dimanche 5 février 2023

Ubik


Philip K. Dick - Ubik - J’ai Lu

 

 

L’année 2022 fut l’occasion de célébrer le quarantième anniversaire de la disparition de Philip Kindred Dick, l’un des auteurs les plus singuliers du XXème siècle. Lorsqu’on feuillette Ubik, reparu à cette occasion et point de départ d’une entreprise de réédition du fond J’ai Lu, on s’aperçoit à quel point l’écrivain a investi notre univers à la manière d’un Runciter ou d’un Eldritch. Observez les tropismes Dickiens suscités par les propos de Daniel Trump, demandez-vous pourquoi Steven Spielberg et Ridley Scott se sont ruées sur les adaptations cinématographiques, interrogez vous comme Gérard Klein sur les impostures du web et des réseaux sociaux.

 

J’ai entrepris la lecture de Dick dès les premières parutions en J’ai Lu dans la décennie 70, dix-huit volumes au compteur à ce jour, plus le Quarto des nouvelles. Ubik, comme le remarque le postfacier Laurent Queyssi, marque un point d’inflexion dans la production de l’auteur qui devait aboutir à Siva et consort, ouvrage empreint de réflexions théologiques plutôt que matière romanesque. Ce fut ma pierre d’achoppement. A l’âge où l’on acquiert des certitudes sur les choses sans importance alors que s’agrandit le fossé de l’incompréhension sur l’essentiel, je découvre encore à quel point cet écrivain est tout d’abord touchant quand il évoque par exemple les affres de Joe Cheap, héros du récit, confronté à une entité délétère qui pourrait être la Mort ou un dieu : « Une entité irresponsable qui se délecte de notre sort, s’amuse à nous supprimer un par un, n’est pas obligée de faire durer, mais le fait quand même. ». Il y a du Bukowski et du Fante dans la façon qu’a Dick de heurter ses créations au Réel, de se focaliser sur l’errance d’un personnage, même si la structure de ses récits a tendance à se répéter. (cf Laurent Queyssi : « trois personnages, trois niveaux narratifs etc. »).

  

Dans Ubik, Glen Runciter dirige une agence chargée de contrer les agissements délictueux de télépathes et précogs - des extra-lucides ayant une vision du futur à court-terme - au sein des entreprises. Se rendant à Luna, à la demande d’un client, ses meilleurs éléments et lui-même sont victimes d’un attentat à la bombe. Alors que son patron est placé en demi-vie, une forme de coma où subsiste une forme de conscience, Joe Chip son adjoint s’aperçoit que l’univers subit une régression et semble pris de folie. Le portrait de Glen Runciter apparaît sur les billets de banque, et une pub insistante sur un spray aux innombrables effets bienfaisants, envahit les écrans et les murs.

  

Ubik fonctionne selon un schéma narratif éprouvé lors des romans précédents : une personne en proie à un quotidien minable et pittoresque bascule dans un monde qui part en déglingue. L’impécunieux Joe Chip, testeur chez Runciter & Associés vit difficilement dans un appartement en location. Prendre une douche, ouvrir la porte d’entrée, nécessite l’abandon de quelques cents. Faute de quoi, l’eau ne coule pas, la porte non seulement ne s’ouvre pas mais réprimande le locataire. Le Réel ne lui laisse aucun répit. Quand l’univers bascule dans l’irréel c’est encore pire. Appareils ménagers, voitures, avions ou ascenseurs régressent à toute vitesse vers des modèles vénérables et de moins en moins fonctionnels. Il reste néanmoins en contact avec Runciter. Le chef d’entreprise tente de rétablir la situation en prenant conseil avec sa femme immergée en demi-vie dans un sarcophage. Une sorte de dialogue avec des morts-vivants imaginée par Dick. Le lecteur, malgré la surprise ultime, entrevoit le sort final réservé à Joe Cheap et ses collègues. L’écrivain le laisse mariner dans un labyrinthe existentiel où s’affrontent une force du bien et une force du mal, avec peut-être au final la promesse d’une rédemption au sein du désespoir : « Je suis vivant et vous êtes morts ».

  

Livre culte, Ubik est magnifié par la traduction d’Hélène Collon, au demeurant une des meilleures exégètes de Philip K. Dick.


85 commentaires:

Janssen J-J a dit…

Meilleure exégète, je vous l'accorde...
J'avais lu la biog de Carrère sur PKD portant ce titre, mais n'avais pas été total convaincu, tant ce Romans là (JC ?) eut toujours tendance à mes yeux à s'inventer des histoires à la Capote, en nous pondant des breuvages vampirisés sur le dos d'improbables...
Mais qu'importe, si d'aventure vous l'aviez visitée, cette biog, vous a t elle convaincu, i.e appris qq chose de nouveau sur l'étrange personnalité de PKD ?... et quoi, au juste ?
Bien à vous, SV. Pardon de m'intruser ainsi. Peut-être est-ce + courtois que de le faire chez PA... Je l'espère.

Anonyme a dit…

Sur la personnalité de p k Dick, on peut chercher les préfaces de Gérard Klein aux 4 volumes omnibus regroupant les romans, sur le site quarante deux
Il dresse un profil psy
A voir ...Sinon vous êtes le bienvenu SV

Christiane a dit…

Le surréel d'André Breton était déjà une façon de lier rêve et réalité, en effaçant toute contradiction entre la vie et la mort. Dans sa poésie elles cessaient d'être perçues, comme pour les mystiques, contradictoires. Mais un mysticisme sans Dieu. La pensée de Philip K. Dick dans "Ubik", créant cette demi-vie qui n'est ni la mort ni la vie, est un peu dans la lignée des surréalistes. Un mythe que l'on retrouve dans Blade Runner ou Total Recall.
Une révolte métaphysique. Une protestation devant la condition humaine vouée à la mort. Encore un monde d'apocalypse, de presque mort. Un appel déchiré où il ne reste que la tyrannie de l'argent. Des dissonances dans l'écriture. Vous évoquez Bukowski.
Quel visage prendra la révolte de ce héros solitaire qui ne veut pas s'incliner ? Comment bâtir dans ce monde irrationnel ? Comment y être libre puisque même les objets parlent et surveillent ? Et le temps ? En marche arrière semble-t-il...
Cet écrivain utilise le réel et le transfigure refusant la fureur du néant et le drame d'une époque soumis entièrement à la production, au cynisme du fric...
Y a-t-il de l'amour dans ce roman pour l'adoucir ? De la beauté ? Car l'enfer n'a qu'un temps, la vie va-t-elle reprendre ses droits loin de ces crimes, de ce nihilisme ?

