mardi 3 avril 2018


Hubert Haddad - Mā - Zulma





« La lune justement éclairait sa chambre tout autant que sa bougie. Posée en piles égales sur trois étagères de bambou, sa bibliothèque valait pour lui amplement les Trois Trésors sacrés: à commencer par les Notes de chevet et le Dit du Genji des dames admirables, ou encore le Recueil des dix mille feuilles. Et toute cette littérature des temps féodaux où les voyageurs, poètes et moines érémitiques parcouraient des contrées de brumes et d'orages à travers les guerres incessantes, les cataclysmes et les famines, laissant à peine une fleur de lotus, surgie d'une tourbe immonde, rappeler l'uni­vers à son néant béatifique »




Hubert Haddad, auteur que j’avais rapidement présenté dans Le Peintre d’éventail, aime poser sa plume dans les contrées lointaines, au gré de sa fantaisie. Cependant il n’appartient pas à la catégorie des écrivains voyageurs tels Cendrars ou Bouvier; il est de ceux qui immerge ses lecteurs plus qu’il ne les dépayse.


, inspiré de la vie d’un personnage célèbre, a pour cadre l’archipel nippon comme l’ouvrage précité. Le titre exprime à la fois l’idée d’espace, de durée, de séparation, de vide. Ce concept taoïste et quelque peu rebelle à nos modes de vie modernes consuméristes et connectés prend ici toute sa signification. raconte l’histoire d’un ermite, poète et mendiant qui choisit d’emprunter les chemins de l’oubli et d’organiser son existence autour de rien.


Shōichi Taneda alias Taneda Santōka vécut de 1882 à 1940. Son périple semble inspiré de celui du Bouddha. Fils cadet d’une famille de riches propriétaires, foudroyé par le suicide de sa mère, il délaisse femme, enfant et biens matériels pour s’aventurer sur les routes en s’enivrant de saké et d’haïkus. Hubert Haddad rédige sa biographie par le biais de Saori , une traductrice japonaise contemporaine. Récemment divorcée et inconsolable, elle prend pour amant un jeune étudiant dont l’allure pataude lui rappelle celle du poète vagabond. Avant de disparaître elle lui lègue un manuscrit. L’intrigue bascule alors (trop ?) brutalement des émois amoureux du jeune Shōichi aux pérégrinations de l’ermite mendiant.


Hubert Haddad plonge le lecteur dans un de ces jardins dont il a le secret. Itinéraire intérieur autant qu’extérieur comme L’oeuvre au noir de Marguerite Yourcenar, évoque le vagabondage de ces moines pèlerins immortalisés par Hokusai et Hiroshige. L’écriture colle souvent au plus près des haïkus de Santôka et de son maître Bashô  « Traverser d’un pas de myope le brouillard des montagnes … » - abondamment cités par ailleurs.


Moins attirant que Le peintre d’éventail, appartient cependant à cette catégorie de romans que l’on aime refeuilleter à plaisir moins pour les péripéties que pour la beauté du texte.

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