vendredi 29 septembre 2023

Furari

Jirô Taniguchi - Furari - Casterman

 

 

Déniché il y a bien longtemps au Salon du Livre Paris, c’est avec plaisir et un peu de honte que j’extraie enfin d’une de mes archives ce remarquable manga ou roman graphique, termes qui semblent bien étroits, tant les planches de cet artiste, en particulier les dessins en doubles pages, évoquent les peintures des grands maitres japonais d’antan. Sans me dédouaner totalement, j’observerai que Furari qui amplifie les thèmes de L’homme qui marche bénéficie d’une édition en net retrait par rapport à son prédécesseur. La VO semble comporter des pages couleurs qui se substituent au tramage gris bien visible au scanner de la VF.

 

Taniguchi/Hiroshige
Furari, qu’on peut traduire par « au gré du vent » raconte les déambulations d’un géomètre dans la ville d’Edo, ancienne dénomination de Tokyo, à la fin du XVIIIe siècle. Librement inspiré de la vie de Tadataka Ino qui établit le premier une carte du Japon, le manga immerge le lecteur dans un décor de maisons de bois, de ponts graciles sortis tout droits d’une estampe japonaise. Jiro Taniguchi s’est inspiré en particulier des Cent vues d’Edo d’Hiroshige, comme le montrent les quelques emprunts reproduits ici.


Taniguchi/Hiroshige

Le mangaka montre aussi le quotidien des petites gens, des vendeurs, des artisans, des artistes croisés au gré de ses déambulations. Il relate quelques évènements historiques comme l’échouage d’une baleine dans la baie de Tokyo, prétexte encore à une magnifique double page. La capitale japonaise à cette époque est enfouie dans une masse végétale bordée par l’océan ; Taniguchi en exprime toute la poésie en des vues contemplatives engageant le lecteur sur des sentiers méditatifs. L’œil du narrateur balaie les horizons, interroge le ciel et la lune, se fait entomologiste en suivant la progression d’une cohorte de fourmis ou un ballet de lucioles.

 

Taniguchi/Hokusai 

Amateurs d’action, passez votre chemin. Furari est une ode à un monde disparu, une respiration.








78 commentaires:

Christiane a dit…

Quelle beauté ! J'avais été sous le charme de "L'homme qui marche".
Vous écrivez : "le manga immerge le lecteur dans un décor de maisons de bois, de ponts graciles sortis tout droits d’une estampe japonaise. Jiro Taniguchi s’est inspiré en particulier des Cent vues d’Edo d’Hiroshige, comme le montrent les quelques emprunts reproduits ici."
Oui, c'est mon souvenir et merci pour les pages en fin de billet.

Christiane a dit…

Le milan page 17 est somptueux, comme le clair de lune, pages100 et 101, et votre planète page 155, 156 et les oiseaux page 157 et la forêt de pins plus loin... et le monde de l'herbe... et la neige...

Et je n'ai encore rien lu. J'étais dans Bernanos.

Christiane a dit…

Merci pour le rapport à Hiroshige. Les dessins sont superbes.
Les histoires toutes étonnantes où l'homme rêveur devient tour à tour oiseau, tortue, chat. C'est très vivant, parfois très drôle ( les tortues qui sont attrapées pour être vendues afin d'être relâchées dans la mer !).
Les cerisiers en fleurs, les étoiles, la neige autant de poésie.
Et une épouse patiente et douce qui, à chaque fois, lui rappelle qu'il a dit rêver.
Il compte tout le temps comme s'il mesurait des distances. Je crois qu'il souhaite faire un plan de la ville d'Edi.
C'est frais, ludique, poétique.

Anonyme a dit…

Recension élogieuse dans Éléments, une des rares revues françaises qui ne vous excommunie pas selon vos options politiques, d’un petit livre de Michel Geoffroy, « Bienvenue dans le Meilleur des MondeS » sur le thème « « comment la SF a-t-elle pu distinguer notre présent? ». , Institut Iliade. Ce que ça vaut, je n’en sais rien. Peut-être le détour? ??

Anonyme a dit…

Cerisiers en fleurs . Floraison brève. Se retrouvent sur..,, certains tatouages yakusas. Le symbolisme parle de lui-même….

Christiane a dit…

C'est un livre reposant, poétique, bien dessiné d'un trait fin avec de beaux portraits des habitants d'Edo, des animaux. De très beaux paysages vus du ciel ou à ras de terre.
Avec tout ce qui se passe, partout et... sur certain blog, cela fait du bien.

Anonyme a dit…

A propos de livre , trouvé hier une édition de La Nuit du Jabberwock, de F Brown, qui cite des éditions de 2005-2007 comme antérieures, mais pas celle du Livre de de poche qui les précède, et qu’on peut croire n’avoir jamais existé ! Ce qui , s’agissant d’un livre fondé sur Alice au Pays des Merveilles, est tout de même un peu fort de cafe ! MC

Christiane a dit…

Quelle étrange histoire que celle dAllice au pays des Merveilles. Un conte terrifiant qui m'a fait douter longtemps du mot merveilles. Déjà, tomber dans un trou est terrible mais tout ce qui lui arrive après est digne d'un cauchemar. Pourquoi a-t-il écrit ce livre ?