Anonyme a dit…

« A l’âge ou l’on acquiert? »

Anonyme a dit…

Une personne bascule dans un monde qui part en deglingue » Juste. Une nouvelle des Pantins d’ Argile le montre avec un train électrique qui absorbe toute l’énergie d’un personnage, avant de devenir une indépassable réalité : le monde extérieur pour les autres, qui pensaient pourtant, en développant une intrigue amoureuse parallèle, s’en échapper. Christiane ,,à la différence de Breton, il y a chez K Dick une tentation d’un christianisme gnostique( Siva, les Guerissseurs de Cathédrale) et ceci n’est pas sans diviser les lecteurs, chrétiens ou pas. Bien à vous. MC

Anonyme a dit…

Bsr Christiane. On est loin de Breton et de son reenchantement du réel. Ubik c'est un labyrinthe, comme le titre de ce film de Debord

Anonyme a dit…

(SV)

Christiane a dit…

Les romans de science-fiction que vous présentez , Soleil vert, sont comme des grands rêves où se lisent le diurne et le nocturne des pensées, l'avouable et l'inavouable des peurs qui nous habitent. On y dépasse les notions de vrai et de faux, de possible et d'impossible. Le livre devient un lieu d'expérience par le bruissement des mots. Une lecture liberee des préjugés. Déployer les ailes des livres comme celles des oiseaux.

Christiane a dit…

Si si, Soleil vert, pour l'effacement de la contradiction entre la vie et la mort.
Enfin, je n'ai pas lu le livre mais cinq fois votre billet !/

Christiane a dit…

J'aimais bien le personnage de Rachel dans Blade Runner...

Christiane a dit…

Merci, M.C.
Le thème est beau.
Soleil vert, en avez-vous parlé dans vos chroniques ?

https://www.gallimardmontreal.com/catalogue/livre/guerisseur-de-cathedrales-le-dick-philip-kindred-9782290033791

Christiane a dit…

"Le labyrinthe" de Guy Debord, je ne connais pas mais le flâneur dans la foule de Baudelaire, j'aime beaucoup : "pour l'observateur passionné, c'est une immense jouissance que d'élire domicile dans le nombre, dans l'ondoyant, dans le mouvement, dans le fugitif et l'infini. Être hors de chez soi, et pourtant se sentir partout chez soi ; voir le monde, être au centre du monde et rester caché au monde, tels sont quelques-uns des moindres plaisirs de ces esprits indépendants (...). L'observateur est un prince qui jouit partout de son incognito. "
C'est vrai que la ville est un labyrinthe ou rêver....
Quant à ceux de Philip K. Dick, je ne connais pas encore celui du roman "Ubik".
Joe Cheap, le héros du récit, semble errer "dans un monde qui part en deglingue" et qui régresse, si j'ai bien compris. Brrr ! Ça fait un peu peur...
Lire ou ne pas lire, là est la question !

Christiane a dit…

Il y a encore quelque chose qui est énigmatique dans ce roman de Philip K. Dick -d'aprés votre présentation- c'est le rapport énigmatique que ce personnage a avec les choses. L'écrivain met l'accent sur l'imaginaire. Ça fonctionne comme dans les rêves
Je pense à une élégie de Duino de Rilke (8) :
"De tous ses regards le vivant perçoit l'Ouvert.
Seuls nos yeux sont à l'envers,
posés comme piège autour des issues
(...) Ici tout est distance, et là tout n'est que souffle.
(...)comme le cheminement d'une fêlure dans une porcelaine.
(...) Tout s'effrite. Nous l'ordonnons à nouveau
et nous tombons nous-mêmes en poussière.
Qui donc nous a retournés de la sorte que,
Quoi que nous fassions,
nous avons toujours l'air de celui qui s'en va ?" (Trad. L.Gaspar)
Le regard que Philip K. Dick pose sur le monde le voile et l'occulte, nous soumet au vertige. C'est comme un piège, un mouvement contraire, inversé qui cernent et le héros et le lecteur. Une sorte de laboratoire où le lecteur peut se questionner, s'étonner, se défaire, s'inventer. Il fabrique des destins étranges.
Kafka écrit dans son journal que le livre "est une hache qui brise la mer gelée qui est en nous."
Le monde des romanciers n'est que l'interprétation de notre monde encore inachevé ...

Christiane a dit…

Gérard Klein... il permet de ne pas oublier que Dick dénonce le pouvoir de manipulation des instances politiques et économiques. Il décrit une “réalité” constituée de “pseudo événements” où le héros s'ennuie car il ne se passe rien de créatif, d'inoubliable.



Christiane a dit…

Diriez-vous comme G.Klein que "quand on a lu une nouvelle ou un roman de Dick, on se souvient en général d'une idée, souvent fulgurante, mais non d'une prose. Une étude attentive du style de Dick donne même l'impression qu'il néglige les effets possibles, voire qu'il les gomme, comme s'il voulait éviter de détourner l'attention de l'essentiel, c'est-à-dire de l'idée et de la trame de l'œuvre." ?

