dimanche 4 septembre 2022

L’Agent secret

Joseph Conrad - L’Agent secret - Folio classique

 

 

 

 Dans un article des Echos paru en 2004 lors de la sortie du Journal d’un lecteur d’Alberto Manguel, Philippe Chevilley expliquait que pour l’auteur argentin, les livres, loin de nous retrancher du réel, nous en fournissaient les clefs. Réflexion prémonitoire : La Peste d’Albert Camus fut le best-seller de la période de confinement de 2020. Mais sait-on que les attentats du Onze Septembre 2001 firent remonter à la surface un ouvrage de Joseph Conrad, L’Agent secret ?

 

Adolf Verloc tient une boutique miteuse dans le quartier de Soho de Londres. Elle accueille une clientèle nocturne, rare, acquéreuse de revues érotiques et autres accessoires affiliés, d’où émergent quelques incongruités comme des feuilles de choux anarchistes et des bouteilles d’encre. Quelques individus se rendent parfois dans l’arrière-salle de cet ancêtre de sex-shop pour y débattre de politique. Tout ceci n’est que paravent. Monsieur Verloc exerce une triple activité, membre d’une cellule anarchiste « L’Avenir du Prolétariat », indic de police et agent d’une Puissance étrangère, que Sylvère Monod, maitre d’œuvre de la présente édition, identifie comme étant la Russie. M Verloc y puise l’essentiel de ses revenus. Contrairement à ce que pourrait sous-entendre l’énoncé de ses dangereuses occupations, ce n’est pas un activiste. Il gère au mieux le filet d’information dont il est le modeste et transitoire dépositaire. Mais son nouveau contact à l’Ambassade n’entend pas faire perdurer cette rente de situation. Il exige de son « agent provocateur » l’exécution d’un attentat contre l’Observatoire de Greenwich dont le retentissement pourrait influer sur les décisions d’un Congrès.

 

Le roman de Joseph Conrad est inspiré d’un fait-divers survenu en 1894. Une bombe avait explosé à Greenwich Park tuant son porteur sans atteindre l’Observatoire. Mais l’écrivain choisit de bâtir son récit autour du commanditaire, Verloc. Loin du profil de l’agent secret solitaire, celui-ci mène une vie conjugale. Outre sa femme Winnie, il héberge son beau-frère Stevie, un simple d’esprit et sa belle-mère. Cette dernière louait autrefois des chambres meublées et Verloc fut un de ses pensionnaires. Abandonnant, par la force de l’âge, ses activités, l’idylle entre le boutiquier et sa fille Winnie comble ses attentes. Winnie, dont la séduction naturelle aurait pu lui procurer un autre parti, se contente de la présence de cet homme replet et nonchalant mais qui accepte l’existence de Stevie et leur mère dans son foyer sans sourciller.

 

Admiré par John Le Carré et Graham Greene qui virent dans l’ouvrage de Conrad un précurseur du roman d’espionnage, L’Agent secret rejoint dans sa noirceur Au cœur des ténèbres. Le foyer Verloc est en lui-même une bombe constituée de trois matières fissiles. Verloc, Winnie, Stevie poursuivent des chemins secrets et divergents. Stevie est emmuré dans son handicap. Personnage hyper-sensible et influençable, il devient la proie de l’Agent secret. Mauvais calcul car Winnie éprouve pour son frère une affection de tigresse et ne tolère sa vie maritale qu’au prix de sa présence. La mère quitte le domicile pour un institut de charité. Ce faisant elle croit alléger les charges familiales de son gendre. Elle sort sans le savoir du cercle rouge de violence qui va enflammer les dernières pages du livre.

 

Hormis une figure tout à fait extraordinaire, aucun des membres de « L’Avenir du prolétariat » ne se détache. Conrad les considère ironiquement. L’un d’entre eux, Ossip, ex étudiant en médecine, publie un périodique. Bien fait de sa personne, il ne laisse point indifférent Mme Verloc. Un autre, Michaelis, un condamné en liberté conditionnelle, s’est de façon incompréhensible - le seul reproche à faire à ce roman - attiré l’amitié d’une proche de la femme du préfet de police adjoint. Cette proximité pousse le haut fonctionnaire à exclure de l’enquête sur l’attentat, l’inspecteur principal Heat et à rassembler les éléments innocentant Michaelis. Un peu à l’écart du groupe des anarchistes qu’il méprise, « Le Professeur » a conçu l’explosif. C’est un homme voué à la destruction, à la mort, une bombe humaine en quelque sorte, puisqu’il en porte une systématiquement lors de ses déplacements, une main à portée du détonateur. D’un aspect physique évoquant Nosferatu, à la fois insignifiant et terrible, le personnage conçu par Conrad en 1907 préfigure, dans sa froide détermination, les terrorismes à venir, reléguant la folie meurtrière de Winnie Verloc au second plan.

 

Loin des récits maritimes de l’auteur, L’Agent secret est régulièrement cité avec Nostromo et Sous les yeux de l’occident comme l’un des ouvrages les plus réputés de Joseph Conrad. Il y a pour l’époque des audaces narratives, la chronologie inversée des évènements par exemple et quelques ellipses, qui n’entravent pas la facilité de lecture. Un de ses plus beaux personnages, Winnie, déclare « s’en tenir à la surface des choses ». Tout l’inverse de l’art du romancier, la surface des choses finissant d’ailleurs par éclater sous la pression des tourments de l’âme. Accompagnant Conrad dans son introspection, le lecteur découvre deux paradoxes. Un récit d’espionnage qui bascule dans l’étude de caractère ; un roman dont le final hystérique navigue dans les eaux littéraires russes, un comble pour ce polonais qui les détestait. Mais quelles ténèbres !

 

« Et l’incorruptible Professeur marcha lui aussi, détournant les yeux de l’odieuse multitude des hommes. Il n’avait pas d’avenir. Il le dédaignait. Il était une force. Ses pensées caressaient des images de ruine et de destruction. Il marcha, frêle, insignifiant, râpé, misérable … mais terrible dans la simplicité de son idée qui voulait appeler la folie et le désespoir à régénérer le monde. Personne ne le regarda. Il alla son chemin, insoupçonné et funeste, tel un fléau dans cette rue peuplée d’hommes. »





 

106 commentaires:

Christiane a dit…

(Chic ! votre compteur électrique est donc à nouveau à vous.)
Je lis donc avec plaisir cette présentation précieuse du roman de Conrad. J'écris "précieuse" car vous élucidez une à une les questions que je me posais. Ainsi "la chronologie inversée des évènements par exemple et quelques ellipses, qui n’entravent pas la facilité de lecture" (ah ça, oui !), ou "deux paradoxes. Un récit d’espionnage qui bascule dans l’étude de caractère ; un roman dont le final hystérique navigue dans les eaux littéraires russes". (Expliquez-moi pour les "eaux littéraires russes" ?) L'étude de caractères est brillante.
Oui, Winnie est un personnage passionnant surtout dans la dernière partie du roman où toutes ses pensées dévoilées permettent au lecteur de pressentir ce qui va suivre.
Cela a été ma première surprise : "Contrairement à ce que pourrait sous-entendre l’énoncé de ses dangereuses occupations, ce n’est pas un activiste. Il gère au mieux le filet d’information dont il est le modeste et transitoire dépositaire." Oui, comme il est palot et craintif, uniquement préoccupé par sa tranquillité, n'hésitant pas à utiliser le candide Stevie puis à rejeter lâchement la faute sur sa femme. Ce Verloc est vraiment antipathique. (et pas un modelé d'espion !)
"L’Agent secret rejoint dans sa noirceur "Au cœur des ténèbres". Le foyer Verloc est en lui-même une bombe constituée de trois matières fissiles. Verloc, Winnie, Stevie poursuivent des chemins secrets et divergents."
Je n’ai pas senti cette noirceur contrairement à cet autre grand roman de Conrad "Au cœur des ténèbres", peut-être parce que mon attention, oubliant les anarchistes et la bombe, s'est portée sur ces trois personnages. (oui, là est la bombe !)
Ah, grand merci pour ce splendide billet et pour le choix de ce livre formidable.

