André de Richaud - La Nuit
aveuglante - Marabout
Au cours d’une fête de village, un jeune homme turbulent interrompt
une procession religieuse en haranguant la foule depuis sa fenêtre, le visage
dissimulé par un masque rouge de démon surmonté de deux cornes. Les villageois
se dispersent, le scandale remonte à l’Archevêché, la famille de l’impudent est
ostracisée, et, pire, le masque s’incruste définitivement, condamnant le
malheureux à l’exil. Cyprien, nom qu’il ne révèle que tardivement, vit
désormais dans une masure au fond d’une combe. Du robinet d’une cuisine, coule
un vin sans alcool, sa seule nourriture. Le Diable a installé une horloge au
déclenchement nocturne, muette le jour, un lit qui apparait en fin de journée et disparait à
l’aurore. Pas de livres, mais de l’encre et du papier sont fournis au Maudit.
Le Destin terrifiant de ce personnage reflète un peu celui
de son créateur. De Richaud en effet à fait irruption sur la scène littéraire
en 1930 avec La Douleur avant de sombrer peu à peu dans l’oubli. Le
récit racontant la liaison d’une veuve de guerre avec un officier allemand
souleva un tollé comparable, nous dit son éditeur, à celui provoqué par la
parution du Diable au corps de Raymond Radiguet. Mais son titre de
gloire est d’avoir déclenché la vocation littéraire d’Albert Camus :
« J’ai découvert qu’un enfant pauvre pouvait s’exprimer et se délivrer par l’art
» (1) et « L’entretien qu’il a accordé au journal Les Nouvelles littéraires
en 1951, l’année de la parution des « Rencontres avec André Gide », évoque de
nouveau l’apport fondamental de Richaud : Mais Richaud, dans La Douleur,
parlait de choses que je connaissais : il peignait des milieux pauvres ; il décrivait
des nostalgies que j’avais ressenties. J’entrevis, en lisant son livre, que moi
aussi j’aurais peut-être quelque chose de personnel à exprimer. » (2)
Après ce coup d’éclat la carrière d’André de Richaud ne connut plus le même
succès, malgré une production non négligeable et un faisceau d’amitiés. Il
mourut dans le dénuement. Ainsi naissent sinon les malédictions d’écrivains du
moins les qualificatifs.
Une pâle lumière alimentée on ne sait comment éclaire la
pièce principale le soir et inspire à Cyprien ce soliloque élégiaque :
« D'où viens-tu, clarté fidèle qui apparaît sur mon front au moment
même où le soleil s'engloutit en fumant dans les eaux du fleuve qui ferme mon
horizon ? Comme dans les familles on laissait autrefois un morceau de gâteau pour
le pauvre, qui te commande, à l'heure où la nuit descend, de venir éclairer mon
infortune ?
De la plaine, ton éclat doit se confondre avec celui des proches
étoiles. Miette de jour, tu attends irrévocablement le retour du soleil et,
même si je le désirais, je ne pourrais t'éteindre.
Lumière qui ne chauffe pas, froide comme mon âme je te
hais. Qu'as-tu de commun avec celle qui s'attarde, le soir tombé, au fond des
yeux des oiseaux de nuit ?
Lueur implacable, ressembles-tu à la vague chargée de mille feux qui va et vient d'une terre
à l'autre à travers l’océan gonflé de rumeurs ? Plus pauvre que la lampe
de l'ouvrier, au cinquième étage de la ville, qui mange une soupe froide et sans goût ; plus misérable que la lanterne du médecin de campagne
attardé, qui erre sur la lande dans le vent
d'ouest, cherchant la bicoque de l'agonisant qui ne le paiera pas ; moins
sanglante que la lumière qui tracasse le prisonnier, comme un remords,
jusqu’à ce qu’il avoue … »
Désespérance, colère alimentent un quotidien entrecoupé de balades et de chimères, vision de « philosophes » au sein d'une baraque à l'abandon - le chapitre le moins réussi du
livre - apparition … de la tête d’une jeune fille décapitée en 1793
et pourtant bien bavarde. Ces évènements ont au moins l'avantage de nourrir son manuscrit et de l'empêcher de sombrer définitivement. Par le thème de l'écriture salvatrice André de Richaud rejoint son émule Albert Camus dans un récit à visée autobiographique
rédigé dans un style magnifique :
« Bientôt la lune se dissimula et toute la nature
disparut à mes yeux. J’ai perdu l’habitude d’avoir peur dans le noir et je ne
crains jamais de perdre ma route. Tous les chemins mènent à mon désespoir. »
(1)
Carl A. VIGGIANI, « Notes pour le futur biographe d’Albert
Camus »
(2)
Lire à ce sujet La
lecture de “La Douleur” de Richaud chez Camus, par Tomoko Ando Faculty of
Humanities, Kyushu University

160 commentaires:
Je me souviens de ce roman, de cette écriture. Lu dans les années soixante-dix, ce livre m'a vraiment impressionnée , surtout dans la première partie avec ce masque terrifiant qu'il ne peut arracher.
J'ai cherché beaucoup détails sur la vie d'André Richaud. A l'époque, pas d'ordinateur, ni wikipédia, ni internet, ni blog. Je parlais surtout avec des libraires, des profs, des amis. J'ai compris qu'il avait eu une vie de misère et de solitude, illuminée par quelques amitiés littéraires mais se tenait loin de la foule. Alcoolisme et folie le guettaient. Il a laisser quelques livres et écrits terribles. Je n'ai pu garder ce livre. Il changeait quelque chose dans mon environnement que je ne savais définir.
laissé
Nous nous retrouvons à la faveur d'orbites élliptiques
On ne peut rien contre la gravitation...
Vie solitaire? Tant que cela? Je dois confondre, alors…
https://youtu.be/uOPqN-Zupa0?si=UPymlno1HNpNKbUZ
L'entendre parler, lire ses poèmes. Écouter des témoignages. J'ai écouté cette longue émission et j'ai beaucoup appris sur la vie d'André de Richaud
J'ai pensé, lisant cet étrange roman, à une tentative pour André de Richaud d'approcher les forces obscures qui se cachaient dans don inconscient, cette obsession de la mort, ce choix d'être solitaire au milieu des autres, ce silence assourdissant qui travaille sa vie. Quelque chose de sombre dont il ne pouvait s'arracher. Tout est symbolique dans ce roman. Il faut que je le relise.
