Yann Lukas - Les Voies Lactées - Editions du Porphyrogénète
On ne le dira jamais
assez, la science-fiction est une conspiration bretonne. J’ai été initié à ce
genre littéraire, quoiqu’ayant lu auparavant quelques Fleuves noirs, par un
copain de classe breton en 1970. Les collections naissantes J’ai Lu SF et Ailleurs
et Demain, la déjà respectable Présence du Futur furent désormais miennes. Et
voici que récemment un écrivain breton (il me démentira au besoin) habitué de
mon blog me signale un recueil de poèmes de science-fiction - au format 21x27 !
– paru en 2009, signé d’un natif de la même région … L’ouvrage comporte une
soixante de pages illustrées par Didier Collobert à l’encre de Chine. Douze
fameux poèmes détournés y figurent, ainsi que les textes originaux. Quelques vers
de Yann Lukas font le lien.
Mais laissons parler l’auteur :
Le projet à caractère éducatif n’est pas sans rappeler le recueil Poètes de l’Imaginaire élaboré par Sylvain Fontaine chez Terre de Brume qui tentait un rapprochement entre le genre fantasy et les poètes du Parnasse. Voilà une curiosité littéraire bien sympathique. Les vertes collines d’Hemingway et de Heinlein n’en finissent pas de susciter des nostalgies.
Place au Bateau … non
à L’Astronef ivre :
Comme je descendais de
soleils impossibles,
Je ne me sentis plus guidé
par leur chaleur.
Mes thermo-réacteurs
n'étaient plus pris pour cibles
Par leurs rayonnements
d'infrarouge couleur.
J'étais insoucieux de tous
les équipages,
Porteur de métaux lourds
extraits sur Bételgeuse.
Quand avec les chaleurs
ont fini mes guidages,
Le vide m'a poussé vers
d'autres nébuleuses.
Dans les clapotements furieux
des planètes,
Moi, l'autre hiver, plus
sourd que les ordinateurs,
Je courus ! Et la
chevelure des comètes
S'ébouriffait sous mes
touchers dévastateurs.
La tempête a béni mes
éveils galactiques.
Plus léger qu'un photon,
j'ai dansé sur les flux
D'énergie expulsés par les
quasars antiques,
Longtemps, sans regretter
les soleils superflus !
Plus douce qu'aux enfants
les hallucinogènes,
La vitesse ponça ma coque
de métal
Et de l'oxydation des
planètes lointaines
Me lava, polissant mes
hublots de cristal.
Et dès lors je me
suis baigné dans le Poème
Du Cosmos, infusé
d'astres et lactescent,
Dévorant les azurs verts :
où, flottaison blême
Et ravie, un bolide en feu
parfois descend ;
Où, teignant tout à coup
l'obscurité, délire
Imbibé de couleurs dans
l'Univers sans jour,
Plus fortes que le Lion,
plus vastes que la lyre,
Fermentent les rousseurs
amères de l'amour !
Je sais les cieux crevant
en éclairs, et je tombe
Dans le vide infini sans
jamais perdre espoir.
Des astres inconnus passent
parfois en trombe,
Et j'ai vu quelquefois ce
que l'homme a cru voir
J'ai vu des soleils bas,
tachés d'horreurs mystiques,
Vomissant des fragments de
lave incandescente,
Tandis que l'explosion de
globes fantastiques
Se dispersait au loin en
aurores sanglantes.
J'ai rêvé la nuit verte
aux novas éblouies,
Dans le Nuage d'Oort où
brûlaient les phosphores,
La circulation d'étoiles
inouïes
Et l'éveil jaune et bleu
des tristes météores !
J'ai suivi, des mois
pleins, dans les espaces vierges,
Un fol astéroïde aux
rythmes convulsifs,
Sans songer que les pieds
lumineux de la Vierge
Pussent forcer leur mufle
aux grands amas poussifs.
J'ai heurté, savez-vous,
d'incroyables planètes
Mêlant aux gaz bouillants
des métaux inconnus.
Des océans de plomb
soulevés de tempêtes,
O combien de marins n'en
sont pas revenus !
J'ai vu fermenter les
quasars énormes, masses
Dont le centre invisible
abrite des trous noirs,
Des pulsars écroulés au
milieu de l'espace,
Sans retour aspirés dans
d'immenses suçoirs !
