jeudi 30 juin 2022

Omega

 

Robert Sheckley - Omega - Goater collection Rechute

 

 

 

Un personnage amnésique rencontre son double à la fin du récit. Cela vous rappelle-t-il quelque chose ? Malheureux lecteur n’invoque pas en vain le Maitre de l’esprit ! Car il s’agit ici d’Omega, roman d’un grand nom de la littérature de science-fiction, observateur sarcastique des temps modernes, Robert Sheckley. L’éditeur Goater réédite un ouvrage paru jadis chez Pocket. L’illustration de couverture de Leyho remplace sans déplaisir les flamboyances daliniennes de Siudmak. La préface de Sylvie Lainé, amie de longue date de l’écrivain américain décédé en 2005, vient rappeler à ma grande honte l’absence dans ce blog des ouvrages de celle qui me gratifia lors d’une séance de dédicace d'un « copain au nom d’étoile ».

 

Le héros de l’histoire est déporté dans un bagne spatial. Dépossédé de sa mémoire, affublé au départ d’un numéro puis d’un nom qui ne lui évoque aucun souvenir, Will Barrent débarque sur Omega, une planète peuplée de hors la loi, expulsés de la Terre et livrés à eux-mêmes. Les petits voleurs croisent les auteurs des forfaits les plus crapuleux. Lui-même se découvre dans la peau d’un assassin. Des lois régissent ce monde que Barrent aurait pu croire en proie à l’anarchie totale. Mais elles n’ont pas été instaurées dans le but de réhabiliter les individus. Au contraire elles encouragent le crime. Survivre et s’élever sur l’échelle sociale consiste paradoxalement à enfreindre les règles tout en échappant aux châtiments cruels qui sanctionnent leur infraction. A son grand soulagement Barrent n'éprouve que répulsion envers l'acte criminel que les autorités lui imputent et plus encore pour ceux qu'elles l'incite à accomplir dans son propre intérêt. Aidé par un membre d’une société secrète d’opposants politiques, il va s’efforcer de rejoindre la caste des dirigeants, avec le double objectif de mettre en lumière les évènements qui l’ont conduit sur Oméga et peut-être de regagner la Terre.

 

Le roman ne dépareille pas des nouvelles « Le prix du danger » ou « La septième victime » qui ont bâti la légende de Robert Sheckley : rythme rapide du récit, succession d’épreuves de combat. On aura beau jeu de souligner la dimension caricaturale des personnages propre à une génération d’écrivains. Mais la caricature n’est elle pas une façon de définir l’art de cet auteur ? En tout cas le renversement dystopique opéré dans les cinquante dernières pages est remarquable et le plaisir de lecture, soixante ans après, reste intact.


25 commentaires:

Anonyme a dit…

Je n’ai lu qu’un roman de lui, et qui avait semblé très médiocre, maintenant, pourquoi ne pas engager une réhabilitation? MC



Soleil vert a dit…

Bien sur, ce n'est pas "1984", mais en un peu plus de 200 pages ça reste honnête.

Soleil vert a dit…

Version stabilisée 17h17

Anonyme a dit…

Oui,c’est un peu ce que lui reprochait mon libraire de SF de l’époque: d’avoir , je cite, » un sacré poil dans la main ». Ce que semble confirmer l’emploi fréquent de collaborateurs.

Soleil vert a dit…

Dans les oeuvres longues, je vois 5 collaborations (4 avec Zelazny et une avec Poul Anderson) mais ça représente 20 % de ses romans ?
Dans les nouvelles, son domaine de prédilection elles sont beaucoup plus rares.

Christiane a dit…

L’illustration de couverture de Leyho est magnifique. Quel mystère...

Soleil vert a dit…

Prochaine étape : La route de Cormac McCarthy

Christiane a dit…

Cette prochaine étape va raviver bien des souvenirs... Roman éprouvant, magnifique, terrible. L'homme et le petit...
Raymond a mis en ligne un très beau texte sur les souterrains de Laon.

