T. C. Boyle - Water Music - Libretto
« Allons donc,
camarade ! C’est l’Afrique ici ! Le chas de l’aiguille, la mère du
mystère, le cœur des ténèbres ! »
Confronter Le Seigneur des Ténèbres de Robert Silverberg, récemment chroniqué ici, à un autre
monstre littéraire, le fameux Water Music de T.C. Boyle, voilà qui ne
manque pas de sel. Première oeuvre d’un enseignant américain né dans l’état de New
York, elle donna le coup d’envoi d’une
carrière littéraire jalonnée de plus d’une vingtaine de romans et de recueils de
nouvelles. S’inspirant d’événements réels, l’auteur se définit essentiellement
comme un conteur, abordant des faits sociaux contemporains au sein desquels on
peut déceler une sensibilité écologique.
Water Music, titre emprunté à une composition de Haendel
raconte, à la fin du XVIIIe siècle soit deux cents après la saga imaginée par Robert Silverberg, l’irruption des anglo-saxons dans le continent noir sous
l’égide de l’Association Africaine (alias la Société Africaine de Londres).
Exit le Congo, c’est le fleuve Niger qui nourrit les rêves de Mungo Park, un
explorateur écossais. Il y reviendra à plusieurs reprises, tentant en vain de
déterminer son cours. Son nom restera associé à cette entreprise, comme ultérieurement
ceux de Burton et Speeke le seront à la découverte des sources du Nil.
Etonnamment Boyle double
ce récit picaresque d’une seconde ligne narrative indépendante de la première, aux allures de roman social à la Dickens - en plus sombre -, proche des Misérables
d’un certain Victor Hugo. Si pour le jeune écossais la musique de l’eau résonne
des accents de l’ambition et de l’aventure, en revanche pour Ned Rise les flots
de la Tamise aux bords desquels il vient parfois se réfugier emportent dans leur
courant glacé ses espoirs d’une vie meilleure. Orphelin et élevé par une
vieille femme – la même qui dérobera son
propre enfant – Ned est un champion de la survie. Tour à tour entrepreneur de
spectacles érotiques, vendeur de caviar frelaté, jouant de malchance, son
horizon de potence se précise chaque jour davantage.On dirait véritablement que pour narrer
cette odyssée londonienne tour à tour drôle et tragique, Boyle a fait siens ces
mots de Victor Hugo dans la préface de Cromwell : « […]la
muse moderne verra les choses d’un coup d’œil plus haut et plus large. Elle
sentira que tout dans la création n’est pas humainement beau, que le laid y
existe à côté du beau, le difforme près du gracieux, le grotesque au revers du
sublime, le mal avec le bien, l’ombre avec la lumière. ».
Champion de la survie, Mungo
Park l’est un peu aussi. Sa première expédition en solitaire pour le Niger échoue
dans le Sahel. Avec l’aide de Johnson, dépêché par l’Association Africaine, -
le même Johnson qui d’ailleurs tua en duel l’unique protecteur de Ned Rise – il
échappe (provisoirement) aux Maures et aux fièvres pour atteindre après moult
péripéties le Niger. Auréolé de gloire lors de son retour en Angleterre, il
troque cependant la perspective d’une vie calme et bourgeoise contre le sel de
l’aventure.
Tout ceci aboutit à un
roman de 800 pages sans perte de rythme, truffé de personnages secondaires hauts
en couleurs tels Ailie la femme de Park, ou Georgie Claig l’éternel
prétendant, sans oublier Fanny, avec un F comme Fantine, martyre hugolienne. Bien entendu les deux héros se retrouveront dans un final
étourdissant. Water Music est une épopée fabuleuse, surtout si l’on
songe qu’il s’agit d’un premier roman. Et cette comparaison avec Le Seigneur
des Ténèbres ? Ne comptez pas sur moi …
1 commentaire:
Salut !
Le bouquin sédimente dans ma pal. Un jour, il faudra que je.
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