Christiane a dit…

d'Alice

Christiane a dit…

Pas étonnant que "La Nuit du Jabberwock", ce roman américain policier et fantastique de Fredric Brown, paru en 1950, soit rapproché du conte de Lewis Carroll, "Alice au pays des Merveilles". Le héros vit dans un monde imaginaire. N'y a-t-il pas une société secrète nommée " de l'autre côté du miroir ? N'y a-t-il pas l'injonction : "Buvez-moi" sur le flacon mais vite, il y a des cadavres. Fantastique et surréel emportent l'histoire loin du roman policier. On pense beaucoup aux histoires extraordinaires d'Edgar Poe. L'absurde et l'illogique tricotent maille après maille un récit de plus en plus étrange. Il me semble me souvenir de cette vaine chasse au Jabberwock... mais c'est loin, très loin...

Christiane a dit…

Ce qui m'a ravie dans le conte de Lewis Carroll c'est sa passion des mathématiques qui le conduit à interroger le langage par le personnage d'Alice d'une façon très philosophique.
Ainsi, pense-t-elle, on pourrait aussi bien dire "Je vois ce que je mange" ou, ce qui est la même chose, "Je mange ce que je vois ." Mais est-ce vraiment une relation inverse ? Est-ce que ça veut dire la même chose ?
Alice se demande aussi pour quelles raisons le chat du Cheshire s'efface jusqu'à disparaitre, ne laissant que son sourire suspendu dans l'air, ce qui l'amène à noter qu'elle a vu un chat sans sourire mais jamais un sourire sans chat.
Deux problèmes de logique parmi tant d'autres que n'aurait pas désavouer Wittgenstein !

Christiane a dit…

Dans "Furari" de Jiro Taniguchi, je retrouve ce questionnement du personnage : " Au fond... c'est un peu étrange, dit-il à la tortue, tu as été attrapée pour être relâchée. Et les gens t'achètent pour te libérer... si on y pense c'est une coutume un peu bizarre..."
Ou, s'interrogeant sur sa façon de marcher, il suit les empreintes d'un chat débonnaire, se met à quatre pattes devant lui et lui demande : "- Hé, le chat, explique-moi, tu marches comment ?"
Le chat continue sa toilette et fixe le paysage. Notre homme continue de l'interroger : - A quoi tu peux bien penser, hein? T'as de la chance. Tu peux vivre sans te faire de souci.

Sur un pont, il regarde le ciel étoilé et rencontre un poète qui récite des poèmes de Bashô. Il l'imagine dans son ermitage et lui dit : "Être poète, c'est vivre libre dans la beauté. Je vous envie."
Le poète lui répond avec beaucoup de lucidité : - Il n'y a pas de quoi. Plutôt que beauté je dirais austérité. Le voyage des poètes... un des buts est bien sûr de diffuser la poésie mais c'est aussi de gagner sa pitance et de quoi voyager encore.

Les dessins sont très beaux.

Plus tard, sur une barque, sous les étoiles et la lune, son épouse lui demande :
- Pourquoi donc le lapin fait du Mochi sur la lune ?
( c'est une référence à une légende qui veut que la lune soit habitée par un lapin qu'on voit concasser du riz pour préparer la pâte appelée mochi)

il répond à son épouse par un conte du bouddhisme, celle d'un courageux lapin qui voulut faire une bonne action.
Alors il donna sa vie. Shakra, du haut du ciel, fut ému. Il l'emporta et l'installa dans le royaume lunaire.

Ça se passe au XVIIIe siècle, un homme, cet homme arpenté Édouard, l'ancienne Tokyo avec pour ambition de cartographier la capitale pas après pas.
( cela m'évoque la nouvelle de Borges que nous évoquions.) Mais souvent , il darretey de marcher. Sa marche devient une flânerie émerveillée qu'il redécouvre at travers les yeux d'un oiseau, d'un chat, d'une tortue...
M.C a judicieusement rappelé la traversée des miroirs de Lewis Carroll et de Frédéric Brown.

Christiane a dit…

arpente Edo

Christiane a dit…

il s'arrête

Anonyme a dit…

En fait , c’est un rigoureux roman policier qui s’emploie à intoxiquer son héros. C’est aussi un hommage à Caroll, qui encadre le récit au début, au centre, et plus malicieusement à la fin. De cadavre Carollien, il n’y en a qu’un, les deux autres victimes ressortent de la pègre. A moins qu’on ne juge fantastique le dialogue du Docteur avec le mort, mais ce fantastique là est-il carollien? Bien à vous. MC

Christiane a dit…

Je suis partie sur un film que je n'avais encore jamais vu : "Breaking The Waves" de Lars von Trier.
Partie est le bon mot ! Je n'ai pas vu passer les deux heures trente .
Film puissant, dérangeant, implacable qui d'épisode en épisode nous conduit vers un final grandiose.
Les vagues auront brisé le malheur et le désespoir.
Le personnage de Bess merveilleusement interprété par Émily Watson plonge par amour et foi (naïve ?) Dans la prostitution la plus sordide pensant que son martyre, son sacrifice rendra la vie à Jan, son mari tétraplégique suite à un accident et dans un état désespéré.
La scène finale sur la plateforme pétrolière est magnifique... car la communauté religieuse austère et rigide où
elle vit, en Ecosse, acceptait de l'enterrer mais en la condamnant à l'enfer mais Jan et ses amis ont remplacé par un sac sable le corps de Bess. Celui-ci se trouve sur le bateau qui conduit Jan et ses amis sur la plateforme dans laquelle Bess sera immergée de nuit. Le lendemain matin, revanche divine contre les mesquins : des cloches, apparaissent dans le ciel, et sonnent , victorieuses, symbolisant l'accueil de Bess au Paradis.... Le titre du film exprime bien cette force spirituelle, surnaturelle qui change ce qui devait se passer...
Film digne d'un roman de Bernanos . "Tout est grâce".
Une grande émotion cinématographique.

