Kate Wilhelm - Hier, les oiseaux - Le Livre
de Poche
Il était une fois un monde à l’agonie… sécheresses et inondations se succèdent, la radioactivité et la pollution mettent à bas les récoltes, les populations commencent à décliner. Alors qu’il revient d’Harvard pour fêter Thanksgiving dans la grande ferme familiale virginienne, le jeune David apprend que son richissime grand-père a entrepris de transformer le domaine en un hôpital et un laboratoire de recherche. L’aïeul Sumner, persuadé de l’effondrement prochain d’Etats imprévoyants, décide d’édifier une arche de Noé scientifique. Au cœur de son projet, le clonage d’êtres humains destiné à enrayer la disparition de l’Humanité.
Sans doute un des livres les plus connus et primés de Kate Wilhelm, Hier, les oiseaux reprend une thématique abordée aussi en son temps par sa contemporaine Alice Sheldon (James Tiptree Jr) dans la novella Houston, Houston, me recevez-vous ? La réédition en Poche de 2018 gratifie le lecteur d’une illustration de couverture de fort mauvais goût et d’une coquille monumentale sur la première page. Le récit et la qualité d’écriture de l’auteure effacent bien vite ces premières impressions ; la première partie tout à fait remarquable s’attache à la création de l’arche. David, comme chacun des autres scientifiques constate au fil des années l’émergence et la prise de pouvoir de ses clones et la mise à l’écart des fondateurs.
Sumner a réussi son entreprise,
mais à quel prix ? Ses créations fonctionnent sur le mode de la ruche. Le
collectif prime sur l’individu. « Telle était la loi ».
Wilhelm et la traductrice Sylvie Audoly retrouvent les commandements du Docteur
Moreau imaginé par Wells. Mais cette fois l’humain d’avant l’apocalypse n’est
plus le modèle à suivre. La nouvelle humanité aura-t-elle pour autant les capacités
de fonder une nouvelle civilisation sur les ruines de l’ancienne ? Peut-on
juguler le processus évolutif ? Au prix de quelques lenteurs l’auteure répond
dans les deux parties suivantes.
Malgré les ans et un
thème ancien, cet ouvrage qui oscille entre Les coucous de Midwich, et Le
temps des changements, témoigne une fois de plus des qualités littéraires
de Kate Wilhelm.
26 commentaires:
Je viens de vivre une expérience saisissante. Après avoir lu votre billet présentant ce roman d'anticipation de Kate Wilhelm, "Hier, les oiseaux", je commençai la lecture des deux premiers chapitres du livre.
J'avais baissé le son du téléviseur, écoutant vaguement les informations du monde, zappant de temps en temps.
Il s'abattaient les mêmes terribles nouvelles sur l'écran de télévision et sur la tablette où je venais de charger le roman de Kate Wilhelm : sécheresses, inondations, famines, maladies, exodes et incendies dûs au réchauffement climatique, disparitions de certaines espèces animales et végétales, baisse de la fécondité par choix dans les pays effrayés par un avenir peu rejouissant pour la planète. Guerres, pillages, émeutes...
Étrange impression d'être renvoyée au réel par un roman d'anticipation.
Puis, me concentrant sur le chapitre suivant , je découvrais les recherches de clonage dans les laboratoires, la mortalité progressive des embryons clonés dans le temps même où la mort décimait les enfants de tous pays n'ayant pas survécu à ces pandémies et aux conditions de vie de leur famille.
La fiction se sépare du réel pour le pire....
Toujours une ecriture qui nous piège en douceur par un début presque normal comme dans le précédent roman que vous nous avez fait découvrir, il y a peu, "La mémoire de l'ombre".