Soleil vert a dit…

->eaux littéraires russes
Crime et châtiment

Christiane a dit…

Ah merci. Lubil y a si longtemps. C'est extra ce rapprochement. Merci.

Soleil vert a dit…

Une curiosité :Sylvère Monod, également maitre d'oeuvre de l'édition Pléiade, signale qu'au 19e siècle on trouvait des russes avec des noms allemands - une mode ? -(il se réfère à la page 56). Ca m'a fait penser à la dénomination du groupe paramilitaire de Poutine : Wagner.

Christiane a dit…

Oui mais là dans le roman de Conrad n'est pas posé le droit de tuer pour Winnie ni pour Verloc. Verloc ne voulait pas tuer le tendre Stevie. Winnie ne voulait pas tuer.... Elle agit comme dans un état second.
Ce serait pour un autre personnage , le Professeur, que se poserait la question de Dostoïevski : Qu'est ce qui peut justifier qu'un homme en tué un autre. Un droit moral attaché à une cause démente….
Le seul personnage travaillé par la culpabilité est Winnie qui est hantée par son crime et fuit par peur de la pendaison.
Donc il reste le châtiment. Il y en a deux : le crime et le suicide.
Chez Dostoïevski le crime de l'usurière.
Je pense plus à la fin de "Au cœur des ténèbres"
Il reste la mort accidentelle de l'innocent Stevie. Enfin Verloc l'a quand même utilisé par frousse.

Christiane a dit…

"Dans un article des Echos paru en 2004 lors de la sortie du Journal d’un lecteur d’Alberto Manguel, Philippe Chevilley expliquait que pour l’auteur argentin, les livres, loin de nous retrancher du réel, nous en fournissaient les clefs."
Merci pour le rappel. Oui, effectivement.

Christiane a dit…

"Le roman de Joseph Conrad est inspiré d’un fait-divers survenu en 1894. Une bombe avait explosé à Greenwich Park tuant son porteur sans atteindre l’Observatoire. Mais l’écrivain choisit de bâtir son récit autour du commanditaire, Verloc"
Quand même c'est inouï ce qu'un écrivain peut faire d'un fait-divers. C'est là que l'on est face au talent et à l'imagination de Conrad.
C'est un peu pareil pour "Le cœur ne cède pas" de Bouillier mais là c'est le portrait du narrateur-ecrivain qui l'emporte.

Christiane a dit…

La couverture de votre livre m'évoque les nombreuses et très fines descriptions de Londres (brouillard et pluie) dans le roman et ce désir de Winnie de se jeter du pont pour en finir avec la vie. Moment où elle rencontre Ossip qui va vite flairer la bonne affaire en subtilisant le portefeuille et en l'abandonnant à son sort.. La mienne présente une caricature d'agent secret sur fond de méridien de Greenwich très éloignée de la réalité du roman et de la personnalité de Verloc.

Christiane a dit…

C'est extrait de quel film votre vidéo ?

Christiane a dit…

Karl Yundt ?
Pas mal le rapprochement avec le groupe Wagner !

Christiane a dit…

de l'observatoire du méridien de Greenwich

MC a dit…

Réponse d'un nihilisme absolu, et contrepartie de l'illusion romantique ou l'individu se croit apte à modifier par lui-même le cours des choses.
On me permettra de remarquer qu'a la même époque, Chesterton prend le contrepied cde cette démarche, dans le Nommé Jeudi, entre autres, qui commence comme un polar et finit en métaphysique. Il ne s'agit pas d'opposer l'un à l'autre, mais de voir que les deux démarches coexistent dans l'Angleterre Edwardienne...
Bien à vous.
MC

Christiane a dit…

Oui, MC, vous me l'aviez fait découvrir après Les enquêtes du Père Brown. C'est épatant de rapprocher les deux romans.

Christiane a dit…

J'ai trouvé page 254 une correspondance avec la couverture de votre livre et la suite... "Le compagnon Ossipon se retrouva sur un pont. Le fleuve, merveille sinistre d'ombres paisibles et miroitements, se confondant dans ses yeux en un silence noir, arrêta son attention. Longtemps accoudé sur le parapet, il resta en contemplation. Dans la haute tour de l'horloge, un coup frappé sur l'airain retentit et bourdonna. Il releva sa tête penchée, regarda le cadran illuminé... Minuit et demi, par une nuit de tempête déchaînée, dans la Manche. (...)
On put voir cette nuit-là, sa robuste silhouette dans les quartiers les plus éloignés de l'énorme métropole qui sommeillait monstrueusement sur un tapis de boue, sous un voile de brume glaciale..."

Christiane a dit…

MC,
si je me souviens bien l'histoire se passe aussi à Londres Au début dans une gargote mal famée, repère d'anarchistes appartenant à une société secrète qui y entassent des explosifs. Ses 7 membres portent comme pseudo le nom d'un jour de la semaine. mais celui qui se nomme jeudi est en réalité un détective qui œuvre pour Scotland Yard. ils complotent pour commettre un attentat à Paris. Tout commence avec une querelle sur la poésie entre deux étudiants. l'un d'eux est jeudi.
Quand le roman devient digne de Lewis Caroll, je me suis perdue et n'ai plus rien compris ! Ça devient une sorte de vaudeville absurde, un peu fou. j'ai quand meme terminé le livre en souriant.
J.K. Chesterton est incroyable. son imagination n'a pas de limites, amateur de paradoxes et il écrit diablement bien !
Un roman semble parodier l'autre.

Anonyme a dit…

Il est Carollien si vous voulez, mais n’oublions pas que Chesterton a dit, c’est la différence avec Conrad, que « Dieu est le premier des anarchistes » Moyennant quoi on peut faire une lecture métaphysique et justifiée de Jeudi, surtout si l’on tient que, catholiques ou anglicans, ils ont tous lus The Pilgrim de John Bunyan, qui , pour être paru au dix septième siècle, n’en est pas moins un très beau roman de quête, encore aujourd’hui très lu. Ceci pour dire que le monde de Jeudi procède à mon sens par révélation sans en avoir l’air…. Bien à vous. MC

Anonyme a dit…

Ils ont tous lu

Christiane a dit…

Dieu, le premier des anarchistes ! L'idée me plaît.
The Pilgrim, je ne connais pas.
Jeudi... C'est un roman qui tourne à l'absurde comme celui de Conrad dont la fin ressemble à un jeu de culbute.
Les bombes, les attentats, les fous qui se donnent des raisons de tuer sans remords c'est terrible. Heureusement ces deux écrivains dans ces deux romans sont plutôt fous d'écriture.
Le dernier billet de PA ressemble à une braderie d'automne.
Lire, oui, mais paisiblement, avec des pauses, des temps de réflexion. Relire de bons livres est un excellent chemin de lecture et Soleil vert s'y entend pour nous combler.

Soleil vert a dit…

Karl Yundt ?

Les membres de l'Ambassade (l'ancien baron etc.)

