vendredi 9 juillet 2021

Le bel été

 

Cesare Pavese - Le bel été - Folio bilingue

 

 

 

« Je peux vous aider, mais je ne peux pas vous guérir de la vie »

 

 

Comme porte d’entrée à la littérature italienne, je me réjouis de choisir l’écrivain Piémontais Cesare Pavese dont le Journal intime Le métier de vivre - lu il y a bien longtemps - révéla une existence fracturée entre les passions du siècle et des tragédies intimes. Né en 1908, il étudia la littérature anglaise à Turin. Parallèlement à son métier d’enseignant, il réalisa des traductions d’œuvres américaines et dirigea la revue Culture. Il adhéra en 1932 au parti fasciste italien pour obtenir un poste, plus que par conviction : il facilita d’ailleurs la correspondance d’opposants à Mussolini et fut assigné pour cela en résidence en Calabre. Au sortir de la guerre il adhéra au Parti Communiste, travailla pour les éditions Einaudi et publia romans et poésies jusqu’à son suicide le 27 Aout 1950.

 

Publié en 1949, Le bel été, longue nouvelle, n’est pas la création la plus célèbre de ce lointain parent d’inspiration de Fitzgerald. Elle participe cependant de sa manière, c'est-à-dire des histoires qui reposent essentiellement sur la subjectivité des personnages. L’héroïne Gina est âgée de seize ans au début du récit. Elle vit chez son frère Severino, un ouvrier et elle-même travaille dans un atelier de couture. C’est l’été et elle guette avec impatience le moment de la sortie en compagnie de ses copines : « A cette époque-là, c’était toujours fête.il suffisait de sortir et de traverser la rue pour devenir comme folles, et tout était si beau, spécialement la nuit, que, lorsqu’on rentrait, mortes de fatigue, on espérait encore que quelque chose allait se passer, qu’un incendie allait éclater, qu’un enfant allait naitre dans la maison ou, même, que le jour allait venir soudain et que tout le monde sortirait dans la rue et que l’on pourrait marcher, marcher jusqu’aux champs et jusque de l’autre côté des collines. ». Il y a l’insouciance, la jeunesse, et à travers tout le texte un éloge de la légèreté, sans les arrières pensées d’un Kundera.

 

Cesare Pavese et Tina Pizzardo
De toutes les amies de Ginia, une se détache, Amelia, qui vit d’expédients et pose pour des peintres. Un peu plus âgée, vingt ans, elle fascine sa toute jeune amie et l’introduit dans son microcosme artistique. Pavese rédige là une sorte d’éducation sentimentale dont le final colore mélancoliquement de quelques nuages, sans dramaturgie, le ciel des deux jeunes filles. Tout est décontextualisé dans ce livre. Le milieu ouvrier dont sont issues les héroïnes aurait pu servir de toile de fond à une fresque néoréaliste façon cinéma italien d’après-guerre. Mais le récit pencherait plutôt vers un réalisme poétique à la Marcel Carné. L’ouvrage s’affranchit des descriptions et s’attache aux dialogues. Du portrait physique des personnages, le lecteur retient surtout un détail, la voix rauque d’Amelia, empruntée à Tina Pizzardo, le grand amour déçu de Pavese.


Malgré l'absence d'éléments matériels qui caractérise le texte, un lieu cependant échappe à l'évanescence, c'est l'atelier de peinture. Ginia et son amie y retrouvent Guido et Rodrigues. Un rideau coupe la pièce en deux, dissimulant un lit. Ginia tente de grapiller quelques instants d'intimité avec Guido. Mais le local, ouvert à toutes les promiscuités, symbolise une forme d'impuissance affective ou sexuelle que met en évidence la syphilis d'Amelia.

 

Le bel été émeut par la simplicité, le naturel et la fraicheur du style. Pavese avait tout de même trouvé ici une forme de bonheur dans l’écriture, brodant sur le thème de l'échec sentimental avec une pudeur extrême.


 

Post-scriptum : merci à Paul Edel pour ses remarques.


1 commentaire:

Anonyme a dit…

Lecture difficile mais Pavese devait être très attachant, un peu comme un éternel adolescent,ne tenant pas compte des expériences décevantes.
Mais après tout,comme le disais Bernanos,L’enfer c’est de ne plus aimer.
Bien à vous

Biancarelli