Christiane a dit…

Où l'on retrouve Étienne Barilier, Gérard Klein a propos de Philip K Dick.


https://le-paradick.noosfere.org/references.html

Soleil vert a dit…

Diriez-vous comme G.Klein que "quand on a lu une nouvelle ou un roman de Dick, on se souvient en général d'une idée, souvent fulgurante, mais non d'une prose.

Bien sur, en dehors de quelques phrases mythiques …
Laurent Queyssi explique qu'il bouclait ses livres en quelques 15j, trois semaines.

Soleil vert a dit…

Sur le blog de Juan Asensio, lisez sa relation de La vérité avant-dernière. Repérable facilement, Dick étant listé en marge droite

Christiane a dit…

Merci, Soleil vert,
les chroniques de Juan Assensio sont toujours passionnantes.
Celle-ci,présente les populations réfugiées dans un monde souterrain, parquées comme des rats, trompées par les images effrayantes, "des grandes ombres déformées de l'inaccessible réalité", que leur diffuse un robot pendant qu'une poignée de privilégiés se partagent l'herbe verte et le ciel bleu, privilégiés protégés par des robots que fabriquent... ceux qui sont sous terre. La guerre qui a dévasté le monde a pourtant prit fin, des années avant... C'est infernal !("Au delà de l'effondrement, 58 : La vérité avant-dernière de Philip K. Dick")
Il définit ainsi les thèmes favoris de Dick : simulacres, irréalité, jeux entre la réalité et son double, un univers labyrinthique effrayant dont il est impossible de s'échapper, "sans commencement ni fin" paradoxes temporels aussi. Cette caverne et ces ombres projetées rappelle bien sûr Platon, sauf que eux ne sortent pas.. il explique bien : "Comme toujours chez Dick, un mensonge en cache un autre, un enfer s'emboite dans un autre qui semblait pourtant paradisiaque."
j'apprécie son évocation des"Nibelungen", ces "nains au fond des mines".
" Dessillante violence"...
trop dur. Trop pessimiste. Je passe... à un autre livre.
Oui, j'étais partie vers un monde poétique qui n'existe pas ici.
MERCI !

Soleil vert a dit…

" il y a chez K Dick une tentation d’un christianisme gnostique( Siva, les Guérisseurs de Cathédrale)

Cela pourrait faire l'objet d'un article ...

Anonyme a dit…

Peut être , Christiane, que commencer par un recueil de nouvelles ou une longue nouvelle, Minority Report, par exemple, est plus simple. Cela dit, j’ai trouvé que certains romans un peu vite dit classiques, ,comme le Maître du Haut-Chateau , ont atrocement ou précocement vieilli.,,, MC

Christiane a dit…

Ce sont des bouches d'ombre qui ne m'attirent pas...

Christiane a dit…

Revenons à Ubic. C'est un produit que l'on vaporise pour arrêter ce mal qui ronge tout ce qui régresse (objets, humains, plantes et bêtes) ?
Y a-t-il un rapport avec l'ubiquite ?

Anonyme a dit…

Tiens , je me suis posé la meme question! MC

Anonyme a dit…

Pour le reste, Soleil Vert, ne vous gênez pas, d’autant que Siva etc viennent d’être réédités sous le titre la Trilogie Divine!

Christiane a dit…

J'écoutais ce soir une émission ancienne où la vie de P.K.Dick était évoquée notamment par S.Barilier et j'apprenais ainsi qu'une soeur jumelle mourut très tôt et que lui eut bien du mal à démarrer dans la vie (couveuse). Que les parents avaient, pensant qu'il ne vivrait pas longtemps, fait graver sur la stèle son nom, sa date de naissance. Il ne manquait que celle de sa mort. Alors quand il parle de demi-vie... Il avait vécu ainsi une prévision de sa mort bien difficile. C'est d'ailleurs près d'elle qu'il a été inhumé.
E. Carrière expliquait ensuite à quel point K. Dick l'avait influencé dans l'écriture notamment de "La Moustache". Être et ne pas être celui qui semble... Et cette sorte de paranoïa dans laquelle il vivait se demandant réellement si la vie n'était pas une apparence à laquelle une entité un peu démoniaque donnait l'apparence du réel. Un écrivain qui l'a fasciné, qu'il trouve à la fois sidérant et inquiétant. Il parle aussi de gnostisme j'ai un peu mieux compris.
Quant à Ubik,. il laisse planer un doute, s'appuyant sur les têtes de chapitres proposant de nombreuses devinettes quant à la nature de cet Ubik dominant ces limbes où errent des êtres humains. Vraiment intéressant. Il y en a quatre. Je vais essayais de vous mettre un lien. Je n'ai pas tout écouté. La série comporte quatre émissions de 50mn...

Christiane a dit…

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-regards-sur-philip-k-dick

Christiane a dit…

Bonne nuit.

Christiane a dit…

Etienne Barillier / Emmanuel Carrère

Christiane a dit…

essayer

Soleil vert a dit…

Ubik, ubiquité, Joe Chip me semble t-il en parle Il s'agit de la présence simultanée d'un personnage (Runciter) dans deux mondes, le reel et celui, onirique, où évoluent les "demi-vivants"

Christiane a dit…

Vous êtes extra ! Merci !

Christiane a dit…

gnosticisme

Christiane a dit…

La nuit, les mots perdent des écailles. Au matin, ils ressemblent à des travestis...