Christiane a dit…

C'est dans le chapitre IV. Cela se passe dans la salle en sous-sol. Une discussion entre Ossipon et "un petit homme minable, grotesque, au nez chaussé de lunettes" assis en face de lui qui boit un énorme bock de bière brune. L'homme semble être un fournisseur d'explosifs bien connu du milieu surveillé par la police. Il porte sur lui une bombe prête à exploser si on l'arrête. L'homme dit se sentir invulnérable et ne pas craindre la mort. Il est occupé à inventer un detonnateur parfait. C'est à ce moment-là qu'Ossipon évoque un certain Karl Yundt , membre de son groupe, tenant le même langage.
Je l'ai cité en écho à votre remarque sur les noms allemands employés par Conrad dans ce roman.
A ce moment de leur échange houleux, Ossipon lui apprend qu'un homme inconnu s'est fait sauter le matin même à Greenwich Park, qu'il l'a appris par le journal. Il lui montre la page . Ils échangent alors sur la portée de cet acte.Lhomme est froid et cynique. Il dit que c'est Verloc qui lui a acheté l'explosif renfermé dans un flacon de verre epais et que c'est certainement lui qui s'est fait exploser avec la bombe soit en ayant mal calculer son temps soit en ayant laissé tomber l'engin. Ils l'évoquent alors comme un activiste très effacé, un homme ordinaire.
L'homme c'est le Professeur, ce criminel dangereux qui tient tous les discours nihilistes dans le roman.
Karl est évoqué une dernière fois par Ossipon comme étant malade et alité. Ossipon craint que ce fait-divers pour te atteinte à son groupe. Et le chapitre glauque se termine ainsi.

Christiane a dit…

porte atteinte

MC a dit…

Bunyan: Version française: Le Pèlerin, de John Bunyan. Toujours édité ne serait-ce que par la Mission Protestante! Chapitres en général très brefs, deux pages au plus. Avec des personnages allégories autour du personnage central.

Christiane a dit…

Donc, la séquence où on ecoute Michael Caine est extraite de "The Dark Knight, Le Chevalier Noir", un film de Christopher Nolan sorti en 2008.

Christiane a dit…

Ils ne rêvent que de voir le monde brûler... Triste réalité

Soleil vert a dit…

Encore deux mini-corrections de "Souvenirs de science-fiction" !

Christiane a dit…

Donc la phrase complète serait : Ils ont tous lu Souvenirs de science-fiction.
Mais qui sont ces "ils" ? Et où se place cette "mini correction" ?
Le mystère s'épaissit....

Soleil vert a dit…

- https://soleilgreen.blogspot.com/2014/01/souvenirs-de-science-fiction.html

paragraphes 2 et 3

- Conrad : imposante liste d'essais sur l'auteur fournie par Sylvère Monod. Pas grand chose en français.

Christiane a dit…

Je ne comprends rien à ces explications . Vous ressemblez à un gamin qui fait des ricochets sur une eau désespérément lisse et impénétrable pour moi.
Pas grave, je regarde les variations de couleurs dans le ciel d'après l'orage. C'est somptueux.

Christiane a dit…

Et maintenant, le ciel est bleu noir sur le paysage plongé dans la nuit et là la sphère parfaite de la lune cachée par moitié se baigne dans l'éclat du soleil, seule présence de sa lumière perdue sur cette portion de terre livrée à la nuit.
Quelques fenêtres essaient de rivaliser avec cette lumière irréelle.
Ah, prendre un bain de soleil sur la lune en regardant dans son ciel la terre lointaine toute bleue d'océans

Christiane a dit…

Je retourne au roman de Bouillier. Beau chassé croisé avec les territoires de Modiano. Leurs histoires habitent les mêmes temps, le même espace parisien et comme c'est un quartier qui m'est très familier je me sens bien.

Anonyme a dit…

Si c'est de moi qu'il s'agit, ce n'est qu'une correction d'accord. Oui, "ils ont tous lu"Bunyan

Christiane a dit…


Merci, Soleil vert, car je n'avais pas dépassé la deuxième photo dans le dernier billet de Pierre Assouline. Je n'aime pas les billets qui présentent rapidement plusieurs livres et les deux premiers ne m'inspiraient guère, contrairent à celui-ci.
Je note !


"Une heure de ferveur (Actes sud) de Muriel Barbery. Haru Ueno, le personnage principal de ce sixième roman, est un galeriste d’une trentaine d’années épris de beauté et d’harmonie, qui s’est réalisé en quittant ses montagnes natales. En se retirant dans sa maison de Kyoto, il croit se mettre à l’abri des violences et des embarras du monde mais le monde vient l’y chercher en la personne d’une Française, liaison furtive lors d’un séjour à Paris. Ils ont eu une petite fille qu’il n’a pas le droit d’approcher alors qu’elle détient le secret de son âme… Ce roman japonais est une vraie réussite. Son écriture en est étincelante, cristalline ; c’est peu de dire qu’elle est poétique. Barbery a su éviter les pièges tant de l’appropriation culturelle que de l’imitation (d’autant que Rilke passe une tête).

Ce n’est pas le Japon pour les nuls mais le Japon d’une occidentale qui y a vécu des années, l’a aimé et compris. Les dialogues sont d’une légèreté aérienne. C’est hanté par la présence des morts et un questionnement lancinant sur le statut ambigu des étrangers dans ce pays."


Christiane a dit…

contrairement

Christiane a dit…

Merci pour la découverte. Le reste de la réponse (entretien Classica de PA) sous votre annonce (billet précédent).


https://www.radiofrance.fr/francemusique/podcasts/les-grands-entretiens/tedi-papavrami-1-5-la-musique-elle-etait-la-et-elle-me-fascinait-1639473

Christiane a dit…

Damien suggérait sur la RdL la lecture de l'article écrit par Simon Liberati sur Catherine Deneuve. (Match du 1er au 7 septembre 2022).
Je viens de le lire. Très belle méditation sur sa vie.

Anonyme a dit…

"des russes avec des noms allemands - une mode ?"
S'agissant des noms de famille, ce serait peu probable.
Non, c'est le résultat de vagues successives d'immigration, souvent économique, et souvent "appelée" pour répondre à des besoins spécifiques (artisans spécialisés, professions médicales) ou pour s'établir dans certains territoires et les cultiver.
Voir tout simplement la notice "Allemands de Russie" sur Wikipedia.
Souvenez-vous de l'ami d'Oblomov, son fier ami si efficace : Stolz.
Et dans la vraie vie, Olga Knipper, l'épouse de Tchekhov. Lequel avait souvent utilisé comme ressort comique les erreurs des personnages d'origine allemande utilisant un mot russe pour un autre.

Anonyme a dit…

J’ai vu le jeune Papavrami plusieurs fois du temps d’un festival dit des Sept Chapelles , organisé alors par le Prince Guy de Polignac, à Guidel, non loin de chez moi. Le virtuose jeune est devenu plus profond dans son jeu au cours de son évolution, si j’ose dire…. MC

Christiane a dit…

Oui, c'est une belle révélation. Tedi Papavrami est tellement modeste dans sa façon de résumer sa vie et tellement grand dans sa façon de jouer.

C'est beau de faire dire tant de choses portantes à Pierre Assouline en si peu de mots. Mais tous ces musiciens et oeuvres parsèment ses écrits comme des lucioles dans la nuit. Il n'y a que certains interprètes qui me sont découverte.
Le Voyage d'hiver de Schubert, Les Kindertotenlieder de Mahler, la Cantate BWV51 de Bach... Bien sûr. La Belle vie par Sacha Distel plus étonnant ! Mais il doit aimer chantonner.

Ah, autre chose, toujours dans ma lecture de Bouillier cette note, page 102 : "Qu'y a-t-il dans un nom ? Nous nous le demandons quand nous sommes enfant en ecrivant le nom qu'on nous dit être le nôtre ", écrit James Joyce dans "Ulysse."
Et page 123 : "Prendre un pseudonyme n'est pas forcément prendre un masque mais arracher le sien pour dévoiler son vrai visage."
C'est une interrogation quand à la double personnalité de cette femme qu'il essaie de comprendre mais cela va bien plus loin....