Limbes, surges d'argent,
projections d'hydrogène,
Protubérances d'or au
milieu des facules,
Où les soleils géants et
les étoiles naines
Projettent en crevant
des milliards de pustules !
J’aurais voulu montrer aux
enfants ces Pléiades
Du ciel bleu, ces
astres d’or, ces astres chantants.
Des essaims lumineux ont
bercé mes dérades
Et la gravitation
m'a ailé par instants.
Parfois, martyr
lassé des pôles et des zones,
L'espace aveugle et
sourd faisait mon roulis doux,
Montant vers moi
ses troupeaux de planètes jaunes
Et je flottais ainsi
que Vénus, à genoux.
Or moi, vaisseau perdu
dans l'immensité vide,
Jeté par le hasard aux
confins du Verseau,
Moi dont les sky-rangers
et les buveurs d'acide
N'auraient pas investi la
carcasse ivre d'eau,
Libre, fumant, braquant
tous mes rayons laser
Pour pénétrer le ciel
irradiant comme un mur
De métal érigé dans
l'infini désert,
Reflétant des éclairs et
des morves d'azur ;
Qui courais, taché de
lunules électriques,
Astronef escorté des
météores noirs,
Quand les parsecs
faisaient crouler à coups de triques
L'espace ultramarin aux
ardents entonnoirs ;
Moi qui tremblais, sentant
à des milliards de lieues
Le rut de l'Univers
toujours en expansion,
Dévoreur éternel des
immensités bleues,
Je regrette la Terre aux
humbles dimensions !
J'ai vu des archipels
sidéraux ! et des îles
Dont les deux délirants
sont ouverts au vogueur :
Est-ce en ces nuits sans
fond que tu dors et t'exiles,
Particule inconnue, ô
future Vigueur ?
Mais, vrai, j'ai trop
pleuré ! Les Aubes sont navrantes,
Toute lune est atroce et
tout soleil amer :
L'acre amour m'a gonflé de
torpeurs enivrantes.
Que mon cockpit éclate ! O
que j'aille à la mer !
Si je désire une planète,
c'est la mienne,
Si petite où, voici trois
cent vingt mille jours,
Mon père s'embarqua vers
des terres lointaines.
Emporté dans la nuit pour
un vol sans retour.
Je ne puis plus, baigné de
vos langueurs, étoiles,
Enlever leur sillage aux
sphères lumineuses
Ni retrouver l'orgueil des
vaisseaux et des voiles,
Ni nager sous les yeux des
blanches nébuleuses.
Quelques contacts :
https://www.livreavannes.fr/lukas-yann
https://www.babelio.com/auteur/Yann-Lukas/455454
85 commentaires:
Très drôle ! Je me souviens... MC va se régaler !
Mais je retourne à Delva. Ce roman est vraiment séduisant, surprenant, alternant poésie, méditations et passages écrits avec une certaine crudité. Mélange détonnant !
J’ose à peine ajouter, à propos de la conspiration bretonne qu’est censée être la SF, que Terre de Brume est aussi une maison bretonne…Bonne année à tous. MC
Terre de Brume est aussi une maison bretonne
Enfer :)
Bonne année !
Vous êtes incroyables ! Bonne année !
Spécialisée un temps dans les textes fantastiques! Ils ont edite la majeure partie des œuvres de cet ancêtre de la Fantasy admire de Lovecraft que fut Lord Dunsàny. Entre autres.
Et le tropisme celtique de la maison n’est pas un secret…
Alan Stivell et la harpe celtique, le bruit des vagues... Les bardes bretons et leurs contes... L'amitié... Les dessins à l'encre de Chine de Didier Collobert... Enfin, les poèmes-passerelles d'un père qui lance par la poésie des signaux à son fils "qui trouvait que "Baudelaire, c’est chiant, Verlaine et Rimbaud pas mieux".
Alors, Yann Lukas s'est "demandé s'il y avait un moyen d'amener les jeunes d'aujourd'hui à lire les poètes du XIXe siècle." Il a "eu l'idée de détourner des textes célèbres : Les conquérants d’Hérédia, La vie antérieure et L'invitation au voyage de Baudelaire, Le bateau ivre de Rimbaud, etc. " . Il "les a transposés dans la science-fiction, et écrit quelques poèmes intermédiaires pour raconter une histoire simple : les hommes quittent la Terre pour conquérir d'autres mondes"....
