simplicité dans l’élimination
d’un adversaire, sobriété et discrétion d’un art de vivre ? Le roman en tout
cas, malgré un petit trou d’air aux alentours de la trois centième page, est
incontestablement brillant.
(1) Le récit de l’élimination réelle des membres de Septembre noir.
69 commentaires:
Sobre et efficace, tel qu'à l'habitude... Parfait, SV !...
Et quelques points de comparaison intéressants... Merci bien à vous, (JJJ)
Merci JJJ
S'agissant d'Isaac de Porthau (Porthos), date (95 ans) et lieu de sa mort (Pau ?) sont toujours un brin controversés par les généalogistes. See :
https://gw.geneanet.org/pierfit?lang=fr&n=de+portau&oc=1&p=isaac
Bàv,
Passionnant, votre lien sur "Colère de Dieu". Merci aussi pour cela... Bàv (JJJ)=
Pierfit n’est pas ce que je choisirais pour une genealogie crédible…. MC
Agglomération noblaillonne très soudée. MC
Vous choisiriez plutôt quoi, comme gynécologiste plus crédible, MC ?
Vous avez Jean-Claude Bourgeois, qui travaille sur les mêmes milieux avec plus de rigueur, par exemple. C’est vrai pour son livre sur Penfentenyo, et aussi pour « le Clan Kersauzon » . Je n’ajoute pas le Salaun de Kertanguy, ne l’ayant pas lu. Le problème du collectif susnommé est qu’il se laisse volontiers hypnotiser par ses sujets…. MC
Peut-être les choses ont-elles changé depuis pour Pierfit. Un seul maître d’œuvre, une couleur noble moins prononcée , et on semble vouloir arrêter de jouer aux 7 familles nobles. Métamorphose à confirmer!
De nombreuses pistes de lecture ouvertes dans les quatrième et cinquième paragraphes de votre billet remarquable. Beaucoup de passionnantes découvertes dans les liens dont l'accès au billet sur Mishima. Bravo.
Merci Christiane
Vous écrivez : "Trevanian traite les années d’emprisonnement de son personnage à la manière du cinéaste Robert Bresson."
J. De Baroncelli - Le Monde
11/1956.
.
"(...) Le cinéma, déclarait un jour Bresson, n'est pas un spectacle, il est une écriture... " Or qui dit " écriture " dit cheminement secret vers une vérité supérieure qui est la vérité propre de l'auteur. Il est évident que ce qui compte dans Un condamné à mort s'est échappé, ce n'est pas tant les péripéties extérieures du drame (préparation puis exécution de l'évasion) que l'aventure intérieure de l'homme plongé au centre de ce drame. (...)"
Et, vous ajoutez : "On pourrait dire, ce sont des accomplissements."
Oui.
Bresson avait une réputation de Janséniste fort peu justifiée.une des interprètes du Curé de Camoagne en a su quelque chose, en refusant les ardeurs
du Cher Robert…
Je crois, Soleil vert, avoir écrit sous le billet précédent tout ce que je pensais de ce roman de Trevanian. J'ai lu avec attention votre exploration de ce même roman et elle est passionnante.
Maintenant, je passe à un autre roman que vous aviez évoqué il y a peu de temps. Dans la série du "Quatuor de Jérusalem", le tome 1, "Le codex du Sinaï".
Ce sera le premier roman d'Edward Whittemore que je lirai.
J'ai découvert la préface de Gérard Klein. Impressionnante. J'en avais cité un extrait sous le billet précédent.
J'apprécie beaucoup son regard sur la science-fiction, en particulier cette idée "d'élaboration rationnelle poussée jusqu'aux frontières de l'absurde tout en s'affirmant avec une jubilation ironique comme de la fiction "
Je vous dirai mes impressions, plus tard.
Soleil vert, avez-vous eu l'occasion de feuilleter ces dessins impressionnants de Manu Larcenet pour illustrer "La route", ce roman de Cormac McCarthy que vous aviez chroniqué ? Rien ne remplace la lecture du roman mais l'oeuvre graphique qu'il a inspiré à M.Larcenet est prodigieuse
https://www.dargaud.com/bd/la-route/la-route-la-route-bda5512960
Effectivement.