Christiane a dit…

importantes

Christiane a dit…

quant à

Christiane a dit…

Il y a vraiment plein de pistes dans ce roman de Bouillier, ainsi cette superposition possible entre ses conditions de vie difficiles en 1944 et celles plus ou moins imposées en cet hiver 1984 sans chauffage ni électricité. Elle avait 20 ans en 1940.... Quatre années de faim et de froid... Il pense que "ces années noires ont dû la marquer".
C'est très subtil cette interrogation du passé et cette mémoire enfouie dans l'inconscient. Sans oublier une arrestation d'un membre de sa famille par les franquistes quand elle avait six ans. Une peur a pu rester, incontrôlable, une peur du retour du même.
Ce qui est beau c'est qu'il cherche à l'aveuglette, tâtonne, fait des suppositions, tente de les vérifier avec l'aide de Penny.

Christiane a dit…

Une idée insolite : mettre en exergue une réplique du chapitre qu'il va écrire comme si elle annonçait une "histoire parallèle au livre".
Bouillier écrit cette pensée : "Il faut voir les exergues comme des bouteilles at la mer que jette l'auteur dans l'espoir qu'elles s'échouent sur la plage du lecteur."
Il va même plus loin : " Un texte fantôme...ne laisser dans le livre que les exergues. Le lecteur imaginerai alors l'histoire at partie des citations mises en avant".
Penny est un contre-emploi très intéressant, interrogeant l'écrivain pendant et sur l'écriture de son roman.
Tout cela fait comme le dit PA de la littérature.

Christiane a dit…

Un délice . Exemple :
"- Okay, Penny. Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je vais me remettre au travail.
- Parce que vous ne travaillez pas en ce moment ?
- Quand je vous parle, je n'écris pas. Je me repose."
Quel tour de passe-passe. Extra !

Christiane a dit…

La rafle du Vel d'Hiv sous ses yeux...

Christiane a dit…

Lise Deharme... Aragon... Char... Eluard...
Il les appelle comme autant de témoins de ces années dangereuses, imprévisibles, arbitraire.
Ne m'en veuillez pas Soleil vert, si ayant quitté votre espion je note ici des impressions de lecture d'un autre livre très attachant. C'est la faute à Passou si je suis tombée dedans !

Christiane a dit…

Chapitre 16 absolument bouleversant. Quatre années d'horreur évoquées au plus juste de la peur. Tout est là et pas seulement le Vel d'Hiv.les bombardements, la Shoah, l'exode, le couvre-feu, les sirènes, . "Un monde sans foi ni loi, sans liberté ni chaleur humaine, où la triche, la fraude et la corruption régnaient partout en maîtres."

Christiane a dit…

Un vécu qui pourrait avoir marqué cette femme si violemment qu'elle serait devenue inapte à vivre en temps de paix. "Une femme inapte au bonheur. Une femme voueey, lorsqu'elle aurait tout tenter pour "résister", à s'enfoncer silencieusement dans la solitude et la mort, la faim et le froid ?"

Et ce n'est que la page 143... Quel livre !

Anonyme a dit…

La grande Christiane Edda-´Pierre a 22h 40 sur Culture Box!

Christiane a dit…

Ah merci. Je note !

Christiane a dit…

C'est donc juste après Rimbaud. Jyy suis, j'y reste !

Christiane a dit…

J'écoute. Quel beau timbre de voix. Et quelle agilité !

Anonyme a dit…

Eh oui, malgré des morceaux trop souvent tronçonnés. On peut rêver sur la Comtesse qu’elle devait être puisque l’enregistrement n’en existe pas. On peut retrouver sa voix dans Airs du Dix Huitième Siècle, où elle chante princièrement Gretry et Philidor. Le ´ Comme un Éclair » et le «  plus d’ennemis dans mon Empire «  en viennent directement. Dans une moindre mesure, le personnage étant très fade, la Teresa de Benvenuto Cellini dans la première intégrale Davis de cette œuvre deBerliozMais le disque du dix- huitieme siecle est-il passé en CD? Bien à vous. MC

Anonyme a dit…

Dans les dégoûts de PÂQUES, la musique dodécaphonique…,

Christiane a dit…

Maintenant, il explore son malaise, ses manques, son secret. Écrivant sur Marcelle Pichon, il retombe sur lui. Quelque chose dit-il qui ne la concerne pas du tout. Ça lui vient parce qu'il écrit. Ça lui vient parce qu'il regarde deux pigeons roucouler. Désirant combler les trous de la biographie de Marcelle Pichon il se trouve face aux trois de la sienne. O la douleur... Il se souvient de la lettre au père écrite par Kafka, de cette phrase "entre lui et moi quelque chose d'anormal." Et il entre dans les secrets de famille, dans ces silences qui ont pesé, dans sa douleur. Il se souvient comme il se sentait étranger dans sa maison...
Chapitre 18 : la douleur de comprendre...

Christiane a dit…

Comme chez Leiris le surgissement de l'existence passée attendait pour naître l'écriture. Comme si écrire permettait la réactivation de ces impressions d'enfance. Comme des coïncidences qui exigeaient une écriture en train de se faire, toute palpitante, incertaine. Il avance à tâtons. Son passé n'était pas refoulé mais en attente. Il dépendait du hasard. Ici deux pigeons qui roucoulent et... les amours interdites de sa mère.
C'est lourd ce livre. Ça creuse des chemins imprévus dans la mémoire du lecteur

Christiane a dit…

Vous voulez dire de PA (entretien avec Olivier Bellamy)

Christiane a dit…

Je vois que vous êtes dans la passion musique alors que j'ai replongé dans la lecture du roman "Le cœur de cède pas" de G . Bouillier.. Je suis désolée de vous faire faux bond. Là, je touche quelque chose d'important dans l'écriture bien au-delà de l'histoire de Marcelle Pichon. C'est l'acte d'écrire qui est interrogé comme si Bouillier écrivait avant de savoir ce qu'il va trouver. Son écriture est en avance sur sa volonté de suivre l'itinéraire de cette femme. Son écriture lui résiste. Elle écrit en cachette et l'entraîne dans ses terreurs secrètes. Elle explore son mal-être. Écrit l'interdit, le silence. Ouvre la plaie. Passou a mis la main sur un livre déstabilisant, remarquable.

Biancarelli a dit…

Belle chronique de Soleil Vert.Je poursuis ma découverte de Conrad .
J’ai lu ce roman en m’attachant à la psychologie des personnages.
Verloc m’est apparu peu sympathique,camouflant ses activités politiques sous un voile d’apparences familiales. Certainement amoureux de sa femme Winnie,qui s’est ,disons le,marié avec lui pour assurer une existence tranquille à son frère déficient mentalement.Ce qui m’a interrogé c’est son attachement à ce frère Stevie ,très complexe, une passion casi maternelle pour ce frère qui va la conduire à la folie et qui n’aura été que la seule lumière de sa vie.
Personnage de Winnie,touchant,écrasé par une fatalité jusqu’au bout,abandonnée par cet ami du mari qui l’aura spolié au préalable.
Ce sont ces destins tragiques et incontrôlables qui m’ont interrogé .
Merci à tout le monde pour les commentaires très argumentés.

Anonyme a dit…

Ah, l’auto correction du portable à encore fait des siennes! oui, il s’agissait bien de PA.

Christiane a dit…

C'était drôle ! Mais les portables squattent nos messages pour parler d'autre chose. Je pense à Blaise Cendrars !
Cette musique là, je m'y sens mal à l'aise aussi.