Christiane a dit…

A propos de marche, Peter Handke écrivait dans son journal : "marcher constamment et voir apparaître toutes les zones de la vie ; la marche s'élargit en un voyage ; le voyage en une traversée du monde (se perdre un jour si loin dans les rêves que l'on ne puisse jamais revenir en arrière (...) Mon existence faisait un bruit de chauve-souris dans ma tête fatiguée."
Je me souviens dans "La route" de Cormac McCarthy,
d'un jour de cendre, d'un enfant qui n'a plus que cet homme, son père, du danger qui rôde. Tous les deux contre le reste d'un monde détruit et hostile.
Le roman de l'homme "au nom d'etoile" semble aussi une marche au bruit de chauve-souris dans la tête.
J'imagine, à partir de l'illustration de couverture, une rencontre pour un mobile exactement superposable. Se défaire dans le temps...

Anonyme a dit…

Pas lu les nouvelles. On verra.

Greg a dit…

Le temps meurtrier c’est de la vieille SF.Mais on s’ennuie pas une seconde.Nostalgie quand tu nous tiens..
Pas lu celui là.C’est noté.

Nomic a dit…

Superbe couverture, on dirait presque du Druillet. Le concept est sympa, ça me donne envie de le lire, même s'il est probable que comme pas mal de courts roman typés pulp de cette époque il n'aille pas très loin dans l'exploration des idées.

Soleil vert a dit…

"Superbe couverture, on dirait presque du Druillet."

En effet !

Christiane a dit…

Recommandez-vous ce livre, Soleil vert ? Vous nous en aviez offert une que j'avais beaucoup appréciée. C'est une passerelle dans les mots et les histoires. Le ton est surprenant car c'est très très sérieux.


https://www-sciencesetavenir-fr.cdn.ampproject.org/v/s/www.sciencesetavenir.fr/decouvrir/livres/le-livre-des-prefaces-l-oeuvre-somme-de-gerard-klein-pour-les-amateurs-de-science-fiction_160343.amp?amp_gsa=1&amp_js_v=a9&usqp=mq331AQKKAFQArABIIACAw%3D%3D#amp_ct=1656786274178&amp_tf=Source%C2%A0%3A%20%251%24s&aoh=16567862057356&referrer=https%3A%2F%2Fwww.google.com&ampshare=https%3A%2F%2Fwww.sciencesetavenir.fr%2Fdecouvrir%2Flivres%2Fle-livre-des-prefaces-l-oeuvre-somme-de-gerard-klein-pour-les-amateurs-de-science-fiction_160343

Christiane a dit…


Un très bel article sur ce livre avec, en tête, une citation très engageante :

https://www.lacauselitteraire.fr/le-livre-des-prefaces-gerard-klein-par-didier-smal

Soleil vert a dit…

> Klein : J'en ai lu et relu de ses préfaces ...
> "Recommandez-vous ce livre,(Omega ?) Soleil vert ?" oui mais d'autres sont prioritaires. Le premier volume de "Dune" par exemple

Christiane a dit…

Vous en avez lu, bien. Cela ne répond pas à ma question.
La démarche n'est pas la même. Je ne souhaite pas pour l'instant accumuler la lecture de romans de SF mais réfléchir à ce qu'ils apportent au lecteur.
Je mets à part La Route de Cornac McCarthy.

