lundi 6 juin 2022

Les étoiles sont légion

 

Kameron Hurley - Les étoiles sont légion - Albin-Michel Imaginaire/Le Livre de Poche

 

 

 

 

« Quelque part aux franges de l'univers, une armada de vaisseaux-mondes organiques, connue sous le nom de Légion, glisse lentement dans le vide sidéral. Depuis des décennies, ses différentes factions se battent pour mettre la main sur la Mokshi, le seul vaisseau capable de quitter l'armada condamnée. La guerrière Zan se réveille sans souvenirs, prisonnière d'un peuple qui prétend être sa famille. On lui assure qu'elle est leur ultime chance de survie, l'unique personne capable de s'emparer de la Mokshi. Pour éviter un massacre, Zan va devoir choisir son camp. Mais comment se décider, quand vous commencez à suspecter que votre mémoire a été volontairement détruite ? »

  

Les étoiles sont légion est le premier roman traduit en France de Kameron Hurley, nouvelle voix de la science-fiction américaine. L’écrivaine dresse avec originalité le décor d’un univers exclusivement féminin tant par ses personnages que par la description de « vaisseaux-mondes organiques » que l’on pourrait qualifier d’utérins. Dans ces vastes écosystèmes auto-dévorant tout se recycle, au bénéfice d'une relative autonomie. Cependant leurs lentes dégénérescences poussent les occupants à chercher le salut dans un vaisseau mythique susceptible de quitter l’armada. A son réveil dans Katazyrna, Zan incorpore les troupes de la générale Jayd. Après une vaine tentative de récupération de la Mokshi, les mondes antagonistes de Katazyrna et Bhavaja signent une trêve scellée par l’union de Jayd et de son homologue, Rasida. Cependant à l’issue de la cérémonie nuptiale un commando de Bhavaja dresse une embuscade et détruit l’escorte de Jayd. Zan, rare survivante est envoyée au Recyclage, peuplé de monstres charognards.

 

La présence de personnages exclusivement féminins dans un roman de science-fiction n’est pas en soi une nouveauté. Elle constitue pour le lecteur contemporain (enfin je l’espère) un postulat qui n’appelle pas d’amples remarques. Autrefois le romancier, la romancière se tenait de justifier l’impensable à coup d’épidémies ou d’apocalypses diverses comme dans L’autre moitié de l’homme de Joanna Russ, Chroniques du Pays des Mères d’Elisabeth Vonarburg ou chez les français Robert Merle (Les hommes protégés) et Claude Veillot (Misandra).

 

Plus intéressante s’avère la thématique de la cruauté pistée par Gilles Dumay, faisant référence peut-être à Un jeu cruel de Robert Silverberg. Zan, Jayd, Rasida entretiennent des relations équivoques, toxiques. Les protagonistes s’entredévorent métaphoriquement parlant, à l’image d’un univers qui subsiste en recyclant ses éléments. On en oublierait presque les procréations et les nouveaux nés que Kameron Hurley zappe pratiquement, évoquant brièvement la naissance monstrueuse d’une roue dentée organique récupérée par le monde-mère ! Anne Simon attribuait l’invention de la procréation extra-utérine horrifique (1) à la gente masculine. La monstruosité réintègre ici en quelque sorte le ventre maternel.  L’universitaire d’ailleurs citait Freud pour lequel le lieu de la procréation (ici les vaisseaux organiques) est aussi « lieu de l’ambivalence, (l’heimlich, le foyer, le familier, la sécurité, finit par signifier son contraire, l’unheimlich) ».

 

Ce space-opera déconcerte par son worldbuilding étouffant, mais ouvre des perspectives thématiques passionnantes.

  

 

 

(1)    De l’alien à l’aliénation ? Procréation et reproduction chez les romancières de science-fiction contemporaines

 

« On a coutume de repérer Frankenstein (1818) comme le premier ouvrage majeur de science-fiction au féminin, même s’il semble que Percey Shelley ait peu ou prou contribué à sa rédaction. Cet ouvrage liminaire, assumé par une femme, n’en concerne pas moins la question de la procréation… au masculin, et renvoie à une vision mortifère du féminin : la mère du Dr Frankenstein,(1) mais aussi l’épouse qu’elle lui destine pour être la mère de leur progéniture potentielle, sont reliées à la mort.(2) Frankenstein annonce par là tout un courant de la science-fiction contemporaine, abondamment commenté, notamment par les women studies anglo-saxonnes. Ce courant assimile la maternité à l’horrifiant, et tente de remplacer la matrice féminine par des procréations techniquement assistées ou purement fantasmatiques, qui permettent à l’homme de contrôler ce pouvoir qui lui est naturellement refusé.(3) Blade Runner (R. Scott), la saga des Alien (R. Scott, J. Cameron, D. Fincher, J.-P. Jeunet), celle des Terminator (J. Cameron), Chromosome 3 et Vidéodrome (D. Cronenberg), Eraserhead (D. Lynch), Total Recall (P. Verhoeven), Invasion of the Body Snatchers (P. Kaufman), Bienvenue à Gattaca (A. Niccol), A. I. Artificial Intelligence (S. Spielberg), The Island (M. Bay), sont autant de films, souvent fascinants, mettant en scène une série de thèmes sur l’engendrement : désir de se débarrasser du ventre féminin, souvent relié à l’immonde, et humeurs féminines obligent, à l’humide (4) ; fantasme de la mère archaïque, mortifère voire phallique(5) ; procréations assimilées à des productions. Et la speculative fiction vient désormais s’allier à la science-fiction pour faire de « l’utérus artificiel » une « expérience de pensée » et de prospective(6).[..]



1 Bien que Mary Shelley ne lui donne aucun nom, je réserve « Frankenstein » pour la créature, et « Dr Frankenstein » pour son « père ».

2 Huet, Marie-Hélène, Monstruous Imagination, Harvard University Press, Cambridge, Massachussets, London, England, 1993, p. 129-163.

