Jim Harrison - Dalva - Christian Bourgois éditeur
Le monde des morts
revient,
sur notre terre je les
vois arriver,
nos morts poussent devant
eux,
l’élan, le cerf et les
troupeaux de bisons
ainsi que le Père nous l’a
promis.
La découverte d’une nouvelle édition du chef d’œuvre de Jim Harrison, Dalva, m’a incité à entamer une lecture trop longtemps différée. Non sans agacement. Ce grand format qualifié de « collector » bénéficie d’une traduction « révisée » - et c’est tout. Pas de préface, à l’inverse de la version 10/18, pas de postface ni à fortiori d’étude. On a vu des éditions de poche de Conrad - L’agent secret, annoté par Sylvère Monod - en donner dix fois plus pour presque trois moins cher. Un paradoxe quand on constate l’investissement éditorial consenti chez C.B.E pour Le Seigneur des anneaux de Tolkien.
On a coutume de rattacher
Jim Harrison au mouvement de nature writing. A quelques nuances près :
loin de soumettre ses protagonistes à l’emprise d’une nature impitoyable comme Jack
London ou Pete Fromm, il est de ceux qui plongent dans la mauvaise conscience
américaine, celle des massacreurs d’indiens. A la même époque (1988), Michael
Blake publie Danse avec les loups, popularisé deux ans plus tard par le film
de Kevin Costner.
L’Amérique dépeinte par
Jim Harrison tranche avec celle, puritaine des méthodistes et des évangélistes.
L’écrivain célèbre la terre du middle-west que ses personnages parcourent de long en large. Il y a quelque chose de dionysiaque dans cet éloge de la liberté et des plaisirs de la
vie. Les drames n’y sont pas absolus. Le roman, puissant, semble écrit d’un
souffle, comme le récit d’une expédition ; on pense au rouleau de Sur la
route même si la quête de l’héroïne trouve son point d’achèvement. Jim
Harrison cite Les Hauts de Hurlevent, laissant supposer que les
personnages de Catherine Earnshaw et Heathcliff ont inspiré la création de
Dalva et Duane. Les Sioux dont Northridge évoque le destin semblent présents et
absents comme le mystérieux Duane. Peut-être est-il temps d’explorer la
littérature amérindienne.
57 commentaires:
Quelle belle chronique, lue avant que j'ai ce roman entre les mains. Ce personnage est attachant. Vous revenez à un autre roman, inoubliable, "Les Hauts de Hurlevent", et aux personnages de Catherine Earnshaw et Heathcliff, pensant qu'ils ont inspiré la création de Dalva et Duane.
Ce lien éclaire cet amour impossible. Mais vous nous arrachez à ce début de roman par l'évolution de Dalva, écrivant que Harrison campe un personnage déroutant, "une femme pleine d’allant, libre et non passéiste, aimée d’un grand-père devenu substitut paternel."
Et là, semble-t-il, le roman nous entraine dans "quelque chose de dionysiaque dans cet éloge de la liberté et des plaisirs de la vie."
Hâte de le lire...
En attendant, Jim Harrison.
Ce portrait de Jim Harrison écrit par Charlotte Rotman pour "Libération" donne au roman "Dalva" que vous avez choisi un retour vers l'écrivain qui l'a créé :
https://www.liberation.fr/livres/2012/10/23/jim-harrison-l-ours-en-sa-taniere_855364/
Ses personnages aiment déguster de grands crus de vin. Je comprends l'enthousiasme de Bernard Pivot pour l'auteur…
C'est lui qui aurait du préfacer/postfacer Dalva
Bien, j'ai besoin de vous, Soleil vert. Impatiente, jai commandé pour ma liseuse "Dalva"... en anglais.
Cette première phrase du roman : "It was to day - rather yesterday I think - that he told me it was important not to accept life as a brutal approximation.", je la traduit... approximativement... par : Il m'a dit que c'était important de ne pas accepter la vie comme une approximation brutale.
Ce n'est pas pour donner de l'eau au moulin à Passou mais cette phrase ouvre une béance !
la vie comme une approximation... je comprends mais ajouter "brutale", je sèche !