Christiane a dit…

C'est que ma recherche porte sur la nature du roman, sur la lecture, sur le rapport du lecteur au livre. Je ne peux me satisfaire de la seule lecture des romans. J'ai besoin de comprendre pourquoi on écrit, pourquoi on lit, pourquoi - comme vous - on écrit sur un livre, un auteur.
Lire est l'essentiel de ma vie. M'interroger sur qu'est-ce que lire ? Qu'est-ce qu'écrire ? fait partie de cette passion.
Avec vous je découvre des ouvrages de science-fiction, des auteurs que je ne connaissais pas. J'ai essayé toujours honnêtement de vous livrer mes réactions de lectrice, mes enthousiasmés, mes réticences.
Je me demandais si le livre de G. Klein pouvait m'aider à approfondir cela.
Vous évoquez dans le billet suivant CMC les chroniques de Juan Ascensio que je lis depuis longtemps comme ses livres. Je l'apprécie tout en sachant que je ne colle pas toujours à ses analyses magnifiquement écrites, étayées d'une culture sûre à cause de son obsession du mal, du diable, de la fin de la littérature, de son ton aussi parfois sarcastique mais je le trouve touchant, sympathique, vulnérable..

Soleil vert a dit…

"Je me demandais si le livre de G. Klein pouvait m'aider à approfondir cela."

Vous pouvez vous en faire une idée là. C'est très orienté sciences humaines. La préface est souvent un point de départ sur une problématique scientifique ou sociale, parfois elle reste centrée sur le livre.

https://www.quarante-deux.org/les_Archives_stellaires/Gerard_Klein/

Christiane a dit…

C'est formidable ! J'ai commencé par "Science-Fiction et théologie" octobre 1967 : Olaf Stapledon (1886-1950). Passionnant !
Ça ouvre plein de questions.
J'en ai pour des jours et des jours à explorer ce lien, très bien conçu. Merci , Soleil vert, c'est exactement ce que je cherchais. Moins convaincue par son approche de Magritte. Je continue, je continue, je continue. C'est extra comme chantait Léo Ferré !

Christiane a dit…

Alors là, un régal ! La façon dont il introduit Lewis Caroll après la morosité née de la conscience que la terre est juste ronde, est extraordinaire.

"Alors Lewis Carroll découvrit un puits, dans lequel il fit choir successivement un lapin blanc et une charmante petite fille répondant au nom d'Alice. Un puits est une issue, une façon d'échapper à la rotondité absurdement fermée de la Terre. Tout au bout du puits, Carroll inventa un univers entier. Son trait de génie fut de ne plus chercher à introduire le merveilleux sur notre planète rétrécie, mais d'imaginer un univers à part, d'explorer un espace latéral, de reconquérir ainsi les infinies possibilités d'une Terre plate et illimitée et d'y gagner, sans doute, une plus grande liberté servie par la plus grande rigueur d'un esprit capable de systématique illogisme."
Il pense bien et dit bien ce Gérard Klein. Un grand-père idéal ! Je m'assois et j'écoute. Comme c'est reposant.

Christiane a dit…

De Paul Delvaux, une admirable compréhension et beaucoup d'humilité puisqu'il ne cesse de se référer à l'ouvrage de De Bock.
"Paul Delvaux, l'homme, le peintre : psychologie d'un art‎" .
C'est intelligent. Quel regard ! Quelle approche fine de ces femmes nues et froides... De son onirisme. Opposition fine avec les toiles de Magritte.
Vous voyez, Soleil vert, comme ces arrêts sur les couvertures des livres que vous présentez ont du sens. Je passe de Delvaux et Magritte à cet univers qui est une passerelle magnifique vers l'écriture.
Pour la présentation des livres, je préfère vous lire. Je me suis habituée à votre façon de faire et c'est très bien pour donner envie de les lire. Et vous avez de l'humour , ce n'est pas donné à Klein. L'humour permet d'aller et venir, d'aimer ou de ne pas aimer. Et puis, tout ce tragique de la science-fiction n'empêchent pas le merle de l'arbre voisin d'enchanter mes matins.
Comme les enfants, je dis "même pas peur" !

Christiane a dit…

n'empêche

Soleil vert a dit…

Bonne soirée :)

PS : c'était mon anniversaire

Christiane a dit…

Chic alors ! C'est une spirale qui vous va bien...