Christiane a dit…

Si le curé d'Ambricourt croyait le ciel vide, n'en recevait aucune réponse, dans "Le journal d'un curé de campagne" de Bernanos ( voir l'analyse superbe de Paul Edel), Bess, elle, se dédouble faisant exister dans ses soliloques un Dieu exigeant, la traitant de sotte, la poussant au sacrifice . Indifférence autour du curé d'Ambricourt; condamnation de la communauté religieuse austère et mysogine, des habitants, de la famille, des enfants du village pour Bess.
Elle est seule contre tous, guidée par une Bonté surnaturelle.
Nul ne sait si Jan, son mari, délire ou pas quand il lui demande de vivre ses aventures dégradantes avec des hommes pour soulager sa désespérance d'être paralysé.
Le "miracle", on ne le verra pas, mais on verra Jan debout, remarchant à la fin du film.
Sans la scène finale inventée par Lars von Trier, concernant ces cloches qui sonnent ébranlant le monde de Jan, on pourrait croire que le sacrifice de Bess a été vain et que peut-être un hasard avait permis la guérison de Jan, d'autant que le film n'est pas larmoyant. Des épisodes presque documentaires suivant l'itinéraire psychologique de Bess. Des paysages gris, des visages fermés, des religieux bornés, emplis de certitudes, prompts à condamner.
Un médecin semble avoir tout compris du cheminement de Bess et dira au tribunal qu'un mot, peut-être , la caractériserait : Bonté. Mot pris dans son sens le plus spirituel.
C'est vraiment un film étonnant, inclassable, difficile.
Les tableaux servant de signets entre les épisodes sont très poétiques et musicaux .
Il y a peu de question de fond sur la foi dans la science-fiction. Elle est par contre au coeur de la littérature et pas seulement avec avec les romans de Bernanos. La philosophie, l'ethnologie aussi questionnent sans fin les rapports de l'homme à ses croyances.

Christiane a dit…

Un lien possible avec "La Strada" de Fellini entre Besse et Gelsomina ( Giulieta Massina). Deux personnages de femmes-enfants, naïves, crédules, promptes à s'émerveiller. Deux visages ronds, rares presque lunaires, tellement expressifs
Une imprégnation fantastique, magique dans un réalisme presque documentaire.

Christiane a dit…

sa sœur lui annonce avant qu'elle ne meurt que Jan ne veut pas mieux. Bess est stupéfaite. Elle pense qu'elle s'est trompée. Sans l'épilogue, si cette histoire s'arrêtait à sa mort et l'enterrement. Le film serait terrible et réaliste malgré la présence de sa mère et de sa soeur.
Lars von Trier, en quelques plans le fait basculer dans le réalisme magique. Un parfum de science-fiction...

Christiane a dit…

Dans Les cahiers du cinéma, un article donnant la parole au réalisateur, Lars von Trier : "J’ai longtemps voulu faire un film dont la force dynamique serait le «bien». Il n’y aurait place que pour le «bien», mais comme on confond souvent le «bien» avec autre chose - on le méconnaît totalement – et parce que c’est une chose tellement rare, des tensions naissent forcément. Le personnage de Bess représente le «bien» au sens spirituel… Elle vit surtout dans un monde imaginaire, n’ayant jamais vraiment accepté qu’existe autre chose que le «bien». C’est une personne très forte qui prend l’entière responsabilité de sa propre existence, même si les autres peuvent penser qu’elle en est incapable."

Christiane a dit…

Et il ajoute : "Au départ, Jan est réaliste. Il comprend bien qu’il ne sera plus jamais un homme à ses yeux. Et quand Jan ordonne à Bess de se trouver un amant, il le fait en toute sincérité. Il veut «bien faire»… En essayant de la sauver, il la perd. En cherchant à faire le «bien» ! En tentant de le sauver, en faisant le «bien», le monde qu’elle aime se retourne contre elle. Mais le «bien» sera toujours récompensé… quelque part.»
Lars von Trier, mars 1995

Christiane a dit…

Gérard Lefort, pour Libération, à la sortie du film écrivit un billet mémorable :

"(...) Or, étant donné le pataquès chrétien mis en oeuvre dans Breaking the Waves, certains pourraient s'inquiéter de la santé mentale du Danois agité. Il n'y a vraiment pas de quoi. Si, en effet, son film tambouille des motifs bibliques orthodoxes (faute, châtiment, grâce...), c'est à la manière d'une brasserie d'alcool fort qui ne s'enivre des totems et tabous de la religion que pour en exprimer un filtre magique nettement plus libérateur. Lars von Trie a lui-même parlé, à très juste titre, de mélodrame érotique. Dès lors, puisque Von Trier est danois, c'est évidement Dreyer, et singulièrement Ordet, qui saute à la gorge. C'est de fait la même sensualité implosée qui travaille Breaking the Waves, jusqu'à imposer le caractère brûlant de Bess, sainte, pute, folle de Dieu et, (...) puisqu'il arrive souvent dans Breaking the Waves qu'on hurle au vent, c'est Emily Brontë et ses coups de chaud qui soudain s'incarnent."