Comment avez-vous compris cette phrase, vous, qui avez la chance d'avoir déjà le livre entre vos mains ?
Est-ce Dalva qui pense cela ? Dalva adulte ? Il est question d'un enfant. Elle a dû abandonner le sien, d'après votre présentation. Travaille-t-elle dans un univers pédiatrique où elle est conduite à s'occuper d'un enfant ? Pourquoi vit-elle dans la maison de son grand-père, John Wesley Northridge ? Un ranch dans le Michigan. Que fuit-elle ? Et ce Michael, toujours un peu trop alcoolisé, que lui trouve-t-elle de remarquable ?
Aidez-moi. Je suis très débutante en anglais et ma petite-fille parfaitement bilingue est repartie à Toulouse.
J'ai hâte de lire le roman. Ma petite libraire rouvre le 2 janvier !!!
Pas que ses personnages !
https://www.etonnants-voyageurs.com/Jim-Harrison-25158.html
Ah, Bernard Pivot... quel joyeux drille et fin gourmet !
https://www.lefigaro.fr/culture/2013/10/16/03004-20131016ARTFIG00462-bernard-pivot-le-vin-n-est-pas-un-alcool-comme-les-autres.php
Pour le plaisir !
https://www.larvf.com/,bernard-pivot-infatigable-defenseur-du-beaujolais,4481530.asp
Approximation peut se rendre par « une sorte de, quelque chose de, si j’en crois une recherche sur le Reverso. Se méfier des faux amis…
Je crois comprendre que l'ado dont elle s'occupe a été abusé par son oncle.
Quant à son fils, elle ne cesse de penser à lui, se demande si il sait qu'elle existe. C'est très beau ce début de roman.
"Se méfier des faux amis". Donc une expérience troublante de sa propre histoire. Elle a dû traverser bien des épreuves. Les indiens aussi....
Dalva semble être le nom d'une danse, une sorte de samba qu'aimaient ses parents. C'est joli.
Ah, Duane est à moitié sioux. Il n'aime que les chevaux, la nature, les ouseaux et vit un peu à l'écart dans le ranch. Dalva semble attirée par son indépendance. C'est donc lui le père de l'enfant de Dalva.
Il fait donc partie du passé de Dalva.
C'est la première fois que je me bats avec une traduction tant j'ai envie de découvrir ce roman. Cela me rappelle un bref séjour à New York, il y a quelques années et cette mémoire fragile de l'anglais que j'appelais en ma mémoire pour communiquer avec les gens là-bas. Je crois qu'il faut avoir besoin de comprendre une langue pour entrer dans cette langue. Nous sommes trop habitués aux traductions....
traduis
Soleil vert, je voulais mettre juste la chanson de Bob Dylan et voilà que toute la page défile. Désolée. Je vais supprimer ce lien et pourriez-vous remettre juste la chanson ?
Ah mais Jim Harrison pourrait aussi être le fils d’un Hemingway, amateur de bonne chair et des plaisirs de la vie.
Belle chronique. Je ne connais pas cette édition.
J'ai hâte de lire la traduction mais j'ai pu suivre l'instinct amoureux qui a guidé ces deux ados l'un vers l'autre. Le fougueux Duane et la sensuelle et pure Dalva qui découvre le plaisir dans ces étreintes. Ensuite, c'est le sort triste de cette très jeune fille qu'on éloigne le temps qu'elle mette son enfant au monde et que, mal conseillée, elle l'offre à l'adoption.
Ce manque traverse le roman ainsi que l'éloignement de Duane qu'elle ne comprend pas.
Ce qui rend sa pensée rare c'est qu'elle s'intéresse à tout, les gens, la nature. Elle est vive même dans ce qui est une période révolue de sa vie et sans amertume.
Je n'arrive pas trop à saisir le personnage de l'homme avec lequel elle vit, Michael, il est terne. La soeur Ruth également. Le grand-père est pas mal du tout.
Mais quelle chanson Christiane ?
Blowin’ in the Wind
Chanson de Bob Dylan
Elle me fait penser à ce roman, au personnage de Dalva.
C'est un peu comme dans votre poème Le vent des prophéties...