Shibumi a aussi fait l'objet d'une adaptation BD
https://arenes.fr/livre/shibumi/
Je l'ai feuilleté aussi mais le côté batailles sanglantes et arts martiaux l'emporte trop sur le Shibumi qui est élégance, discrétion, silence, réserve, humilité et banalité... en apparence et illumination intérieure.
Le noir et blanc des planches de Manu Larcenet, la virtuosité du dessin m'ont séduite.
"Pourquoi cette propension à rechercher le beau dans l'obscur se manifeste-t-elle avec tant de force chez les Orientaux seulement ? (...) Les couleurs que nous aimons, nous, pour les objets du quotidien, sont des stratifications d'ombre."
Ainsi dit Junichirô Tanizaki dans son essai "Éloge de lombre" traduit du japonais par René Sieffert pour les éditions Verdier.
J'ai lu Shibumi avec ces teintes dans l'œil, un peu l'univers de Robert Bresson. Un théâtre d'ombres...
Christian Doumet dans un livre inclassable "Trois huttes" (Fata Morgana), choisit de méditer sur trois vies. Celles de Thoreau, Patinir et Bashô.
Page 118 il évoque Bashô comme j'aurais aimé savoir le faire pour Nicholai Hel.
"(...) on se trouve pris dans la double contrainte de céder à la légère douleur qu'elle ( son écriture) traduit presque à chaque courbure d'un mot sur l'autre et d'acquiescer à la dérision dans laquelle est saisie cette douleur même : comme un qui souffrirait à chaque pas sans pouvoir jamais se retenir de marcher (...) écartelément d'être au cœur d'une épreuve et de s'en trouver toujours exclu : condamné à habiter la hutte qui ne vous appartiendra jamais.(...) une silhouette tournée vers le départ.
Vous aviez évoqué cette excellence dans le journal d'un moine.
https://soleilgreen.blogspot.com/2023/07/six-recits-au-fil-inconstant-des-jours.html
Shen Fu - Six récits au fil inconstant des jours - Libretto
Mais surtout dans celui-ci :
https://soleilgreen.blogspot.com/2023/08/notes-de-ma-cabane-de-moine.html
https://soleilgreen.blogspot.com/2022/07/la-route.html
Au début du "codex du Sinaï", le personnage est "trop", trop grand, trop fort, trop brillant. Prêtant à sourire comme face à un personnage de conte.
Puis il y a l'apparition de ce jeune Wallenstein passionné d'astrologie et enfin ce jeune homme méticuleux, linguiste, timide, ascétique, passionné par la lecture des bibles et musicien aimant joué la Messe en si mineur de Bach.
Il devient moine, envoyé au monastère de Sainte-Catherine sis au pied du mont Sinaï.
Plus les pages se suivent , plus l'action ralentit au profit d'un cheminement intérieur et plus j'accroche surtout quand il déterre un paquet contenant une épaisse laisse de parchemins, des pages écrites en araméen.
Décidément, vous savez me mettre sur la piste de fictions qui éveillent mon intérêt. Merci , Soleil vert.
Mais aussi en hébreu. Un Ancien Testament ? Mais aussi un Nouveau Testament qui aurait été rédigé des siècles avant la naissance du Christ....
Il lit ces feuillets et conclut dans un premier temps qu'il doit se trouver face à la plus ancienne Bible complète existant. Des textes qui contredisaient toutes les vérités religieuses connues.
Dans l'irrationnel il y a de la rationalité. Le comportement de cet érudit est très rationnel, s'appuyant sur une grande culture, une aisance dans les langues anciennes.
La genèse de l'humain...
Les religions du Livre....
On en sait les extrêmes, tous les jours... Les guerres... Les mises à mort... Les bûchers...
Cette pseudo réalité inventée par Edward Whittemore autour du vide originel, de l'absence de sens...
Un silence.
Les hommes ont besoin d'une origine... divine à l'occasion.
Des fantasmes, des mythes, des livres... des migrations...
Bon début.
Qu'a-t-il imaginé ?
C'est comme si Whittemore inventait une histoire entre le rêve et le réel. Comme s'il interprétait une réalité par un rêve. L'un s'infiltre dans l'autre. Une coupure et un lien. Une histoire folle.
Saisir un des livres de la Loi, de l'interdit , autour de cet abîme originel.
Je voudrais tant parfois connaître la légèreté de Marivaux :
" L'amour est venu, nous a liés, et je ne sais plus où il est parti... Vous en avez une idée, vous ?