Je reviens au "Jugement dernier" de Hieronymus Bosch, où l’enfer est rempli de démons qui torturent les personnages présents dans le panneau. Une vision chaotique de la mort assez proche de la poésie de André de Richaud et de son livre La douleur.
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/hors-champs/le-noir-6034737
La lampe du diable de Goya éclaire peut-être cette nuit aveuglante de André de Richaud.
Ce qui effraie Cyprien c'est qu'il n'est pas intérieurement ce diable horrible que les autres voient en lui. Donc, il fuit. Est-ce une punition divine ? Une entourloupe du Diable ? Un accident ?
Est-ce que nous sommes ce que les autres voient en nous ?
Et sait-il qui il est ?
C'est un roman d'horreur sur l'identité mais qui n'a pas d'effet cathartique. Il plonge le lecteur dans quelque chose de gluant, d'obsédant d'autant plus irrésistible que c'est magnifiquement écrit. Une lecture propice à faire de mauvais rêves...
Et pourtant ce n'est pas le même processus que dans la métamorphose de Kafka. Là on entre dans le surnaturel.
Joue-t-il sur une peur préexistence en nous ? Non. Le lecteur est tout à fait étranger à ce personnage qui se raconte au début du roman par contre il entre peu à peu dans le psychisme du lecteur.
Et enfin, j'ai le souvenir de cette maison où il se réfugie emplie de phénomènes inexpliqués , plongeant Cyprien dans la peur.
Cela me rappelle le Château d'Otrante de Horace Walpole . Lecture encore plus ancienne !
Oui, confusion avec André Fraigneau !!!
Je dois avoir le Château d’ Otrante, dans l’édition Corti…
Je crois qu’il est assez commun, ayant même fait l’objet d’une reedition chez Corti dans la Petite Bibliothèque Romantique, où me trompe-je ?
Oui, et même en Pléiade.
La chance c'est de ne pas l'avoir égaré, de pouvoir le prendre là où il est pour le feuilleter, le relire.
Il y a souvent un livre avant le livre, un livre avant ce livre-là. Est-ce que la littérature de l'imaginaire est née sous la plume d'un écrivain, un jour, quelque part ou tout roman est-il écrit sous le signe de l'imaginaire ?
Et nous, lecteurs lisons-nous sans imaginer, surtout ce qui n'est pas écrit, juste frôlé, juste annoncé.
La frontière se perd vite entre ce qui est écrit et ce que nous lisons. Entre les deux mille romans qui ne seront jamais écrits et qui font une vie.
"Le Château d’Otrante : histoire gothique", traduit par Dominique Corticchiato, préface de Paul Éluard, Paris, José Corti, « Collection Romantique », 1943 ; réédition : 1995
Plus profondément, il ne nous reste parfois des fictions qu’un cadre où nous sommes tentés, car nous oublions, d’apporter des enjolivements. L’oubli persiste après l’illusion de la Relecture…Nous ne pouvons pas tout retenir, même Otrante, ou une scène me marque…
Une scène sur un canevas romanesque, c’est peu…
Que c'est juste ce que vous dites là ! Oui, une scène, un détail l'emportent et quand nous relisons, nous nous rendons compte de tout ce qu'on a oublié ou transformé. Et ça, c'est merveilleux .
Chic, j'ai retrouvé "La ville de sable" de Marcel Brion !
Inhabituel : deux billets de suite sur votre blogue, à propos de textes que j'ai lus moi aussi…
Mais à propos de Richaud, j'en suis à me demander si nous parlons bien des mêmes textes. Je connais deux nouvelles ("Le miracle" et "La maison que j'habite") formant diptyque, publiées dans un recueil différent (à moins que seul l'intitulé ne varie ? Mon recueil emprunte le titre d'une autre nouvelle : Échec à la concierge, éd. L'arbre vengeur).
Cependant, l'histoire racontée (en 35 petites pages (20 + 15) seulement) correspond au résumé que vous donnez (et rien dans l'appareil critique n'indique que l'auteur ait repris, retravaillé, étoffé ces deux textes pour en faire un roman). D'où mon étonnement.
Christiane, je n'arrive pas à démêler si vous en parlez de mémoire — et alors ce serait peut-être tout simplement l'effet produit autrefois (la forte impression) qui vous aurait conduit à en amplifier les dimensions dans le souvenir — ou bien si vous avez relu récemment un roman (intitulé La nuit aveuglante ?)
Il n'y aurait pas grand intérêt à ce que je parle de textes différents…
e.g.
À l'occasion de cette vérification (dans mon exemplaire), une précision m'a étonnée et je me demande si l'un de vous en sait davantage : la 1ère nouvelle du diptyque (dans l'ordre chronologique de l'histoire racontée) est signalée comme ayant paru pour la première fois "dans À la page, n°39, septembre 1967) et la seconde, à T + 22 après l'événement … "dans Horizon, n°2, 1945."
Faut-il en conclure que ce qui apparaît aux lecteurs comme une suite a été écrit d'abord ? Que le récit de "l'accident", l'“effrayante osmose” entre sa “viande et le papier mâché” n'a été rédigé qu'a posteriori, en tant que "prequel"/"antépisode" ?
Ou bien avez-vous lu (ou entendu) quelque part que "Le miracle" n'aurait pas d'abord trouvé preneur ? Assez peu plausible, on se demande pourquoi de Richaud n'aurait pas cherché à le "caser" avec/à l'occasion de la publication de "La maison que j'habite"… À moins, évidemment, d'une erreur (interversion) dans mon édition ?
(Je m'aperçois, un peu tard, que mes remarques & mes questions présupposent que l'histoire dont nous parlons est bien la même.)
e.g.
Pour moi c'est un roman. Je vous donnerai plus de détails quand je le recevrai. Souvent épuisé, quelques exemplaires fort chers
D'excellentes critiques.