Vous écrivez aussi :
"Nous sommes tous le souvenir du vent
Le chemin de sel des étoiles
La demeure des hommes est un sable immobile
Que traverse parfois l'herbe d'un songe"
oui ...
allez faire un petit tour en bas à droite :)
Je m'aperçois que cette chronique - hormis le premier et quatrième paragraphe - est encore mal fagotée. Je n' y arrive plus.
Non, je ne trouve pas. Votre chronique déroule, précise et resserrée l'histoire de Dalva.
Mais quand j'avance dans le texte anglais que je traduis par à coups, je découvre l'histoire comme si vous n'en aviez pas parlé. C'est toujours comme cela quand j'entre dans un roman. Toutes les présentations, analyses et critiques que j'ai lues avant, n'existent plus. Il n'y a plus que le texte où je m'aventure.
Après je relis, par exemple votre magnifique chronique.
Vous voyez c'est comme mon petit-fils. Je lui ai offert à Noël des casse-tête en bois très complexes. Il y a un livre explicatif qu'il ne veut surtout pas ouvrir. Il veut tâtonner, chercher, trouver.
Aussi, il y en a un qu'il a déjà eu entre les mains. Il avait réussi à le reconstituer. Il se demande s'il va réussir à le refaire.
Autre exemple, les chroniques littéraires de Paul Edel. Je les lis attentivement, les apprecie. Parfois je lis ou relis le livre concerné. A ce moment-là ses mots s'effacent. J'y reviens après. On ne peut être trois quand on lit un livre. Ça marche toujours par deux.
Pourquoi m'envoyez-vous au coin poésie ? Pour Dalva , c'est ici que ces fragments de poèmes ou chansons entrent en résonance.
Ce n'est pas parce que MC a viré la poésie un soir de tempête que l'on doit tout trier et s'interdire de rassembler ce qui fait sens.
Dalva porte en elle un peuple décimé, ceux qu'on appelait les fils du vent. Elle est métisse, son fils aussi, Duane aussi.
Les Tambours du sang battent sous les mots et le souffle du vent les emportera...
Nouvelle version publiée
Avez-vous vu au musée du quai de Branly les "manteaux de mémoire" des indiens des Plaines d'Amérique du Nord ? Manteaux de pouvoirs et de rêves. Grandeur de ces cultures disparues...
Nulle résidence fixe pour ces peuples nomades.
Regarder ces objets, ces coiffes de plumes, longuement , c'est entrer dans leur relation fusionnelle avec les esprits naturels.
Ainsi l'Oiseau Tonnerre, ailes déployées. Ainsi ces coiffes de plumes pour signaler l'identité tribale. Lambeaux de mémoire, puissances des ténèbres. Fiers mustangs chers à Dalva. Respect de la Terre Mère.
Ces vitrines sont porteuses de rêveries et le roman que vous avez choisi, "Dalva", et cet écrivain magnétique, Jim Harrison est aussi lié à ces songes.
Cette nouvelle version éclaire davantage la vie de Dalva.
J'aime la dernière phrase.
« Vire la poésie « , comme vous y allez!
Oui, vous vouliez que l'on revienne à la science fiction ce jour-là.
Mais il y a eu Jean de Sponde !
Pourquoi dites vous que vous n'y arrivez plus ? Que cherchez-vous de plus. ? Elle est superbe votre chronique de Dalva. Le reste est le travail du lecteur. Au-delà de l'histoire racontée il y a tant de pistes à suivre dont Jim Harrison a le secret. Un balancement entre imagination et réalité. L'évolution de la lecture est liée au temps. Tout change. Tout se métamorphose. La lecture d'un roman est un rêve éveillé, parfois inachevé. Comme une vie en suspens.
Et pour faire écho à la mémoire de MC ce poème de Jean de Sponde. (A suivre).
"Tout s'enfle contre moy, tout l'assaut, tout me tente,
Et le Monde et la Chair, et l'Ange révolté,
Dont l'onde, dont l'effort, dont le charme inventé
Et m'abisme, Seigneur, et m'esbranle, et m'enchante.