Ce n’est pas totalement faux si l’on se souvient de la réforme du Roi Josias, dont le principe aurait été (?) de transformer le Judaisme en Monothéisme, quitte à faire payer le prix fort à la deesse mère de service! D’où une possible origine des vicissitudes d’une certaine Lilith. Cherchez le livre sous le livre, en quelque sorte!
Maintenant, comme on a que des miettes de texte, si on les a, on peut toujours rêver!
Il est quand même très compliqué ce premier tome de ce long développement du quatuor de Jérusalem.
Ce qui est le plus désarçonnant c'est le changement permanent d'époques. Passer de l'histoire la plus reculée (-3000) à l'attentat de Sarajevo... Il faut être élastique.
Se mêlent à ces sauts dans l'Histoire les personnages excentriques qu'il a inventés. Certains se prenant pour Dieu ou Jésus, d'autres se terrant en ermite, d'autres menant des vies mariales plutôt incompréhensibles sans oublier la réécriture du codex..
Il faut être Gérard Klein pour circuler avec tant d'aisance dans cette création ébouriffante ou peut-être Soleil vert puisqu'il citait le livre surtout pour la réécriture de l'histoire du Moyen-Orient.
Je ne suis pas certaine d'avoir les idées assez claires à la fin du premier tome pour poursuivre l'aventure dans la suite du quatuor de Jérusalem.
De plus je n'ai pas les connaissances nécessaires pour trouver les éléments qui ont inspiré Whittemore dans la genèse de toutes ces religions du Moyen-Orient. Je me réjouis de votre remarque, MC. Nul doute que vous puissiez élucider ces mystères.
Voilà ce qu'en dit l'excellent Gérard Klein dans sa preface.
"(...) C'est à cette cohorte étrange qu'appartient le "Quatuor de Jérusalem ", d'Edward Whittemore qui comprend "Le Codex du Sinaï, Jérusalem au poker, Les Ombres du Nil" et "La Mosaïque de Jéricho".
Tous ces livres différent les uns des autres mais un fil rouge les parcourt comme jadis les cordages de la marine anglaise. C'est d'une manière ou d'une autre l'idée d'une autre réalité aux couleurs plus fortes que celle de la nôtre, d'une histoire secrète, voire d'un complot, en fait imaginaire ou objet d'une suspicion ironique. L'énigme et la manipulation sont les ressorts de l'intrigue mais se confondent dans le texte (...). Le fait littéraire prime sur la mimésis supposée. Impossible de prendre au sérieux ces textes et ces auteurs* et pourtant ils sont terriblement sérieux dans ce qu'ils nous révèlent de faux-semblants du monde et de notre insondable propension à la crédulité.
Ainsi le "Quatuor de Jérusalem" apparaît comme une sorte d'uchronie où les évènements qui servent de repères appartiennent bien à notre histoire mais où les fils de cette histoire sont tenus par des personnages plus grands que nature et aussi fascinants qu'invraiselblables. Vous croyez savoir qui a écrit collectivement la Bible, texte qui unit et qui sépare tout à la fois les croyants des trois religions du Livre. Eh bien, vous allez avoir une révélation sismique. (...)
Le tout écrit d'une plume sûre, précise, enjouée, tragique et parfois intolérable dans son atrocité que la réalité qu'elle évoque "
Suit une présentation poussée d'Edward Whittemore.
(* Pour la cohorte étrange d'auteurs qu'il il a précédemment évoqués : Samosate, Rabelais, Shakespeare, Shandy, Lewis Carroll, Pynchon, Nabokov, Eco....)
Trois personnages :
Un juif arabe né sous les pharaons qui ne sait plus s'il est juif ou arabe
Strongbow le géant...
Un Irlandais catholique fils d'un lord anglais, en fuite
Trois personnages qui rêvent de réconcilier Juifs, Chrétiens, arabes dans une Jérusalem en paix...
Le juif qui date des pharaons et ne sait plus s’il est juif ou arabe: une réécriture du Juif Errant ?
Strongbow paraît Chestertonien. Mr Arc Fort, géant de son état?
Et la présence d’au moins trois Confessions chez eux donne du poids à ce qui parait être un projet métaphysique…
Mystérieux personnage ce Plantagenet Strongbow, duc de Dorset qui apparaît au chapitre 1 de la première partie. On le trouve, plus tard, assistant au vingt-cinquième anniversaire de la reine Victoria.