3 Voir Bradley, Marion Zimmer, La Matrice fantôme [1997], Paris, Pocket, 1998, p. 421.

4 Héritier, Françoise, Masculin/Féminin, t. 1 et 2, Paris, Odile Jacob, 1996 et 2004 ; Moisseeff, Marika, « L’amour extraterrestre : une mythologie à méditer », in Héritier F. et Xanthakou M. (dir.), Corps et affects, Paris, Odile Jacob, 2005.

5 Creed, Barbara, « Alien and the Monstrous-Feminine », in Alien Zone. Cultural Theory and Contemporary Science Fiction Cinema, A. Kuhn ed., verso, London, New York, 1990, p. 128-141.

Atlan, Henri, L'Utérus artificiel, Paris, Seuil, 2005.


62 commentaires:

Soleil vert a dit…

Bon, faut vraiment que j'attaque Joyce moi

Christiane a dit…

La seule ligne qui m'a fait rêver dans ce topo exhaustif c'est ce vaisseau qui glisse, silencieux, dans la nuit sidérale et à l'étage d'en dessous, Mystère Court qui rencontre en Angleterre la reine Victoria en batracien extraterrestre. Eh bien, je continue à butiner ma bibliothèque, me demandant pour quelles raisons le merle de Raymond porte un plumage de croque-mort.
Messieurs, faites-moi rêver. Il est vrai que la grêle et les orages mettent beaucoup d'habitants dans la détresse. Même les oiseaux jonchent le sol, frappés en plein vol par ces énormes grêlons de glace.
Mais il faut tenir et puis Soleil vert nous mitonne un petit voyage avec un compagnon à la plume amère et ironique : Joyce. Alors tout va mieux, n'est-ce pas !

Anonyme a dit…

Bonjour,
Auriez-vous un lien vers le texte d'Anne Simon ? 🤗
Merci.

Christiane a dit…


Anne Simon (pas la même) a illustré celui-ci ( de circonstance !) et Rosalinde Bonnet l'a écrit : "Où sont passés les princes charmants ?"

Voici un conte détourné plein d'humour et de rebondissements.
"Reprenant les personnages de Blanche-Neige, Cendrillon et de la Belle au bois dormant, l'auteur nous entraîne à la recherche des princes charmants qui ont tous disparu sans laisser de trace ! Quand la Belle au bois dormant s'éveille après un sommeil de 100 ans, et qu'elle se retrouve face à un rat, quand Blanche-Neige est réanimée en tombant par accident de son cercueil et quand Cendrillon rate son fameux bal, rien ne va plus ! Mais où sont donc passés les princes charmants, ceux qui doivent vivre avec elles, heureux pour toujours ? Nos trois princesses décident alors de faire équipe et de partir à leur recherche, en commençant par la tanière du loup et le repaire de la sorcière Carabosse et de ses trolls. Mais le mystère se complique : ce ne sont pas seulement les princes qui ont disparu, tous les trolls aussi. Serait-ce une épidémie ? La sorcière, le loup et les princesses s'allient pour retrouver les disparus. Rosalinde Bonnet nous offre un conte détourné original, un brin iconoclaste, basé sur la rencontre de plusieurs personnages fondateurs de ce genre. Le mélange des différentes histoires permet des rebondissements cocasses et tisse des liens novateurs entre les personnages. Les alliances contre nature, les disputes et autres couacs donnent une deuxième jeunesse à des situations par ailleurs bien connues. Le plaisir est double : il joue sur la reconnaissance et la parodie. Les illustrations d'Anne Simon, résolument modernes et anti traditionnelles, renforcent le comique des mots et ajoutent une grande part d'humour et de modernité au récit !"







Christiane a dit…

L'écrivain et poète Antoine Wauters remporte la 48e édition du prix du Livre Inter avec "Mahmoud ou la montée des eaux" (ed. Verdier). Ouvrage, écrit en vers libres, qui se déroule en Syrie....
Lecrivain : "Je me suis dit que le fait d'exposer une parole qui relate ce qu'il se passe en Syrie depuis un certain nombre d'années, mais avec les mêmes mots, avait tendance à m'éloigner terriblement du sujet et à faire reculer mon sentiment d'empathie, d'où l'écriture de cet ouvrage : l'histoire de la Syrie à travers la voix d'un vieil homme, en le laissant plonger dans ses souvenirs et les eaux de ce lac, avec une parole extrêmement simple."

Ma prochaine lecture en attendant que les princes charmants reviennent...



Anonyme a dit…

Soleil Vert,s’agit-il de Anne Simon chercheuse au CNRS et spécialiste de l’animalité en littérature ?

Soleil vert a dit…

Oui

https://www.fabula.org/actualites/le-mois-de-la-sf-a-l-ens-journees-d-etude-sur-la-litterature-de-science-fiction_13863.php

« De l’alien à l’aliénation ? Procréation et reproduction chez les romancières de science fiction contemporaines », colloque « Littérature de science-fiction » pour le « Mois de la SF à
l’Ens », 12 mai 2006 : http://www.diffusion.ens.fr/index.php?res=conf&idconf=1279

Anonyme a dit…

L'article ne semble plus être disponible 😢

Christiane a dit…

https://www.franceinter.fr/emissions/une-journee-particuliere/une-journee-particuliere-13-juin-2021


Ça, ce n'est pas mal du tout...
Beaucoup de citations littéraires

Christiane a dit…

Reçu Le disque rayé de Kurt Steiner...

Christiane a dit…

Première page : "Qu'était-ce que se souvenir ?"

Christiane a dit…

Très belle écriture.

Christiane a dit…

Le livre a été imprimé en 1970. Pages jaunies. Papier de qualité médiocre. Couverture et illustrations intérieures comme un voyage dans ces années là. Les noms des artistes non mentionnés. La couverture a plus de charme que les dessins malhabiles. C'est un Fleuve noir. Collection anticipation fiction.
Impression de faire un voyage dans le passé.
Le début du roman se déguste comme une BD de science-fiction de ces années là. Celles qu'allait aimer mon fils. Beaucoup de charme. Un monde animal visqueux et carnivore. Des ferrailles. Pas le cadre des aventures intersidérales imaginées aujourd'hui.
Le frôlement de la mémoire pas tout à fait oubliée est très intéressant comme cette certitude que le héros Matt a d'être ailleurs mais pas hors de l'humain.
Impression d'être dans une étoffe d'écriture au goût de peur enfantine. Les ogres ressemblaient à cela, la forêt maléfique du Petit Poucet ou de Blanche neige aussi.
Hum, c'est bien. Ça me plaît. Page 25, chapitre 3. J'ai donc tout loisir de me tromper.