Mais l'auteur a écrit bien d'autres nouvelles et romans.
(en passant, & sans insister, à propos d'un autre souvenir flou : prenez quelques minutes pour relire le début de La Légende de Saint Julien l'Hospitalier, chasseur acharné et bien massacreur d'animaux comme saint Hubert…)
e.g.
oui, c'est le dernier indiqué ; ce que j'ai lu comme des nouvelles aurait donc été extrait en deux occasions différentes du texte d'un roman antérieur (de peu en ce qui concerne "La maison que j'habite") ; c'est bien possible, puisqu'il avait besoin d'argent, et sans doute les revues n'exigeaient-elles pas des inédits dans cette période chaotique.
Mais la chasse à courre est effectivement un massacre d'animaux, hier comme aujourd'hui.
https://fr.wikisource.org/wiki/Trois_Contes_(Flaubert)/La_L%C3%A9gende_de_Saint_Julien_l%E2%80%99Hospitalier
Si vous suivez la pagination (entre crochets dans la marge gauche) cela commence avec la petite souris blanche p. 84, puis les oisillons, puis le pigeon, les cailles, les lièvres, les renards, les oiseaux à la chasse au faucon, les cerfs avec sa meute, les oies, les loutres, un coq de bruyère en passant, les boucs sauvages p. 90, les grues assommées, le castor, un chevreuil, un daim, un blaireau, un paon, "et quand il les eut tous occis, d’autres chevreuils se présentèrent, d’autres daims, d’autres blaireaux, d’autres paons, et des merles, des geais, des putois, des renards, des hérissons, des lynx, une infinité de bêtes, à chaque pas plus nombreuses. Elles tournaient autour de lui, tremblantes, avec un regard plein de douceur et de supplication. Mais Julien ne se fatiguait pas de tuer" (p. 91), puis le carnage des cerfs dans le vallon, avant la rencontre de la famille de cerfs, en bordure de forêt — le faon et la biche expédiés, la dernière flèche plantée au front du grand cerf, celui qui le maudit (p. 93) Est-ce assez ?
Il me semble qu’elle les écrivit , ces Malheurs à Pluneret, chez son gendre, pas trop loin de chez moi. Elle y est d’ ailleurs enterrée…
Ces écrivains ont beaucoup d'imagination pour évoquer l'enfance....
Oui, la Comtesse de Ségur n'en finit pas d'inventer des situations perverses de l'enfant, transgressant l'interdit. Un sadisme d'enfance comme dans la longue énumération voulue par Flaubert. L'un et l'autre fomentant une punition de leurs héros imaginaires. Une réserve de cruauté infligée à l'enfance.. Les petites Filles modèles ou le saint qui en met du temps avant d'être pardonné, autant de récits d'enfance qui cachent peut-être des romans familiaux.... Sortes de fantasmes. Les contes de Grimm et de Perrault, d'Andersen n'en sont pas avares non plus. Certains romans du XIXe siècle non plus. ( Hugo dans L'homme qui rit et ce pauvre enfant défiguré, mutilé)
Quel incroyable tableau empli de fustigations punitives d'où n'est pas exempt un certain autoérotisme sadique pour l'écrivain et le lecteur , une jouissance immorale. Une enfance fantasmée, indécise, même un peu bestiale.
Comment vont-ils s'en sortir. ? Peu de ces auteurs les accompagnent jusqu'à l'âge adulte.
Mais les enfants sont capables de haine et de cruauté, n'avoir plus de retenue dans le mal. Est-ce une réponse pernicieuse à des sévices reçus ? Un fait de société surtout si l'endoctrinement les pousse à haïr, à se déshumaniser (XXe siècle).
Je pense à un roman terrible, Sa Majesté des mouches, de W.Golding. (ces enfants qui survivent, suite à un accident d'avion, dans une île déserte). De quoi observer les conditions propices à la domination, à la prise de pouvoir, une horde réunie autour d'un culte rendu à une idole. Une montée d'angoisse jusqu'à la mise à mort d'un enfant. Monstruosité des enfants en bandes livrés à eux-mêmes.
M.C., je suis heureuse de relire "La ville de sable" de Marcel Brion.
Que de tapis ! Oui, ils ont une grande importance comme Bardouk le conteur.
"Bardouk a joué un grand rôle dans ma vie, à cette époque. Je lui dois beaucoup, et beaucoup plus que de m'avoir aider à mieux connaître le langage de ce pays. Des histoires, je le comprends, étaient pour le Persan à peu près ce que les tapis de celui-ci étaient pour moi. Le conteur nous avait pris en amitié, et quand il nous voyait venir, il nous faisait signe de prendre place, près de lui. Nous refusions, préférant nous confondre dans la foule des artisans, des petits marchands et des oisifs qui avaient formé le cercle autour de l'arbre. Il nous semblait, en effet, que l'histoire nous parvenait plus chaude et plus vivante si nous l'écoutions, mêlés au peuple anonyme."
Ce que j'ai aimé retrouver dans ce conte c'est le final, grandiose. Le sable revient et recouvre implacablement la ville. Les habitants fuient. Le dernier est une femme - pas Alma mais Alana -. Puis le e rêve se referme. Il se réveille dans la grotte près de son guide, regarde le sable du désert, pense qu'il serait bon de faire des fouilles et peut-être de découvrir une nécropole oubliée.
Son guide lui fait remarquer la bague qu'il porte au doigt, une cornaline gravée. Il lui demande d'où elle vient. "Dans le sable", répond-il...
Voilà.
Je gardais une mémoire du début, de la fin, du sable, des tapis, du conteur, du chamelier, de la caravane... Mais j'avais complétement oublié le centre du récit : la chronique de cette petite ville éphémère.
Le sable du temps est l'essentiel du récit comme le lui avait dit un vieillard en haussant les épaules avec indifférence : "Tout est recouvert par le sable, un jour ou l'autre. Tout est sable. De même tout passe. Et nous passons."
Quel rêve... Qu'importe si l'archéologue n'a pas réellement vécu cette aventure...