Mais c'est aussi le nom d'une comète.
Puis on le retrouve dans le Sinaï. Il a appris que Wallenstein écrit une contrefaçon de la bible trouvée dans une cave. Le texte ne lui plaisait pas donc il s'était enfermé dans une grotte pour écrire une contrefaçon. Il échangera l'une contre l'autre.
Strongbow sera déchu de son titre de duc s'étant intéressé de trop près au sexe levantin. Il se met en ménage avec une drôle de femme taciturne. Un fils naîtra qui portera un prénom de fille, Catherine.
Strongbow aura aussi un fils, Stern.
Puis je ne comprends plus rien, mais rien du tout.
Stern roulant dans le désert est repéré par les bédouins. Il décide de continuer son voyage en ballon. Il vole donc de nuit au-dessus du Yémen.
"Il filait en silence dans le ciel enténébré, invisible aux hommes du désert, passant pour un lointain petit nuage lorsque la lune se faisait gibbeuse.
Il voguait donc dans le ciel, d'Aden au Jourdain, de la mer Morte à Oman, descendant avant l'aurore pour tomber doucement dans une ravine rocheuse où il ancrait son aérostat. (...)
Il découvrit que sa noble entreprise se réduisait au simple trafic d'armes. La grande nation qu'il avait conçue aurait dû guérir les antagonismes du passé, son rôle fondateur faisant de lui une sorte de Hakim. Mais les premiers interlocuteurs auxquels il eut affaire, ne pensaient qu'à une seule chose : les armes."
Chestertonien, dites-vous...
Je dirais plutôt Aladin sur son tapis volant !
ou Sindbad...
Mais le projet tombe à l'eau ( ou plutôt dans le sable) puisque Strongbow la falsifie. Mais pourquoi ?
Mais c'est exact, Chesterton est décrit «avec le corps d’un géant, l’âme d’un saint, la simplicité et la candeur d’un enfant, l’exubérante fantaisie d’un poète, l’esprit alerte d’un sophiste et l’intégrité intellectuelle de celui qui cherche la vérité», alliant le « courage agressif d’un croisé à la douceur d’un quaker» par un de ses préfaciers.
Voilà le commentaire de Soleil vert ( 22mars - 19h48), dans les commentaires de l'avant-dernier billet, qui m'a donné envie de lire au moins le premier des quatre volumes :
"Ça m'a renvoyé au "Quatuor de Jerusalem" , 4 volumes, chez Laffont, bientôt introuvables, qui déploie des histoires d'amitié dans un Moyen-Orient fantasmé."
Ce personnage, Strongbow, qui est le premier à apparaître dans le roman est présentée comme une aberration.
Cette famille des Strongbow se perpétue bizarrement dans l'ordre et la répétition. Tous les ducs et duchesses après avoir produit une demi-douzaine d'enfants perissaient quand ils atteignaient la trentaine d'une façon accidentelle tenant du canular !
"De la fin du XIIe siècle jusqu'au début du XIXe siècle, on vit ainsi se succéder quantité de Plantagenêt Strongbow, doués d'une solide connaissance des roses et d'un vague souvenir de leurs parents"
jusqu'en 1819,
année de naissance de notre personnage principal, celui qui à l'âge de quatorze ans dépasserait le mètre quatre-vingts et à 16 ans, deux mètres trente.
Donc, MC, voilà le vingt-neuvième duc de Dorset !
Pour quelles raisons Whittemore a-t-il décidé de lui faire quitter Cambridge pour, quarante années plus tard - il a maintenant soixante ans...- le planter sur la route du hadj partant de Damas, vivant et s'exprimant comme un bedouin ? De ses voyages, aucune trace.
Quelle folie que ce début de roman. Qu'est-ce qui est réel, qu'est-ce qui est irréel ?
Tout cela pour que le roman commence, enfin.
Le plus important étant la découverte qu'il fit dans une grotte du Sinaï d'un exemplaire originel de la Bible.
Début d'une aventure qui durera quarante ans et quatre volumes.
Ce sera la succession : son fils unique du nom de Stern, un garçon idéaliste et trafiquant d'armes.