Christiane a dit…

Kurt Steiner a vraiment des questions déroutantes. Ainsi la momie à qui Matt Wood vient de donner son nom, lui demande - Et toi ? ajoutant - Toi et ton nom ce sont deux choses différentes.
Épatant ! Et ce n'est que la page 47.
Pour l'instant, ça ressemble à une fausse aventure, comme quelqu'un qui serait encore sous l'emprise d'un cauchemar, mal réveillé.
Ce corps pensant est lourd comme ankylosé. Son présent est spongieux. Le temps est tremblotant comme une photo floue.

Christiane a dit…

Comment le ciel peut-il être couvert de "ratures" ? Superbe !

Biancarelli a dit…

Je garde sous le coude Les etoiles sont legion.Mon fils étant fan de SF.
Je vais relire la merveilleuse Françoise Heritier, grande anthropologue.
Comme le dit Christiane(pardon pour cette familiarité),un livre en appelle un autre et ouvre d’autres perspectives enrichissantes.
Quelqu’un frappe toujours à la fenêtre et nous lecteurs on est ravis de lire vos chroniques ainsi que les commentaires.

Christiane a dit…

Vous me faites plaisir Biancarelli dans votre désir de relire Françoise Héritier.
Sa pensée de la différence entre le masculin et le féminin passait d'abord par le corps des hommes et des femmes.
Ayant longtemps, à l'atelier, dessiné les uns et les autres, je me souvenais des difficultés pour les femmes, très longtemps de pouvoir disposer de nus masculins.
L'histoire du rapport des deux sexes n'a pas été de tout repos. Aussi suis-je déçue que dans ce livre Les étoiles sont légion il ne reste que des femmes ! La domination masculine remplacée par l'absence d'hommes, c'est frustrant !
Françoise Héritier qui avait étudié les changements positifs concernant les femmes dans ce XXe siècle et qui restait sceptique quant à la notion d'égalité entre femmes et hommes ("il y a partout et toujours un sexe majeur et un sexe mineur, un sexe fort et un sexe faible" classement dichotomique et idéologique qu'elle a longuement interrogé.) aurait été fort surprise à la lecture de ce livre ! Quant à la procréation des femmes, sans doute n'avait-elle pas pensé à la solution proposée par Kameron Hurley.
Quant au célibat prôné dans certaines sociétés, elle le rattachait à un impératif religieux, une vie dont toute sexualité serait absente.
Le problème n'est-il pas aussi celui du pouvoir ?
Elle avait succédé à Claude Lévi-Strauss au Collège de France et y dirigea le laboratoire d'anthropologie sociale. Elle a su se déplacer d'une culture à une autre Afrique, Inde, Chine... pour comprendre comment dans chaque culture et à travers les âges se construisait cette différence et ne cessait de déconstruire les idées reçues sur le masculin et le féminin. Rien ne lui était indifférent. Elle scrutait tout : les mythes, les croyances, les relations entre les membres d'une famille, l'inceste, le sec et l'humide...( L'identité sexuelle si surprenante chez les inuits.)
C'est chouette que Soleil vert ne l'ait pas oubliée.

Christiane a dit…

Et pour la tendresse, ce dernier livre écrit pour un ami qui lui avait dit ne pas avoir le temps, courir après le temps : "Le sel de la vie". Là ce n'est pas sa parole d'ethnologue. Françoise Héritier y fait l'inventaire des petits et grands bonheurs de tous les jours, qui font le "sel de la vie". Marcher le long des chemins sous le vent, se moquer des convenances, se réjouir d'une fleur, d'un parfum, d'un sourire, se souvenir de bons moments de tendresse... De l'enfance, des vacances... écrire à un ami, lire, regarder les nuages, savourer une gourmandise... cuisiner...
Par petites touches, elle note dans ses souvenirs ce qui lui a donné envie de vivre, ces petits bonheurs du quotidien. (Un livre que devrait lire Clopine.)

Soleil vert a dit…

>Biancarelli "Je garde sous le coude Les Etoiles sont legion.Mon fils étant fan de SF."

Quelles sont ses lectures préférées ? Le domaine est vaste et les goûts multiples.

Christiane a dit…

Le final du roman de Kurt Steiner Le disque rayè est jubilatoire. Voilà un très bon livre. Merci messieurs de ne rien m'avoir raconté. Ce Kurt Steiner à un jumeau : le scientifique Erwin Schrödinger et son chat !
Comme du chat on peut se demander si Matt est vivant ou mort. L'existence simultanée de ces deux états est imaginable seulement dans un univers de mondes parallèles. Ainsi un élément peut être dans plusieurs endroits en même temps, ou un chat ou mieux, un homme qui pense et parle, s'interroge, dialogue avec... lui-même.
Ce personnage, Matt Wood, me rappelle le chat de Schrödinger et le Gaspard de Peter Handke. Gaspard logique et illogique, cohérent et incohérent dit : "Lorsque je suis, j'étais. Lorsque j'étais, je suis. Quand je suis, je serai. Bien que je serai, je suis. Chaque fois que je suis, j'ai été. Chaque fois que j'ai été, j'étais...."
Matt pense : "Ou bien je revenais en même temps que je partais (...) ou je reviens avant d’être parti (...) ce nombre infini de voyages se déroule dans une durée circulaire, qui donne à ces voyages un caractère immobile.". "Il se sentait dédoublé, debout et couché à la fois."
Quant au titre du roman Le disque rayé : PARFAIT !
A merci bien, grand plaisir de lecture.
Je retourne donc à cet émouvant et douloureux poème-souvenir d'Antoine Wauters Mahmoud ou la montée des eaux (ed. Verdier). Mais avant, une pose pour savourer la mémoire de ce livre de Kurt Steiner.
Oui, Biancarelli, "un livre en appelle un autre et ouvre d’autres perspectives enrichissantes."