Christiane a dit…

Et Gérard Lefort ajoute : "Breaking the Waves fait au contraire l'effet d'une insurrection contre ce genre. Il n'y a pas que les vagues de la morale qui s'y brisent."

Christiane a dit…

Bon, je retourne à mes lectures !

Christiane a dit…

ne va pas mieux

Christiane a dit…

Il faudrait que je le relise, M.C.

Anonyme a dit…

Je n’ai pas l’impression que le Ciel soit vide au dessus d’ Ambricourt. Il faudrait peut-être se souvenir que la Sainteté inclut la maladie, mais n’en reste pas moins la Sainteté, Et que le propre du Saint est d’en être inconscient. Bien à vous.

MC

Christiane a dit…

Bien sûr. Lui a cette impression. Oui, le propre du saint est dans être inconscient.

Christiane a dit…

d'en

Anonyme a dit…

On est d’accord!

Christiane a dit…

Oui, absolument.
Reste à définir la sainteté....

Anonyme a dit…

J’en ai dit un mot chez. PE à propos de Madame Acarie. Par ailleurs il me semble avoir parlé quelque part des habitus de sainteté : gestes de rupture, formalisme Jesuite ( le Journal dit « personnel » l’habitude d’y noter ses impressions, l’existence de Maîtres auxquels on se rallie, dont Coton ou, à défaut de Therese d’ Avila, Coton, Berulle, pu Acarie, l’existence de Sociétés Secrètes telles que l’ AA. Pour autant, on en approche sans ´la définir . Il y a tout ça, et en plus le « Je ne sais quoi » qui…ce qui, pour une lectrice de Jankelevitch, ne devrait pas poser de problème… MC

Christiane a dit…

Oui, un je ne sais quoi... entre l'intuition et le presque rien.
"Cette fine pointe d'amour qui est le point de tangence de leur âme avec l'absolu."
L'éclair du tout ou rien pour ces fugitifs passants.
Oui, aussi, la conscience d'un paradoxe quelque part dans l'inachevé...

Christiane a dit…

Vous citiez Jankélévitch, j'ai rassemblé quelques titres de ses livres pour vous répondre. "Quelque part dans l'inachevé" étant le dernier que j'ai lu. Il avait emprunté ces mots à Rilke.
Il répond a Béatrice Berlowite. C'est émouvant..

Christiane a dit…

Dans "Les cahiers de Malte Laurids Brigge" de Rilke, Malte raconte sa méfiance à l’égard de la musique depuis l’enfance : « non parce qu’elle me soulevait plus violemment que tout hors de moi-même, écrit-il, mais parce que j’avais remarqué qu’elle ne me déposait plus où elle m’avait trouvé, mais plus bas, quelque part dans l’inachevé ».

Christiane a dit…

De même, pout Georges Bernanos à propos de ces mots :"tout est grâce".
"Le Journal d’un curé de campagne" s’achève par l’évocation bouleversante de la mort du curé d’Ambricourt : «Il a prononcé alors distinctement, bien qu’avec une extrême lenteur, ces mots que je suis sûr de rapporter très exactement : “Qu’est-ce que cela peut faire ? Tout est grâce.” Je crois qu’il est mort presque aussitôt. »

Bernanos cite alors sainte Thérèse de Lisieux.
(Dans ses dernières heures de malade en fin de vie, elle ne parvient plus à déglutir, donc à communier. C'est alors qu'elle prononce ces mots : "Qu'est-ce que cela peut faire ? Tout est grâce."

Bernanos et Jankélévitch ont puisé dans la parole de ces deux êtres qu'ils aimaient les mots qu'il fallait.

Christiane a dit…

Vous écriviez à propos de "L'homme qui marche" :
"Jirô Taniguchi imagine une histoire sans récit d’un promeneur. Une tradition picturale du paysage héritée des géniaux précurseurs Okuzai et Hiroshige qui ont bénéficié de l’ouverture de voies commerciales pour immortaliser leurs estampes (...)
Les «stations» illustrent des promenades dans lesquelles l’observation prend le pas sur l’anecdote.
Le graphisme alterne vues subjectives (l’œil du promeneur) et dessins intégrant le personnage dans le paysage. "

Tout cela est vrai aussi pour ce superbe recueil : "Furari" que j'ai beaucoup apprécié.