Mais avant, Whittemore, ayant plus d'un tour dans son sac, fera apparaître Wallenstein....
présenté
je reviens à Shibumi
Hello SV.
Bonne lecture pour moi,et belle chronique aussi.
J’ai trouvé malgré tout que ça avait un peu vieilli,normal si on se réfère à la date d’écriture.
Au niveau des personnages, Hanna,moitié orientale, moitié africaine, la concubine,c’est juste ce qu’elle est,même si la relation va un peu plus loin avec Hel que la simple relation sexuelle. Elle est un peu le révélateur de Hel au lit.
Le Cagot,personnage complexe,un très bon ami,sympa,compagnon de spéléologie, membre actif de l’ETA,me semble-t-il. Ces passages m’ont paru très longs dans les grottes.
Le général Kishikawa,un père de substitution, protecteur,qui va lui inculquer des valeurs orientales,la loyauté envers ses amis.
Voilà entre autres..
Le passé et le présent sont bien rendus
Je médite sur cette phrase:
”La coïncidence est l’arme la plus importante du destin”
Ps:On retrouve le pays Basque dans un autre de ses romans ”L’été de Katya”.
Je reviens au roman farfelu autant qu'érudit de Whittemore, JJJ m'ayant dégouté d'écrire quoi que ce soit de plus sur "Shibumi".
Donc, ce Wallenstein. Une famille aussi braque que celle de Strongbow.
Même écriture ludique maniant l'ironie comme on manie une tapette à mouches ! Donc voilà le rejeton... celui qui a les deux yeux ouverts donc différents de ces ancêtres borgnes , mous et indécis.
Sa particularité être passionné par la Bible.
"Il avait mémorisé les Écritures dans toutes les langues parlées en Terre sainte durant les temps bibliques".
Le voici donc, sans surprise, moine trappiste à Rome.
Et bien sûr, Whittemore se débrouille pour qu'il soit envoyé au monastère de Sainte-Catherine sis au pied du mont Sinaï.
Whittemore aurait pu être tisserand d'un tapis oriental ! Il sait habilement croiser ses fils de couleurs. Pour l'instant le motif caché dans le tapis naissant reste très incomplet.
On sait juste que le tisserand se plaît à sa fabrication, un sourire narquois au coin des lèvres.
Il fait quand même quelques petits clins d'oeil aux lecteurs les mettant dans sa poche par quelques indices habilement glissés dans l'etoffe du récit. Le dit lecteur se sentant alors très intelligent alors qu'il est manipulé par un diabolique écrivain qui a bien sûr toujours un temps d'avance....
Le trafiquant d’armes peut renvoyer à Rimbaud…MC.
Le mercenariat est aussi illustré par le prénom de Wallenstein.,..
Enfin l’un des plus anciens codex provient bien de Ste Catherine du Sinaï. Il y a du Mentir-Vrai là dedans…. MC
Salut Greg :
"Ces passages m’ont paru très longs dans les grottes."
Oui 70 pages … le trou d'air dont je parlais.
Tout au long, utilisation de noms et de fonctions symboles, sans qu’elles puisse nt toujours coïncider. Cote roman Intelligence-Service…
Et de deux !
Ce Wallenstein est envoyé dans une cave pour la nettoyer et découvre enveloppé de bandelettes une liasse de parchemins... "Une Bible complète qui contredit toutes les vérités religieuses entretenues par je genre humain."
Alors là, suivent quelques pages où tout est chamboulé dans les généalogies. Mahomet et Isaïe contemporains. Marie, Ruth et Fatima confondues. David et Jules César jouant aux cartes. Alexandre le Grand les défiant au tric-trac. Le Christ relatant la multitude des contes formant le cycle des "Mille et Une Nuits"...
"Même des époques où il n'existait pas de dieux, même pas un seul."
Bref, une grande confusion qui plonge Wallenstein dans une extrême perplexité.
Quant à l'auteur de cette Bible, aveugle, il ne cache pas, à la fin du manuscrit, son désir d'inventer des histoires de nouveaux mondes et non d'anciens.
"Dans tous les cas, notait humblement l'aveugle, les hommes tendent à devenir des fables et les fables des hommes...."
Aveugle, il a donc dicté ces feuillets. Et ajoute un final splendide : "vienne la fin amen la fin soit avec vous la fin déclare la fin des fins la fin."