Christiane a dit…

Hier, j'ai vu ce film. Une grande beauté où l'on parle de la mort, du deuil, de Tchekhov, du théâtre.

https://www.lalibre.be/culture/cinema/2022/03/02/drive-my-car-une-grande-adaptation-dune-nouvelle-de-murakami-nommee-a-loscar-du-meilleur-film-etranger-XSB6DZJEXNAVVILJGD3G3LTPPM/

Ce matin, engourdie par le froid matinal, je regarde pour la deuxième fois le "Blade Runner" (Director's Cut) de Ridley Scott.
Revoit Rick Deckard et Rachel, Roy Batty dans ces décors gris et pluvieux où un ancien Blade Runner cherche des répliquants et découvre une Rachel qui ressent ce qu'elle ne devrait pas ressentir.
Fascinant quand on pense que cette histoire, ces personnages ont germé dans l'imagination de P.K. Dick qui n'est même pas au générique.
Et puis j'écoute mieux la musique de Vangelis

Christiane a dit…

Revoir

Christiane a dit…


Hâte de revoir la scène finale, sur le toit, où Roy Batty déroule ce monologue superbe avant de mourir sous la pluie drue.
Un personnage fascinant qui veut comprendre le sens de ce monde double.

Christiane a dit…

Avez-vous, Soleil vert, chroniqué le roman, ("Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques") de P.K.Dick. écrit en 1966 (la même année qu'Ubik) magnifié par le film de Ridley Scott ?

Christiane a dit…

"J'ai vu tant de choses, que vous, humains, ne pourriez pas croire... De grands navires en feu surgissant de l'épaule d'Orion, j'ai vu des rayons fabuleux briller dans l'ombre de la Porte de Tannhaüser. Tous ces moments se perdront dans l'oubli, comme les larmes dans la pluie. Il est temps de mourir."
Magnifique... Puis Roy Patty se replie sous la pluie et meurt.
Un très très beau personnage dans ce monde d'illusions où l'homme et la machine jouent à "qui perd gagne"...







Christiane a dit…

Roy Batty

Anonyme a dit…

C’est aussi une Oeuvre a bien des égards contemporaine de l’ Amérique d’ Edgar Hoover. D’où, peut-être, ce thème de la surveillance poussée jusqu’à la paranoïa et parfois déjouée. Encore que Dick, pour la paranoïa, se pose là….MC

Anonyme a dit…

Le cadre aux lunettes noires, au debut du roman….

Anonyme a dit…

Un monde crispé sur l’antipsy via ses agences de surveillance, et qui confie la survie provisoire de ses défunts à un Allemand. Lourd de sens à l’époque…

Anonyme a dit…

Une sorte de Von Braun de la mort, ce que l’original période Troisième Reich fut aussi…

Anonyme a dit…

Et Stanton Micks ressemble bcp à Howard Hugues en milliardaire reclus.

Christiane a dit…

Belle cascade, M.C.
La lecture de vos commentaires suit le rythme de votre pensée. Cela me fait penser aux machines à écrire des années 60 où le chariot déclenchait un petit tintement en bout de ligne. La feuille prête à recevoir la deuxième ligne se haussait d'un cran et on voyait le texte apparaître martelé par les touches du clavier qui lançaient leur frappe à l'assaut du ruban encreur.
Voilà la joie que vous me donnez avec cette parole hachée dévoilant la vie de J. Edgar Hoover.
Le FBI en tremble ! Et j'entends le crépitement de la frappe sous les doigts agiles de ma mère.
Oui... la surveillance est le grand mobile de beaucoup de personnages de P.K.Dick et de beaucoup de romans et de films de science-fiction. Face à elle , la fuite ou la métamorphose. L'ubiquite est alors une traversée des miroirs.

Anonyme a dit…

Joe Chip ou l’ antihéros si on tient compte des standards du Space Opera de l’époque…

Christiane a dit…

Ah, j'ai oublié : il fallait actionner le levier de retour de chariot, ce qui ramenait le chariot en début de ligne pour faire tourner le cylindre d'un cran et aller à la ligne suivante.
On est plein de gestes oubliés. Un hasard les fait sortir et c'est hier qui couvre aujourd'hui.
Je préférais écrire avec mon stylo à pompe. J'aimais l'odeur de l'encre et cette trace humide et luisante qu'on epongeait avec des buvards duveteux.
Ah, quel bonheur.... Merci, M.C.

Christiane a dit…

Space opéra, vraiment ? Pourtant le cadre des romans de P.K.Dick évoque plutôt les villes américaines des années 60 mais un peu à l'abandon, un peu en ruines avec des personnages en quête d'inventions pour épier, saisir, tuer où du moins mettre en état semi-comateux, en demi- vie.
Ridley Scott a su se lier avec un chef des décors et des éclairages remarquable. Ce film est de toute beauté.

Christiane a dit…

Bien ! J'ai donc chargé "Ubik"sur ma liseuse. Ça devenait étrange de parler d'un livre sans l'avoir lu.
Agréablement surprise. L'écriture est plate, simple mais l'idée incroyable.
Il fallait y penser. C'est l'histoire d'un homme qui a perdu sa femme, enfin pas tout à fait. Elle n'est pas vraiment morte sans être vivante. S'il se prive à jamais de la revoir éveillée , il peut encore lui rendre visite au moratorium puisqu'elle est seulement semi-morte, "bien droite dans son caisson transparent, enveloppée d'une brume d'effluves glacés" . D'ailleurs il peut continuer à communiquer avec elle, l'entendre rire. Écouter ses rêves. Évoquer leurs connaissances d'alors.
Bien....
A mon avis P.K.Dick a dit fumer la moquette ! Il est en plein trop ! Misère de misère !
Donc Glen va rendre visite à sa femme Ella, morte (?) à vingt ans. Lui en a maintenant quatre-vingt....
Il sait qu'elle avance vers une nouvelle matrice, quelle va renaître. Il se demande ce que ça fait d'être en semi-vie. Elle dit ne pas ressentir la pesanteur.
Il utilise un écouteur branché sur le caisson.
Il trouve cela préférable à l'ancien temps "quand on passait directement de la "pleine vie" à la tombe". Il la regarde donc émerger peu à peu. Il sait que communiquant avec elle, il diminue son temps de semi-vie.
En exergue de ce chapitre 2, "Ubik" est une bonne bière... Non, non, ... une boisson à base de houblon pas un cercueil ! (Au chapitre 1, c'était un appareil électrique....)
Ce qui est fascinant c'est que l'ont glisse dans ce monde avec facilité. Tout est presque normal.
Glen Runciter est un modeste employé. Bien sûr il a fallu lui "greffer une dizaine de synthorganes à mesure que les siens montraient des signes de faiblesse". Mais tout va bien. Son agence est à New York. On lui signale un problème. Il va donc consulter sa "défunte épouse".
Normal, quoi...
C'est complètement dingue ce roman.
Dîtes, Soleil vert, il est un peu bizarre cet écrivain, non ?
Bon, je continue ce comiquetrip...