Quelle nef, quel appuy, quelle oreille dormante,
Sans péril, sans tomber, et sans estre enchanté,
Me donras-tu ? Ton temple où vit ta Saincteté,
Ton invincible main, et ta voix si constante.
Et quoi ? Mon Dieu, je sens combattre maintes fois
Encor avec ton Temple, et ta main, et ta voix,
Cet Ange révolté, ceste Chair, et ce Monde.
Mais ton Temple pourtant, ta main, ta voix sera
La nef, l'appuy, l'oreille, où ce charme se perdra,
Où mourra cet effort, où se rompra ceste Onde."
Jean de Sponde.
(Quel tissage en vers rapporté ! Sonnet que l'on peut lire verticalement : "Tout s'enfle contre moy, et le Monde, dont l'onde m'abisme / Tout l'assaut, et la chair, dont l'effort , m'esbranle / Tout me tente, et l'Ange révolté, dont le charme inventé m'enchante ".
Incertitude dans la certitude...
Tout m'assaut
Ou encore dans ce même poème les incertitudes (?) opposées aux certitudes du futur ( dernière strophe).
Une merveille d'écriture. Merci, MC.
Voilà, Soleil vert, tous ces méandres pour vous remercier d'écrire ces chroniques, ces poèmes, ces commentaires , de tenir ce blog, car écrire est une aventure pleine de risques ... écrire les mots que l'on trouve justes, puis retravailler ces textes pour plus de précision, pour coller à l'intention. pour donner du sens. Tout ça contre le vide...
Jamais fatigué. Toujours à l'assaut d'un nouveau livre. Et accepter ce long brassage des lectures plurielles, ici. C'est tellement vivant ce blog !
Même Rose vous lit du fond de son grangeon, sous les étoiles !
Tout votre travail mouvementé est jubilatoire pour vos lecteurs.
MC pétri de poésie baroque, vous de textes si divers. Que de retrouvailles, de rabotage, de joies.
Surtout continuez... demain et tous les autres jours !
Si je puis ajouter quelque chose, il semble que le Temple soit la réponse aux questions angoissées du
Second quatrain et le lieu protecteur du second tercet. Une sorte d’arche. Ceci pour dire que je vois moins des incertitudes qu’une sorte d’ acte de foi.Après, qu’il s’agisse du Temple Protestant, de l’ Église, ou , je le croirais plus volontiers,de l’ Eucharistie (« ou vit ta sainteté »), la métaphore joue sur ces registres pluriels. Bien à’vous. MC
Merci, MC. Oui,, le mouvement de tourment et d'angoisse est tourné vers la Trinité , vers le lieu protecteur, l'Arche. Le rythme ternaire accompagne cette marche difficile.
Je voyais les incertitudes dans toutes ces interrogations.
Il en faut dans les chemins de foi... Un poème écrit dans la nuit...
Bien que ne dechiffrant pas l'hébreu, je me souviens :
"Dieu appela la lumière jour et nuit le noir...."
Ou
"Elohim cria à la lumière : "Jour".
A la ténèbre il avait crié : "Nuit".
Il faut du courage pour affronter la part obscure de nos incertitudes.
Tout commence toujours par la nuit.
C'est un magnifique poème. Merci pour ce cadeau que je découvre en ce temps de Noël.
Maintenant, ô joie, j'ai enfin le Dalva de Jim Harrison traduit de l'anglais par Brice Matthieussent. Un 10-18 que j'attendais avec impatience.
Alors je vais lire jusqu'à plus soif ! Et là je dis merci, Soleil vert.
Dès la première page, une phrase qui se lie à nos échanges antérieurs : "La luciole qui vole maintenant près de moi dans le noir devient toutes les lucioles que je n'ai jamais vues."
C'est étrange comme les pensées se croisent, ici.
Sa mémoire commence par un baptême et à la cinquième page, Dalva,dit : "j'ai rencontré un prêtre et nous parlons de l'amour et de la mort, de l'art et de Dieu" .
Ce qui est bouleversant, c'est qu'elle évoque tout de suite sa peur liée à la recherche de son fils. S'il ne savait pas qu'il avait été adopté... S'il ne l'attendait pas ..
Elle ignore où il se trouve, à quoi il ressemble maintenant. Elle se demande si elle a le droit de le connaître.
