jeudi 15 décembre 2022

Comment intégrer le Jury du Prix Goncourt

 

Jean Genet : copyright Roger Parry et Ed. Gallimard
 

Pour être membre du Jury du Goncourt, un casier judiciaire suffit désormais. Parfaitement. Inutile de suer eau et encre pour produire A l’ombre des jeunes filles en fleur et espérer mériter l'estime de ses pairs. Le talent d'un Jean Genet n'est même pas requis. Cet avatar du célèbre prix vient d’être créé cette année. Il a pour objectif « d’aider à faire baisser la violence » et concerne les personnes placées sous main de justice. Ce n’est certes pas une mince affaire de faire fi de ses conceptions morales que d’agir pour se retrouver derrière les barreaux dans la perspective de clamer son amour de la littérature et espérer gratter un peu de reconnaissance social. Pour fortifier son courage, l’impétrant prendra exemple sur ces audacieux devanciers qui cumulent carrière politique et fréquentation des tribunaux. Avant de célébrer la Littérature, il épluchera le Code Pénal ou tentera au jugé de planifier un vol d'envergure par exemple. Gare à l’avocat consciencieux docteur es sursis. De même l'entrevue avec le juge d'application des peines doit être catastrophique. Ces conditions satisfaites, le candidat pourra incorporer une élite pénitentiaire et participer à une cérémonie placée sous le haut patronage de Messieurs Éric Dupond-Moretti et Rima Abdul Malak, de l’Administration pénitentiaire, du Centre National du Livre (CNL), et last but not least, de l’Académie Goncourt. Excusez du peu. Sans doute l’ordinaire du réfectoire ou de la cellule pâtira de la comparaison avec celui de Drouant, et l’odeur de graillon ne saurait se comparer avec les délicates effluves de l’Auberge de la rue Gaillon. Mais dans la vie il faut savoir ce que l’on veut dit-on.  Hélas, pour ma part la perspective du mitard ne m’inspire que de rares lectures d’évasion, Papillon, Le Comte de Monte Cristo ou La ligne verte, fut-ce, dans ce dernier roman, sous forme de rumsteak. Vive l’anonymat.

17 commentaires:

Anonyme a dit…

On subodore une sainte fureur soulevée par le Goncourt des détenus, à Fresnes, faisant suite à l’intermède estival avec les mêmes détenus…et le même Dupont-Moretti. Excellent billet d’ humeur, au demeurant!

Anonyme a dit…

MC

Christiane a dit…

Ah... les Prix littéraires... les jury... Goncourt... Nobel... etc... Que de discussions sans fin, de colères, de haines, de désaccords, de moqueries, de rancunes... de jeux de pouvoir, de notoriété (éphémère !)
D'autres questions : l'importance d'un livre, de la lecture en prison.
Un lieu où le temps est soumis au répétitif, au vide, à la promiscuité, à la mémoire, au rien faire de soi qu'attendre...
Que peut alors un livre ?
Et ces écrivains qui rencontrent les détenus ? Éprouvent-ils une peur d'entrer dans l'inconnu, dans l'impasse d'une rencontre, dans ce quelque chose de sombre. Répondent-ils à un fantasme ?
Qui sont ces détenus ? Qu'ont-ils fait pour se retrouver là ? Quel mal ont-ils commis pour être exclus de la communauté, pour être enfermés, surveillés, épiés ? Quels dangers représentent-ils ?
Que connaissent-ils de la prison, de la vie en prison, de cette misère, ces prestigieux écrivains ? Comment vivront-ils d'obtenir le "Goncourt" des détenus ?
La force de l'écrit : le réel comme dans un livre...
Le désir de lire motivé par la participation à un jury comme si c'était une reconnaissance que là aussi, dans ce lieu-là, il y a des lecteurs, des intelligences, de la culture, de la sensibilité malgré la faute, le crime, l'accusation, malgré la condamnation.
C'est une traversée qui permet d'aller ailleurs.
De respirer un air différent pour les détenus, de vivre un passage d'un lieu à l'autre. Le lieu du livre...

Soleil vert a dit…

En attendant le Goncourt des fumeurs de pipes repentis, le Goncourt des allergiques au brocoli etc.

Christiane a dit…

Je suis indifférente à tous les prix mais je m'interroge toujours sur la lecture et l'écriture.

Christiane a dit…

PS : vous auriez pu vous dispenser de ce billet d'humeur qui ne vous ressemble pas. Un peu comme Assouline descendant Ernaux avec la bénédiction de Finkielkraut !

Christiane a dit…

Je lis un livre sans prix, paru en janvier 2022, bien écrit... d'Antoine Laurain "Les caprices d'un astre"(Flammarion).
Guillaume Le Gentil, astronome de Louis XV part vers les Indes pour observer le passage rare de Vénus.
Du XVIIIE au XXI... Xavier Lemercier trouve un télescope dans un appartement vide...
Un conte philosophique d'anticipation qui me plaît plus que celui recommandé par MC, "Double étoile" de Robert Heinleinque j'ai abandonné au bout de quelques pages. Je n'aimais ni le ton, ni l'écriture. peut-être un problème de traduction ? ( Michel Chrétien)...