Christiane a dit…

J'aime lire Nicolas de Staël dans le "Cahier du Maroc", ces fines antations en regard des croquis en quelques traits qu'il fit lors de ce voyage (1936-1937). Il avait vingt-trois ans.. C'est un cahier d'écolier à carreaux où se suivent réflexions. J'aime son écriture ferme et rapide et ces dessins au fusain ou à la plume.
Le mot "clarté" sur la première page du cahier .
Beaucoup d'études d'ânes, souvent bâtés, de chevaux et d'oiseaux, de chiens aussi, autour d'un point d'eau.
Des portes de la Casbah, des silhouettes de musiciens marocains, des hommes, des femmes, des enfants.
Ses notes soulignent la lumière :
"Elles revenaient royales aux vêtements de couleurs portant sur la tête simplement un grand amas de branches d'or dans le couchant. Dans le fond des bêtes calmes dans les lumières que le soleil jette vives en mourant " (beaucoup de ratures dans cette page pour laisser l'essentiel. Peu de signes de ponctuation)
"'les oliviers
Silhouettes éclairées de lumière bienheureuse. (...) Les feux verts de l'herbe allument le paysage. (...) une silhouette de femme donne une expression aux visages des arbres. Les feuilles des oliviers scintillent légèrement.
Ce n'est pas la lumière du jour
Ce n'est pas la lumière de la nuit.
Dans l'ombre un homme s'est arrêté, il regarde les olives, petits points noirs dans le ciel vraiment foncé."
"Un autre homme perché dans l'arbre chante et cueille. Les grandes gaules des hommes frappent les oliviers, elles brillent souvent comme des feux et les oilves qui tombent que poursuit la lumière. Les femmes aux vêtements blancs ou de couleurs, leurs têtes d'ombres penchées vers le sol lumineux ramassent des olives
Yalla, Yalla,
Leurs dos voûtés qui peinent, ramassent, ramassent encore les olives qui tombent "

Christiane a dit…

anotations

Christiane a dit…

Ça, je l'ai vérifié, pinceau en main. C'est l'analyse des couleurs d'une nature morte :
"Vert et rouge sont des complémentaires. Il y a un rouge très canaille dans les pommes plus loin à côté des choses verdâtres. Il y a maintenant une ou deux pommes d'une certaine couleur donc qui harmonise le tout et cette couleur c'est un certain rose, ce rose et la couleur rompue obtenue par le mélange du rouge et du vert, voilà la raison pour laquelle il y a un lien entre les couleurs.
Il y a une seconde opposition qui est ajoutée à cela, le fond qui est opposé à l'avant plan, l'une est une couleur neutre obtenue en rompant du bleu + orange et l'autre la même couleur neutre + un peu de jaune (...) une sorte de neutre qui renferme du violet, étant donné que l'ocre rouge avec le bleu donne des tons violets."

C'est noté sur un feuillet à part glissé dans le rabat de la couverture du cahier. Et c'est formidable. Il cherche. Il trouve. Il est heureux de sa trouvaille. Il progresse dans ce choc des couleurs et de la lumière.

Christiane a dit…

Son œil sinterroge. On retrouve là la teneur de l'ombre, les assonances , la même abondance de tons rompus que dans les natures mortes des peintres hollandais ( la patine de la peinture baroque). Il faut ajouter l'épaisseur de la matière , l'opacité, la saturation des tons, l'abondance de textures.
Oui, les couleurs s'exaltent mutuellement grâce à leur couche profonde qui remonte sous la surface.

Et plus de Staël progressera, plus l'espace de ses toiles se simplifiera.

Il retrouvera l'éblouissement du Maroc dans la stridence vibrante du Midi éventré
de chaleur. Insurrection des couleurs... Lumière vorace...

Ce que j'aime dans le Cahier du Maroc c'est son calme, la fluidité des croquis. L'être là, dit-on, comme une certitude de leur présence. Un monde lourd, grandes masses du visible pesant sur la terre.

Et ces croquis. Lignes tracées sans reprise contrairement aux mots.

Il écrit à René Char : "J'en ai tant vu de couleurs fugitives, certaines impossibles, éclatantes, calmes, quelle joie ! René, quelle joie !"

Christiane a dit…

Je reprends, M.C., l'essai de C.F. Ramuz que vous m'aviez conseillé, il y a longtemps sur Paul Cézanne .
Ce qu'il dit de Cézanne pourrait être dit de Nicolas de Staël.
"L'oubli devant son œuvre, le don total de sa personne, l'abnégation la plus complète, le renoncement à toute autre satisfaction que celle que lui vaut l'œuvre elle-même (...)quand il peint le paysage - c'est pour le peintre le premier prétexte venu et le voilà planté devant. Et voilà qu'aussitôt il semble qu'il se vide de tout ce qu'il pouvait savoir. (...) plus que l'affrontement, le face à face, d'un homme et de l'objet extérieur. (...) Et tout se passe, alors, entre la sensation qu'il en a, et les moyens de la rendre, qu'à son occasion il invente."
Leurs toiles ne se ressemblent pas, leur ténacité, leur entêtement, oui.

Christiane a dit…

Ou encore, cette très belle page (103) de l'essai de Marie-Hélène Lafon sur Cézanne :
"Je vais au paysage tous les jours, Cézanne père l'écrit encore à Cézanne fils le 22 septembre 1906, un mois avant sa mort.

J'appelle paysage le corps des pays et "aller au paysage", quand on s'appelle Paul Cézanne, c'est aller au corps-à-corps, engager tout le corps, pour de vrai, éperdument, à corps perdu. Perdre, trouver, chercher, on est à l'épicentre, on cherche la peinture, dans la lumière et dans le vent, dans le chatoiement des choses et dans leur fourbi, on est traversé, le monde est indémêlable, inextricable (...) il est offert, il se refuse, il galope, il s'écartèle (...) On le prend comme il est, on n'a pas le choix (...) et on va tout réinventer."