Je me souviens de MC glissant discrètement l'existence de ce recueil, de Soleil vert en demandant les références.
Et voilà qu'aujourd'hui, le dit recueil fait la une de "La sortie est au fond du web". On y parle aussi d'une maison d'édition , "Terre de Brume", dont MC nous dit quelques mots : "Spécialisée un temps dans les textes fantastiques! Ils ont édité la majeure partie des œuvres de cet ancêtre de la Fantasy admiré de Lovecraft que fut Lord Dunsàny. Entre autres. Et que le tropisme celtique de la maison n'est pas un secret."
J'écoute la mer et la harpe celtique en pensant que Yann Lukas doit profondément aimé ces grands poètes pour avoir à ce point fait du rythme de leurs poèmes, son rythme et de leurs rêves, un rêve de science fiction.
Un autre a dit : "Tu seras un homme, mon fils...."
L'amitié est une belle histoire, ici, et pas de science-fiction !
doit profondément aimer
Terre de Brume est plutôt en veilleuse, ces temps-ci…Mais oui, ils ont publié des inédits de Le Braz, les Derniers Bretons de Souvestre, des essais peu connus de La Villemarque dont celui sur Merlin, un debut hélas avorté de l’intégrale des Contes de Le Diberder, folkloriste vannerais ( entre-deux guerres, 1950? ) qui eut le tort de laisser toute son Oeuvre manuscrite, etc.,.
Merci, MC. Quel beau travail !
https://fr.wikipedia.org/wiki/Terre_de_brume_(%C3%A9diteur)
Mes vœux aussi à Pierre Assouline, y Paul Edel, à Rosanette , à Rose et à Lola. Je les lis avec attention mais ne reviendrai pas sur un blog où trop de méchancetés circulent. Dommage....
"Le mieux est d’être oublié du Cosmos. Que d’autres, à l’autre bout de l’univers, admirent ses grandioses manifestations, ses glorieuses contractions d’espace-temps, ses bénédictions hautement radioactives. Comme le Job imaginé par René Reouven dans un de ses écrits, je dirai à Dieu, Epargne moi tes Bienfaits. Oublie moi."
Vous pourriez nous parler des romans de René Reouven ?
Rene Reouven, polygraphe, a entre autres commis des sherlockeries holmesiennes qui valent le détour, pour s’en tenir à ce que je connais le mieux de sa production….
Enfin nuançons : qui ne sont pas déshonorantes. Un fort volume en poche s’il existe toujours…
Des pastiches construits sur des personnages célèbres de romans policiers ?
Mais la réponse de Job est extra !
Pour le plaisir de la relire cette page (481) du plus beau livre de Pierre Assouline :"Vies de Job".
"A la fin de l'histoire, redevenu lui-même, Job n'a plus d'intérêt. L'épreuve a fait du juste un sage dépassé par les merveilles qu'il a racontées sans les comprendre.(...)
"Happy end" à défaut de "The end" ?(...)
La fin n'est pas heureuse, elle est scandaleuse. Comment peut-on dire que cette histoire s'achève pour le mieux alors que les enfants de Job sont morts ? Il en a eu d'autres, et alors ? Il y a une certaine indécence à parer ses nouveaux enfants de toutes les qualités, quand ce n'était pas le cas des petits morts. Les nouveaux ont des noms, ils sont beaux et féconds.
L'Eternel est très fort pour les commencements mais pas doué pour les fins. Il sait envoyer la pluie hâtive et la pluie tardive mais il ne sait pas comment finir. Il devrait pourtant savoir que rien ne console parce que rien ne remplace. (..)
Dieu l'a donné, Dieu l'a repris, mais Job ne nous a jamais quittés."
Rien à ajouter.
1) des pastiches de Conan Doyle
, je crois. Je parle sous réserve de l’autorité héliaque que vous savez…
J’ai aimé ce livre mais le procès ici est un peu facile. D’abord parce que le livre biblique nous est parvenu très mutile. En suite et surtout parce que le Père Hugo, pour ne parler que de lui, s’identifie pleinement à Job dès le début de l’ exil. Que les pages de « William Shakespeare « valent bien celles de Pierre Assouline, surtout quand on sait qu’il poussera le mimétisme jusqu’à perdre ses fils. Cf « Mes Fils » « Éternel Dieu, vous seul faites tourner la porte de la Tombe, et vous savez pourquoi ». Dénuée de tout Pathos, Mes Fils choisit le mystère des fins dernieres plutôt que le sarcasme voltairien. Et Ceci est hautement respectable. MC
Je conseille la lecture de Mes Fils, opuscule un peu écrasé par les grandes œuvres, mais d’une extrême sobriété, allant à l’essentiel. La douleur qu’on ne peut plus pleurer, le mystère du Tombeau.