Entièrement d’accord avec vous ,eg,la cruauté de Julien envers les animaux est bien réelle, elle ira jusqu'à la consommation du crime. Un beau conte qui rappelle les légendes dorées du 14ème siècle.
Beau livre dans lequel je me replongerai!
Oui, c'est un plaisir. Ce Marcel Brion est étonnant. Quel talent et quel potentiel .!
Finalement comme le disait Pierre Dumayet ”Lire c’est vivre plusieurs fois”. Merci à tout le monde pour ces suggestions.
Libraire
Dumayet exprime là une vérité. Merci de votre présence accordée.
Oui, libraire, relire les livres, les parcourir, en entier, ou une page que l'on a surlignée, cela fait lien avec l'écriture, ici, sur ce blog accueillant de Soleil vert.
Un lien aussi avec le passé - si nous relisons.
C'est un contact avec les livres qui n'a pas de fin, une insatiable faim d'y retourner, encore et encore.
C'est baigner dans le langage, la matière verbale quotidiennement, naître à son rythme, établir avec elle un rapport amoureux parfois ludique .(Je pense à JJJ qui ne manque aucune occasion de caracoler dans ce carnaval savant.)
Parfois une tension querelleuse entre certains, chacun cherchant son grain de voix, son souci d'être, sa mémoire. Écrire ici... parfois une aventure harassante mais toujours passionnante. Vouloir vaincre par les mots, les mots contraires, l'énigme d'un livre. Un dialogue toujours en suspens prenant parfois l'apparence d'un énorme fatras, plein de notes de lecture.
Vous dites " c'est vivre plusieurs fois" - c'est presque une métamorphose de soi en livre - citant le grand Pierre Dumayet, je citerais volontiers Marcel Proust. "La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature."
Bonne journée.
A propos de Flaubert...
(Ernesto Sabato, "L'Ange des Ténèbres", page 121 :
"Imaginons un instant la sombre enfance de Flaubert à l'Hotel-Dieu, l'hôpital de Rouen. Cet hôpital, je j'ai scruté attentivement, méticuleusement, en tremblant. L'amphithéâtre donnait sur le jardin de l'aile occupée par sa famille e
En grimpant à la grille avec ses sœurs, Gustave, fasciné, contemplait les cadavres en décomposition. C'est à cette époque-là qu' a dû pour toujours se graver, macabre et sordide, le mal métaphysique qui pousse presque tous les grands créateurs à chercher leur redemption dans l'art, la seule puissance qui semble nous sauver du caractère transitoire de toutes choses, et de la mort inévitable. (...)
C'est peut-être à cette grille, en observant la corruption des corps, que Gustave est devenu l'enfant timide et renfermé qu'il fut, paraît-il, distant et ironique, arrogant, ayant conscience à la fois de sa précarité et de sa puissance (...) cet enfant à la fois sensible et désabusé qui décrit la cruauté de l'existence avec une espèce de plaisir rancunier. Le monde lui répugne, le blessé, l'ennuie : avec arrogance il décide d'en faire un autre, à son image et à sa ressemblance. (...)
Le créateur est partout, pas seulement en ses personnages. Il choisit le drame, le lieu, le paysage."
Ainsi je lis ce massacre d'animaux attribué à saint Julien, dans le conte de Flaubert , métaphoriquement, à l'auteur plus qu'au personnage emprunté à la légende dorée et au vitrail.
Hanté par ses démons, ses souvenirs d'enfance, il prononce avec les mots écrits ceux qu'il n'a jamais prononcés dans la vie. Il fait le récit de ses visions.
Oui de même que chez Mario Vargas llosa, Flaubert influença l’œuvre de Sabato pour exprimer ses obsessions.
Je conseille ”Lettre à un jeune romancier ”de Vargas llosa pour en savoir davantage sur cette influence.
Merci, je ne connais pas. Encore une découverte due aux passagers de ce blog.
https://www.theatre-des-ateliers-aix.com/lettres-a-un-jeune-romancier-de-mario-vargas-llosa/
Une lecture de ces lettres que j'aurais aimé écouter.
Oui Le théâtre des ateliers dirigé par Alain Simon. Très dévoué.
Voilà ce qu’il disait lors d’une interview :” Les lecteurs ont une mission sacrée, comme ceux qui entretenaient les feux autrefois la nuit dans la rade de Marseille,pour les bateaux au large.
Quelle image puissante !
Christiane à 10 h 15 : "je lis […] métaphoriquement" ou "je lie […] métaphoriquement à l'auteur" ?
On a l'impression d'un mélange des sens des 2 verbes.
Si je reformule : 1) vous faites une lecture allégorique de ces massacres d'animaux (il ne faudrait pas s'arrêter à la signification littérale, mais deviner des fantasmes ou des hantises, une signification psychologique) & 2) vs reliez ces hantises à la personne de l'auteur (Julien prête-nom de Gustave, le Conte comme autobiographie déguisée).
Mais si la chasse & la hantise du cadavre, de la décomposition sont certes l'une & l'autre en rapport étroit avec la mort (la chasse, active, produit des cadavres), justement, on ne voit pas trop comment l'une pourrait symboliser l'autre (la métaphore rapproche des domaines différents).
Je ne dis pas que l'hypothèse biographique est absurde, mais 1) qu'elle n'est qu'une hypothèse, 2) que son point d'application serait plutôt la fin du conte (l'épreuve rédemptrice de la proximité, au risque de la contamination, avec une chair répugnante) & 3) qu'elle ne permet pas de passer à la trappe les passages du texte évoquant explicitement le massacre, considérable amplification du "se trouvait un jour à la chasse" (de Voragine), laquelle souligne la cruauté, l'indifférence à la souffrance & la spirale de la violence, & fournit une motivation à la prédiction/malédiction du cerf (totalement absente chez l'hagiographe).
e.g.
