mercredi 6 août 2025

The Dark Side of the Moon

En Décembre 2024 le magazine Rock&Folk sortait un hors-série compilant 70 ans de rock en près de 700 albums. Pas un historique du genre et des courants, même si les articles mentionnent forcément les influences. Non une déclinaison année après année de disques et de CD choisis par les contributeurs du prestigieux magazine. Comme tout un chacun je regrette quelques absences et m’interroge sur la présence de certains. En tout cas en décalant d’un an c’est toute ma vie en musique qui s’offre là avec pour ma part une préférence, âge oblige, pour le socle des années 60 et 70.

Le tout est servi par de belles plumes et c’est la chronique de l’une d’entre elles que je voulais citer, écho des liens fraternels qui unissent le rock à la science-fiction, confrérie dont le maitre d’œuvre à pour nom David Bowie. Voici donc une recension rédigée par Eric Dahan de The Dark side of the Moon emblématique opus de 1973 du Pink Floyd à rajouter à l’historique dossier du Cafard Cosmique Rock’n SF.

 








L'époque où l'on écoutait "Aladdin Sane" et où on allait voir "Orange Mécanique" n'avait plus d'idéal, mais on savait que le salut viendrait des machines, des ordinateurs IBM gigantesques trônant dans des salles blanches pressurisées, mani­pulés par des opératrices en blouses de coton adressant parfois un sourire derrière la vitre au visiteur de passage. Le salut viendrait aussi de l'espace, de stations orbitales climatisées où cohabiteraient négresses acid et businessmen en costumes et mallettes Delsey déjeunant au milieu des étoiles, de compléments nutritifs sous vide. Ce monde sans passion, dans lequel tout semblerait défiler pour le bien suprême de tous, avait déjà sa bande-son, "The Dark Side Of The Moon". Plus question d'affect ici, de singularité encombrante ou même d'histoire. Exit le père fondateur Syd Barrett. Les enfants de l'espace voulaient jouir de leur nouvelle liberté sexuel et politique, et les Pink Floyd seraient leur big band synthétique dans le grand silence de la Voie lactée.


Du bottleneck nuageux de "Breathe ou "Us And Them" comme un songe creux de Théodore Sturgeon avec ses chœurs stratosphériques, au cliquetis cynique des jackpots de "Money", en passant par la gorge profonde de "The Great Gig In The Sky", ou l'explosion mélodique du refrain de "Time" préparée par les carillons et les battements cardiaques et couronnée par le solo freak-out de David Gilmour, tout ici fera date, l'album (aux manettes duquel siège Alan Parson) se mettant aussitôt sur orbite des charts mondiaux et plus précisément du Billboard pour plus d'une décennie, et se vendant aujourd'hui encore par millions. Après cela, le Floyd réussira encore deux trois virées dans le grand bleu avec "Shine On You Crazy Diamond" ou "Wish You Were Here", avant d'overdoser sous la vulgarité des velléités de sens trop littéraires d'un "The Wall". En attendant, et pour l'éternité, avec sa façon de mettre en formes un monde nomade, aux points d'intensité éclatés, à peine hanté de désirs migrants se posant au ralenti comme des papillons sur leur objet, "The Dark Side Of The Moon" du Floyd et ses posters intérieurs ouvrant sur un désert dévorant de pyramides bleutées et de cratères sans fond restera comme l'une des plus belles machines déterritorialisantes de l'histoire de ce qu'on appelait encore à l'époque la culture pop.

ERIC DAHAN




Post-Scriptum : glanés en picorant dans le hors-série 44











23 commentaires:

Anonyme a dit…

Such a shame de Talk Talk..

Christiane a dit…

Ouh là. On ne vit pas vraiment sur la même planète... En 69, je mettais mon bébé au monde. Et je regardais la Lune rêvant qu'il serait un jour à la semblance de ces grands rêveurs.
Plus tard, un soir. Nous nous promenions. Il avait trois ans. Il était silencieux. On entendait les bruits doux de la nuit.
Il me demanda, s'il devait mourir un jour, de ne pas l'enterrer mais de le mettre dans une fusée qui tournerait autour de la Terre dans les étoiles. Aujourd'hui il invente des romans dessines avec des personnages issus des revues des années 80...
Je n'écoutais pas du tout ces musiciens (billet). Mon univers c'était Barbara, Brassens, Ferrat, Léo Ferré, Anne Sylvestre ou des musiques comme Boieldieu, Bach, les Italiens. J'avais entendu parler de Jim Morisson et je lisais les poètes baroudeurs de la route. Donc je n'ai pas grand chose à dire sur ce billet qui doit rappeler des souvenirs à bien des amis de Soleil vert.