Le livre de Job est un livre rebelle qui laisse sceptique face aux réponses données par Dieu. Il contient plus de questions que de réponses. Sur le problème de la souffrance et du mal.
Dieu pose des questions à Job, lui demande qui il est... Drôle de façon de répondre aux questions qui lui sont posées...
Et Job pense : "Lui n’est pas, comme moi, un homme : impossible de lui répondre, de comparaître ensemble en justice» (Job 9, 32).
Impossible dialogue. Impossible rencontre.
Le destin de Job bascule à cause d’un pari stupide de Dieu avec Satan. Sans l’ombre d’une hésitation. Dieu donne son accord pour que soient infligées les pires tortures
envers Job pour éprouver sa fidélité. C'est du sadisme !
Désespoir. Colère. Lâcher-prise.
Faute de pouvoir argumenter, la voix de Job se réduit à un cri. Et ce cri comme l'écrit Pierre Assouline, on ne peut pas l'oublier.
« Et lui demande qui il est » Meme cas de figure avec Moise, me semble-t-il, et ça ne choque personne…
Moïse et Job... Situations bien différentes, questions bien différentes. Job demande à Dieu pourquoi tant de souffrances sans raison. Moise a l'étoffe d'un héros pas Job. Vous mélangez tout.
« Plus de question que de réponses sur le problème du mal » c’est pour cela qu’on s’en souvient. Satan? Non , le Shatan, être fourbe , mais qui n’est pas notre Diable. Le judaisme ne le connaît pas. ,Qu’ un être dépende d’un pari, c’est une tradition en germe ici, qui sera illustrée par Pascal des millénaires après, mais sans le pari du Job , aurions -nous le Pascal?
Que vaut le film de SF donné ce soir sur la 20 : Ready Payer One de Steven Spielberg ? Qui l'a vu ?
Que serait devenu Pascal sans la Bible ?
Je ne mélange pas. Qui m’empêche de voir un héros d’endurance dans Job? Une préfiguration du Christ? Que Moise est mais en un sens plus messianique ? La figure souffrante, présente ailleurs dans l’Àncien Testament, a pour corollaire la figure messianique. En ce sens l’une et l’autre peuvent fonctionner comme des préfigurations christiques …
Pascal est un lecteur assidu des deux Testaments. Cf Sa « Prière à Dieu pour le Bon Usage des Maladies » , et bien sur le Mémorial, très Augustinien…
Sur la 20?
Oh la la ! Vous êtes prêt à tout accepter pour excuser votre Dieu. Ce Dieu ne sert à rien, ne sait pas qui il est, est orgueilleux . Il ne sait que se complaire dans ses creations de paysages. C'est un solitaire, indifférent à la souffrance humaine.
Le Dieu que j'imagine ne lui ressemble pas du tout !!!
TF1- séries films
Aimait il rire ?
Je dois ajouter, renseignements pris à bonne source, que Terre de Brume est dans un coma prolongé, voire définitif…
C'est bien triste. Les petites maisons d'édition ont du mal à durer...
Votre »Dieu » est comme votre film,invisible. Il se manifestera peut-être en fin de soirée, peut-être pas….
Oui c'est un dieu de science-fiction. Le film est à 21heures. Peut-être n'avez-vous pas cette chaîne. C'est la 20 avec ma box.
Comme pour TF1, la plupart des programmes de TF1 Séries Films sont disponibles sur l'application MYTF1. Il est alors ainsi possible de visionner des épisodes déjà diffusés grâce aux box internet Orange, SFR, Bouygues Telecom ou encore Free.
https://programme-tv.nouvelobs.com/cinema/ready-player-one-1461173/
Vous ne ratez rien c'est pour les gamins ! Je quitte ce programme sans regrets !