Ça c’est l’aspect, je dirais Ballardien du récit: intégrer des catastrophes tres plausibles de telle sorte que le lecteur soit pris au piège d’une réalité parallèle à la vraie, quitte à monter en puissance ensuite. Il est jusqu’à un certain point normal que le Wilhelm offre des catastrophes symétriques de celles de la télévision.Au moins en première partie.C’est un effet de réel voulu, et en ce sens différent du Space Opera traditionnel.,Ayant tendance à me méfier des ruches, je ne sais si l’essai sera transformé, mais cette efficacité plaide en sa faveur. Bien à vous. MC
Quelle lumineux éclaircissement ! Merci.
C'était étonnant ces catastrophes symétriques entre réel et copie du réel.. Oui, c'est très efficace et de plus bien écrit. On sent dès le chapitre trois que "l'essai de transforme" ! Je n'oublie pas les sortilèges de "La mémoire de l'ombre".
Plutôt que "copie" du réel, je préférerais "l'invention" du réel mais Morel a déjà eu cette pensée !
Bioy Casarès avec ces répétitions y créé une boucle dans le temps et dans l'espace. On pense à "L'année dernière à Marienbad". Est-ce que cette rencontre est réelle ? "L'invention de Morel"... Beau souvenir de lecture...
Un monde parallèle la aussi, inventé par un certain Morel. Et la peur aussi comme savent la distiller ces grands auteurs.
Dans le monde réel, la naissance d'un enfant désiré n'a pas pour but d'empêcher la race humaine de disparaitre de la terre. Quel poids insupportable sur les gestations... et les futurs enfants.
Et si les nouveaux nés sont non viables, dans l'imagination de Kate Wilhelm, l'idée de clones humains dans une couveuse isolée de la menace des prédateurs, est tentante mais où la cacher ? Elle doit être une grande lectrice de la Bible pour concevoir cette idée folle d'une "arche" peuplée de clones humains...
Le monde des possibles participant à un univers supposé réel. Au terme de cette gestation, des étrangers peut-être menaçants... Un avertissement de l'avenir ?
"une thématique abordée aussi en son temps par sa contemporaine Alice Sheldon (James Tiptree Jr) dans la novella "Houston, Houston, me recevez-vous ?", Oui.... je me souviens....
Ces apprenties sorcières nous éloignent d'un monde mixte où les oiseaux, c'est ...aujourd'hui...
J'avais décroché pour le roman d'Alice Sheldon. Mon imaginaire se cabrait et refusait ce monde de cauchemar glacial et insensé. Je ne voulais pas douter de la frontière entre le possible de la fiction et le réel.
Une absence d'origine pour ces clones engendre l'errance et la folie. Et ces GPA confiées à des machines n'augure rien de bon...
Qu'en sera-t-il de la lecture de ce roman ? Aussi horrifiant que celui de Bioy Casarès ? Ou des mutants de "Blade Runner" ? Ou de "Frankenstein" ?
A tout prendre, je préfère le monde de Borges créant des labyrinthes infinis, des biographies imaginaires à partir d'un songe, interrogeant un langage oublié, une écriture à déchiffrer. Je crois que Bioy Casarès était très proche de Borges qui trouvait sa pensée plus inventive que la réalité.
Des personnages qui font effraction dans le réel...
L’idée d’une ruche arche figure avec des bémols chez Herbert dans La Ruche d’ Helstromm, roman médiocrement passionnant. Et le mythe noachite est aussi celui de certaines sociétés de pensée qui la bas ont pignon sur rue. La SF puise aussi à ces sources là, qui prolongent la Bible plus qu’elles ne l’illustrent. Bien à vous. MC
Continuez à m'orienter dans ce monde que je connais peu. Merci.
Je fais un bond dans la troisième partie. Le personnage de Mark est très intéressant.
Et le cadre de la grande forêt de pins est peint avec beaucoup de poésie. J'ai l'intuition que l'on revient au particulier semant l'uniformité de ces clones. J'ai lu le résumé de la deuxième partie pour accepter de reporter à plus tard lcette lecture mise en attente.
J'ai déjà exploré ainsi des romans dans lesquels je me sentais mal à l'aise. Une stratégie qui permet de ne pas refermer un livre.