"Des divagations retranscrites par un idiot ? Un mendiant aveugle et anonyme chantant ce qui lui passait par la tête ? Un prophète délirant et un débile imaginatif combinant leurs forces pour produire les Saintes écritures sept cents ans avant la première apparition connue de l'Ancien Testament..."
C'est là qu'il décide de contrefaire cette Bible originelle.
enveloppée
Intelligence-Service ?
Whittemore fut approché par la CIA et travailla pour elle pendant plusieurs années avant de choisir l'écriture. . A-t-il trouvé dans cette expérience la matière de ses romans ?
Comme vous je trouve qu'il a une connaissance approfondie de l'histoire du Moyen-Orient et de la Bible.
Mais ici place à l'imaginaire.
Oui, absolument.
J'ai eu l'impression, lisant ce passage, que l'auteur avait voulu casser le fil de l'intrigue. Comme s'il nous disait - Ah vous avez cru vous trouver dans un roman d'espionnage, eh bien non ! Je peux en une séquence vous dérouter.
Mais c'est dans ce lieu que le roman va nous reconduire plus tard et d'une façon tragique. Un hors contexte qui deviendra plus tard essentiel et notamment pour le seul chemin à trouver qui conduira Hel vers la liberté, mais meurtri....
Je partage ton avis sur ces longueurs spéléologiques,mais ces connaissances vont être fondamentales pour le dénouement.
En résumé, très beau personnage que Hel,il vit dans un château aux dimensions impériales, avec très peu.
Et cette déclaration d’amour au Pays Basque,à son amour pour la nature,à la beauté des lieux.
Bref,foncez vous procurer ce bouquin.
Oui, Greg, d'accord sur les trois points que vous soulignez.
Oui, c'est un roman passionnant qui tient à la mémoire, longtemps
Ce commentaire supprimé et pour cause ! Un glissement involontaire de Trevanian ("Shibumi") à Whittemore ("Le Quatuor de Jérusalem") à cause d'un roman ( La sanction) de Trevanian qui présente à peu près la même construction que "Shibumi".
En l'évoquant, un lapsus m'a conduite à ecrire Whittemore au lieu de Trevanian !
Donc , je reprends le rapprochement de ces deux oeuvres.
Ce roman de Trevanian a d'ailleurs été à l'origine d'un film éponyme réalisé et joué par Clint Eastwood . Film qui est repassé cet hiver sur Arte. Film qui m'a subjuguée par la beauté des plans de l'ascension de l'Eiger comme dans celle d'un rocher étrange en Amérique.
Donc, dans "La sanction", un héros peu crédible est à la fois tueur pour une organisation secrète maintenant retiré, professeur d'art, collectionneur de toiles de maîtres, et alpiniste. Cette dernière qualité étant à l'origine de l'intrigue.
Donc l'organisation le contacte pour qu'il reprenne du service car un de leurs agents a été assassiné qui était un ami du héros ( dont j'ai oublié le nom).
Là encore un pastiche de roman d'espionnage puisqu'il part sur les traces de celui qu'il doit... "sanctionner"mais que les passages consacrés à la poursuite, aux morts sont bien inférieurs à
ceux consacrés à l'ascension. L'Eiger est magnifique, tout couvert de glace.
Mais "Shibumi est tellement plus profond dans la psychologie de son héros, dans ses motivations, son goût pour la philosophie des samouraïs et par la stratégie du jeu de Go, dont SV nous dit l'essentiel.
Mais les grottes du Pays basque pyrénéen sont presque le miroir des montagnes imposantes des Alpes suisses. Comme deux triangles inversés.
Joie !
Soleil vert a chroniqué les quatre tomes du "Quatuor de Jérusalem" de Whittemore
En voici un extrait :
"(...) Plutôt que la recherche de deux bibles, une vraie et une fausse, Le Codex du Sinaï raconte l’odyssée de funambules perdus dans les sables et les songes. Jérusalem est le centre de gravité de ces aventures à l’image de l’Alexandrie de Lawrence Durrel auteur d’un roman au titre quasi-homonyme. Ancien de la CIA avant de basculer dans une carrière romanesque, Whittemore, comme le souligne Gérard Klein, présente un profil d’espion comparable à John le Carré. Cela nous vaut, à côté d’élucubrations délirantes, des pages d’histoires d’un réalisme saisissant à l’image de la description des carnages opérés en 1922 dans la ville de Smyrne, antique patrie d’Homère (...)"