Oui, la franchise Spielberg sert vraiment à tout … j’ai du decrocher vers 21h 15 assez ébahi de ce que j’ai vu… Je sais bien qu’ à Paris, j’ai le dernier poste hertzien, mais si, j’ai bien ici la TNT….
Nous avons donc décroché à la même heure. J'ai passé la soirée avec Pascal et Lao Tseu.
Je cherchais à comprendre d'où vient cette empreinte de Dieu Et comme la révolte ou l'acceptation de l'absurde peuvent être chemins de foi et de doute.
Il est difficile aussi de penser ces cheminements hors des premières impressions vécues en famille.
L'enfant pose ses premières questions sur la naissance, la mort, la souffrance, l'injustice. Ce qui lui sera répondu fondera sa docilité ou sa prise de distance.
De plus, dans le paysage, toutes ces églises, monastères, cathédrales sont autant d'étranges lieux où d'autres questions et impressions naissent.
La musique, l'art aussi.
Enfin, la littérature avec ce domaine mystérieux : la poésie.
Au fil des années, avec des hauts, avec des bas, des exaltations, des nuits obscures, quelque chose s'est blotti à l'intérieur. Une zone interdite qui ne veut pas mourir. Bonne nuit.
Reouven :
https://soleilgreen.blogspot.com/search?q=Reouven
Le temps vient. Il suffit d'attendre. Comment résister à cette brillante chronique !
Dans lequel de ces textes avez-vous trouvé cette allusion à Job qui m'a tant amusée et provoqué un echange passionné avec MC sur l'inconnaissance de Dieu.
J'en étais restée à la mort de Sherlock Holmes avec le professeur Moriarty, cet ennemi diabolique, dans les chutes de ? en Allemagne je crois. Et à sa réapparition au 221b Baker Street quelques années plus tard.
Est-ce dans ce trou du temps que s'est installé René Reouven pour écrire ses nouvelles ?
Sur quoi s'appuie-t-il pour écrire ses pastiches ? Est-ce que l'on revoit d'autres personnages comme le docteur Watson ou le frère de Sherlock Holmes, Mycroft ?
A lire votre billet sur cet auteur, il me semble comprendre qu'il va de l'imaginaire à l'histoire des crimes non élucidés et à la biographie de certains écrivains ( E. Poe, Wells) ou de leur œuvre, avec virtuosité et ingéniosité
Conan Doyle (et son Sherlock Holmes) a dû le fasciner.
Est-ce que les nouvelles de René Reouven ont pour cadre Londres et son brouillard, sa nuit, sa pluie telle que l'a si bien dépeinte Conan Doyle et la même fin de siècle ?
Pas Wells mais Wilde
Tobie or not Tobie (Le livre de Tobie - et non Job)
Merci !
Une très belle pièce de Claudel: » le Livree de Tobie et de Sara », me semble-t-il…
C'est amusant ce livre To bé or not to be est édité par L'Atalante à... Nantes !
Ah oui le Tobie de Reouven! Impression que les Holmes ont été réunis en un volume. ( Folio?) épais. Pas si facile, les pastiches holmesiens! Le petit-fils Adrian Conan Doyle en a su quelque chose même avec l’aide de John Dickson Carr. Michael et Mollie Hardwick in La Vie privee de Sherlock Holmes? Mieux vaut le film de Wilder. »Élémentaire mon cher Morgan « de Patrick Jeffries, ou Doyle se pastichant lui-même dans une nouvelle écrite pour la Maison de Poupée de la Reine Mary, section Bibliothèque ? Asimov et son Club des veufs noirs n’aboutît qu’a une pâle resucée…
C'est étrange, l'histoire se passe à New York en 1958. Le narrateur est dans un cinéma et regarde Vertigo pour la septième fois. Il s'endort et rêve Il est à Londres, cinquante ans plus tôt. Un enfant le tue. Au réveil il se refaichit au lavabo et se regardant dans la glace il se nomme Thomas Jenkins. Soixante dix ans. Revenu à New York pour un deuil.
Il se souvient d'un nom apparu dans son rêve : Samuel Bodoth, nom qui ne lui dit rien...
Beau début de la nouvelle "To bé or not to be". Chic !
J'aime beaucoup la remarque : "C'est comme si mon rêve m'avait confondu avec quelqu'un d'autre."
Cet enfant qui le tue dans son rêve lui reproche de l'avoir abandonné. Il le soignait pour des problèmes de personnalité.