Anonyme a dit…

Peut-être n’aimez- vous pas les anti- Héros ? J’ai quant à moi beaucoup 2 ce billet d’humeur!

Anonyme a dit…

J’ai Beaucoup aime, bien sur. Encore une correction idiote…

Biancarelli a dit…

J’avais entendu parler de ce Goncourt des détenus.
Je comprends ce que vous voulez dire Soleil Vert.J’ai connu quelqu'un qui dispensait des cours de littérature à la population carcérale. J’avais été surpris d’apprendre qu’il y avait une bibliothèque dans les prisons,Agatha Christie,Le comte de Monte-Cristo. L’enseignant avait réussi à monter une pièce de Gorki”Les bas fonds”.C’est vous dire..
Que des détenus decernent un prix littéraire, je ne vois pas où est le mal.Cet enfermement leur est au moins profitable.
Comme le dit Christiane,cette rencontre fortuite avec les livres leur permet de s’évader peut-être vers un autre monde,elle ouvre une brèche. On sait que la lecture peut sauver des existences et racheter des crimes.Et la littérature abonde de ces même crimes. Peut-être faut-il donner une chance à ces vies égarées.

Soleil vert a dit…

Que la lecture sauve des existences je veux bien, sincèrement.
Quant à décerner un prix Goncourt …
Pour aller au bout de l'idée, proposons à Didier Decoin de tenir les délibérations 2023 à Fresnes.

Christiane a dit…

Mais Soleil vert, je me moque de ces prix. Par contre j'ai vécu un procès d'Assises qui m'a angoissée. J'ai aussi été voir cette détenue à Fleury Merogis. Dans le bus qui m'y conduisait j'ai beaucoup parlé avec les familles qui allaient rendre visite soit à un homme , doit à une femme. Les deux centres sont proches l'un de l'autre.
J'ai pu réfléchir à tout ce qui pousse un être à basculer... Bien sûr il y a dans cette population carcérale des êtres irrécupérables, enfin, je crois.
La détenue que je visitais lisait beaucoup mais se plaignait d'un choix de livres assez restreint et je ne pouvais lui offrir de livres. Interdit !

Soleil vert a dit…

"J'ai aussi été voir cette détenue à Fleury Merogis."
C'est tout à votre honneur Christiane. Mais vous avez raison. Basta les prix.

Christiane a dit…

Oui, basta les prix et que vive la lecture... et l'écriture ( puisque de l'une dépend l'autre

Christiane a dit…

Dimanche

"Aujourd’hui c’est dimanche.
Pour la première fois aujourd’hui
ils m’ont laissé sortir au soleil,
et moi,
pour la première fois de ma vie,
m’étonnant qu’il soit si loin de moi
qu’il soit si bleu
qu’il soit si vaste
j’ai regardé le ciel sans bouger.
Puis je me suis assis à même la terre, avec respect,
je me suis adossé au mur blanc.
En cet instant, pas question de gamberger.
En cet instant, ni combat, ni liberté, ni femme.
La terre, le soleil et moi.
Je suis heureux."
Nassim Hikmet

Christiane a dit…

Le thème du livre que vous aimez, MC, "Double étoile", m'évoque un film de Ernst Lubitsch que j'adore : "To be or not to be".
Là aussi des comédiens mettent tout leur talent à tromper l'ennemi.
Dans ce livre, des martiens, dans le film, des nazis.
Le thème me plaît. C'est l'ecriture qui ne m'emballe pas.

Dans le livre que j'ai commencé, "Les caprices d'un astre", une fiction, Guillaume Le Gentil de la Galaisiere, l'astronome, a réellement existé mais il est mort sans avoir pu pendant son long voyage observer l'éclipse provoquée par Vénus.
De ses onze années, il rapporta deux gros volumes contenant les péripéties de ce voyage dont le titre est : "Voyage dans les mers de l'Inde, fait par ordre du Roi à l'occasion du passage de Vénus sur le disque du Soleil."
Xavier Lemercier, lui, est un personnage de fiction héritant du mystérieux télescope, un antihéros, lunaire... Les chapitres alternés décrivant la vie sur le Berryer sont passionnants et le télescope de cuivre et laiton sur trépied, une merveille. Ils croisent des baleines, regardent les comètes, les aurores boréales, les poissons volants, des oiseaux...

Christiane a dit…

Eh bien pour quitter cette page, juste vous informer que Xavier Lemercier, lui, semble avoir trouvé, avec le télescope, une Vénus qui fait s'éteindre le soleil. Un peu un remake de Fenêtre sur cour d'Alfred Hitchcock mais ce n'est pas James Stewart et il n'y a pas de crime, juste une jolie fille à sa fenêtre.
Bon, je saute au-dessus !