Christiane a dit…

il est en plein trip - a dû - que l'on glisse.

Christiane a dit…

C'est un vrai Tex Avery ! Voilà que le semi-mort d'à-côté, Jory, parasite le dialogue de Glen et Ella. Il doit s'ennuyer dans son caisson et s'impose dans la discussion. Glen, furax, se précipite auprrsy du responsable du moratorium qui propose un remboursement si ça ne s'arrange pas !
Ces semi-morts sont tout sauf paisibles !
Il y a de la friture sur la ligne
Aïe aïe aïe !

Christiane a dit…

Autre proposition faite au veuf exaspéré et dépressif : "... quand nous la ramènerons au cryorium, nous ne la réinstallerons pas près de lui. De fait, si vous acceptez de passer au forfait mensuel supérieur, nous pouvons même la placer en super-chambre d'isolation, avec murs renforcés au Teflon-26 capables d'inhiber toutes les intrusions hétéropsychiques, qu'elles émanent ou pas de Jory. (...) Pour un semi-vivant, la possibilité de s'aventurer dans l'esprit vdunevautre personne est la seule occasion de..."
Et le veuf de répondre : "- Placez-la tout de suite à l'isolement !"

Vraiment digne d'Hara Kiri !!!

Christiane a dit…

Pour mémoire :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Hara-Kiri_(journal)

Christiane a dit…

Un très beau papier chez Paul Edel. Journaliste, il devait écrire un article d'ambiance sur Rome...
S'en suit une déambulation colorée par le soleil avec haltes fraiches dans les petits cafés connus. Le passé bondit comme un claquement de jupe sur les mollets. Le bordel pour les copains de Mussolini c'est un moment qui ouvre à de drôles de songes. Être confesseur ? Pas mal non plus. Ah, ce paul Edel, quel talent ! Et une photo du petit carnet ouvert....

Christiane a dit…

Donc, aspirée par mes souvenirs de lecture, j'ai réouvert "Liaison romaine" un roman de Jacques -Pierre Amette. Un même parfum de Rome. Une même Constance. C'est beau et ça évince le bizarre roman de semi-morts et semi-vivants de Philip K Dick.

Anonyme a dit…

Je ne me suis pas fait comprendre: le Space opera des autres: Hamilton, Herbert lui-même, Poul Anderson , dont la Patrouille du Temps a repris du service chez Henri Vernes en Belgique,Heinlein, Clifford D Simak…ça s’apparente un peu , parfois , à du Western Galactique. Ce qui n’est pas du tout, en effet, la perspective de Dick. MC

Christiane a dit…

Merci,M.C. c'est plus clair.

Soleil vert a dit…

Oui Ubik est très lisible malgré ses thèmes inhabituels.
Parlons des fiches à venir : un premier manga,"Spirale" absolument horrifiant et dérangeant, un second "Les fleurs rouge" qui est un panorama du quotidien des japonais dans l'après-guerre puis je reviendrai à la littérature peut-être avec John Fante.

Christiane a dit…

Ah Soleil vert quel bonheur de savoir qu'il y a encore et encore des livres que vous voulez partager.
Si vous avez une faim soudaine de beauté, passez un temps sans horloge dans ce roman de JPA.

Anonyme a dit…

Au fond le Space Opera, c’est Le héros facon Clint Eastwood! Avec Bon Brute et Truand(s) mais galactises…

Christiane a dit…

Oui. Bien vu !

Peut-être John Fante bientôt. Chic alors. Un écrivain qui n'a pas peur d'être ému et qui est souvent en colère. J'aime bien ses nouvelles.

Christiane a dit…

Soleil vert, vous écrivez : "Il y a du Bukowski et du Fante dans la façon qu’a Dick de heurter ses créations au Réel, de se focaliser sur l’errance d’un personnage, même si la structure de ses récits a tendance à se répéter."
Bukowski a préfacé le livre de Fante "demande à la poussière" (Ask the Dust). Ce livre a été pour lui une révélation. Ce qui semble unir ces deux écrivains c'est ce parler de soi cru, non censuré, émouvant, "écrit avec les tripes", un écrivain dont les mots et la vie sont les mêmes. Une vie courageuse. Après, ils diffèrent. Impossible de les confondre. Bukowski est brutal lat où Fante est poignant.
Alors les lier à P.K.Dick m'étonne un peu. Il faut beaucoup d'intuition pour retrouver la vie de PKD dans ces fictions un peu démentes où les personnages se dédoublent entre deux mondes irréconciliables, un monde où une entité un peu démoniaque exerce une toute puissance sur les êtres humains superposant vérités et mensonges comme dans un miroir déformant. Je ne l'ai pas lu assez pour juger mais je me sens mal à l'aise dans Ubik même si je feins de m'en amuser. Je n'aime pas trop ces fictions où l'on trouble la paix des morts. Mais je suis heureuse d'avoir franchi le pas grâce à votre chronique et ce débat.