Cela me rappelle un des deux personnages principaux du "Sixième sens", film de Night Shyamalan sorti en 1999. Celui du psychologue Crowe. Rentrant chez lui un soir , il se trouve face à un jeune homme très agité, avec une arme à la main.
Celui-ci accusele docteur Crowe de l'avoir abandonné à une vie de terreur puis lui tire dessus et se suicide.
Y a-t-il eu influence pour le cinéaste due à la lecture de cette nouvelle ?
J'ai lu "To be or not to be" malgré votre indication très claire qui aurait dû me faire lire "Tobie or not Tobie". Mystère !!!!
Réécrit après corrections diverses :
Eh bien voilà, j'ai lu "To b or not to be" !!! Et bien sûr cette fiction de Fabrice Colin n'est pas issue de "Crimes apocryphes" de Reouven ! Donc engagée dans ce roman intéressant tout hanté par Shakespeare, le dieu Pan, "Vertigo" de Hitchcock et la science fiction ( on s'y balade dans plusieurs époques de la vie d'un personnage et de son double), je continue. 300 pages...
Puis ou en même temps, par alternance , la suite de Dalva.
Le livre de Tobie... Un lointain souvenir
Ce n'est même pas "To be or not to be" mais "Or not to be". La lecture parfois superposé à des mots ecrits, d'autres mots dictés par la memoire.
De nombreuses notes traversent le roman dont celles en italique. du "dépliant" de "Vertigo". Elles sont issues du "Hitchcock" de Jean Douchet, publié dans la "Petite Bibliothèque" des Cahiers du cinéma. Ainsi celle-ci, passionnante :
"Hitchcock est le peintre de la faiblesse de l'être dès qu'il est sollicité par les voluptés charnelles. Ses films décrivent donc les ruses du corps qui, pour échapper à la vigilance du contrôle du monde conscient, invente un double dans l'univers inconscient, un miroir qui, en échange lui imposerait sa tyrannie. (...)
Pour masquer son abdication devant les désirs inavoués, l'esprit conscient cherche à fonder l'existence d'un double inversé et qui serait sa propre négation. De cette quête est issue la tragédie de "Vertigo"."
Pour rappel, "Vertigo" raconte l'attirance d'un homme pour deux femmes qui en réalité ne sont qu'une... et que cet homme lui-même est double.
Hitchcock lui-même disait: « initié de me prêter des intentions métaphysiques que je n’ai pas « Maitre du théâtre filmé, certainement. Après tout est affaire d’interprétation . Ne pas oublier que le polar ( Margaret Millar est un bon exemple) et le film de l’époque sont littéralement gorgés de Freudisme (plus ou moins bien compris) . Et dans Vertigo, ce qui en est retenu est essentiellement théâtral. On retrouve cette même esthétique dans. « Pas de Printemps pour Marnie ».De ce point de vue , il y a décantation par rapport à la « « Maison du Docteur qEdwards », ou le rêve conçu par Dali déséquilibre le film.Mais dans les trois cas, je pense qu’on a tort d’imaginer un’Hitchcok torture…..! MC
Vous semblez bien apprécier ses films. Torture ? Je n'en vois pas dans cet extrait d'un livre de Jean Douchet, seulement une approche possible de deux personnages d'Hitchcock par la présence d'un double dédoublement dans leur psychisme ( ce qui est fréquent dans les personnages de ses films et dans la SF). Ici, dans ce roman découvert par hasard, l'homme et la femme sont très compliqués et l'adolescent meurtrier, schizophrène à souhaits ! Mais c'est un roman à tiroirs. On y rencontre aussi certain personnage de Moby Dick, beaucoup de Shakespeare... Egalement, un compte à rebours puisque les chapitres se suivent par ordre dégressif.
Dire que sans ce glissement involontaire du titre sur un autre je n'aurais jamais ouvert ce livre...
Le hasard m'étonnera toujours.
Et la chronique de cette page présente avec soin un livre dont je n'ai pas vraiment le goût aimant trop les poètes qui ont inspiré l'auteur dans ces pastiches.
Reste Reouven découvert par le hasard (encore !) d'une citation de Soleil vert sur un blog voisin n'appartenant pas au cycle des pastiches étourdissants du Sherlock Holmes de Conan Doyle mais à un jeu de mise à distance des Écritures de l'Ancien testament.
