Michel Bernanos - Le Murmure des Dieux - L'Arbre Vengeur
« Eudes écoutait la nuit de ce bout du monde
avec la crainte des mystères insondables où tout est problème »
J’aurais pu croiser, enfant, cet homme mélancolique
qui se suicida en 1964 dans la forêt de Fontainebleau, pâle reflet du cosmos
végétal amazonien découvert lors de ses quinze ans. J’ai habité entre 1960 et
1969 une barre HLM tout près d’un de ces petits pavillons de Gentilly aux pièces
étroites que Michel Bernanos tapissait de cartes du Brésil. Dans des livres
singuliers et fantastiques, dont au premier chef La montagne morte de la vie,
il s’efforça de mettre en mots les débris de ses rêves manqués léguant à ses lecteurs des pages parcourues d’aras flamboyants, de fleuves ou d’océans
inquiétants soumis au règne de divinités hostiles.
Premier ouvrage d’une tétralogie romanesque, Le
Murmure des Dieux raconte l’odyssée de deux hommes au cœur de l’Amazonie.
Un jeune ingénieur est contacté par un prospecteur brésilien pour démarrer une
nouvelle exploitation dans un secteur interdit. Quelques années auparavant un Arbre
sacré y a été abattu et depuis plus aucun indien n’ose s’y aventurer. Désireux
de s’assurer définitivement les services du français l’entrepreneur le fourvoie
dans une affaire criminelle à laquelle il n’a pas pris part. Un aventurier, le
docteur Lopez, se propose alors de l’accompagner. Ayant retrouvé l’Arbre, les
deux hommes accompagnés d’un guide s’enfoncent dans la sylve à la recherche
d’une hypothétique civilisation disparue.
Sans doute inspiré comme tous les jeunes gens de sa génération
par les incursions mythiques du Colonel Percy Fawcett au cœur du continent vert,
Michel Bernanos livre un roman d’exploration conforme aux codes des récits d’aventure,
tout en restituant un émerveillement visuel sans cesse renouvelé, qui célèbre
les noces organiques et végétales de la beauté et de la cruauté. S’ensuivent la rencontre
d’une tribu aux mœurs mystérieuses et un épilogue écho sacrificiel du sacrilège originel. Dans cet ouvrage liminaire l’écrivain se
tient encore aux lisières du fantastique, malgré un titre que ne renierait pas
Nathalie Henneberg.
La préface de Sébastien Lapaque, auteur d’un texte sur l’exil de la famille Bernanos en Amérique du Sud, face à la montée du fascisme
en Europe dans les années 30, éclaircit bien des zones d’ombre. L’auteur du Journal
d’un curé de campagne fut un père émancipateur plutôt que castrateur.
Michel rejoignit les forces navales de la France Libre entre 1942 et 1944 avant
de retourner au Brésil en 1946 et de tenter de monter une exploitation d’hévéas.
Pour un éditeur nommé « L'Arbre Vengeur »,
voici assurément un livre porte drapeau conçu par un écrivain attachant.
6 commentaires:
Les aventures du Colonel Fawcett ont inspiré le film The Lost City of Z
Je connais plus les œuvres du père, Georges.J’ignorais que le fils écrivait.
Merci pour la suggestion.
A lire aussi La montagne morte de la vie, qu'on pourrait comparer à certains textes de Jean Ray
J’y jetterai un œil,en pensant qu’il a du être difficile pour le fils de se construire auprès d’un père qui,et c’est le seul mérite que je lui reconnaisse,a fini par reconnaître la République espagnole!
L’envers de l’éperon est pas mal aussi.
B A V.
Peut-être alors
A +
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