J'ai aimé explorer ainsi des toiles parfois retives. Suivre le cheminement d'une couleur pour rejoindre le mental de l'artiste (Bram van Velde, par exemple). Peindre ou écrire c'est un combat avec des pauses, des renoncements, des reprises. La lecture en profondeur peut suivre également un tel cheminement et Kate Wilhelm le mérite, c'est un auteur que j'apprécie.
Soleil vert, vous me plongez dans de telles aventures littéraires que j'adapte à vos choix des stratégies de lecture insolites. Je suis assez contente des résultats !
Ah j'ai compris où elle conduit son roman : brillant !
Retour aux servantes "écarlates".
1976... Quelle intuition.
Encore un roman un peu philosophique. Sa façon d'évoquer la forêt inquiétante est subtile. Quelle plume ! Sylvie Audoly : beau travail.
J'adore l'air réjoui de Kate Wilhelm sur les photos. Vieille dame indigne...
Vous écrivez : l'auteure... C'est déjà mieux que l'Autrice !
Il y a pire: ecrivaine! MC
Hélas !...
J'ai donc repris le chapitre deux.
Washington ...après les bombes... Après l'apocalypse...Molly.. (très beau personnage)...
Les jeunes femmes droguées pour procréer...
Le roman entre dans sa phase futuriste. Et tout cela dans une ecriture fine.
"Mais cette fois l’humain d’avant l’apocalypse n’est plus le modèle à suivre. La nouvelle humanité aura-t-elle pour autant les capacités de fonder une nouvelle civilisation sur les ruines de l’ancienne ? "
Bonne question, Soleil vert !
J'ai pris un peu d'avance (chap. 21 et 22). Kate Wilhelm a plus d'un tour dans son sac !
Bien sûr , on pense à l'admirable fiction, "La servante écarlate" mais ici, cette docilité des clones, cette intégration quasi parfaite aux groupes, rend en apparence l'atmosphère moins oppressante.
Comment pimenter le récit ? Mettre un caillou dans la machine ? C'est là tout le talent de l'auteur.
La servante écarlate :
https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Servante_%C3%A9carlate
La c’est la grande Margaret Atwood!
Oui, absolument ! Quel roman !
Maintenant je peux relier Molly et Mark. Superbe.
Voilà, j'ai retrouvé la troisième partie. Tout est d'une transparence absolue.
Je suis dans son écriture comme dans un chemin familier. Je sens ce qui la guide. Elle est généreuse et imaginative. Auteure, oui, du bout des lèvres car ce e m'ennuie.
En art, en littérature la fonction créatrice est une force unissant le féminin et le masculin, recréant l'unité perdue..
Ce soir sur Ciné+Club : "Suis-moi je te fuis", suivi de "Fuis-moi je te suis" (samedi prochain) de Koji Fukada. C'est l'adaptation à l'écran du manga "The Mark of Truth" de Mochiru Hoshisato...
Étrange première partie de ce diptyque. Je pense qu'il faut voir la suite pour juger de ce jeu du chat et de la souris entre un homme et une femme. Beaux personnages presque impossibles à rencontrer dans la réalité. La gaffeuse naïve et fragile, la série d'embrouilles qu'elle provoque. L'homme sincère et absurdement prêt à l'aider dans des situations rocambolesques bien intégrées dans la vie nipponne. Un beau jeu de noirs et blancs. Intéressant.
Y aura-t-il inversion des rôles comme suggéré par l'opposition des deux titres ?
Car pour moi les fonctions sont invariables et ne sont pas attachées à la personne.
"Thoreau n'était pas un ermite mais un homme qui avait besoin de tranquillité pour vivre et penser…"
Oui, il faut modérer les propos de Claudel à ce sujet.
Au fait connaissez vous tous deux le mot de Guitry après une représentation de 5 heures du Soulier de satin ?
Je viens de voir la deuxième partie. Magnifique évolution des personnages. Une symétrie éblouissante.
« Heureusement qu’on a pas eu la paire! ». MC
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