Peut-être inspiré par un voyage effectué en 2008, et suite à des échanges effectués avec des réfugiés politiques, Greg Egan a choisi de situer l’intrigue de son huitième roman en Iran. Un coup de cœur de l’auteur en forme d’immersion dans un pays au fond méconnu et sur lequel se concentrent de fortes tensions internationales.
2012 : après une affectation au Pakistan, le journaliste australien Martin Seymour atterrit à Téhéran en pleine effervescence sociale. Il couvre les manifestations d’un peuple avide de démocratie et peu enclin à troquer la couronne des Pahlavi contre le turban des Mollahs.
Pendant ce temps, une jeune iranienne exilée aux Etats-Unis diplômée du MIT, travaille sur un projet de cartographie du cerveau humain.
Quinze ans après, Martin a fondé une famille à Téhéran. Il exerce un nouveau métier de libraire. Une succession de drames personnels s’abat sur lui et les circonstances l’amènent à croiser la route de Nasim Golestani, la scientifique iranienne rentrée au pays. Celle-ci a abandonné son premier projet, faute de fonds nécessaires, et s’investit dans la création d’un univers virtuel, Zendegi. Martin lui demande alors, en s’appuyant sur ses précédents travaux, de concevoir un double numérisé de lui-même afin de poursuivre l’éducation de son fils via un scénario de jeu inspiré du Shâhnâmeh, un poème épique traditionnel iranien.
Comme l’indique le pitch, Greg Egan a divisé son roman en deux parties.
La première plus courte et très réussie, s’apparente à un quasi-reportage ou un docu-fiction rédigé avant les troubles survenus à la suite de la réélection de Mahmoud Ahmanedijad et bien avant le Printemps Arabe qu’il préfigure étonnamment, y compris dans l’utilisation détournée d’outils technologiques existant (le mobile par exemple) ! A son habitude l’auteur truffe son texte de gadgets. Apparemment anecdotique, l’épisode de la numérisation des 33 tours de Martin au début du récit renvoie subtilement à la conclusion finale.
La deuxième partie nous plonge dans les eaux plus familières des thèmes traditionnels Eganiens, illustrés par le travail de virtualisation de Martin effectué par Nasim, les oppositions suscitées par Zendegi et les réflexions éthiques qu’il engendre : les Mandatés, ces personnages créés de toute pièce à partir de cerveaux cartographiés, ont t’ils des droits ?
Les lecteurs de la nouvelle « Le coffre-fort » du recueil Axiomatique retrouveront aussi un registre affectif qu’exploite l’auteur australien dans la narration de la relation entre Javeed et son père. Un échange poursuivi dans le virtuel au sein du Shâhnâmeh à des fins ludiques et pédagogiques qui n’est pas sans rappeler le manuel interactif imaginé par Neal Stephenson dans le foutrissime et génial L’âge de diamant.
Ce fil rouge émotionnel domine la fin du roman plus que les subtilités du latérochargement. Tout se bouscule un peu avec le télescopage des scènes de fantasy virtuelles et de la prise en charge médicale de Martin.
Reste en filigrane le récit d’une immersion d’un homme dans un pays étranger et son imaginaire. On peut ne pas adhérer au trip iranien de Greg Egan mais Zendegi est un ouvrage attachant aux personnages multidimensionnels ballottés entre la brutalité du réel, les mirages du virtuel et la mémoire des disparus. Bref, lecteur, il te faudra passer à la caisse.
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