Christiane a dit…

Soleil vert, vous n'avez pas fait de fiche pour le film d'anticipation de Fleischer "Soleil vert" ?
Je viens de le revoir. . Edward G. Robinson est vraiment extraordinaire dans le rôle de Sol Roth, ami de l'enquêteur Frank Thorn interprété par Charlton Heston.
Pendant la mort programmée de Sol, des images d'archives sont projetées sur un écran sur fond de Pastorale de Beethoven. Son ami s'est glissé et découvre émerveillé ce que le vieux lettré lui avait raconté du monde d'avant avec ses sources, son herbe verte, les bêtes, la mer.
C'est une séquence poétique et émouvante qui se termine sur le cri de Sol : dis-leur ! Car lui, il sait l'abomination : les tablettes de Soleil vert ne sont pas fabriquées avec du plancton marin mais avec la chair des morts.
L'horreur de ce qui est dénoncé m'avait fait rejeter ce film magnifique.
A force de lire les dystopies que vous presentez, c'est devenu possible de regarder ce film et de comprendre le nom de votre blog et votre pseudo.
Sol est aussi malheureux que Némo dans son submersible fantôme de "vingt mille lieues sous les mers". Solitude et nostalgie. Pessimisme face au monde à venir...

Christiane a dit…

Le film de Fleischer "Vingt mille lieues sous les mers", adapté du roman de Jules Verne, s'achève sur la destruction de l'île Vulcania à la suite d'une explosion nucléaire et sur le naufrage du Nautilus. Les dernières paroles de Nemo : « Peut-être que si le monde est prêt à offrir une vie meilleure que la nôtre, tout ceci deviendra une force bienfaisante (en parlant du Nautilus), si Dieu le veut. »

Anonyme a dit…

Ca c’est la partie la moins convaincante. Jules Verne voulait que les éléments l’emportent dans l’ Île Mystérieuse sur les héros de l’Ile Lincoln. C’est à Hetzel qu’on doit leur resurrection finale, mais pas celle de Nemo, avec le fameux « Dieu tout-puissant, tu as voulu que nous soyons sauvés! ». Pas mal pour un athée! . Fleisher utilise ce dénouement plaqué , mais peu convaincant…. MC

Soleil vert a dit…

Soleil vert, vous n'avez pas fait de fiche pour le film d'anticipation de Fleischer "Soleil vert" ?

Non, mais je l'aime bien. On l'a longtemps considéré comme un film sur l'épuisement des ressources alimentaires, sur la surpopulation et aujourd'hui on estime qu'il exprime une des premières prises de consciences écologiques

Christiane a dit…

Merci, Soleil vert. Nous en avions parlé, il y a quelques mois.

Christiane a dit…

"(...)Le Temps: – Au théâtre, vous n'avez jamais suivi les modes. Vous le prouvez une fois de plus dans «Quelqu'un va venir». Qu'est-ce qui vous a attiré dans l'écriture de Jon Fosse?

Claude Régy: – Sa façon de brouiller les pistes. Avec lui, on ne sait pas dans quel temps on est ni dans quel espace on se trouve. En montant la pièce, j'ai été confronté à plusieurs questions: les pérégrinations des deux personnages principaux, Elle et Lui, n'évoquent-elles pas un voyage des morts? La maison qu'ils habitent en est-elle une? L'Homme qui leur rend visite ne représente-t-il pas un fantôme? Je n'ai toujours pas de réponses à ces interrogations. Mais ce doute me plaît, car il fait sauter les verrous de l'imaginaire. (...)"

–Jon Fosse - Prix Nobel.

"Depuis quarante ans, Claude Regy sert les auteurs contemporains. Sa démarche? Faire sauter les frontières du réel. Il crée pour le Festival d'automne «Quelqu'un va venir» du Norvégien Jon Fosse."

Entretien: Ghania Adamo pour Le Temps. Publié le 23 octobre 1999

Christiane a dit…

Son écriture se rapproche de celle de Samuel Beckett pour son pessimisme face à la condition humaine. Ses personnages sont passifs. Guère de dialogues entre eux. Du reste on ne sait pas trop qui ils sont. L'intrigue est difficile à suivre .Tout tourne autour du vide, du non-dit, du silence. Ils attendent.

Christiane a dit…

"Par mon écriture, j'essaie d'exprimer ce qui ne peut être exprimé ordinairement. Pourquoi écrire si ce n'est pour cela? Et je crois qu'il en va de même de toute bonne fiction, qu'il s'agisse d'une pièce ou d'un poème. Dans mon oeuvre, je crois que ce qui n'est pas dit est souvent plus important que ce qui est dit. Par exemple, j'inscris souvent où surviennent les silences dans mes pièces. J'essaie de rendre visible ce qui ne l'est pas d'une manière tellement forte que cela prenne la consistance d'un fait. Je cherche cet entre-deux. Il y a quelque chose d'antithéâtral dans mon écriture et je crois que c'est pour cela qu'elle fonctionne à la scène. Un contre un, ce n'est pas du théâtre. Il faut du drame au théâtre, même s'il s'agit d'un drame silencieux, et ce drame doit se manifester à plusieurs niveaux.»
Jon Fosse

Christiane a dit…

JJJ a revêtu son costume d'invisibilité. C'est un passe-muraille...
Jean Rouaud...
Je me souviens du premier billet de Pierre Assouline le révélant. C'est aussi un passe-muraille.
J'aime ces transfuges, des hommes de science-fiction. L'important c'est leur trajet, leur façon d'entrer et sortir d'un espace.
Ils nous délestent du temps...