Christiane a dit…

Ah, j'ai retrouvé la phrase du Disque rayé si proche de la pensée citée de Gaspard (Peter Handke) . C'est dans la troisième partie - chap; V - page 212 :
"tu dois encore être ce que tu fus, afin que ce qui sera ne soit pas ce qui pouvait être".
C'est épatant, Soleil vert !

Christiane a dit…

« L’amour extraterrestre : une mythologie à méditer », in Héritier F. et Xanthakou M.

Je n'avais pas vu cette référence. Je ne sais ce qu'elles ont pu écrire ensemble sur "L'amour extraterrestre" mais j'ai de Margarita Xanthakou un ouvrage édité par les éditions Mauguin auquel je tiens beaucoup : "un sursis de tristesse".
Huit textes en prose d'une grande beauté d'une femme qui se souvient d'Athènes, la douloureuse...
"Plainte rauque de la corneille qui blessée ne peut s'envoler, les arbres tournent, tournent, l'herbe en deuil étouffe sous le béton, les vents s'affrontent en trajectoires contraires entre les plumes de l'oiseau. Sa plaie, métamorphose de la plainte en tonnerre - éclairs apocalypses. Le bruit s'éloigne et dans cet effacement incongru reviennent les arbres en fleurs, les galets chantent en clé d'eau. Cris noirs de la corneille immobile - Ils dénoncent massacres et silences."


Christiane a dit…


Nulle surprise de trouver Margarita Xanthakou aux côtés de Françoise Héritier car elle est ethnologue et psychologue, directeur de recherche au CNRS, et membre du Laboratoire d'anthropologie sociale
au Collège de France. Ses travaux- qui portent principalement sur les rapports entre l'ordre social et les formes de déviance - ont donné lieu à de nombreuses publications (essais, articles et ouvrages collectifs).
Cette plaquette poétique retrace la douleur encore vive de la Grèce des colonels....

Anonyme a dit…

Rasyda …Dati?! Bon , je sors et laisse ces Dames à leur SF pour Dames. Tant que j’y suis, Marion Zimmer Bradley ne m’a jamais parue convaincante même dans le Monde de Rocannon. Il faudrait parler ici de Science-Fiction saphique…

Anonyme a dit…

Ce qui , tout de même, en limite la portée…

Anonyme a dit…

Un grand livre en revanche: « le siècle de Marie du Bois ». Comment, Analysée de maîtresse manière par Christian Jouhaud du point de vue de la Micro-Histoire, la vie d’ un modeste valet de Louis XIV transmise par son manuscrit devient une sorte d’enquête labyrinthe touchant à tout le premier Dix-Septieme Siècle, C’est magistral, bien écrit, et passionnant. MC

Christiane a dit…

Donc, le 11 décembre 2012 j'ai assisté à la présentation de ce recueil. C’était émouvant.
"http://www.editionslmauguin.fr/UnSursisDeTristesse
On ne pouvait pas ne pas penser à la junte militaire qui en 1967 instaura un régime de terreur en Grèce, publiant une série de décrets abolissant les libertés individuelles. Le pays est brutalement mis au pas, les opposants arrêtes, les médias censurés.
Un autre ouvrage, plus récent, Mémoires grecques - Hachette. ("Dans les villages du Magne, au sud du Péloponnèse où ne restent que des ruines et des vieilles femmes détentrices du savoir et de la mémoire, une jeune ethnologue part en quête d'un passé foisonnant, ruiné par la guerre. Les contes et les légendes qui lui parviennent relatent l'histoire de ces femmes, leurs souffrances.")

Christiane a dit…

Votre morgue, M.Court, en ces remarques nocturnes, est désolante. Ne seriez-vous pas misogyne ? Trop de femmes intellectuelles et talentueuses sur cette page ?

Anonyme a dit…

Que voulez-vous, quand on limite la société à une moitié de l’humanité, sans la justifier par une problématique façon la Servante Écarlate, bien beau livre au demeurant, on s’expose à ce genre de remarques. Je hais la science fiction genree, comme contraire à la sf tout court. ce point n’est pas négociable. MC

Biancarelli a dit…

Pour répondre à Soleil Vert, mon fils aime beaucoup Thomas Geha qu’il a connu avec la littérature jeunesse, jusqu'à aujourd'hui.L’histoire de la SF en bande dessinée l’a passionné.
Sinon c’est Hugh Howey,Dan Simmons,Rc Wilson et bien d’autres.L’héroïne Andrea Cort à été aussi appréciée et on attend la fin de sa trilogie.
Je voulais rajouter,ayant lu quelques romans de Amin Maalouf,Le premier siècle après Béatrice montre un peu le contraire des Étoiles sont legion. En effet, Maalouf se demande quel serait l’avenir de l’humanité si la nativité n’engendrait que des hommes..Il faudrait partir à la recherche de cette féminité perdue.

Christiane a dit…

Soleil vert, je relis votre billet, l'exploration qu'il propose dans l'univers de la science-fiction concernant, entre autres, la façon dont la procréation y est abordée.
Vous avez raison de remonter jusqu'au personnage de fiction, le monstre de Frankenstein inventé par Mary Shelley. N'est-ce pas le premier roman de science-fiction? Un monstre qui n'aura jamais de nom.
Maitriser le pouvoir de la création...
Quand on pense que cette fiction est née du mauvais temps incitant lord Byron à proposer à ses invités condamnés à rester à l’intérieur du manoir, pour se distraire, d'inventer un récit d'épouvante. Elle avait 18 ans... et publia son récit anonymement, deux ans plus tard. (On n'est pas jeune fille de bonne famille sans contrainte en 1818 !)
Aujourd'hui on a l'imprimante 3D et bien des romans et des films de science-fiction !
Il y a aussi les blogs, dont le vôtre. Vous faites de cet espace un lieu d'accueil pas un lieu d'affrontement et vous avez choisi le voyage littéraire de livre en livre nous permettant d'aller ailleurs, de devenir autre le temps d'une lecture. Avec vous on embarque pour l'Inconnu, on traverse le temps, trébuchant sur les fantasmes des auteurs.
Merci pour vos choix et les beaux voyages que vous nous offrez.