On entre dans son histoire par cette quête du fils perdu.
J'ai vu une préface de François Busnel. Je la réserve pour plus tard.y
Eh bien, Jim Harrison a dû bien s'amuser en écrivant la rencontre érotique de la page suivante entre Ruth, la soeur de Delva, et ce jeune homme tout à fait particulier sur lequel elle saute en envoyant valser ses vêtements mouillés. Il est vrai qu'ils sortent de l'eau.
J'aime que Delva reconnaisse un héron bleu grâce aux cartes d'Audubon que possédait sa mère.
Donc Jim Harrison devait avoir ces magnifiques dessins coloriés, ces portraits d'oiseaux. Audubon aimait les grandes solitudes
, les régions inexplorées de l'Amérique du Nord, les forêts où il faisait croquis et observations. C'était un naturaliste mais aussi un ecrivain. A son retour en Europe, les graveurs anglais se mirent au travail et en 1839 parut "Oiseaux d'Amérique". Audubon en avait surveillé l'impression.
Pour le héron croqué dans un paysage de marais, il décrit sur la page de gauche leur "vol silencieux, léger comme indécis".
La nature est présente dans ce roman dans maintes notations très précises. C'est un bonheur de lecture.
https://www.meisterdrucke.fr/fine-art-prints/John-James-Audubon/369310/Grand-H%C3%A9ron-bleu,-1834.html
Comment Jim Harrison qui est un homme peut-il se glisser avec tant de finesse dans les pensées de cette si jeune fille envahie par le " vide provoqué par l'absence de son bébé" ?
Elle regarde la lune qui l'arrache à ses tristes pensées. Ruth lui joue au piano La sonate au clair de lune de Beethoven.
Mais malgré la douceur de ce moment, elle a besoin , à l'aube de sortir pour marcher, seule, pour dépasser son mal-être. Elle s'assoit sur une dalle de roc et attend qu'il se passe quelque chose. Un faucon vole au bord du canyon et crie en la voyant. Une biche et son daim passent. Dalva écoute les battements de son cœur. Et sombre dans une sorte d'absence reposante..Son grand-père arrive et lui dit qu'elle ressemble à une indienne triste. Ce roman est d'une délicatesse infinie.
J'imagine Jim Harrison, plume à la main, créant dans une prose irrépressible ce beau personnage de Dalva.
Nous sommes dans les souvenirs d'une femme de quarante ans qui a été virée de son emploi pour avoir agressé l'oncle violeur du gamin de treize ans qu'elle a aidé.
Une pause, dans le ranch familial où elle se souvient de sa jeunesse, des disparus, des morts et des vivants.
Quel bonheur cette lecture en cette nuit calme. Fenêtre ouverte. Il ne fait même pas froid. La nuit entre à la rencontre de ma lampe.
Dernières paroles du grand-père qui se meurt :
"Seigneur, le monde est sens dessus dessous, et je tombe dans le ciel."
Ce roman s'approfondit par ces trois voix qui racontent pas tout à fait la même histoire. Allant de l'une à l'autre, on perçoit le mystère de la réalité différente pour chaque être humain.
Le massacre des indiens prend peu à peu la place d'un subconscient, chaque personnage venant de cette mémoire terrible. Comme une amputation...
Les carnets de l'arrière grand-père, J W Northridge, lus par Michael, dévoilent comment dans les Plaines le bison était providentiel pour les indiens.
Le poème mis en exergue de ce billet fait venir à nous les hordes de ces énormes et lourdes créatures. Silhouettes irréelles devenues un mythe et pour Dalva et Duane, le cheval (mustangs). Presque des visions chamaniques.
Ces peintures sur les manteaux des indiens des Plaines, vues au musée du quai de Branly, agissent comme une écriture alphabétique avec plein de pictogrammes, formes abstraites, symboles géométriques... comme un langage entre l'homme et le divin, le soleil, les ténèbres. Lambeaux de mémoire de ce monde de songes.
Mais toute la gente ailée traverse aussi les pages de ce roman. Ce livre est une arche de Noé !