Le temps est toujours doux et nuageux. La ville est silencieuse. Mes plantes ne sont pas sorties indemnes des jours de froidure et les pigeons ne roucoulent plus.
https://www.cahiersducinema.com/boutique/produit/alfred-hitchcock/
J’aime beaucoup Hitchcock. Lequel , il ne faut pas l’oublier, achetait aussi et massivement les droits de bons romans. Je préfère les Oiseaux de Daphné du Maurier aux siens, la blonde hollywoodienne de Tippi Hedren rendant incroyable le film…Je regrette que l’Inconnu du Nord Express ne se soit pas fait, mais Highsmith pouvait faire reculer plus d’un studio. Mais j’ aime bien Sir Alfred au premier degré. Je me méfie des interprétations Nouvelle Vague façon Truffaut. Actuellement, lectures fort éclectiques : La Vie de Marylin et le Père Coton! Ceux qui me pensent plongé dans des bouquins pieux se trompent totalement!
Les interprétations... Vaste problème ! Qu'il s'agisse de films, de romans, de tableaux, de sculptures. D'où vient cette passion de chercher un sens dans une oeuvre d'art .
Après , chacun interpréte selon sa culture, sa sensibilité, son expérience. Ainsi, cher MC, quand j'ai découvert ce passage du livre de Jean Douchet, j'ai plus pensé à un ami rencontré cette année qu'au film d'Hitchcock. Vertigo, comme son nom le fait sentir est un beau questionnement sur le vertige qui saisit son héros.
Oui, vos lectures sont étonnamment éloignées du registre dans lequel on vous enferme.
Qui est-on pour soi, pour les autres ?
Superbe, la préface de Jacques Baudou pour le gros volume de "Crimes apocryphes 1" de René Reouven. (Denoë/ Lunes d'encre). Il écrit : " Au sein du roman policier français, René Reouven appartient au petit cénacle de ceux qui ont adopté la démarche dandy consistant à faire du crime littéraire une œuvre d'art . La deuxième clé est celle de l'humour. Il est présent d'ailleurs dès le titre du roman, qui joue tout à la fois du calembour et de la référence culturelle plaisamment détournée."
Et celle de l'auteur qui note : "Au demeurant, à propos de l'histoire de Tobie et de Sarah sur nous allons conter, nous serions mal venus de nous embarrasser de scrupules. Avant nous, le distingué Paul Claudel n'a pas hésité à faire chanter en latin des chœurs assyriens, en un temps où Rome n'était encore qu'une balbutiante bourgade aventine, occupée à aiguiser des couteaux face aux Étrusques voisins
NB. - On ne s'étonnera pas de l'apparente fantaisie apportée à la numération des chapitres. Elle s'inspire du Livre de Tobie, dans sa version sinaïtique, considérée comme la plus vraisemblable."
Et voici la fameuse citation, des le début de la longue plainte de du vieux Tobias.
"Je sais, Seigneur, je sais, tu réserves tes épreuves à ceux que tu chéris, et le vieux Job a goûté avant moi à ces amours singulières, mais, comme dit l'autre, que t'ai-je fait pour être ton élu ?... (...)
Reste à convaincre notre fils, ce qui - si tu permets l'expression, Seigneur - ne va pas être du loukoum..."
Quel humour ! Je m'amuse beaucoup et j'apprécie. Merci Soleil vert pour cette citation lue par hasard... ailleurs.
J'ai omis cet entrefilet savoureux :
"Par le suite, je crus que tu m'aimais moins : en effet, ma situation sameliora rapidement."
C'est un délice. On reconnaît le texte initial mais que d'inventions aussi. Ainsi :
" - Pourquoi huit ? questionna Azarias, Tobie est vivant, que je sache !
- Tobie ou pas Tobie, là n'est pas la question, répartit vivement Gabael. Quand j'ai dit huit, je pensais au petit chat qui a eu le malheur de goûter de cette décoction d'amandes de pêches."
Note de bas de page : L'acide cyanhydrique se trouve à l'état naturel dans les amandes de noyaux de mechesi.
noyaux de pêches
Sherlock Holmes passe comme une ombre familière :
" - Comment le sais-tu ?
- Élémentaire, mon cher Azarias, sourit Tobie....."
Même Molière jour les souffleurs !
" - Il faudra la ménager, lui chuchota Edna, elle vient d'avoir un grand chagrin.