Anonyme a dit…

Mais c’est tellement humain de vouloir les troubler pour connaître l’ avenir, ou comme ici, pour comprendre le présent…MC

Christiane a dit…

Je vous lis et dans le même temps je regarde les images terribles de ce séisme de 7,8 de magnitude en Turquie et en Syrie. Plus de 9500 morts et encore plus de disparus. Des survivants hébétés sans maisons qui cherchent les leurs à mains nues dans les ruines des immeubles détruits. De l'aide internationale arrive mais ce désastre est tellement immense.
Oui, je comprends que l'écriture est pour beaucoup la traduction de l'épouvante.
Mais le réel ici est un chaos.

Anonyme a dit…

Quelques réflexions sur l’arrière plan philosophique: quelque part entre la Caverne ( Platon est d’ailleurs cité mais pour l’âme, et la scène du funérarium ou se précisent sans d’élucider les positions respectives des protagonistes, et, à la lettre, « Le Monde comme Volonté et Représentation ». ( «  pseudo-monde » p 227!). On est donc bien dans une réflexion sur l’apparence ,l’au-delà, les deux termes étant liés, et la notion de personne. MC

Anonyme a dit…

Et, rétrospectivement, on voit très bien comme les deux manipulateurs sont analogues au Dieu Bon et au Dieu Mechant des gnostiques. Potentialité qui ne se développera que plus tard mais qui est au cœur de la structure du roman. MC

Anonyme a dit…

Sauf qu’ici il est question de l’affrontement de forces, l’une bonne, l’autre mauvaise…

Christiane a dit…

Dans livre "Ask the Dust" Fante est plus crédible que Leiris dans "L'Age d'homme" qui avoue sans avouer, atténuant son introspection par l'ironie et la négation.
C'est un livre qui m'avait bouleversée, le livre de Fante. Il ne cherchait pas à être absous comme Leiris, ni à se contempler. Fante acceptait la violence des mots crus quand il évoquait sa vie à Los Angeles.
Les dialogues sonnaient vrai. Ainsi cette fille qu'il accompagna dans sa chambre sans trop savoir ce qu'il voulait.
"J'écris, c'est ce que je fais dans la vie. Je me renseigne pour un livre.
-Je me doutais que t'étais quelque chose dans ce goût -là, écrivain ou homme d'affaires. T'as l'air spirituel, mon chou.
- J'écris, tu piges ? Tu me plais, c'est pas la question. T'es okay, je t'aime bien. Mais je veux qu'on cause. Avant."
Elle se redresse.
"T'as de l'argent, mon chou ?"
De l'argent - oh. Et là je le sors, un petit rouleau épais, rien que des billets de un dollar. Bien sûr que j'ai de l'argent, j'en ai plein, même, ça c'est rien, tu verrais le reste. Pas de problème de ce côté-là.
"Tu prends combien ?
- C'est deux dollars, mon chou."(...)
L'écrivain veut causer ? Eh bien on va causer. Comment ça marche le boulot ces temps ci ? Est-ce que ça lui plaît , ce genre de vie ? Oh, dis, chéri, la barbe avec ça, on causera de ça plus tard, pour le moment on a mieux à faire. Non, non, je veux causer, c'est important, prochain livre,source, matériaux. Je fais ça souvent. Et comment t'en es arrivée, à faire ce métier ?
Oh, chéri, merde, tu veux quand même pas causer de ça aussi ?"

Bukowski errant dans la bibliothèque municipale de Los Angeles ne trouvait aucun livre en rapport avec lui, avec les rues ou les gens autour de lui. Que des écrits de convenance. Ceux qui étaient lus, enseignés, digérés et transmis. Livres qui le laissaient affamé.
Il écrit : "Un jour, j'ai sorti un livre, je l'ai ouvert et c'était ça. Je restais planté un moment, lisant et comme un homme qui a trouvé l'or à la décharge publique. J'ai posé le livre sur la table, les phrases filaient facilement à travers les pages comme un courant. Voilà enfin un homme qui n'avait pas peur de l'émotion. L'humour et la douleur mélangés avec une superbe simplicité. Je compris qu'il y avait là un homme qui avait changé l'écriture. Le livre était "Ask the Dust et l'auteur, John Fante. Il allait toute ma vie m'influencer dans mon travail."

Christiane a dit…

M.C.,
Je lis votre intervention avec intérêt.
Page 227 ! J'en suis très très loin.
J'ai seulement repéré l'arrivée d'un nouveau personnage, au chapitre 3, page 29. Joe Chip. Il se réveille, a mal dormi, cherche un fait divers sur le distributeur d'homéos.
L'appareil lui conseille de régler la cadran sur "ragots'.
Voilà. Vous annoncez une mysterieuse "scène du funérarium ou se précisent sans s’élucider les positions respectives des protagonistes".
A lire le billet de Soleil vert et à vous lire, je sens que va se mettre en place "l'affrontement de deux forces, lune bonne, l'autre mauvaise. Dieu Bon et Dieu Mechant des gnostiques".
Promis je vais reprendre le roman.
La remarque de Soleil vert sur John Fante m'avait conduite à réouvrir "Ask the Dust " et à relire la préface de Bukowski.
Cet espace commentaire aiguise la curiosité de lire, relire, découvrir. On glisse d'un livre à l'autre. On se déleste d'une pensée pour en accueillir une autre.
Le livre devient une seconde vie, une pliure du temps, un phénix qui renaît sur la cendre des mots.
Quelque chose qui relie la vie et la mort. On lit jusqu'au bout du souffle. On est tiré à hue et à dia et c'est formidable.
Avec vous deux, j'ai des piles de livres entassés autour de moi et j'essaie de tresser mille et un dialogues tantôt avec vous tantôt avec Soleil vert et voilà que JJJ avec son baluchon pose notre espace sur la RdL où les conflits redoublent.
Avec tout cela du silence. Des voyages dans les livres venus de cette masse d'écriture, cette matière qui tantôt torture l'esprit tantôt le ravit.
Les mots fuient. Il faut se placer dans le sens de leur fuite.
Voilà, pour cette heure. Le soleil décline et j'ai envie de marcher.
A plus tard.