Qui, ici, évoquait le Golem, (vous je crois...) façonné à partir d'argile, un être artificiel, humanoïde, sans libre arbitre, dépendant de son créateur ?
Des personnages naissent et s'ancrent dans notre imaginaire..
Qu'est-ce que la "vraie" science-fiction ? un roman où la science est utilisée pour des expériences souvent inquiétantes.

Soleil vert a dit…

Qu'est-ce que la "vraie" science-fiction ?

Un détour par le futur ou un ailleurs offrant un regard de biais sur notre présent.

Soleil vert a dit…

>"Sinon c’est Hugh Howey,Dan Simmons,Rc Wilson et bien d’autres.L’héroïne Andrea Cort à été aussi appréciée et on attend la fin de sa trilogie."

Dan Simmons,Robert Charles Wilson : du beau monde : fi prévue

>"L’héroïne Andrea Cort à été aussi appréciée et on attend la fin de sa trilogie"

Sortie dans une semaine. Vous pouvez aussi l'aiguiller sur le cycle de La Culture de Iain M. BANKS

Christiane a dit…

Je pensais à la création de Mary Shelley liée à l'avancée des sciences à son époque mais aujourd'hui, oui, ce décalage suffit comme dans l'excellent Disque rayé de Kurt Steiner

Christiane a dit…

Vous écrivez : "Un détour par le futur ou un ailleurs offrant un regard de biais sur notre présent." Je comprends.
Toutefois, votre deuxième proposition me laisse perplexe "un ailleurs"...
Ce peut être tant de possibles. L'ailleurs peut être là devant nous, en nous, dans notre perception du temps, de l'espace. Rester immobile pendant que le monde bouge, pendant que le temps passe.
La science est devenue extensible, incertaine quand on touche au psychisme.
J'ai eu l'occasion douloureuse de côtoyer un ami très cher plongé dans un coma profond, irréversible. Les médecins de l'unité de réanimation disaient qu'il était en état de mort cérébrale. Qu'il était mort, cliniquement. Les tuyaux du respirateur donnaient à son corps une apparence de sommeil profond pas de mort.Il a été "débranché" peu après.
Et pourtant, alors que je restais silencieuse et songeuse près de lui, une infirmière m'a dit - Parlez-lui. On ne sait pas tout. les médecins ne savent pas tout. Peut-être qu'il vous entend. J'étais angoissée par cet acte de parole. Le silence me convenait mieux pour lui parler. Je ne croyais pas qu'il puisse m'entendre autrement que par la pensée. je ne pouvais pas raisonner cette intuition.

J'ai beaucoup pensé à la fin de ma lecture du Disque Rayé de Kurt Steiner.
Cet écrivain est troublant (de plus, il écrit bien). On entre dans des sortilèges, dans un monde où se superposent plusieurs espaces-temps, plusieurs mondes.
En fin de compte, que sait-on du temps et de l'univers ?
"Un regard de biais sur notre présent"... Ce présent qui fait naître plus de questions que de réponses.
Les mystères de notre psychisme sont les plus inconnus.
Tous les monstres sont en nous, les anges aussi.
Et parfois, la vie, si précieuse, semble bien à l'étroit, captive entre deux évidences : la naissance et la mort. Mais d'avant, nous ne savons rien , d'après, non plus. Ce qui est certain c'est qu'il y a beaucoup plus de morts que de vivants depuis que l'humanité existe. Actuellement les vivants sont peut-être seulement des survivants.
Dans tout cela le "cinquante cinquante" de MC est un calcul très approximatif.
Françoise Héritier révèle dans "Masculin-féminin" que les Inuits élèvent leurs enfants en fonction de l'identité qu'ils manifestent en grandissant qu'elle soit masculine ou féminine.
Dans les mythes de l'origine, certains optent pour une unité scindée avant la procréation en deux êtres qui se chercheront inconsciemment toute leur vie pour reformer un tout...
Oui, vous êtes bien entre deux eaux avec ces livres qui tous sont nés de l'imagination d'un écrivain. A nous lecteurs d'en faire une fêlure dans nos certitudes cartésiennes.
Bonne soirée.

Soleil vert a dit…

Merci Christiane.
L'ailleurs : pensez aux Lettres persanes

Christiane a dit…

Le roman épistolaire de Montesquieu... Ces lettres du philosophe persan permettent à Montesquieu de poser un regard d'étranger très ironique et faussement naïf sur ce qui se passe en France. Le fameux "regard oblique" auquel vous revenez souvent. (et si la SF permettait de poser aussi ce regard venu "d'ailleurs" sur notre présent, nos coutumes, nos futilités...) Regard permettant au lecteur d'interroger ce qui parait normal, banal ? Lui aussi avait choisi l'anonymat pour les publier. Je crois qu'il avait dit avoir trouvé ces lettres et les avoir traduites. Beau moyen d'éviter la censure.
Comme pour la SF où les outrances d'un "ailleurs imaginaire" permettent d'oublier ce qu'elles ont saisi de l'actualité de l'Histoire.
Montesquieu était un philosophe courageux. ses charges contre la monarchie absolue (la régence et tous ses travers) ou le poids de la religion sont exemplaires en ce XVIIIe siècle. Le goût de l'époque pour l'orient était un beau camouflage. C'était un aristocrate voyageur et philosophe. Ah, la belle personne !
A la fin des classes du collège nous étions les bénéficiaires d'un prix couronnant nos études. Nous pouvions le choisir. Javais choisi les Lettres persanes tant les extraits lus sur Lagarde et Michard m'en avaient donné envie. Les profs qui assistaient à ce choix avaient été étonnés, tant de livres d'art étaient là, tentants, sur la table.
Ce que j'aimais c'est qu'il essayait de trouver une explication à tout, qu'il interroge les lois. (mais j'étais en avance, par ce choix, sur mes capacités de réflexion. longtemps ce livre est resté comme un signe d'avenir.)
Et puis il y avait cette forme épistolaire. Ma forme d'écriture préférée qui permet réserve et expression par l'écriture, amitié aussi.
Le Siècle des Lumières... Penser par soi-même et s'affranchir des intolérances et préjugés. Les livres, les salons où ils échangeaient leurs pensées. Le Candide de Voltaire ressemble beaucoup à ce voyageur persan. Le voyage autour du monde de Bougainville de Diderot aussi.
Pour la religion, comme j'aime le surnaturel, je les accompagnais pour remettre en cause le pouvoir de répression de l’Église et son fanatisme mais je gardais une certaine idée d'un dieu bucolique et espiègle, inconnu. Un dieu qui souriait de mon athéisme et de mon scepticisme.
Et Diderot et l'idée de l'Encyclopédie. Rousseau aussi pour l'inégalité et ses intuitions de pédagogue (Émile ou de l'éducation). Le pape Clément XIII les détestait et fit brûler l'Encyclopédie.
Et Beaumarchais ! Quel régal que Le mariage de Figaro.
Vous avez toujours des ouvertures épatantes et imprévues. Merci Soleil vert.