Je n’ai pas l’impression ( je puis me tromper) que Flaubert ait beaucoup chassé. Ni qu’il ait vécu si seul qu’il veut bien le dire. Ne pas oublier Louise Colet et les deux zouaves…..,
Je ne suis pas sûre de pouvoir vous convaincre qu'il ne s'agit pas de "chercher la petite bête", de couper les cheveux en quatre, ni de "polémiquer" sans fin. Il ne s'agit pas non plus transformer l'évocation d'une œuvre à une sorte de quiz (le genre de contrôle que donnaient les profs de collège de mes enfants pour vérifier si les élèves avaient lu le livre) ! Mais comme vs vs inscriviez en faux contre une affirmation parfaitement justifiée de votre interlocutrice ("Saint Julien l’hospitalier de Flaubert, qui rappelons le massacrait les animaux dans la forêt"), j'ai pensé
que vs aviez tt simplement oublié le début du conte, ce qui en soi, n'est pas bien grave. Je vs ai donc invitée à vérifier (ce que wikisource ou Gallica permettent qd on n'a plus le livre sous la main & qu'il s'agit d'un "classique", ds le domaine public).
Je n'aurais aucune raison d'insister si vs m'aviez répondu "ah oui, tiens, depuis le temps j'avais oublié". Mais il y a cette justification d'hier 10h 15, qui pose encore d'autres problèmes (auxquels j'ai essayé de répondre ci-dessus) et par ailleurs la citation que vs m'adressez sur le fil précédent, tirée de L'Ange des ténèbres, "interprétations innombrables, différentes et même opposées", qui (du moins lue hors contexte) ressemble fort à une prise de position relativiste dans le débat sur les éventuelles limites de l'interprétation (débat qui a pris une certaine ampleur depuis les années 70, ce que vs n'êtes évidemment pas obligée de savoir). Tout cela me paraît aller ds le même sens, celui de la liberté totale du lecteur/interprète (aucune interprétation ne saurait être considérée comme inacceptable, remise en cause de l'existence d'un sens littéral du texte susceptible d'imposer des restrictions à ses interprètes, prééminence de la "réaction" du lecteur, etc.)
On ne va pas se lancer là-dedans…
Ne prenez pas pour une marque d'hostilité personnelle le fait de vs signaler que ds l'échange initial (massacre ou pas massacre) il se produit un glissement non négligeable lorsque vs répondez : "Non, Julien ne massacrait pas les animaux dans la forêt. Un jour il poursuit un cerf". Vs êtes passée de Julien-du-texte-de-Flaubert à "Julien" (essentiellement celui de La Légende dorée, peut-être parce que vous aviez trouvé ce texte-là & pas retrouvé celui de Flaubert).
Ce qui pose un problème c'est de substituer un personnage à un autre, de les considérer comme interchangeables (parce que détachables de leurs textes respectifs).
Il était question d'une œuvre littéraire, & pas d'un article de journal consacré à un fait divers. La valeur, informative, d'un article dépendrait essentiellement de la façon plus ou moins exacte, fidèle, dont il rapporterait une suite d'événements qui se seraient déroulés antérieurement, en s'appuyant par exemple sur des témoignages. On aurait alors tt intérêt à compléter la lecture de cet article par d'autres relations des événements (pour compenser les "biais" ou les omissions toujours possibles) afin de chercher à parvenir à une plus juste connaissance des faits, par comparaison ou en effectuant une synthèse. Parce que ds ce cas, ce qui ns importe, c'est ce dont on parle (les événements, l'innocence ou la culpabilité des protagonistes, etc.), bien plus que la façon d'en parler ; cela n'empêche évidemment pas d'apprécier que ce soit bien écrit, clairement présenté, scrupuleux &/ou éloquent, mais ces qualités ne sont que des moyens au service d'une fin d'une autre nature.
Le rapport du romancier à ses "sources", lorsqu'il y en a, n'est pas du même ordre — & le rapport du lecteur aux "sources" éventuelles du romancier non plus.
Pour en revenir au cas qui ns occupe, c'est le Julien-selon-Flaubert qui a marqué la lectrice & suscité le rapprochement (que je n'aborderai pas) — en raison de la forme spécifique du récit (son "cursus crudelitatum" depuis l'enfance, construit par Flaubert, inexistant chez Voragine qui n'œuvre pas à la même époque ni ds le même genre)
Cette dimension chasseresse est aussi , je crois, absente de la vision de Catherine Danielou chez Maunoir. Elle voit un Julien au bord d’une rivière. C’est le prénom de son frère mort « innocent, »c’est aussi celui de Maunoir. Et cette double dimension est assumée, . le Julien mythique passera les âmes à Dieu, comme le fera le neveu (?) de Maunoir…,
MC
D’autant qu’il s’engage dans les Misères , devenues Les Misérables grâce à la Table de Jersey, après l’échec de la Fin de Satan.! Je n’ai pas néanmoins le souvenir que Myriel lui dise « vous appartenez au bien ». Ce n’est pas si manichéen. Il lui faudra perdre volontairement sa place de Maire de Montreuil sur Mer pour cela, et c’est le début d’un chemin de croix opposé aux grandeurs humaines. Chemin qui emportera aussi Javert. Bien à vous . MC
Sur Richter, voir la très belle toile du musée de Kiel. J’ignore si elle est à l’exposition, mais elle le mériterait. MC
https://classes.bnf.fr/essentiels/grand/ess_2056.htm
Et voilà !
https://www.gerhard-richter.com/fr/art/paintings/photo-paintings/landscapes-14/evening-mood-5687
Est-ce celle-ci ?
Je vous ai copié le lien BNF de ce texte. La citation existe bien, opposée au mal.
C'est intéressant ce lien entre La fin de Satan et Les Misérables.
La rédemption... problème difficile pour qui est pris de remords. Un chemin difficile, oui. Dostoïevski est également obsédé par ce chemin.
Dans "Crime et Châtiment", Raskolnikov .
On parlait de rédemption et voilà que commençant le roman d'André de Richaud, je découvre que vingt deux ans n'ont pas suffi au narrateur pour expier sa faute.
Il parle et là loin du masque terrible il y a cet homme qui se sent abandonné de Dieu. Incapable de se détruire, un homme prêt à être envoyé en Enfer.
Un homme qui veut écrire. Un homme qui vit au milieu de nulle part dans une maison aberrante qui fait ce qu'elle veut comme si elle avait la possibilité d'animer diaboliquement objets et lieux et même le temps. Une maison dont il ne peut s'éloigner qui le surveille.