Christiane a dit…

La Beat Génération... La guerre du Vietnam, ( US go home), les hippies... Donc Jim Morrison, mais aussi Jim Jarmusch, Janis Joplin, Bob Dylan, Tom Waits , Jack Kerouac...
Comme c'est loin et beau ces années-là...
Une guitare, un sac à dos, la route...

Anonyme a dit…

Talk talk années 80, Bjork années 90. SV

Anonyme a dit…

The Dark side of the moon 1973 SV

Anonyme a dit…

Qu’est-ce (c’est du Dahan) qu’un songe creux de Théodore Sturgeon? Car il me semble qu’il en fit peu…

Anonyme a dit…

Que voulez-vous ? Je préfère Sigur Ross. Au moins ça ne bavarde pas…

Christiane a dit…

J'aime beaucoup le dernier paragraphe de la "recension rédigée par Eric Dahan de The Dark side of the Moon emblématique opus de 1973 du Pink Floyd". même si je ne connais pas les musiques dont il est question.
Néanmoins, ce côté sombre de la Lune, symbolisant un futur possible de l'humanité est très sombre ...

Anonyme a dit…

https://www.google.com/search?q=chapoutoy+les+irresponsables&rlz=1C1GCEA_enFR1067FR1067&oq=chapoutoy+les+irresponsables&gs_lcrp=EgZjaHJvbWUyBggAEEUYOTIJCAEQLhgNGIAEMgkIAhAAGA0YgAQyCQgDEAAYDRiABDIICAQQABgWGB4yCAgFEAAYFhgeMggIBhAAGBYYHjIICAcQABgWGB4yCAgIEAAYFhge0gEKMTI0MTBqMGoxNagCCLACAfEFJbeoA2reJRTxBSW3qANq3iUU&sourceid=chrome&ie=UTF-8#fpstate=ive&vld=cid:620794f5,vid:sUjW6eGNw6k,st:0
... cf. à partir de le 36e minute - 1932 vs 2025 ?... comme des analogies ?

Christiane a dit…

Ce qui m'a frappée c'est la notion de "Résistance" évoquée par Chapoutot notamment à propos de "La résistible ascension" de Bertold Brecht.
Ce matin j'écoutais une émission sur la bombe atomique. Il y était également question de Résistance face aux décisions d'un groupe décisionnel qui dans ce cas est lié aux ambitions et intérêts des groupes industriels qui construisent ces monstres en perdant de vue la vie des êtres humains. La dissuasion nucléaire est un leurre...

Christiane a dit…


Et encore comme dans "La Résistible Ascension d’Arturo Ui" de Bertolt Brecht, réfléchir aux mécanismes qui rendent possible l'installation des dictatures par les réseaux de complicités, les intérêts financiers, la non résistance des peuples qui s'en remettent trop facilement aux élites décisionnaires. Chapoutot aussi affirme que la tyrannie n’est pas une fatalité. Merci pour ce document.

Christiane a dit…

La pièce de Brecht s'achève par cet épilogue désormais fameux : « Vous, apprenez à voir, plutôt que de rester / Les yeux ronds. Agissez au lieu de bavarder. / [...] Les peuples en ont eu raison, mais il ne faut / pas nous chanter victoire, il est encore trop tôt : / Le ventre est encore fécond, d'où a surgi la bête immonde. »

Christiane a dit…

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-grandes-traversees/5-5-un-heritage-eternel-3282536

Formidable émission.

Christiane a dit…

Ou encore, ce souvenir de lecture :
"Ils étaient vingt-quatre, près des arbres morts de la rive, vingt-quatre par-dessus noirs, marron ou cognac... Les ombres pénétrèrent le grand vestibule du palais du président de l’Assemblée ; mais bientôt, il n’y aura plus d’Assemblée, il n’y aura plus de président, et, dans quelques années, il n’y aura même plus de Parlement, seulement un amas de décombres fumants. Pour le moment, les vénérables patriciens sont là, dans le grand vestibule ; ils échangent des propos badins, respectables ; on croirait assister aux prémices un peu guindées d’une garden-party. "

Personnages ubuesques du grand théâtre de la politique européenne, en 1933.
C'est un livre d’Eric Vuillard, "L’Ordre du jour", 2017 , Actes Sud, qui obtint si justement le prix Goncourt.

Christiane a dit…

https://www.lhistoire.fr/prix/goncourt-2017-%C3%A9ric-vuillard-prim%C3%A9-pour-%C2%AB%C2%A0lordre-du-jour%C2%A0%C2%BB
Un bel article de Pierre Assouline pour la Revue "l'Histoire".