- Le petit chat est mort, dit Sarah. "
joue
Et pour la suite (là je fais une pause) de ce livre désopilant et virtuosement écrit, René Reouven avertit les lecteurs :
"J'ai donc élaboré les dialogues de mes personnages à la façon d'un patchwork, composé de citations empruntées à des personnages renommés. Au lecteur, donc, de jouer les détectives littéraires, dévoilant au passage Shakespeare ou Gaston Leroux, Marivaux ou Dalida, Paul Valéry ou Ben Gourion, Conan Doyle ou Molière..."
Expo Heuze chez Richard le 7 Fevrier ou comment un peintre prenant pour sujet la Montagne déjoue les pièges du convenu…
Merci, MC.
Comme ces toiles ?
https://images.app.goo.gl/nmzNAJ1HsdTBEFYg9
Ce 7 janvier. Je reviens donc à Renouven.
D'abord lui, l'écrivain. (René Sussan), né à Alger en 1925 dans une famille juive mais athée. Son père fut l'un des premiers actionnaires du journal lancé par Pascal Piat et Albert Camus.
Il a connu l'expérience des kibboutz, il en reviendra déçu..
Fonctionnaire de l'E N., Il demande sa mutation à Paris pour écrire des romans.
Dans sa vie de romancier, il restera fidèle à Denoël pour trois raisons.
Il publie de la littérature générale, une collection policière, une autre de science-fiction.
Or cette nouvelle, "Tobie or not Tobie", est aussi un remarquable roman policier autour de Sarah, la jeune fille qui porte malheur à ses prétendants.
Effectivement, le lecteur est entraîné dans un jeu d'hypothèses appuyées sur un texte biblique. Cette juxtaposition est troublante. Renouven est un jongleur sérieux et espiègle. L'humour est la marque de ce récit. J'ai souvent pensé à Tex Avery (rythme fou, chutes en série).
"Apocryphe" car comme dans les autres nouvelles réunies dans le volume, la véracité de ces textes est contestée et la Bible figure au rang des lointains ancêtres du récit policier...
L'auteur lui-même précise dans une préface que les manuscrits de la mer Morte et les tablettes dites d'Hamadzn gravées dans l'argile le conduisent à s'interroger : le narrateur était il prophète ? Les prétendants à ce titre étaient fort nombreux à l'époque !
Toutes ces informations données par Jacques Baudou dans une très longue préface donne à lire ces récits avec attention.
Un passage de votre chronique, indispensable :
"Le premier récit "Tobie or not Tobie" est une relecture d’un texte hébraïque, Le livre de Tobie, dit apocryphe car non reconnu par le canon de la bible hébraïque. Tobias envoie son fils Tobie recouvrer une dette en Médie. Celui-ci tombe amoureux d’une jeune femme dont les prétendants disparaissent successivement sous l’influence pense t’on du démon Asmodée. Tobie va s’efforcer de résoudre l’énigme, dans un texte parsemé de calembours et de clins d’œil où flotte le souvenir du Parfum de la dame en noir et du Mystère de la chambre jaune. L’ensemble a un peu vieilli, mais témoigne de l’érudition de l’auteur."
Si vous pouviez préciser ces clins d'œil, ça serait formidable !
"clins d’œil où flotte le souvenir du Parfum de la dame en noir et du Mystère de la chambre jaune."
Le principe de ce recueil de poèmes est bon et bien trouvé, mais il semblerait que le poète ne se soit pas beaucoup détaché des poèmes originaux. C'est dommage ! Le bateau ivre a beau devenir un vaisseau, c'est toujours du Rimbaud. Il manque une patte nouvelle, un pas de côté il me semble. En revanche, les illustrations ont l'air magnifique !
Merci pour cette chronique.
Très fines remarques Siméon Lerouge. Avec le temps, je me demande si ce manque de distance par rapport aux poèmes "classiques" n'a pas été voulu par Yann Lukas dans ses "Voies lactées". Comme un travail de transparence superposant le rythme, la forme, la ponctuation. Gardant certains verbes, certaines expressions. Comme pour habituer l'oreille de cet adolescent rétif à une musique. Espérant peut-être que ces poèmes soient un jour le désir pour lui d'aller voir les textes à l'origine de ce travail. C'est très émouvant même si pour le père (et pour nous), c'est l'original qu'on entend.
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