Écrire est-ce se révolter ? Il sait que personne ne sera ému par ses écrits, qu'il ne sera jamais lu.
La fatalité...
Malgré tout il commence sa relation : "J'avais dix-huit ans..."
Mystère que ces deux lignes, glissées dans le récit, page 31 :
"Ouf ! voilà qui est fait ! ... J'ai jeté mon paquet. Maintenant, je me sens bien plus à l'aise pour vous conter ce qui suivra."
Je ne me souvenais pas que Cyprien avait pu ôter ce masque. Ni d'ailleurs de la fin du récit, ni de sa présentation des chapitres avec titres qui donnent fugitivement l'impression de quitter le récit. En réalité de chapitre en chapitre, le récit va jusqu'à la page 249, l'épilogue.
C'est un livre édité en 2024 par les éditions Tusitala
Votre édition est inaccessible, épuisée ou hors de prix.Collection "Insomnies". Il n'y a pas de table des matières. Mais une postface de Benoît Virot de cinq pages très intéressante.
Page 149
Édité en 2014 !
Les soliloques de Cyprien ne manquent pas d'humour.
"Et pourquoi moi qui n'ai fait qu'un petit péché de rien du tout, je suis puni de la sorte ? C'est que, au départ, je croyais en Dieu. En y croyant, vous le créez, et il peut alors vous mettre le grappin dessus."
Que ressent-il prisonnier dans sa maison ?
"Certes, je vois le changement des saisons et les phases de la lune, et le quadrille ému du jour et de la nuit, mais je ne les subis pas. La souffrance d'aujourd'hui n'est pas augmentée de celle d'hier. D'ailleurs le mot "souffrance" est parfaitement impropre. Je ne souffre pas : je suis. Être sans douleur et dans joie, je n'ai de commencement ni de fin. On a enlevé de moi, comme d'une statue qui sort du moule", toutes les bavures. Les jugements que je porte sur la campagne qui m'entoure sont tous de même niveau. La neige ? C'est beau. Les arbres en fleurs, c'est beau. Je ne sais qu'une chose, c'est que je suis le plus malheureux des hommes ; que je suis un damné et que ma damnation est incommunicable."
Tout à fait étonnant...
Des références, aussi, totalement imprévisibles.
"Une association bizarre : le cristal et les eaux boueuses. Je pense à Racine (j'ai beaucoup aimé Racine, de mon vivant). "A moi-même ennemi...", la fatalité dans Racine, ce que je la comprends maintenant !... (...) L'unisson parfait du premier au dernier vers de "Phèdre " ou d'"Andromaque". Le premier mot fait vibrer tout le système. (...)
Mais assez de digressions ; et que je vous raconte pourquoi je suis ici."
C'est étonnant. Je n'ai jamais lu ces mots ou bien je les ai totalement oubliés !
Encore un délice.
Son père après l'avoir traité de paltoquet, décide de l'envoyer au loin pour le faire soigner ou...
"Si on ne peut te guérir nous dirons alors : "Alea jacta est."
Mon père sortit cette citation latine. Le latin lui paraissait une langue très agréable pour disparaitre, c'est à dire "morte".
C'est en fin de compte, un roman plus baroque qu'effrayant, très esthétisant. Je n'arrive pas vraiment à le définir. L'auteur est doué, aimé la langue et les livres. Philosophe aussi mais à la manière d'un provocateur.
Page 40 se termine "La maison que j'habite" sur ces mots : "Maintenant, vous savez tout. Cet événement s'est passé, il y a exactement vingt-deux ans et quarante jours."
Il part.
Est-ce la fin d'une courte nouvelle ou la fin d'un chapitre ?
Ce qui suit se nomme "Une réunion de philosophes", commençant par une amusante citation :
"Silence donc, le danger est dans les mots"."
Marlowe
Voyons, voyons. "Je marchais, hier soir, depuis environ une heure, et...."
Qui parle ? Est-ce Cyprien ? Est-ce une autre histoire ?
C'est bien Cyprien et c'est toujours délicieusement improbable.
"Quand j'eus terminé de raconter l'histoire de ma vraie vie, je l'ai relue avec une certaine satisfaction. "Voilà une bonne chose de faite", me suis-je dit. (...) J'ai senti aussi que je n'avais plus rien à dire."
Mais quelle surprise ce roman ! Comme il est bon de le relire.
Soleil vert a raison, c'est seulement page 45 que le nom de Cyprien apparaît. Je l'ai déjà nommé parce que je connais le roman et lu le billet de SV, mais en réalité jusqu'à cette page on ne connait pas le nom du narrateur.
Donc, page 45 :
"Je rêve tout haut, et une voix me dit : "Cyprien, tais-toi".
Je reprends mon nom de Cyprien (...) je voulais remplacer mon nom par une ligne de points que vous remplaceriez par un nom à votre goût. Eh bien ! j'ai réfléchi. Cette histoire n'aura rien d'anonyme, et je la signerai."
J'adore ce livre complètement insensé.
Vs avez dû vs en apercevoir en avançant ds la lecture : "Ouf ! voilà qui est fait ! ... J'ai jeté mon paquet. Maintenant, je me sens bien plus à l'aise pour vous conter ce qui suivra" ne signifie pas du tt qu'il a finalement réussi à ôter son masque, mais qu'il est enfin parvenu à "raconter la chose" au lecteur.
Qq pages auparavant, juste avant de commencer le récit de cette fameuse nuit de juin, il s'adresse au lecteur : il ne lui racontera pas sa joyeuse vie d'avant son "accident", car ce serait retarder le moment de revenir sur ce qu'il a fait cette nuit-là, la raison de sa punition miraculeuse. "Je recule devant l'obstacle et pourtant je veux que ce soit fait aujourd'hui", "Je serai délivré quand j'aurai tout dit."
Les lignes que vs citez concluent le récit de cette nuit. Ds mon édition, mes citations se trouvent 6 pages avant la vôtre, qu'elles permettent de comprendre.
e.g.