L'œil de Jim Harrison est sauvage, amoureux de la culture indienne, de ces paysages grandioses. Sans oublier son érotisme subversif qui prend le lecteur par surprise. C'est
bien un homme qui a tracé ces lignes, gourmand, jouisseur, hanté par une certaine violence et pétri de douceur et de rires. Il danse avec les mots comme d'autres dansent avec... les loups, écartelé entre mémoire et modernité. Il maintient le monde dans une grande beauté, dans un grand souffle. J'aime son territoire d'écriture, les empreintes de ces personnages, de ces bêtes. Le long périple de leurs ancêtres. C'est un géant à l'écriture puissante..
" Il maintient le monde dans une grande beauté, dans un grand souffle. J'aime son territoire d'écriture, les empreintes de ces personnages, de ces bêtes. Le long périple de leurs ancêtres. C'est un géant à l'écriture puissante.."
On ne saurait mieux dire
PS : bonne année
PS : Bonne année aussi toute pleine d'écriture !
C'est étonnant comme Jim Harrison passe du livre deux au livre trois, troquant la voix de Michael contre celle de Dalva. Entre les deux Michael a sombré dans un rêve douloureux et rougeâtre ayant reçu un puissant "ramponneau" à la joue dans une bagarre sur le champ de foire.
Pour Dalva, dans la salle d'attente des urgences de l'hôpital une impression de "déjà-vu" ( en français dans le texte).
Elle se souvient, trente ans plus tôt de la naissance de son fils....
Soudain, j'éprouve de besoin de revenir en arrière, page 335, où j'avais noté un passage bouleversant sans comprendre pour quelles raisons il m'avait tant marquée. C'est une page du carnet de l'arrière grand-père de Dalva, datée du 28 août 1877. Il contient tout le chagrin du livre...
"Cette réflexion me fait songer à l'oie sauvage que j'ai un jour abattue pour mon dîner, sur le Missouri, non loin de Fort Pierre. Le compagnon de cette oie à décrit des cercles au-dessus de la région pendant deux jours et j'ai déplacé mon camp afin de ne plus voir ce spectacle mélancolique.."
( C'est juste avant le massacre des chefs sioux à Fort Keogh.)
Très impressionnants les signes que Jim Harrison sème tout au long du roman.
a décrit
Vous ecrivez : "L’écrivain célèbre la terre du middle-west que ses personnages parcourent de long en large. (...) on pense au rouleau de "Sur la route" même si la quête de l’héroïne trouve son point d’achèvement. "
Voilà un point de votre chronique qui me paraît clair seulement maintenant. Comme vous avez raison ! Je me souviens de nos partages de lecteurs à propos de votre chronique sur ce formidable roman "La route" de Cormac McCarthy. ( Mais peut-être évoquez vous le roman de Kerouac "Sur la route"...)
Toute cette route que Dalva doit faire pour enfin retrouver SA maison, dans le Nebraska, être chez chez elle. Celle que son grand-père lui a laissée mais lui demandant mystérieusement d'attendre d'avoir quarante-cinq ans pour en prendre possession. Elle n'y est désormais plus en visite.
Tout cela me devient cohérent seulement à la page 406.
Un père et son fils... Une mère et le fils qu'elle n'a pas vu grandir et qu'elle cherche, anxieuse.
Dans La route, page 32, je lisais : "L'enfant était tout ce qu'il y avait entre lui et la mort." L'unique possibilité du futur.
Tout au long de son périple Dalva ne cesse de penser à son enfant. Elle ignore son identité depuis l'adoption, son apparence.
Nous n'avons accès qu'aux pensées de Dalva comme nous n'avions accès qu'aux pensées du père, chez McCarthy.
Des routes qui ressemblent à la vie...
Roman exceptionnel. Merci, Soleil vert.
Je vais lire maintenant la présentation de François Busnel qui a eu la chance de rencontrer Jim Harrison et de l'écouter ....
Belle préface de François Busnel.