Christiane a dit…

M.C.,
Vous en parliez. Je ne l'ai pas lu ni aucun livre de Barrés. En cherchant sur le net, j'ai trouvé les premières lignes de "La colline inspirée" et ,ô, surprise, ce sont pour certains des lieux qui ont marqué ma vie .


"IL EST DES LIEUX OÙ SOUFFLE L’ESPRIT
Il est des lieux (...) enveloppés, baignés de mystère, (...)La plage mélancolique d’où les Saintes-Maries nous orientent vers la Sainte-Baume ; l’abrupt rocher de la Sainte-Victoire ; Vézelay, en Bourgogne ; les grottes des Eyzies, où l’on révère les premières traces de l’humanité ; la lande de Carnac, qui parmi les bruyères et les ajoncs dresse ses pierres inexpliquées ; la forêt de Brocéliande, pleine de rumeur ; le mont Auxois, promontoire sous une pluie presque constante ; le mont Saint-Michel, qui surgit comme un miracle des sables mouvants ; la noire forêt des Ardennes, tout inquiétude et mystère...."
C'est troublant...
De quoi parle ce livre ? Je sais que Marguerite Yourcenar aimait ce livre.

Anonyme a dit…

Christiane , L’histoire a un fondement réel. On pourrait dire de Prêtres tentés non par le Diable, absent de la problématique de Barres comme de son univers mental, mais par l’hérésie de Vintras dans un coin perdu de Lorraine. Vintras fut une sorte de prêtre satanique, et il ne me paraît pas qu’il ait reçu vraiment la prêtrise, étant contremaître d’une usine de carton sous Louis-Philippe. Il se rebaptisa tôt en Stratanael il eut un redoutable disciple, l’ Abbe Boullan, actif jusqu’à la fin du siècle dans un pseudo-carmel Lyonnais. Comme souvent, cette spiritualité s’épanouissait en étranges dessins, mais aussi en jeux sexuels d’ordinaire prohibés. Sur Vintras, Maurice Garçon, « « Vintras hérésiarque et Prophète ». ( récemment réédite) Peut être verra-t-on un jour les papiers du mage , reapparus il y a de cela plus de vingt ans au bas mot, mais pas dans notre pays. on souhaite qu’ils soient légués à un Musee. Barres se sert de l’hérésie Vintrasienne pour écrire un roman de la tentation et de la chute, plus lucide en cela que Huysmans pour qui Boullan était un Saint Homme! Cf le Chanoine Docre dans « Là-bas », degré zéro du roman à prétention occultisantes Le plus joli, c’est qu’on retrouve les gnostiques dans ce fatras doctrinal. Du moins tels que vus par Irenee de Lyon! ( In Adversus Haereses, troisième siècle de notre ère.) Pour en revenir à Barres, je pense qu’il est plus sensible dans l’intro que vous citez, à la religiosité du lieu plus qu’à une religion.La mention de la Grotte des Eizies est de ce point de vue remarquable.Et le républicain qu’il est correspond avec le royaliste Maurras: «  puisqu’il convient de se laisser duper par quelque chose, je me suis laissé duper par la vieille idole israélite… » ( le Christ). C’´est fondamentalement un fils‘’de Renan, comme lui bienveillant envers lereligieux, et comme lui sans illusion envers « le linceul de pourpre où dorment les Dieux morts ». Vous aurez reconnu la Prière sur l’ Acropole. Bien à vous, et mes excuses à Soleil Vert pour encombrer son blog de ces considérations un peu longues. MC. PS Oui , la scène du funérarium auquel je fais allusion est presque à la fin du roman.

Christiane a dit…

Marguerites Yourcenar dans les entretiens avec Mathieu Galley disait à propos de "La Colline inspirée" :
« Les Déracinés me paraissait un livre artificiel et voulu ; je le pense encore. Mais le Barrès de "La Colline inspirée" était bouleversant, parce que, de nouveau, c'était à la fois le monde invisible et l'autre, celui de la réalité paysanne ; je continue à croire que c'était un grand livre. Évidemment, il y a des creux, des moments où Barrès fait du Barrès, mais il y a aussi des moments où c'est du grand art véritable, ces paysages de Lorraine, merveilleusement décrits, et surtout la solitude et la vieillesse de Léopold, le sorcier, l'occultiste, et son dévouement jusqu'au bout à Vintras, mi-fanatique, mi-charlatan, bien qu'il soit pourtant la cause de toutes ses épreuves»

Merci pour cette longue réponse. Vous écrivez : "un roman de la tentation et de la chute, " c'est cela qui vous fait penser au "Journal d'un curé de campagne" de Bernanos ?
Des êtres excessifs...
Mais j'ai bien envie de découvrir ces paysages et son approche de la paysannerie.
Pour le reste, les quêtes mystiques violentes me paraissent être remplies d'orgueil.
Oui, cet espace commentaire accueille de nombreuses pistes littéraires. Elles ont en commun un questionnement sur les livres, les écrivains. Les uns éclairant les autres.
Je crois que Soleil vert dans sa passion de la littérature comprend cela.
Il faudrait ne pas faire écho ici des commentaires trouvés sur un autre blog. Je vais de temps en temps lire en diagonale là-bas et m'arrête quand je vois certains noms ou pseudos. Puis je reviens ici car ce lieu me convient. On y trouve le calme d'une bibliothèque.
Très bonne nuit
J'écoute Colette sur France Culture
Correspondance avec Marguerite Moreno. Une demi-heure toutes les nuits. C'est très agréable.


Christiane a dit…

Non, vous evoquiez "Sous le Soleil de Satan", écrivant : "avec quelque trente ans d’avance.Il ne croit pas au Diable, mais se sert du mouvement créé vers 1846 autour de Vintras pour tenter et faire basculer ses Pretres.
Ce faisant, il signe son plus beau roman, mais n’est pas occultiste pour un sou."
Le lien, là, est évident.