Par exemple, cette remarque, page 45 :
"Il faut à chaque instant que je revienne à mon sujet. Donc, cette nuit je suis allé me promener. Et je vais vous raconter ce qui m'est arrivé. Voilà du style clair, presque stendhalien : si je continue à mêler le présent et le passé, nous n'y arriverons jamais..."
Où cette autre page 48.
"J'étais dans un autre monde. Quel autre monde ? Combien de mondes avais-je traversés depuis que j'étais, comme on dit, venu au vôtre ?"
Là on semble entrer dans un roman de science-fiction où le temps passe différemment pour le narrateur et le lecteur.
Christiane, concernant ces textes d'A. de Richaud, j'ai répondu plus haut à ce que vs aviez écrit le 19 novembre 2025 à 21:07.
Je continue ici (plus facilement repérable) à propos de l'information que vs donniez ce matin (à 11:07) : manifestement, on a affaire à des variantes différentes puisque ds mon édition "La maison que j'habite" se termine par : "Mais, me direz-vous, et le chauffage ? Je vous répondrai une fois pour toutes : je n'ai jamais froid. La température de mon corps est constante. Je ne suis, non plus, jamais malade. Le Dieu rend bien portants ceux qu'il veut perdre."
Comme explicit, on aurait pu espérer mieux.…
Je ne sais donc pas si le passage que j'évoquais à propos du "paquet" jeté ("Ouf !" etc.) se présente exactement sous la même forme ds votre exemplaire.
"Une réunion de philosophes" ne figure pas ds mon recueil, je n'ai donc lu qu'une version mutilée de La Nuit aveuglante.
e.g.
Il manie la langue avec brio et sarcasme. Page 49, un "calembour" qu'il définit de "mauvais goût' .
"Je ne pouvais tourner ainsi, comme un cheval sur l'aire, jusqu'au lever du jour. D'ailleurs, il fallait que quelque chose arrivât avant l'aube. Je ne pouvais continuer à tourner et je comprenais bien qu'il me serait impossible de retrouver le chemin de ma maison. A vrai dire, je n'en avais aucune envie. J'avouerai même que j'en avais assez depuis vingt-deux ans, de cette maison, mais je pensais que ma volonté seule de revenir pour écrire dans ce cahier la relation de ma nuit m'était un garant que je serais, au matin, dans ce que j'appelle ironiquement la "Villa Sainte-Farce". J'aime les calembours et les à peu près de mauvais goût, et aussi l'irrévérence : c'est pour cela que je l'aurais volontiers appelée "Villa Sainte-Face".
J'ai beaucoup de mal à intégrer ce décalage de vingt-deux ans.
J’observe que les Éditions Tusitala reprennent dans leur nom un titre polynésien qui a de la branche: il signifie « le Conteur de Belles Histoires », et fut appliqué, dit la légende,, par les indigènes à Robert-Louis Stevenson!
Le mystère s'épaissit !
Donc, dans la première histoire, il est à la fenêtre avec son ami Célestin Borgne. Le cortège approche, le curé en tête avec l'ostensoir. Celestin se retire au fond de la pièce. Le masque de carton-pâte est pendu par un élastique à un porte-manteau. Celestin le décroche et dit à Cyprien : "Fais-leur peur !"
Donc Cyprien met le masque et se montre à la fenêtre . "Les gens s'arrêtèrent de chanter. Les fillettes et les femmes poussaient des cris en s'encourant. Le curé s'enfuit au galop avec son soleil d'or (....)"
Celestin lui crie : "Qu'as-tu fait malheureux ?'
Et c'est là que vient se placer le paragraphe du "paquet" :
"Je voulus enlever le masque qui me couvrait le visage. En deux secondes je pensai : "On ne dira rien, on le brûlera : hallucination collective... voire miracle...." Mais je ne pus enlever le masque...
Ouf ! voilà qui est fait !... J'ai jeté mon paquet. Maintenant je me sens plus à l'aise pour vous conter ce qui suivra."
La succession des deux phrases et la présence du "Ouf !" entre les deux, portent à confusion.
Jolie trouvaille.
Dans la postface passionnante de Benoît Virot, quelques précisions sur les éditions du roman : l'édition Marabout de 1972 de "La Nuit aveuglante" est délicieusement évoquée :
"masque rouge rongé par le temps, dégouttant sous une lune amaigrie de haillons sur un sol stellaire (...)", ainsi que celle de 1966 -" devenue un trésor bibliophilique - dessinée par Odette Ducarne, reliure prune foncée de l'édition Robert Morel, ornée de belles gardes noires, représente un masque percé de deux yeux (humains ? animaux ?) qu'on peut à loisir ouvrir ou fermer, endormir ou animer, à l'aide d'un mécanisme." (La "Nuit" ne se vend pas du tout. " Les libraires retournent les exemplaires en très mauvais état. L'éditeur est désolé...)
Mais rien sur les éditions Tusitala et cette collection, "Insomnies", dirigée par Benoît Virot, Carmela Chergui, Mikaël Demets.
La couverture grise est occupée par un astre noir. Oxymore ?
Indiqué également le Prix Nocturne créé en 1962 et attribué à l'unanimité en 2012 à André de Richaud pour "La Nuit aveuglante".
Vous ne mélangez pas Marabout et Morel?
MC
Toujours dans la postface , cette analyse qui me réjouit.
"Chaque livre de Richaud a ce côté journal intime universel (...), le monde entier passe à travers le prisme du "je". (...)
"La Nuit aveuglante" est tout à la fois une ode à la montagne, une suite de tableaux fantastiques, le testament d'un impie, une réflexion sur le regard et un journal d'écriture, mais c'est d'abord une construction intérieure, une pure architecture mentale, où blé "je" apparaît comme un "autre", un double que l'auteur refuse de voir en face : et l'on finit par douter de tout, même de la fiction, et par lire l'autoportrait foudroyé, terrifiant, d'un homme qui réinvente sa vie de la plus noire des manières en "sculptant le néant". La fiction colle à Richaud comme si les pages du livre ne voulaient plus se détacher de sa vie "
Non,
Marabout 1972, Morel 1966
Quand on se penche sur sa biographie, on comprend qu’il a sabordé sa vie,avec des penchants pour l’alcool, orphelin de père, mort dans la Meuse en 14,la mère suivra.