Christiane a dit…

https://wheatoncollege.edu/vive-voix/titres/les-paques-newyork/

Pour vous, MC. J'aime le final...

Soleil vert a dit…

Biancarelli a dit...

Le morse Freya : fait pas bon de fréquenter les humains ...

Le 15 aout, j'ai écouté "Like an angel passing through my room" en mémoire de qui vous savez. Vivre, c'est perdre.

Christiane a dit…

Quelque chose me saisit dans ce livre de G. Bouillier, c'est que l'écriture est une expérience pour l'auteur, comme de percer un trou dans l'oubli. Rien de poétique, rien de beau. Il est en échec et attend tout de cet échec. Ce fait- divers relatant la mort de cette femme, il l'a choisi pour quelles mystérieuses raisons ? C'est semble-t-il un écran entre lui et un drame personnel. Les récents chapitres lus ont un ton de révolte. Il en veut terriblement aux autres de n'avoir pas donné d'espace et de mots sur sa moitié d'identité éludée, cachée, tue.
Mais alors quelle part d'ombre dans la vie de Marcelle Pichon de dresse entre lui et lui ?

Soleil vert, si mes notes sur cette lecture vous importunent, dites-le moi. J'ai donné ce que j'ai pu sur L'espion de Conrad, d'une manière moins sentimentale que Biancarelli qui a écrit un merveilleux commentaire. Je ne vois pas ce que je pourrais ajouter.
Et me voilà plongée dans le début d'un roman qui me happe par le regard que l'écrivain porte sur lui-même, par son questionnement sur l'écriture. . Ça risque d'être long. Un mot de vous et j'arrête d'écrire mes impressions de lecture et sans vous en vouloir.

Soleil vert a dit…

"Soleil vert, si mes notes sur cette lecture vous importunent, dites-le-moi."

Pas du tout, parlez-moi de ce livre de Bouillier ... qui me fait un peu peur avec ses 900 pages

Christiane a dit…

Ah chic alors ! Comme je
suis contente.
Ce livre est épatant mais très très lourd (pas sur ma tablette) mais par son contenu. C'est une voix (l'écrivain) derrière les voix ( le narrateur et cette aide imaginaire, Penny).
Bouillier est en dehors. C'est un vrai labyrinthe de miroirs. La narration éclate constamment par des ruptures. Son rythme échappe à la ligne. Le livre devient imprévisible.. Le lecteur tombe dedans comme dans une faille. C'est tout déchiré dans le coeur de Bouillier, je crois . Les mots fuient à cause de ce dont on n'a pas parlé. Alors il entre dans une sorte de fureur. Puis il revient aux traces du passé pour elle et lui. Il a réussi à ne pas écrire ce livre avant, maintenant il est prêt.
Je lis de la mémoire à perte de pensée. Il veut partager un secret qui pour l'instant reste inaudible parce que enfermé.

Christiane a dit…

Vous êtes chic, Soleil. Merci.

Christiane a dit…

"Like an angel passing through my room" . Beau et si triste
Et la mort de Freya : terrible par sa cause.

Soleil vert a dit…

Et excusez-moi. Il semble que la panne de courant ait affecté aussi le logiciel de mon cerveau en charge des programmes "tact" et "savoir-vivre".

(Là je feuillette un "polar futuriste")

Christiane a dit…

J'espère que vous nous en parlerez.
Le roman de Bouillier est tellement énorme que je ferai des haltes bienvenues.
Vous ne manquez certainement pas de tact vous êtes juste réservé et c'est bien. Garant d'une éthique dans votre blog.

Anonyme a dit…

C'est, si je comprends bien, l'anti-Modiano? Ni mince, ni poétique, ni quoi encore?

Christiane a dit…

Ni...ni...ni... pourtant très douloureux mais cocasse pour cacher cette douleur.
Modiano ? pas tant éloigné que cela quand il cherche lui aussi des ombres dans ce quartier de Paris, tantôt celles qui touchent à la vie de cette femme tantôt celles qui touchent à sa vie. Il se souvient de Dora Bruder.
Mais effectivement il se garde de la poésie, de faire du beau, du pathos.. il a trop de fureur pour cela dans certains chapitres, trop de de douleur... car lui aussi a connu la solitude, la faim, le froid, l'errance et cette part de lui qui n'était pas aimée, par personne.
Ce qu'il donne à lire est très enchevêtré, un tourbillon interminable où il nage à contre-courant. Un texte parfois inextricable, sauvage. Il abonde en rappels, découvertes, digressions pour mieux cacher la blessure nue de son identité . Ce dialogue souvent drôle avec Penny pour faire des pauses, pour tenter de prendre des distances avec le passé. Alors, avec elle il joue à la dérision. Elle lui parle du covid de l'actualité, le charrie un peu sur son entêtement à faire ressurgir les mauvais souvenirs des années de guerre. Comme un surmoi qui veut le protéger sachant qu'il va au casse-pipe dans cette enquête, qu'il va morfler un max ! Penny semble lui dire : tire-toi, fuis tant qu'il est encore temps. Tu ne vas pas aimer ce que tu vas trouver. Laisse les morts enterrer les morts. Il n'y a que des absents ici. Va ailleurs. Respire. Mais il est entêté. Je sens que ça va durer vu le nombre de pages. Je prends le risque de le suivre. Après tout, rien ne me forçait à ouvrir ce livre, à tenter de le lire. Alors que me fait signe "Une heure de ferveur" de Muriel Barbery. Alors que j'ai ressorti "Le loup des steppes" de Hermann Hesse.
Allez donc savoir pour quelles raisons Soleil vert a sorti ce Conrad, cette histoire d'attentat dans un temps où on se souvient de l'horreur et de la douleur d'autres attentats dont celui de Nice. Allez savoir pour quelles raisons il évoque ce pauvre animal blessé qui meurt sur une plage, pour quelles raisons il écoute en boucle cette chanson de perte et de douleur. Pourquoi à ce moment précis quelqu'un lui vole son accès à la lumière.
On ne sait pas. Il y a des plages où s'attardant on coule à pic et pourtant la marée est basse... Alors on lit. On regarde le ciel à travers les pins. On respire une odeur de bleu et de résine. On écoute les cigales ou d'autres chants de la terre. On se console avec des mots. On se blesse avec des mots. On est seul avec des mots. "On écoute "Like an angel passing through my room" en mémoire... Vivre, c'est perdre."... oui.

Christiane a dit…

Soleil vert, vous évoquiez Anna Frank il y a peu. Lola Lafon ( Quand tu écouteras cette chanson) l'évoquait hier, dans La Grande Librairie, elle qui a passé une nuit dans ce minuscule refuge où elle a survécu avec les siens et une famille accueillie par ses parents. Elle défend tout ce qu'elle a écrit, tout ce qu'elle est dans cette écriture mettant à mal l'image qu'on a voulu donner d'elle , trop aseptisée (films), rappelant qu'elle désespérait de l'homme, de son goût des guerres , de la violence. C'était une parole attendue.
Virginie Despentes était rugueuse à souhait, Laurent Gaudé juste dans ce qu'il a dit des livres de la litterature, de la violence. Trapenard à l'écoute. Un balayage de la finale des élèves lecteurs une comédienne a lu un passage de Cher connard avec subtilité. Le thème était Que faire quand un ami va au casse-pipe par son addiction ? Je suis désolée d'oublier son nom.
Il y a eu des paroles importantes malgré le fait qu'un écrivain ça écrit plus que ça ne dit.
Parfois je ne regardais pas leur visage, habituée à la radio plus qu'aux plateaux télé.