Christiane a dit…


Un peu les mêmes interrogations quand, Soleil vert, vous écrivez à propos du roman Ubik : "touchant quand il évoque par exemple les affres de Joe Cheap, héros du récit, confronté à une entité délétère qui pourrait être la Mort ou un dieu : « Une entité irresponsable qui se délecte de notre sort, s’amuse à nous supprimer un par un, n’est pas obligée de faire durer, mais le fait quand même."
Le mal est inconnaissable. On ne peut le raisonner. C'est un puits sans fond.
Cette entité imprègne bien des romans (Boulgakov), des poèmes (Victor Hugo... Dante...). Peut-être pour lui donner un sens. Le bien est plus facile à cerner.
Alors, imaginer deux dieux, un du bien, un du mal (gnostiques) c'est en quelque sorte réinventer les dieux grecs, ceux qui protègent, ceux qui nuisent ou d'autres cosmogonies. Pour les Mayas, le centre du monde est "Xocen" (lis-moi). Le livre serait-il le centre du monde ? Un livre fabriqué par personne.
Je me souviens des immenses livres de plomb de Kiefer comme une rencontre de la mémoire et de l'immémorial. Une bibliothèque de fer prise entre la double inscription de l'Euphrate et du Tigre.. Rencontre de l'archaïsme et du contemporain.
Et dans l'héraldique on trouve parfois un livre ouvert sur les blasons..
Je pense aussi au "Mutus Liber" de l'alchimie...
Reste que l'homme est un mystère et que les horreurs du vingtième siècle ont ébranlé l'image du dieu bon...
La science-fiction prend le relais se donnant toutes libertés en ce domaine et puisant dans le grand néant de la mort des béances qui brouillent notre perception de la fin de la vie.
J'avoue avoir plus de goût pour déchiffrer le monde des vivants sans tout cet attirail imaginaire. Et l'écriture est le lieu d'une presence-absence. Une intériorité un peu inatteignable. Secrète.
Je me souviens de "Sterne fall" l'Expo dédiée à Celan et Ingeborg Bachmann au Grand Palais par Kiefer.. La chute des étoiles... Un monde qui frôle les Elegies de Duino et "l'Ouvert" de la huitième.
Vous êtes comme un Icare à la dérive dans vos romans de science-fiction....

Anonyme a dit…

Reception de Mario vargas llosa, ce jeudi 15h,cérémonie sur le site de L’Académie française,en direct.

Christiane a dit…

Au fauteuil de M. Michel Serres (fauteuil n° 18).

Soleil vert a dit…

Yes

Soleil vert a dit…

Plutôt éloge de Flaubert et de la littérature française que Serres :)

Anonyme a dit…

Certes, la Gnose se développe aussi dans un milieu judeo-hellénique Alexandrin. Mais il s’agit plutôt d’une duplication sur le modèle du Dieu hébreu. D’un côté le Dieu bon , de l’autre le Dieu mechant. Tous deux s’affrontant.

Christiane a dit…

Ici, pas de demi-mort envisagée !
Un journaliste dit ay M. Vargas Liosa : "Les académiciens français sont qualifiés d’immortels”.
Devant un verre de vin, Mario Vargas Llosa rétorque au journaliste de l’hebdomadaire El País Semanal : “Être immortel me semblerait terriblement ennuyeux. Demain, après-demain, l’infini… Non, il est préférable de mourir. Le plus tard possible, mais mourir.”

Christiane a dit…

Oui, Flaubert pour la boulimie d'écrire. Hugo pour Les Misérables et le personnage de Jean Valjean dans le scène où il laisse Javert s'échapper. Pour Serres, La Fontaine est escarpé.
Il avait hâte d'être à Paris, d'écrire à Paris.
Je regardais ces rangs où des anciens écoutaient attentifs.
Il y eut un billet de Pierre Assouline savoureux qui commençait par : je croyais que le F16 était un avion....
Je ne le retrouve pas. Dommage ! Et où les académiciens recevaient M.Vargas Llosa à bras... fermés....

Christiane a dit…

ah, voilà !


https://larepubliquedeslivres.com/super-mario-parachute-quai-conti/

Anonyme a dit…

Il faut aussi imaginer des thèses démentes sur l’incarnation , ou la Sagesse s’incarne ( il serait plus exact de dire s’abaisse à s’incarner). Dans la mesure où ces incarnations sont vécues comme des souillures. ( Pistis Sophia, par exemple) . La il y a un legs plus ou moins platonicien. On arrive très vite a deux mondes séparés, l’un intangible, divin , et souverainement Bon dans le meilleur des cas
( pour simplifier je ne parle pas du Démiurge Mauvais). Et une sorte de décadence marquée par l’incarnation de la Sagesse, arrachée à la divinité, à son plerome d’eons ( d’esprits) et contrainte de descendre l’incarnation du Christ est une horreur pour un gnostique qui lui substitue ce complexe montage allégorique…. Vision cryptique de textes somme toutes assez « simples « .

Christiane a dit…

Il y a effectivement quelque chose d'insurmontable pour la raison dans l'incarnation du Christ. Sa vie brève est celle d'un homme. Génétiquement il ne peut avoir été conçu sans l'acte charnel d'un homme et d'une femme'. Sa sagesse très particulière, scandaleuse pour les religieux du temple, le lie à une pensée neuve, inouïe, parfaite. A-t-elle subi l'empreinte de Dieu ? Peut-être... comme celle de grands croyants. Dieu n'est tolérable qu'étant inconnaissance.
Je crois que la fiction donne corps à cette aspiration de la rencontre d'un homme et d'un dieu mais les deux appartiennent à deux mondes différents, inconciliables.