Quelques passages forts comme celui-ci :
"La guerre est le destin de la famille de Dalva. Des guerres indiennes (auxquelles prend part son arrière grand père) à la guerre du Vietnam (dans laquelle Duane sera précipité), en passant par la Grande Guerre (dont son grand-père fut un vétéran) et la Corée (qui détruisit son père), l'histoire de la famille Northridge est liée à celle du peuple sioux et d'une Amérique violente. Mais Jim Harrison raconte l'Histoire à travers les sons, les caresses, le goût, les odeurs, les images, toutes ces choses qui seront à jamais plus puissantes que les témoignages, et que seul un poète sait décrire."
Et il n'oublie pas d'énoncer les rivières, les herbes, folles, la colline, la plage, les oiseaux chanteurs, pensant "aux Indiens qui avaient possédé tout cela sans même connaître la signification du verbe posséder."
Mais je reviens à votre lecture de Dalva, elle a cette puissance qui donne envie de lire le roman en pressentant qu'au delà de l'histoire racontée il y a un mystère d'écriture et celui-ci m'a envoûtée.
Pour lui c'est un livre qui met en marche comme votre allusion au rouleau Sur la route de J. Kerouac.
Et puis plus que tout cela il y a une amitiet qui paralyse ses mots par trop de vibrante affection.
John Wesley Northridge, le socle de cette histoire par son journal retrouvé donne à connaître le massacre du peuple indien, commençant par celui des bisons, puis par le vol de leurs terres, puis par les réserves et les interdictions d'y faire perdurer leurs chants, leurs danses, leurs croyances, leurs rites.
Un passage horrible : les enfants indiens qui sortant de leur cachette, croyant la bataille terminée, sont criblés de balles. "Et leurs corps étaient si légers que les impacts les ont envoyé s bouler au bas de la colline jusqu'aux cadavres de leurs parents."
Il y a bien sûr Nelse, le fils de Dalva. A la fin du roman, il s'approche de sa mère mais je crois qu'il faut lire "La route du retour" pour connaître son destin.
Quant à Dalva, très beau personnage, d'une grande force de caractère. Sans elle, pas d'histoire...
François Busnel écrit : "Si Dalva est incontestablement le chef-d'œuvre de Jim Harrison, "La Route du retour", qui lui fait suite, éclaire d'une lumière crépusculaire cette fresque familiale poignante sur l'inceste et l'adoption. On retrouve ici les personnages qui nous ont éblouis dans "Dalva", titubant sous le joug de leurs misères, tous liés à cette famille Northridge dont Jim Harrison scrute l'intimité avec une subtilité tchekhovienne tout en la jetant dans le chaudron de la grande histoire. Le coup de génie de La route du retour, c'est l'usage du journal intime. Chacun, ici, a rédigé le sien. Secrètement (...)"
Je commence à le lire... A plus tard.
"titubant sous le joug de leurs misères"
le trait n'est pas un peu forcé ?
Oui, il me semble... Je vous préciserai en lisant ces journaux qui se succèdent. Pour l'instant j'avais besoin de marcher dans le quartier. Un soleil de printemps, un paysage d'hiver. Peu d'oiseaux, peu d'insectes mais beaucoup de corneilles criardes. Les travaux de l'immeuble d'en face sont en pause. Quel calme. Les ouvriers ont pu fêter Noël autrement qu'avec des bouchons dans les oreilles à cause du bruit des machines brassant et soufflant le béton pour les fondations. Beaucoup d'immigrés. Travaux difficiles dans la boue et sous la pluie.
Ils sont souriants, j'aime parler avec eux. Une fin d'après-midi, j'ai croisé l'un d'eux près du chantier bien mis. Je ne l'avais pas reconnu. Il m'a salué gentiment. Ils ont une sorte de roulotte dans la rue où ils peuvent s'isoler le temps d'un café ou pour se changer.
Vous avez écrit un poème sur le métro. C'était bien senti.
Oui, F. Busnel est lyrique. Jim Morrison certainement tour à tour rude, taiseux et chaleureux. Enfin, il est surtout écrivain.
J'aime bien votre réaction. Elle ressemble à vos chroniques, à vos réactions sur ce blog, mesurées et parfois pleines d'humour !
Donc je lis cette suite à Dalva. Gavroche attribuait sa chute à Voltaire et à Rousseau, pour ma part si je suis tombée dans cette belle lecture c'est la faute à Soleil vert !
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