Christiane a dit…

Très bel article sur Lola Lafon et son livre :
https://www-lesechos-fr.cdn.ampproject.org/v/s/www.lesechos.fr/amp/1784387?amp_gsa=1&amp_js_v=a9&usqp=mq331AQKKAFQArABIIACAw%3D%3D#amp_tf=Source%C2%A0%3A%20%251%24s&aoh=16626156150127&referrer=https%3A%2F%2Fwww.google.com&ampshare=https%3A%2F%2Fwww.lesechos.fr%2Fweekend%2Flivres-expositions%2Flola-lafon-dans-la-chambre-danne-frank-1784387

Christiane a dit…

Pour rester dans cette ambiance funèbre, chez Bouillier, découverte du journal tenu par le grand-père prisonnier de guerre. "Il avait 21 ans quand il est parti et29 quand il est rentré".
Et il lit les pages que son grand-père "a rempli d'une écriture minuscule et serrée, sans la moindre rature, sûrement en catimini, alors qu'interné depuis quatre mois dans la région de Nuremberg (oflag XIII A), il ne se doutait pas qu'il resterait prisonnier encore quatre années."
Des "pages qui racontaient ce qui s'était passé en juin 1940 sur le front de l'Est (...). Près de cent mille soldats ( cent mille !) Seront tués sur le front et deux cent cinquante mille blessés. Ce qui fait plus de six mille tués chaque jour. (...) On oublie à quel point elle fut "drôlement" meurtrière. A quel point énormément d'êtres humains peuvent mourir en très peu de temps, fauchés par des balles ou atomisés par des bombes et des obus."

Christiane a dit…

Suite
"Sans oublier les populations locales "évacuées n'importe comment ", jetées terrorisée sur les routes au milieu des bombardements allemands et des attaques de la Luftwaffe, incessantes, horribles, "des nuées de moustiques en plein été".

Christiane a dit…

Suite et fin de la citation :
Et ce grand-père voulait rejoindre sa section et "pendant des jours et des jours il avait cherché la 607 BAC le long de la Meuse (...) Des jours et des nuits à tourner sans fin dans le chaos et la chaleur, pire que Fabrice Del Dongo à Waterloo. (...) Ne trouvant rien ni personne pour l'aider, sinon des abris incendiés, des villages désolés (...). sans jamais cesser de penser à sa femme et à son "tout-petit" (son fils, mon père)".

Voilà j'arrête là. C'était juste pour vous montrer que ce livre a du cœur.

Soleil vert a dit…

peut-être alors dans ma pile à lire ...

Christiane a dit…

Quant à Marcelle. Après l'avoir vue pâle et effacée dans une émission de hasard, il ne la nimbe d'aucun romantisme malgré son suicide.
"Ce qu'elle dit n'est pas déconcertant mais consternant. Il n'y a pas d'autre mot. Quoi que j'en pense, elle n'est pas une belle héroïne au sens littéraire du terme. Pas une Emma Bovary, une Anna Karenine, une Mrs Dalloway. Pas une grande rebelle non plus (...). Pas même une égérie du féminisme (...), pas de pot. (..) Marcelle Pichon n'est pas ma chimère. Marcelle Pichon fut Marcelle Pichon et je ne peux pas me le dissimuler. Je ne veux pas tricher. Car c'est la réalité dont je suis amoureux."

Quel écrivain singulier... On dirait qu'il s'ennuie à son contact après avoir fait toutes ces recherches sur son arbre généalogique complet sur plus de trois générations.
Le voici perplexe. Tout ce travail "confinant à l'hystérie pour une famille qui n'est même pas la "sienne .
Donc, il en déduit que "sous couvert de Marcelle Pichon" c'est sa propre histoire qu'il cherche., sa véritable lignée paternelle.
Pierre Assouline parle très justement de personnage écran.
Et il conclut "N'en déplaise à Pôle emploi, je ne chôme pas depuis que je suis au chômage."

Christiane a dit…

Oh, Soleil vert, je ne suis pas certaine d'aller jusqu'au bout de ce "monstre" comme le nomme PA. Je commence à trouver le temps long. Et je ne suis qu'à la page 187.
Je ne trouve pas beaucoup de lecteurs pour partager cette aventure.
Cela me rappelle "Au printemps des monstres" de Philippe Jaenada dont tous les protagonistes présentent des zones obscures et où l'auteur au fil de ses recherches se met en scène lui-même et nous embrouille tellement qu'on ne sait plus les motivations des uns et des autres et de l'auteur. Explorer un fait divers, le reconstituer devient fréquent. Je sature un peu. Bien sûr Bouillier de cherche, s'interroge et le livre devient une démarche autobiographique mais même s'il est amoureux du réel, c'est un peu long...

Anonyme a dit…

Si son Grand-Père est dans un Oflag, c'est un camp d'officiers. Régime relativement privilégié, sauf pour l'alimentaire. Il doit savoir assez vite que la politique dite de Relève ne marche pas, et qu'il est là pour longtemps. Par ailleurs je m'étonne qu'il ait des nouvelles du Front de l'Est, qui ne risquaient pas de lui arriver. Je m'appuie sur le Journal de mon Grand Oncle rédige dans les mêmes circonstances, alors que dans son Journal de Guerre, oui, il y a des bruits.

Christiane a dit…

Chapitre 19
" - Un oflag, a corrigé ma tante. Il était officier. Sous-lieutenant. Les stalags, c'étaient pour les simples soldats.. Je sais qu'il a été interné dans usieurs camps. En Allemagne et en Pologne aussi. Je dois avoir la liste quelque part. Il avait tout noté. (...)
- Voilà, a repris ma tante au téléphone, tu vas tout savoir. J'ai sous les yeux les états de service de ton grand-père. Donc, il a été appelé le 15 octobre 1937 au 32 RAD à Vincennes... promu brigadier-chef en 1938... nommé sous-lieutenant de réserve le 31 mars 1939 (...)
Il a été fait prisonnier at Toul le 23 juin 1940. (...) Il y a aussi la liste des camps out il a été internet. J'en compte cinq (...) Il indique aussi avoir poursuivi des études en captivité (...)
_ Des études ? Alors qu'il était prisonnier ?
- Privilège des officiers. Cela devait l'occuper.
- Il nat jamais chercher à s'évader ?
-Pas que je sache (..) il a passé huit ans sous les drapeaux. Tu sais qu'il a écrit un journal dans lequel il raconte sa drôle de guerre. Le plus simple est que tu le lises ."

Christiane a dit…

Douze pages qui racontaient ce qui s'était passé en juin 1940 sur le front de l'Est, sans fard niveffet de manche. Racontaient de l'intérieur, at hauteur d'homme, au plus près de la situation vécue, comme c'était pour de vrai là-bas et comme était pour de vrai mon grand-père, alors qu'il n'avait que vingt-cinq ans.
Dans une première partie, il racontait les incroyables difficultes qu'il avait rencontrées, de retour d'une permission, pour rejoindre du côté de Charleville son unité combattante alors que l'armée allemande se ruait dans les Ardennes, emportant tout sur son passage, la ligne des fortins étant enfoncée, la fameuse bretelle de Vaux-les-Mouzon, les forces françaises partout en déroute, totale désorganisation des troupes et des postes de commandement, immense débâcle. Mais il n'avait pas renoncer. Il n'en avait pas profité pour déserter ni de planquer. Il voulait rejoindre sa section." (Suivent plusieurs pages racontant sa recherche difficile).
Il les retrouve, résiste avec ses hommes. Les ordres dont de se replier et rebelote avec les tranchées. Étapes interminables. Plusieurs pages des combats. Puis la defaite.
Puis les wagons à bestiaux sans paille, enfermés, cadenasses sans ravitaillement jusqu'à l'arrivée en Allemagne, à Nuremberg. Là le carnet s'arrête et son grand-père le conservera pendant les quatre années de sa captivité.
Bouillier a posté en intégralité ce journal à la page :
www.lecoeurnecedepas.com
Avec toutes les pièces du dossier.