2019
Inscrire : "Whittemore" dans le moteur de recherche.
Ah ça c'est vraiment bien !
"Le Quatuor d'Alexandrie" - Lawrence Durrell
En bas de la fiche il y a un label qui renvoie aux 4 livres. SV
J'aime beaucoup cet autre extrait de sa chronique du quatrième tome du "Quatuor de Jérusalem' de Whittemore :
"Whittemore laisse courir sa plume sur les mouvements d’âme de ses personnages, qui en dépit de quelques coups d’éclat, contemplent «les statues brisées de leur existence». Les murailles du rêve d’une coexistence pacifique entre les différentes communautés religieuses s’effondrent. Restent l’amitié et quelques songes…
Cela nous vaut quelques belles pages sur les cités millénaires que sont Jérusalem, Damas ou Jéricho ..."
Un grand chroniqueur .
Délices en chaîne !
https://soleilgreen.blogspot.com/2019/01/le-quatuor-de-jerusalem-1.html
De quelle fiche parlez-vous ?De quel label qui renvoie aux quatre livres ?
Des quatre livres de Whittemore ou de ceux de Lawrence Durrell ? Du Quatuor de Jérusalem ou du Quatuor d'Alexandrie ? Vous me troublez avec vos parallèles qui se rencontrent. Un ruban de Moebius....
Ah, j'ai trouvé ! Les petites flèches. C'est drôlement bien pensé ces renvois.
Je relis votre fiche, voyage avec les "labels" (ces signes permettant dans le monde de linformatique de passer d'un document à un autre), cherche un sens a cette œuvre de Whittemore.
Hélas, je reste emprisonnée dans la lecture du premier tome (Le Codex du Sinaï).
Pourtant, es lignes de votre fiche me réjouissent, traduisant ce que je ressens :
"Le Codex du Sinaï raconte l’odyssée de funambules perdus dans les sables et les songes. Jérusalem est le centre de gravité de ces aventures ..."
Par ces mots vous recentrez la lecture, non sur les personnages quasi insaisissables mais sur la cité : Jérusalem et par delà le Moyen-Orient.
Ce n'est pas rien cet énigmatique roman de fiction pour sortir de l'étau actuel des guerres incessantes dans ce Moyen-Orient.
Et ce roman, entre autres chemins, choisit celui du Livre à l'origine des trois monothéismes qui ont pris racine en ces terres : la Bible.
Le problème c'est que dans le premier tome on approche d'un manuscrit retrouvé, orignal, qui n'aurait aucun rapport avec le Livre connu étant à l'origine du fondement des trois religions qui n'ont cessé de s'affronter comme détentrices chacune de la Vérité.
Il semble, à vous lire, que si on enchaîne la lecture des quatre tomes on entre dans une utopie chère à Whittemore : la paix, l'harmonie entre ces peuples qui y vivent et se combattent depuis des millénaires.
Comme si seul l'absurde et la fiction pouvaient répondre à la folie meurtrière de ce temps, au Moyen-Orient et ailleurs dans le monde.
(Même si le présent semble avoir reléguer certains de ces conflits meurtriers dans je passé comme au Rwanda).
Étrange expérience qui fait de la littérature un miroir de nos angoisses par l'absurde...
Je ne comprends pas grand chose à ce livre qui ressemble à un puzzle éclaté dont chaque élément est producteur de beauté ou de cocasserie. Whittemore sait écrire. Le plaisir du texte est certain. Mais je crois que la rose des sables qu'est ce premier tome du Quatuor de Jérusalem restera dans les sables de ma mémoire. Ma caravane de livres me conduit toujours plus avant dans ce mirage d'encres plurielles.
De ce roman de Trevanian qui chapeaute ce billet, je retiens cette présence d'un personnage envoûtant surgissant d'un monde de violence, calme, défait, presque vaincu, assis avec sa compagne face à un souvenir de jardin parfait, une petite prairie au soleil qui rend son coeur légèr. La cérémonie du thé comme un tapis volant... pour aller vers ce monde qui sera quand demain n'existera plus.
Merci pour cette bibliothèque infinie, Soleil vert. Merci de me permettre d'écrire ici librement notant mes impressions de lectrice comme sur un petit carnet, quand la lecture me donne ce besoin.
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