Anonyme a dit…

Les premiers voyages interplanétaires remontent aussi, et pas seulement Micromegas,au dix-huitième siècle et à la bibliothèque des Romans Kabbalistiques, Féériques, etc. Holberg dans le Voyage de Nicolas Klimius atteint le centre de la Terre, et d’autres anglais, le système solaire!

Christiane a dit…

Un lien passionnant offert par Jansen J-J sur la RdL :
"L'affaire Louise Labé" par Élise Rajchenbach.
Sont exposés très finement les raisons d'avoir dénigré la parution d'ouvrages écrits par des femmes pas seulement au XVIe siècle.
Cela me fait penser à l'obsession de Baudelaire de Lesbos et des amours saphiques. Au fond, pour Baudelaire, le dandy, se rêvant étranger au désir érotique, la présence des lesbiennes l'arrangeait bien... La volupté pour lui ne pouvait être que le mal, le péché originel ou l'absente. La vie qu'il a menée avec Jeanne Duval fut d'une noirceur inégalée.
Dualité radicale dans son rapport à la femme. Haine et étrangeté. Deux étrangers bien loin du culte porté à sa mère transformées en Madone...
Merci à Soleil vert pour son ouverture d'esprit et à JJJ pour la sienne.

https://laviedesidees.fr/L-affaire-Louise-Labe.html

Soleil vert a dit…

Ne pas oublier l'Histoire comique des États et Empires de la Lune de Cyrano de Bergerac. (1655)
Quant au Voyage de Nicolas Klimius, il faudra que je me procure Les terres creuses de Guy Costes et Joseph Altairac qui recense comme son nom l'indique les civilisations et explorations souterraines.
Un bon souvenir de lecture : Le monde aveugle de Daniel Galouye

Anonyme a dit…

Ah, il y a quelque chose de Swiftien dans cet etudiant qui tombe vers l’inframonde avec son diplôme de these à la main, et s’en sert opportunément pour repousser les assauts d’une immonde bébête volante…. MC

Anonyme a dit…

Et sur Louise Labbe, voit l’édition de Charles Bas, qui clôture en beauté cette polémique par des mots qui semblent avoir été écrits hier. ( ils doivent dater du Second Empire) . «  rien ne permet de penser que Louise Labbe fut une courtisane. » « Rien ne permet de penser que les œuvres ne soient pas d’elle. » Ceci après reproduction des documents sur la Famille…

Anonyme a dit…

Charles Bas? Non, Charles Boy!

Christiane a dit…

Le beau invitant à la marche, mes pas m'ont conduit vers le jardin du Luxembourg. il est le lieu où se superposent le passé et le présent des saisons. j'aime m'y promener, m'asseoir sur une de ces chaises métalliques et lourdes et regarder passer les gens, les enfants. J'avais dans ma musette emporté le livre tellement piquant et élégant de Chantal Thomas Café Vivre - Chroniques en passant (Seuil) Y sont regroupées une cinquantaine de chroniques mensuelles parues entre 2014 et 2018 pour le journal Sud Ouest. Une d'elles, écrite en 2018, est de circonstance et me fait sourire.

Les reines du Luxembourg

"Faisant un tour dans le jardin du Luxembourg (...), j'accorde une attention particulière aux statues des reines et femmes remarquables. Elles sont hautes et belles, certaines célèbres, certaines inconnues. Celles dotées du titre de reine (alors que la loi salique interdisait en France l'accès d'une héritière au trône) portent couronnes et sceptres, et, souvent de longues tresses. elles font partie de l'ensemble des vingt "reines, saintes et dames illustres" dont les sculptures se répartissent de part et d'autre des grands parterres. Des œuvres réalisées, sous la monarchie de Juillet, à partir de 1843. Et, m'apprend aussi le petit écriteau, les femmes ainsi sélectionnées l'ont dû "à leur rôle marquant dans l'histoire de France, leur vertu ou leur renommée". L'idée directrice de cette entreprise étant d'établir par cette série de figures féminines d'exception un équilibre avec les statues d'hommes illustres exposées au palais du Louvre. Hommes et femmes illustres étaient supposés se répondre dans une communauté de rôles décisifs, une égalité d'aventures exemplaires. Une idée sympathique, pour sûr, mais qui me laisse songeuse tandis que je contemple tour à tour la reine Berthe, la reine Mathilde, Marie Stuart, Jeanne d'Albret, Blanche de Castille, sainte Geneviève, Clémence Isaure... Très peu en vérité ont réellement marqué leur époque, puisque l'histoire n'a accordé jusqu'à maintenant quasi aucun rôle politique aux femmes et que celui dont pensent jouir les hommes est davantage un jeu avec des forces en présence, un art de déchiffrer à temps les conjonctures, qu'un pouvoir personnel effectif. (...)
La face impavide de la duchesse de Montpensier me ramène à la réalité : ces belles statues n'ont été plantées là que dans un but décoratif, en un hommage purement formel. Y chercher un éventuel foyer d'ardeur féministe est absurde. Je me dirige vers la sortie et, juste sur le point de rejoindre les luttes du dehors, découvre, seule et peu visible, une statue de George Sand. Elle est habillée d'une robe élégante, avec sous son bras, quelques discrets feuillets. Une image conventionnelle, rassurante. Alors que dans les années mêmes de la commande officielle des vingt reines et dames vertueuses, elle prend la pleine commande de son existence. Elle quitte le nom d'Aurore Dupin, signe ses livres sous celui de George Sand et s'habille volontiers en homme. Elle s'enchante de ses bottes aux talons ferrés : "J'étais solide sur le trottoir. Je voltigeais d'un bout de Paris à l'autre", écrit-elle triomphalement. Elle voltige dans Paris, dans Venise. Au grand scandale de ses contemporains, George Sand voyage, aime, écrit selon son désir. Et si c'était elle la vraie reine du Luxembourg ?"