Christiane a dit…

Pour vous MC

https://www.monarchiebritannique.com/pages/histoire/la-monarchie-britannique-et-la-france/windsor-et-orleans-deux-familles-pour-une-entente.html

Anonyme a dit…

Oui, je comprends mieux. Il s’agit des combats de 1940 alors. La dénomination de l’Est etait ambiguë. Un mot sur les études dans les oflags. Vu la composition des officiers, ce n’est pas impossible. Pierre-Henri Simon faisait des conférences à l’Oflag de Munster. Bien à vous. MC

Christiane a dit…

Ravie !

Anonyme a dit…

Il doit il y avoir une nouvelle de Ballard qui a lieu durant le couronnement d’un Charles IV, il n’est pas dit que le chiffre soit exact, mais la retrouver, je ne puis. Soleil Vert peut être…

Christiane a dit…

C'était Laure Calamy qui a lu et magnifiquement. Je l'avais appréciée dans Antoinette dans les Cévennes. Belle personnalité.

Christiane a dit…

Soleil vert, cela me ferait vraiment plaisir que vous lisiez ce livre. Je l'ai commencé. Reportage très important. Très bien écrit.
(J'ai laissé pour un temps le livre de Bouillier. Nécessité pour éviter l'overdose...)

Christiane a dit…

Damien évoquant Nourissier sur la RdL sans mièvrerie. Excellent !

Christiane a dit…

Sur la RdL, Alexia Neuhoff écrit :
"Laissons nos « amis britanniques » pleurer dix jours durant la mort de leur reine, ce qui leur permettra (peut-être) d’oublier les ravages de l’inflation, du brexit, de l’ultralibéralisme, l’horrible rictus de leur première ministre, la défaite de Liverpool, le sort des Ukrainiens, des Ouïghours, des Maliens, que sais-je encore… Ils auront bien besoin de ces carrosses dorés, de ces tenues d’apparat, de ces rituels monarchiques, de ces tralalas qui font office d’opium."
Cette femme me choque délicieusement !

Anonyme a dit…

Les réfugiés jetés sur les routes : on se souvient en Bretagne de l'arrivée de gens du nord en plein Finistère (Comment?). On leur alloua un logement, ils y dormirent à même le sol. Cela faisait plusieurs jours qu'ils marchaient. Le lendemain, la tradition veut que leur transpiration ait attaqué le plancher de bois... MC

Christiane a dit…

Ça ne s'invente pas... Terrible

Christiane a dit…

Vraiment impressionnant ce livre, vraiment.

Christiane a dit…

Soleil vert,
Lola Lafon cite abondamment le journal d'Anne Frank. Et donne la suite de votre citation :
"La citation la plus célèbre du Journal, écrite le 15 juillet 1944, est celle-ci :
"Je crois encore à la bonté innée des hommes."
Cette phrase est suivie de quelques lignes qu'on ne cite jamais :
"Il m'est impossible de tout construire sur une base de mort, de misère et de confusion, je vois comment le monde se transforme lentement en un désert, j'entends plus fort, toujours plus fort, le grondement du tonnerre qui approche et nous tuera, nous aussi, je ressens la souffrance de millions de personnes et pourtant, quand je regarde le ciel, je pense que tout finira par s'arranger, que cette cruauté aura une fin, que le calme et la paix reviendront régner sur le monde. "
Et le 3 mai 1944 :
"On ne me fera pas croire que la guerre n'est provoquée que par les grands hommes, les gouvernants et les capitalistes, oh non, les petites gens aiment la faire au moins autant, sinon les peuples de seraient révoltés contre elle depuis longtemps ! Il y a tout simplement chez les hommes un besoin de ravager, un besoin de frapper à mort, d'assassiner et de s'enivrer de violence, et tant que humanité entière, sans exception n'aura pas subi une grande métamorphose, la guerre fera rage, tout ce qui a été construit, cultivé, tout ce qui s'est développé sera tranché et anéanti, pour recommencer ensuite

Christiane a dit…

Rarement un livre m'aura autant bouleversée que ce livre de Lola Lafon. D'abord parce qu'il relate les épreuves inhumaines de la famille Frank après leur arrestation par la Gestapo. Les wagons où ils étaient entassés dans le noir sans nourriture sans eau, les camps de déportation, d'extermination ( il y en a eu plusieurs ), les séparations. Seules Margot et Anne resteront ensemble et mourront à un mois de la libération des camps. Anne la dernière, désespérée, sous-alimentée, malade, se sentant seule. Elle ne savait pas que son père avait survécu.
Tout cela Lola Lafon le revit en rencontrant des témoins, en relisant le Journal, en passant cette nuit dans le refuge de la famille, n'osant entrer dans la chambre d'Anne que tout à la fin de sa nuit.
Il y a aussi ses propres souvenirs étant juive également, se souvenant de l'histoire de sa famille.
De toutes ses questions sur le négationnisme, l'antisémitisme, les attentats, les remarques blessantes, l'assimilation, la mémoire de la peur, les souvenirs intransmissibles par ceux qui ont échappé au massacre.
C'est un grand livre, un très grand livre, apre, dur, sans concession qui laisse inquiet. De quoi aujourd'hui est fait ? De quoi demain sera fait ?
Je vais reprendre le livre fleuve de G.Bouillier très très riche ( bien aimée la remarque de x sur la RdL)
Mais j'ai choisi de le lire comme on regarde une série avec du temps entre chaque épisode. Cela me convient bien. Ça permet de réfléchir à toutes ces vies évoquées concernant ou l'auteur ou Marcelle Pichon , à l'actualité des années de Guerre, d'Occupation). C'est aussi à travers ces notes la recherche de G.Bouillier concernant son mal-être, les secrets de famille, ce qui n'a pu être dit.
Enfin, il y a cette façon d'écrire, les stratégies employées pour écrire ce qui n'est pas une autobiographie mais un questionnement traversé par des lectures, une culture, des questions philosophiques. Un écrivain et sa conscience d'écrire.
J'aime bien prendre le temps de le lire, d'interrompre ma lecture, de comparer ces vies évoquées avec celles par exemple dans le beau livre de Lola Lafon
Après ce sera un voyage poétique dans "Une heure de ferveur" de Muriel Barbery. Je l'attends éphémère et fragile, spirituel et méditatif pour habiter le monde autrement.

Christiane a dit…

bien aimé

Christiane a dit…

Car G.Bouillier a un rapport à la langue ludique, rude ou bouffon, hirsute, suivant son rythme intérieur. Il sait qu'écrire n'est pas naturel. Il est lucide. Il sait qu'écrire un tel livre, si long, est vaniteux. Les obstacles sont nombreux dont ce moi envahissant qui le harcèle. Mais il est fasciné par son écriture. Intense va-et-vient entre lui et tous ces fantômes. Il se fictionne, s'invente un pseudo, une Penny. Cela produit un décalage souriant entre deux évocations dramatiques de son grand-père, de ses passages à vide, de ceux de Marcelle Pichon. Il déplace en permanence son langage d'un endroit à l'autre, laisse aussi une place au hasard. C'est un rêve éveillé, parfois un immense fatras. Il laisse le temps passer lentement sur les êtres, les regarde changer, se métamorphoser ; pense à Kafka en songeant à Marcelle ( moins la littérature).