Christiane a dit…

Sans oublier sa lecture du grand Tarjei Vesaas .

Christiane a dit…

Mes meilleurs fous-rires viennent de vous lire, MC. !
"Je jetterai un coup d’œil à Tanguri, " écrivez-vous.
Avec ce titre là, vous ne risquez pas de le trouver dans une librairie, sauf peut-être celle tenue par un ancien de l'Oulipo !
Taniguchi + "Furari" donnant dans votre géométrie alphabétique : Tanguri.
Quel rêveur vous faites !
En voyageant comme vous
, voilà que Gracq et son Intemporel "Rivage des Syrtes". L'île de Vezzano, un bateau, Aldo et Vanessa et la montagne majestueuse sort de la mer. Un cône blanc et neigeux... c'est le Tängri dira Vanessa. Non, c'est le Tanguri, rectifiera MC....

Oui le nombre de commentaires devient exponentiel sous le beau billet de l'ermite-poète , mais il faut tant faire défiler les commentaires des deux pages pour arriver à lire le dernier commentaire et y répondre - un vrai moulin à prières ! - que nous ne craignions peu les visiteurs. Alors au gré de nos inspirations, continuons à deviser sur la légende de Dieu et de Satan via Hugo et Bernanos. J'ai même ajouté une pensée d'Edmond Jabès et Jon Fosse serait un visiteur de choix..

Christiane a dit…

Kamo No Chômei - Notes de ma cabane de moine - (Le bruit du temps) pour l'ermite poète.

Anonyme a dit…

Soleil Vert. J’ai répondu à Christiane sur Bernanos et. Hugo, mais je me demande si votre blog autorise plus de 400 messages! Bien à vous. MC

Soleil vert a dit…

J'en suis à près de 7000 au total ...
A venir, de la SF, mais remarqué deux ouvrages, l'un de Henry James : La Bête dans la jungle, suivi de L'Autel des morts et Tierra del Fuego de Francisco Coloane

Christiane a dit…

7000... quel beau chemin ! Les livres à venir que je ne connais pas me mettent l'eau à la bouche... Merci, Soleil vert.

Anonyme a dit…

Que voulez-vous ? Que j’aille jeter un coup d’œil pour voir comment ça s’écrit, au risque d’effacer mon précieux développement antérieur? Je laisse Tanguri. Je sais que ce n’est pas ça, mais ça fait japonais , et vous comprendrez bien, quitte à vous en égayer, de quoi j’essaie de parler! Bien à vous. MC

Christiane a dit…

Surtout pas, c'est de la poésie. C'est Colette aimant le mot presbytère, perchée sur son mur. Ne changez rien. J'ai beaucoup aimé et si j'ai ri c'est de bon cœur pas du tout pour me moquer. Vous en savez tellement....

Anonyme a dit…

Ce James là n’est pas facile. Peut-on le réduire à de la pure SF, si la chose existe? A signaler, puisque James y est, la Sherlockerie Le Cinq de Cœur, de Dan Simmons, Attention, pas SF! ( pas taper, mais pas SF du tout!). MC

Anonyme a dit…

Au moins quatre dystopies en une du Figaro Litteraire. Panorama de Lila Hassaine, Rocky, dernier rivage, de Thomas Gunzig, l’Ultime Testament de Guido Cavalli, peut être Nos Cœurs disparus de Céleste Ng. Le voyage temporel des Corps Flottants de Mikael Hirsch, mérite d’être écarté…

Anonyme a dit…

Claude Régy… J’ai connu des idolâtres qui l’appelaient Claude, et pour qui, quand il avait parlé , tout était dit….MC

Soleil vert a dit…

Le Cinq de Cœur, de Dan Simmons.
Un hommage à Henry James, comme Les forbans de Cuba étaient un hommage à Hemingway. L'oéuvre de Dan Simmons est d'ailleurs un hommage general à la littérature anglo-saxonne (cf aussi Hyperion et les contes de Canterbury).

Christiane a dit…

Est-ce Tadataka Ino, célèbre géomètre et cartographe qui, au début du XIXe siècle, établit la première carte du Japon qui a inspiré le personnage sans nom de Furari ?

Christiane a dit…

Furari (« au gré du vent » en japonais)

Christiane a dit…

Ah oui, vous l'avez dit dans le billet !

