dimanche 2 juillet 2017

Alexandre le Grand et les aigles de Rome



Javier Negrete - Alexandre le Grand et les aigles de Rome - L’Atalante Poche








Écrivain et enseignant espagnol, essentiellement traduit et publié en France chez L’Atalante, Javier Negrete partage son oeuvre entre heroic fantasy et romans historiques. La publication dans nos contrées d’Alexandre le Grand et les aigles de Rome en 2009 fit sensation dans le fandom. En effet sous les oripeaux de l’uchronie s’y révélait un récit fortement documenté en particulier dans le domaine de l’histoire militaire. Negrete, rappelons le, a enseigné le grec. A l’intérêt du pitch se joignait une interrogation. L’écrivain avait auparavant abordé le sujet dans un autre récit, Le mythe d’Er. Comment allait il renouveler le thème ?

Et si Alexandre le Grand n’était pas mort à Babylone en 323 avant JC ? Borges aborde brièvement le sujet en suggérant que le Macédonien aurait incorporé incognito sa propre armée comme simple soldat. Histoire d’entretenir la légende ? Dans le récit qui nous occupe, un médecin envoyé par l’oracle de Delphes sauve miraculeusement le Roi, victime d’une tentative d’ empoisonnement fomentée par Roxane, sa première épouse et Perdiccas chef de la cavalerie des Compagnons. Alexandre annonce à ses généraux sa décision d’investir l’Occident et Carthage. C’est l’intention ultime que lui prête d’ailleurs certains historiens.

Pendant que la flotte sous les ordres de Perdiccas et Néarque s’aventure dans le Golf Persique en vue de conquérir l’Arabie, le monarque fonce en Macédoine punir les faux coupables responsables de son assassinat avorté. Il établit ensuite une base à Poseidonia en Italie, non loin du Vésuve. C’est à quelques encablures de là en Campanie que quelques éléments de ses troupes se font massacrer par des légions romaines commandées par un certain tribun du nom de Jules César. Le personnage est évidemment fictif, mais ses compétences rappellent furieusement celles du vainqueur de la Guerre des Gaules.

Dés lors l’affrontement s’avère inévitable, mais il faudra tout de même patienter six cent pages pour en voir l’issue. D’ici là les intrigues de palais se succèdent et c’est l’occasion pour Negrete de ressusciter les univers soldatesques macédoniens et romains. Défile également toute une galerie de personnages pittoresques, fictifs ou réels (1) dont la maléfique et somptueuse Roxane-aux-mamelons-hérissés-comme-des-sarisses (à l’instar jadis de Silverberg, l’écrivain espagnol ne dédaigne pas les romans érotiques), Perdiccas, soldat impulsif et courageux, Cratère, le plus fameux des généraux d’Alexandre avec Parménion, Méléagre chef irascible. Réussis également les portraits de Démétrios et Euctémon, deux frères athéniens ruinés. Le second, mathématicien de génie, absorbé dans l’étude des cercles qu’il trace dans le sable évoque Archimède.


Plus mystérieux et à mon avis trop esquissé le personnage de Nestor, messager du destin, voix narrative quasi hors texte, aux compétences médicales hors normes, déçoit et attise paradoxalement la curiosité. La référence en la matière reste Zénon d’Elée, héros de L’œuvre au noir. Marguerite Yourcenar avait dépeint un médecin aux prises avec les ténèbres de l’intolérance et des superstitions moyenâgeuses, conscient de l’étendue de son ignorance. Question d’interprétation peut être … Quoiqu’il en soit Alexandre le Grand et les aigles de Rome, légèrement coloré d’uchronie, est un roman historique qui impose le respect.


(1) Negrete détaille la liste de ses personnages en fin de volume.

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