Christiane a dit…

Le chapitre 23 est désopilant : règlement de compte entre Penny et son Boss. Dans un langage cru, l'écrivain lui fait dire les pires horreurs à Bmore (pseudo du narrateur)
Celui-ci n'arrive pas à la calmer. C'est un discours très féministe offensif mettant tous les hommes dans le même panier. Tous des salauds. Lui, faireplay essaie de lui dire qu'il ne ressemble pas à cette caricature. Rien n'y fait.
J'en connais deux sur un blog voisin qui applaudiraient vivement.
Ce qui est amusant c'est que c'est l'invention de Bouillier le ventriloque. Un "Cher connard" à la Despentes ce passage, mais de vive-voix !
Ce n'est pas le meilleur chapitre du roman....
Bon, passons...

Christiane a dit…

Damien, sur la RdL, hors sol du territoire des Furies, regarde la monarchie anglaise avec lucidité et un regard bienveillant pour celle qui a été.
C'est une bouffée de vent frais dans cet espace électrique où les participants mènent des guérillas sans fin faute de se comprendre.
Ici, chez Soleil vert, des livres par centaines, ceux qu'il a choisis, ceux qui viennent d'ailleurs. Et entre les livres, les soubresauts d'un monde violent où comme l'écrivait Anne Frank "les hommes ont un besoin de ravager, un besoin de frapper à mort, d'assassiner et de s'enivrer de violence".

Christiane a dit…

Pour le livre de G.Bouillier, si Pierre Assouline n'avait pas écrit ce magnifique billet concernant ses livres, je crois bien que je l'aurais refermé après la page 200. Cet amuseur qui se défoule un chapître sur trois est parfois lassant mais comme le souligne x, au fil des pages, un écho de tant de livres vraiment lus, d'écrivains, de pages d'Histoire et dans tout ce chaos une femme qui s'est laissée lentement mourir qui d'abord nous paraît être une victime et dont la solitude nous a bouleversés ( mais c'est notre affectivité qui parlait) et qui peu à peu semble lasser l'auteur pas tellement convaincu par la vie qu'elle semble avoir mené et puis... lui, obsédante présence qui rafle tout sur son passage. Le prétexte d'une filiation cachée mais surtout une tauromachie où il est tout à tour le toro et le torero. Quelle corrida ! Il l'aura torée sa vie. Peur de sa peur. Duo profond et noir. Mots muleta. Mort au ventre. Rage de guerre. Des chapitres comme des passes au bord d'un vide.
La mort le frôle : Marcelle, la guerre, le grand-père...
Et le lecteur dans tout cela ? De temps en temps, il regarde s'il lit toujours son livre ou s'il l'a refermé d'un geste rageur. Il le détourne d'autres lectures et l'attache à sa corrida. Une lecture au ralenti avec des pauses. Un livre comme un vin de Malaga sous le soleil, un peu lourd. Une écharde.

Christiane a dit…

Anne Crignon signe un bel article dans L'OBS de cette semaine sur le livre de Grégoire Bouillier "lLe cœur ne cède pas" : "La vieille dame et la mort". Elle note avec humour les passages à vide de l'auteur, et ceux qu'on peut sauter par ennui mais elle relève aussi, le lisant, cette impression particulière pour G.B. d'habiter le monde, "toujours un peu à côté des choses et des gens"....
Et Jérôme Garcin médite, lui, sur la nuit terrible de Lola Lafon écrivant celle d'Anne Frank .

Christiane a dit…

Soleil vert, cette lettre de condoléance de l’amiral Philippe de Gaulle est illisible pour moi et je le regrette. Pourriez-vous en transcrire le texte ? Merci par avance.

Christiane a dit…

J'en ai trouvé les lignes essentielles sur le net. Merci. Très intéressante.

Christiane a dit…

Je reprends dans votre billet sur "L'agent secret" de Joseph Conrad quelques lignes pour en revenir à Bouillier : "Il y a (...) des audaces narratives, la chronologie inversée des évènements et quelques ellipses, qui" entravent la facilité de lecture. (...) "Il déclare «s’en tenir à la surface des choses». Tout l’inverse de l’art du romancier, la surface des choses finissant d’ailleurs par éclater sous la pression des tourments de" l'auteur, "l'accompagnant dans son introspection. Le lecteur découvre deux paradoxes. Un récit qui bascule dans l’étude de caractère ; un roman", ...
celui de G.Bouillier... qui échappe à ce qu'on attend habituellement du roman. Ici, complètement désarticulé.
Le fait divers à l'origine du récit est souvent absent. Bouillier s'amuse souvent comme dans ces dialogues entre Penny et Bmore. (Ce même Bmore ayant été inventé pour échapper au contrôle de Pôle emploi a qui il doit prouver qu'il a une activité professionnelle faute d'en chercher une).
Donc pourquoi ne pas créer une agence de détectives ?
Clin d'œil pour moi, lectrice, à "L'agent secret" de Conrad. N'être pas celui qu'on prétend être.
Bmore dit souvent "Je" , Penny parle à la troisième personne d'elle et dit "celle-ci".
Donc les travaux de cette agence finissent par porter fruit : Marcelle Pichon a été abandonnée par sa mère. (lui, né de père biologique non reconnu mais... connu et déclaré de père connu n'étant pas le père biologique..)
Et le lecteur saute de chapitre en chapitre, lié aux extravagances de l'auteur, lisant plusieurs scènes sans vraiment trouver de lien entre elles et avec l'enquête.
Quand Pierre Assouline écrit que le livre est léger à lire, je me dis qu'il a des pouvoirs de lecteur assez extraordinaires ! (Sauf à abandonner l'attente d'un roman classique et de s'abandonner à cette errance littéraire où parfois l'auteur semble ne plus savoir quoi écrire. Il sèche comme un candidat devant sa feuille terriblement blanche. Sauf que Bouillier ne passe pas un examen, il écrit pour le plaisir, pour s'amuser. Se donne le droit de s'éloigner de faire l'école buissonnière. Drôle d'auteur...)
Insolite lecteur que Pierre Assouline qui repère en cet ouvrage un "monstre" et s'en divertit.
Bref, que faire ? Continuer ou laisser la pâte reposer ?

Christiane a dit…

Juste pour dire que je continuerai ( à mon rythme) car je viens de lire un chapître émouvant. De cimetière en cimetière il cherche sa tombe. Rien. Puis il trouvera où elle repose, près de son père mais sans inscription. Effacée...

Christiane a dit…

Formidable cette lecture reprise au chapitre 54 du roman de G. Bouillier "Le cœur ne cède pas".
Voilà notre enquêteur explorant l'immeuble rue Championnet où elle habitait avant de mourir, Marcelle Pichon.
Il finit par visiter le minuscule appartement où elle vivait grâce à la gentillesse de l'étudiant qui l'occupe. Il bavarde avec un couple âgé et découvre plein d'anecdotes sur Marcelle et le nain Piéral qui habite également l'immeuble. Comédien qui a joué dans "Les Visiteurs du soir" et d'autres films. Avec Penny, direction la mairie, bureau de l'État Civil. Marcelle a eu deux garçons de son premier mariage, morts quelques temps après leur mère.
Découvre surtout qu'un homme s'est enfermé dans son appartement, pendant quatre semaines, après sa mort, criant Vengeance pour Marcelle ! Homme qui a été délogé par les enfants de Marcelle.
Bref il avance... et soudain au chapitre 56 un aparté formidable où il sépare vérité et fiction sur ce qu'il vient d'écrire dans les chapitres précédents.
Le tout devient palpitant. Merci Passou. Le temps vient il suffit de continuer la lecture.
J'ai écouté sur France Inter, dans "L'heure bleue" un très beau dialogue entre Laure Adler et Grégoire Bouillier qui a bien traversé le roman. Cela m'a donné bien envie de reprendre le livre. Michèle/Rose ne devrait pas se décourager et reprendre le roman. Ça vaut la traverseet complète.