Christiane a dit…

Le beau temps...

Christiane a dit…


J'ai trouvé cette critique d'un lecteur sur Amazon. Partagez-vous cette impression d'un monde imaginaire assez repoussant ?

"Là tout n’est que matière organique et entropie, chairs, fluides et excrétions. C’est une invitation au voyage dans l’utérus d’un monstre que propose Les Etoiles sont Légion."
Remarques de lecteurs équivalentes sur Babelio.

Hors la remarque de MC qui m'a vraiment étonnée et choquée, je garde une grande aversion pour ce roman. Atmosphère glauque. Monde de femmes vivant les mêmes oppressions que dans un monde mixte où les hommes auraient tout pouvoir pour en faire des esclaves. Cruauté. Violence. Vraiment ce roman ne m'attire pas !
Reste les étoiles... Sont-elles belles au moins ?
Pourquoi Soleil vert avez-vous chroniqué ce roman ?

Soleil vert a dit…

Le lien avec le Frankenstein de Mary Shelley : une conception féminine de la monstruosité.

Je poursuis (avec difficulté suite aux impondérables de l'existence) ma lecture de Gens de Dublin

BAV

Soleil vert a dit…

Et aussi : parfois, comme c'est le cas ici, ce texte m'a intéressé car son récit se trouvait dans la mouvance d'un essai, d'une analyse, ici le texte de Anne Simon. La SF est un terreau d'études pour les sciences humaines.

Christiane a dit…

Je suis au bureau de vote, vous réponds plus tard. Merci.

Christiane a dit…

Joyce apprécierait cette lenteur dans la lecture de ses nouvelles. Ainsi, la lecture dure plus longtemps.
J'apprécie votre réponse. Il est vrai que si longtemps on a voulu dans ces familles aristocratiques que la femme soit chaste et docile, bien loin de son corps, de son désir.
Mes fantasmes me conduisent ailleurs, vers un monde de respect mutuel entre la femme et l'homme, de différences consenties comme un ailleurs à explorer avec tendresse. Le sang et les humeurs, peut-être pour soigner un être blessé. Pour l'érotisme, un mot, une caresse suffisent pour larguer les amarres.
Ce que j'aime dans la science-fiction c'est l'inconnu de l'autre et le cosmos roulant ses astres, une pluie d'étoiles filantes en plein cœur de l'été.

Un merle du voisinage. Son chant au matin et au crépuscule est si beau que j'aime le silence autour de moi pour l'écouter. Je regarde le ciel, les toits, les antennes, les cheminées, les feuillages. Je ne le vois pas. C'est encore plus beau.

Je lis un roman épistolaire (Montesquieu m'en a donné le goût). C'est Jacques London et son amie Anna Strunsky qui se répondent dans deux rôles de composition, lui, un vieux poète anglais romantique, elle, un jeune universitaire américain assez cynique. Le thème : un mariage en vue et le sentiment amoureux. La titre ? "L'Amour et rien d'autre".(traduit de l'anglais et édité chez libretto.) Une belle analyse des sujets de l'amour qui préoccupent les hommes et les femmes.
J'aime le ton philosophique de ce livre, l'absence de tabous. Une belle écriture.
En attendant Joyce, c'est très bien.

Christiane a dit…

Bien sûr la lettre que James Joyce adressa à Nora le 2 décembre 1909 me donne tort et vous donne raison...
Je suis restée sidérée en la lisant...

Soleil vert a dit…

Ouf, Pierre Louÿs eut de la concurrence !

"Rencontres" contient des … ambiguïtés ...On en reparlera.

Par contre, Les étoiles sont légion ne donne pas dans l'érotisme ni le scabreux. Vous pouvez y voir un cauchemar organique.

Christiane a dit…

Pierre Louÿs n'avait-il pas lui aussi, pour ses torrides et lyriques Chansons de Bilitis, joué au traducteur (texte grec d'une poétesse antique, "Bilitis", qui aurait vécu sur l'île de Lesbos) ? Une belle écriture au service de l'amour saphique et de la nature.
(Que de pseudo-traductions d'écrivain en écrivain !)
La dédicace est amusante :
"Ce petit livre d'amour antique
est dédié respectueusement
aux jeunes filles de la société future.

Pour le plaisir de l'image, la dernière strophe de la vingt-deuxième chanson :
"Je m'en allai le long du fleuve,
tristement, et toute seule, mais
en regardant autour de moi, je
vis que derrière les grands
arbres la lune aux yeux bleus
me reconduisait."

Vous écrivez :"Rencontres" contient des … ambiguïtés ...On en reparlera"
J'ai perdu le fil. De quelles Rencontres ne parlez-vous pas ? Avec vous, il faudrait être Arachné qui était la tisseuse la plus adroite de Lydie. Elle broda les amours scandaleuses des dieux... si on en croit Ovide.
La science-fiction des métamorphoses hors limites, des monstres. Pauvre Arachné changée par Athéna en araignée désormais condamnée à avaler, dévorer, incorporer dans son ventre, ses proies. Tiens, cela ressemble à votre roman de ventres galactiques !(De quoi alimenter aussi la création de Louise Bourgeois et la Métamorphose de Kafka.)
"Après cela, en s'éloignant, elle l'aspergea de sucs extraits d'une herbe d'Hécate. Aussitôt touchés par le funeste poison, les cheveux d'Arachné tombent ainsi que son nez et ses oreilles ; puis sa tête devient minuscule, tout son corps aussi rapetisse ; des doigts ténus à la place des jambes, s'attachent à ses flancs, et son ventre forme le reste ; c'est là qu'elle produit du fil et que, devenue araignée, elle s'applique à ses toiles de jadis." (VI, 139-145)

Au plaisir de vous lire. On ne s'ennuie pas avec vous !