Anonyme a dit…

Rappelons-nous du rôle sous estimé, dans le Chapoutot (2025, sauf p. 261) du général Kurt von Hammerstein, farouche opposant à Hitler, alors qu'on lui demandait les critères sur lesquels il jugeait ses officiers :
« Je distingue quatre espèces. Il y a les officiers intelligents, les travailleurs, les sots et les paresseux. Généralement, ces qualités vont par deux. Les uns sont intelligents et travailleurs, ceux-là doivent aller à l’état-major. Les suivants sont sots et paresseux ; ils constituent 90 % de toute armée et sont aptes aux tâches de routine. Celui qui est intelligent et en même temps paresseux se qualifie pour les plus hautes tâches de commandement, car il y apportera la clarté intellectuelle et la force nerveuse de prendre les décisions difficiles. Il faut prendre garde à qui est sot et travailleur, car il ne provoquera jamais que des désastres"... Une certaine conception de la noblesse d'armée prussienne... (in, H-M Enzensberger, Hammerstein ou l'intransigeance).

Christiane a dit…

Intéressant et plein de bon sens !
Mais nous nous éloignons, me semble-t-il, du sujet choisi par Soleil vert : le lien entre les romans de science fiction mettant en scène la fin du monde ou des univers imaginaires post apocalyptiques par les artistes évoqués ici appartenant à l'univers du Rock ou du Folk soit par le thème de leurs chansons soit par leur apparence ( costumes, coiffure, genre de vie....) depuis les années 70..
Et là, je ne connais rien !

Christiane a dit…

Je suppose que pour les concerts de Rock, une même fusion est possible mais là je n'ai aucune expérience et ce n'est pas ma musique. Là, la radio est le transmetteur ou le disque suffisent. Je n'ai pas trop aimé les quatre vidéos offertes par Soleil vert. Ce n'est pas mon monde. Aucune mémoire... Mais j'ai aimé le billet, l'autre en lien , et je crois avoir compris le côté sombre de cette planète.

Anonyme a dit…

Oui, on s'éloigne un peu, semble-t-il... En vacances de la RDL, aussi..., beaucoup d'éloignement, même. Irrespirab' était-elle devenue, et Pat Hibulaire (((cf... Jazzi dit: 9 août 2025 à 11h21 « Ouf ! Enfin une bonne nouvelle. » Mais Chaloux est inconsolable ! JJJ a droit aussi aux vacances…))). Rapprochons-nous du billet. Le côté sombre de la lune demanderait à être plus systématiquement exploré, du côté de la science dite non fictionnelle.
Rock&Folk, au Diapason des années septante. Jamais trop tard pour se mettre à la plage, Pauline. Et puis..., d'aller récouter Einstein on the Beach (1977) !... ça rapproche.

Christiane a dit…

Qui a écrit ce commentaire ? Je ne sais, mais il me touche.
Je suis retournée sur la RdL mais uniquement pour lire ce beau billet de Passou sur Rilke. Je n'ai lu aucun commentaire. Je n'en lirai plus. Mais je continuerai à lire les billets de Pierre Assouline.
J'ai tracé une frontière entre ses billets et les commentaires. J'ai donné mes raisons. Je n'en ai pas changé . Mais je tiens à être fidèle à la pensée de Pierre Assouline. J'aime ses romans, ses articles, ses prises de parole. Je l'ai écouté ce matin dans l'émission d'Alain Finkielkraut, rediffusée, à propos de son roman planté dans le réel, "L'Annonce". Quelle douleur...

Anonyme a dit…

Aimer les romans, vous êtes courageuse . MC

Christiane a dit…

Non, intéressée. Je retiens
"Le Portrait" ou cette dame peinte par Ingres regarde passer et sa vie et les visiteurs...
"Lutetia" et l'ombre des déportés...
"Rosebud"... mon préféré...
"Sigmaringen" en suivant les pas d'un majordome et en pensant à certaine musique de Schubert...
"Retour à Séfarade"... poignant
"L'Annonce"..
Une autobiographie dans l'enfer de la haine.
"Le paquebot"... "Le nageur"...
Autant d'heures délicieuses, plongée dans son univers où fiction et mémoire marchent à l'amble. Et je n'ai pas évoqué les biographies étayées par des heures de recherches, de lectures d'archives.
Oui, j'ai aimé.

Vous êtes parfois injuste, comme ça, pour decocher une flèche qui s'en va dans les airs et se perd.

Christiane a dit…

En parlant de courage... Dites-le lui...