Christiane a dit…

Ah, oui , vous croyez cela !
Je l'ai lu dans " L'état d'incertitude" paru chez " Les Solitaires Intempestifs" en 2002.
Il s'y exprime longuement sur l'œuvre de Jan Fosse dont "Melancholia" et ce qu'il dit montre une lecture approfondie de l'oeuvre, qui guidera sa mise en scène.
" L'œuvre de Fosse, "Melancholia", n'est pas du tout une représentation de la folie. C'est une représentation de quelqu'un qui souffre et qui, dans la souffrance, se débat pour créer. Il est trop sensible à bout, il revoit de la douleur par excès d'emotivité. Ce qu'il sent, les autres ne le sentent pas.
Fosse a écrit une nouvelle - un conte pour enfants - où un petit garçon d'angoisse à propos du bord de l'univers. Ça l'empêche de dormir.
Et au passage on frôle cette interrogation sans réponse : qu'est-ce qu'il y a au-delà du bord ?
"Melancholia", ce fut un champ d'expérimentation autant sur la matière incertaine de ce qui fait le théâtre que sur la fragile matière qui constitue le vivant.
Ce furent des essais pour déplacer des limites.
Le spectacle montrait la lumière sans cesse, mais il la montrait en transfert. Il montrait surtout le passage d'un état de lumière à un autre, faisant apparaitre la porosité des frontières entre des états différents.
L'œil trouve un bonheur à perdre son assurance. Ce qu'on voyait, était. et n'était pas.
Jusqu'où pouvait aller la multiplicité d'états que la conscience pouvait capter ou inventer ?
On perçoit sans le savoir."

Dans le chapitre suivant, il parle de la première fois où il avait lu Jon Fosse, grâce à son seul traducteur en français, Terje Sinding, la première pièce qu'il avait écrite : "Quelqu'un va venir" (celle que j'évoque plus haut).
Un couple, les mains nues, sapproche. Il va vers une maison. La maison vide est devant la mer. Ce couple a décidé de s'isoler là. Pour la vie... Seuls, ensemble.
"Être ensemble et quand même seuls, être seuls en étant ensemble, c'est la plus brûlante torture.
Alors le texte de répète..."
Très belle approche sur plusieurs pages.
Je ne suis pas une idolâtre de C.Regy ! J'avais déjà admiré son travail sur "La traversée du lac de Constance" de Peter Handke.

Christiane a dit…

G.-A. Goldschmidt disait à propos de la mise en scène de "La Chevauchée sur le lac de Constance" " La mise en scène de Claude Régy est , à la fois monumentale et précise, donnant à voir ce qui se passe entre les personnages en deçà des échanges sociaux ordinaires et convenus, un échange érotique d'une grande intensité."
Il faut dire que les comédiens réunis étaient extraordinaires : Michael Lonsdale, Gérard Depardieu, Jeanne Moreau, et Samy Frey.
Ce qui arrive dans cette pièce n'est jamais ce qu'on attend.

Christiane a dit…

Chevauchée ( pas Traversée)

Christiane a dit…

Encore le retournement poétique du réel.

Christiane a dit…

La barbarie frappe en Israël. Le mouvement terroriste du Hamas. Terrible. Atroce. Des morts, des blessés, des otages dont femmes et enfants malmenés, tués, torturés
J'étais en train de relire l'année 1966 du journal du Gombrowicz. Il relit "L'Enfer" de Dante.
Sidération et douleur.
Gombrowicz écrit : "Seule la Douleur est capable de réunir à travers le temps et l'espace.."
Oui, nous sommes réunis par la douleur .

Anonyme a dit…

Très belle chanson de Édith Piaf ”Jérusalem ”

Christiane a dit…

Que c'est beau. ... Je ne connaissais pas. Il faut aller si loin en soi pour entendre ce cœur-là , pour est inondé par ce regard-là.
J'espère que le lien fonctionnera...

https://www.google.com/search?q=jerusalem%2F+efith+Piaf&oq=jerusalem%2F+efith+Piaf&gs_lcrp=EgZjaHJvbWUyBggAEEUYOTIGCAEQRRg6MggIAhAAGBYYHjIICAMQABgWGB7SAQkxOTU1OGowajeoAgCwAgA&client=ms-android-xiaomi-rvo3&sourceid=chrome-mobile&ie=UTF-8#fpstate=ive&vld=cid:f5951238,vid:NSoVYDfnh0o,st:0

Christiane a dit…

Les paroles...
Mais la voix de Piaf, la musique, le rythme... rendent ces paroles lancinantes.


https://www1.udel.edu/fllt/grads/nicholsj/pageafc.html

Christiane a dit…

On leur avait dit qu'ils partaient pour la Terre promise. Le rêve se brise sur tous ces morts. Cette terreur. Cette souffrance. Il n'y a plus de dialogue. Plus de pardon possible.
L'Histoire...
Camus écrivait dans "L'Homme révolté" : "Le jour où le crime se pare des dépouilles de l'innocence, par un curieux renversement qui est propre à notre temps, c'est l'innocence qui est sommée de fournir ses justifications."
Et plus en amont, Aharon Appelfeld dans un roman : "L'amour, soudain."
"Ernest se tait presque toujours, sauf quand la parole le submerge. Il parle alors avec fureur de la laideur et de la cruauté qui assombrissent le ciel et engendrent le désespoir. Irène sait que ces propos ne lui sont pas adressés (...) Dans le secret de son cœur, elle aime sa fureur. Une fois, il avait dit à voix haute : "on a arraché de moi l'amour." Elle n'avait pas compris la phrase et n'avait pas posé de questions. Mais une nuit elle comprit et dit : "Je te donnerai tout l'amour que j'ai amassé en moi. "

Christiane a dit…

Et Delphine Seyrig

Anonyme a dit…

Je ne parlais pas de Melancolia, boycottant par principe ses spectacles, mais du Fils! MC