Christiane a dit…

Est-ce "Une rencontre", la deuxième nouvelle des Gens de Dublin ? Oui, bien des ambiguïtés. On en reparlera, oui , avec plaisir.

Christiane a dit…

Le titre du livre "Les étoiles sont légion" fait-il référence aux légions des milliers de vaisseaux qui constituent
cette armée ou désigne-t-il une grande quantité d'étoiles ? Je crains, lisant votre présentation, qu'il ne s'agisse encore d'une histoire de conquête et de batailles...
C'est triste de regarder le ciel de nuit que pour imaginer des guerres. Je préfère la lune aux yeux bleus de Pierre Louÿs ...


Christiane a dit…

Et si je cherche une approche plus scientifique, je lis : "La Voie lactée est le nom de notre galaxie. Foyer du Système solaire, elle est de type spiral, s'étend sur environ 100.000 années-lumière et contient 100 à 400 milliards d'étoiles. À cela il faut ajouter au moins autant de planètes.
Depuis la Terre, elle apparaît comme une traînée de lumière blanche laiteuse parcourant le ciel, d'où son nom. Observée dès l'Antiquité par les Anciens, elle est ainsi baptisée d'après la mythologie grecque, selon laquelle Héra aurait arraché Héraclès, fils de Zeus, de son sein, faisant ainsi gicler le lait sur la voûte céleste.
Galilée observe en 1610, grâce à sa lunette astronomique, que cette traînée blanchâtre est en fait une région dense en étoiles, indiscernables à l'œil nu.
De plus, au cœur de la galaxie se tapit un trou noir supermassif de plus de quatre millions de masses solaires. L'ensemble de la galaxie est entouré d'un halo, qui serait constitué d'étoiles, de gaz et de matière noire."

Cela suffit pour me faire rêver.





Christiane a dit…

"Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées ;
Mon paletot aussi devenait idéal ;
J’allais sous le ciel, Muse ! et j’étais ton féal ;
Oh ! là ! là ! que d’amours splendides j’ai rêvées !

Mon unique culotte avait un large trou.
– Petit-Poucet rêveur, j’égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse.
– Mes étoiles au ciel avaient un doux froufrou (...)"

Le Petit Poucet entre l'infiniment petit et l'infiniment grand dans la grande forêt des contes vient ici étoiler la rêverie de Rimbaud. Voilà un ciel que j'aime comme celui étoilé de Van Gogh comme la gouache découpée de Matisse : Icare. Un monde sans limite... On ne sait plus où on est. Qu'ils créent d'un trait de plume, ces auteurs de science-fiction, un ailleurs pour lecteur immobile.

Christiane a dit…

Une autre galaxie...
J'ai refermé tout doucement Mahmoud ou la montée des eaux d'Antoine Wauters. Roman écrit-il. Paru chez Verdier.
Un vieil homme, Mahmoud, méditant près de son village englouti, sur sa barque bleue. Il dit la construction du barrage de Tabqa submergeant un village. Un barrage de Syrie situé sur l'Euphrate.
En dessous de lui, le vieil homme sait sa maison engloutie, son village fantôme, les champs, l'école, la mosquée... le village des morts. Il plonge pour retrouver ses souvenirs, ses morts... Il les entend.
Il revit la guerre et ses atrocités, la torture, les emprisonnements... sa femme Sarah, ses enfants, deux fils et une fille... Tous disparus... Il songe à la paix ancienne de son pays remplacée par l'effroi... Il désigne le mal par une écriture haletante (en vers libres) puis reprend sa mélopée douce, flotte et clapote au rythme de sa mémoire, tanguant comme sa barque.
Dix-huit courts épisodes interrompus par les silences blancs de la page.
Retrouver la guerre en Syrie autrement que par les images des médias. Un témoignage différent. Un monologue poétique bouleversant, lumineux.
"Toute une galaxie de particules insaisissables composées de millions et de millions de moments, lieux, odeurs, douleurs, visages, mots et silences qui ont rempli la vie."

Soleil vert a dit…

> Christiane :

"J'ai trouvé cette critique d'un lecteur sur Amazon. Partagez-vous cette impression d'un monde imaginaire assez repoussant ?

"Là tout n’est que matière organique et entropie, chairs, fluides et excrétions. C’est une invitation au voyage dans l’utérus d’un monstre que propose Les Etoiles sont Légion."
Remarques de lecteurs équivalentes sur Babelio."

Question intéressante que l'on pourrait retourner à ces commentateurs. Pourquoi cette vision organique du corps féminin vous fait-elle peur ?

Christiane a dit…

Les lecteurs ? Je ne sais mais je suis mal à l'aise avec ce réalisme dans l'écriture moins dans l'art. Dans l'écriture je dois affronter un monde imaginaire qui me renvoie à un rapport intime avec mon corps. C'est intrusif. Dans l'art, la distance préserve et induit un autre voyage par les formes et les couleurs. C'est en dehors de moi.
Les mots sont plus dangereux. Ils me font vaciller, l'art, jamais.

Christiane a dit…

Je ne suis pas contente de ma réponse. Comment dire autrement le remous intérieur que votre question soulève ?
Il y a des domaines intimes qui, pour moi, ne peuvent s'extérioriser par la parole. Je résiste. Je préfère dans ce domaine le monde de l'implicite, du silence, un hors-langage qui peut-être se trouve dans l'art. Dans la parole un vide. Le langage n'y aurait pas de prise. L'écriture de Joyce, allusive, me convient mieux. Comment traduire ce qui est en moi de plus essentiel ? Incommunicable ?
Le lecteur est un être tellement solitaire... exilé.

Christiane a dit…

Soleil vert,
j'ai trouvé votre article sur Dune, suivi de votre dialogue avec Gérard Klein (et même "anonyme" qui pose quelques questions). C'était en 2014.
C'est bien la mémoire des blogs.