L’écriture aurait pu le sauver,mais certainement un passé trop douloureux.
C’est un auteur à lire oui.
Merci pour ces éclaircissements. SV
Dans la postface de Benoît Virot ce passage déchirant.
"Suivent trois romans en quatorze ans : "La Fontaine des lunatiques, l'Amour fraternel, La Barrette rouge", contes cruels paysans et nocturnes. puis en tir groupé à la Libération "La Confession publique, La Nuit aveuglante, Le Mauvais". En 1950, Seghers recueille ses poèmes sous le titre "Droit d'asile". Piccoli joue des pièces au théâtre. Jean-Louis Barrault tente de l'adapter au cinéma - avant Bunuel et Agnès Varda. Mais Richaud traverse une misère noire, multiplie les séjours en maisons de santé et finit à l'hospice de Vallauris, jeté là "comme un os", les volets ouverts sur Bételgeuse. Il est soutenu de loin en loin par Cocteau, Seghers, Jean Denoël, et surtout son éditeur devant l'Éternel, Robert Morel, premier à l'exhumer de l'enfer éditorial avec la publication de quatre textes (deux inédits, deux rééditions) entre 1965 et 1968. Il lui envoie alors 15 francs pour chaque page d'inédits. "Envoie-moi tout ce que tu écris : voilà timbres et enveloppes (...) . "La Nuit" ne se vend pas du tout. Les libraires me renvoient les exemplaires en très mauvais état. C'est bête. Mais tu sais, je ne désespère pas ; je publierai tout, mais pour réveiller les œuvres anciennes, il me faut de l'inédit. Je t'en prie, je t'en supplie, écris la fin du monde, écris tes mémoires, écris ton voyage sur la lune . J'attends. Je publierai tout."
Richaud meurt aimé.
Schwob fut aussi un grand conteur. Cf « le Roi au Masque d’Or… », naguère chez Crès.
Merci pour cette information.
Le voisinage tt à fait fortuit (ds mon esprit seulement, en raison d'une lecture récente) du très beau Journal de Jean Colin d'Amiens & du récit d'André de Richaud (avec lequel il n'a a priori rien à voir), fait naître en moi l'hypothèse du caractère accessoire, contingent, secondaire (etc.) du fantastique en ce qui concerne ce dernier.
Je m'explique (ou du moins j'essaie) : d'une certaine manière, on pourrait dire que Jean Colin (peintre mort en 3 ans, à 32 ans, d'une paralysie progressive qui, avant de le tuer tt à fait, l'avait forcé à renoncer à son art) a vécu un cauchemar, a été en qq sorte victime d'une malédiction — pas d'objet magique à l'horizon, mais un même enfermement (progressif pour le jeune peintre), une même condamnation à l'inaction, à la passivité.
Il ne s'agit pas de forcer les parallèles, mais de suggérer que ce récit "diabolique" constituerait surtout pour Richaud une façon oblique (déguisée) comme une autre de parler de soi, de la malédiction de ses addictions, du grand gâchis de sa vie.
Qu'il se prête donc, lui aussi, à une sorte de lecture allégorique. (Un peu comme la plupart des livres de Ph. Forest, lequel ne s'est pas enfermé ds l'autofiction mais transpose tt de même ou "tourne autour" du drame qu'il a vécu.)
S'agissant de Richaud, peut-être pour mieux vendre ses textes (à une époque où les "autopathographies" n'étaient pas encore à la mode), peut-être parce que ce décalage, cette fictionnalisation étaient pour lui plus propices à l'écriture.
Une phrase citée par Christiane (& qui apparemment ne figure pas ds ma "version bonzaï" du récit) se prête bien à cette double lecture : "Je ne sais qu'une chose, c'est que je suis le plus malheureux des hommes ; que je suis un damné et que ma damnation est incommunicable."
Cela expliquerait l'insatisfaction que je ressens vis-à-vis des éléments relevant du fantastique ds ce récit (que je ne développerai que si discussion il y a) — mais je ne suis pas une référence en la matière, il faudrait connaître les impressions connaisseurs … alors que l'on est déjà passé à autre chose.
e.g.
Schwob, les récits de Cœur double, La croisade des enfants (il y a même un "Récit du lépreux", "je demeurerai enfermé dans ma gangue hideuse quand les autres se lèveront"…) & ds un autre genre, Le livre de Monelle.
e.g.
Le sommeil capte mes pensées mais je crois tout à fait possible ce glissement.
Christiane, je suis peut-être pointilleuse, mais je trouve que l'on ne peut pas contredire qqn (qui parlait du texte de Flaubert & dont l'affirmation était exacte) en écrivant non, pas de massacre. Mon intervention visait à (vs permettre de) rétablir une vérité factuelle.
Vs avez bien le droit de vs intéresser davantage à la figure légendaire ou historique de Julien, aux oracles, etc. & de vs désintéresser du "massacre des animaux n'existant que dans la fiction de Flaubert", mais ce n'est plus une "approche de Flaubert" (je vs cite ds les 2 cas), cela devient une sorte de question de culture générale. Que Flaubert ait eu recours à La légende dorée (qu''on trouve en livre de poche, je l'ai à la maison — très utile pour la peinture religieuse) est une chose ; utiliser une œuvre littéraire comme une "ressource", un "document" parmi d'autres à propos de Julien l'Hospitalier en est une autre.
Pour une œuvre littéraire du type roman ou nouvelle, & notamment s'agissant de Flaubert, la notion de "clôture" du texte a tt de même une certaine importance — non pas au sens où l'œuvre serait parfaitement étanche à tt ce qui n'est pas elle ou parfaitement homogène, mais au sens où c'est une forme délimitée, organisée, une sorte de "système". Si on efface ses "frontières", si on la noie ds le vaste univers au prétexte qu'elle fait référence à tels & tels (nombreux) de ses aspects, on se condamne à ne plus en dire grand chose — tout est ds tout, & réciproquement.
Vs parlez de "construction presque mathématique du conte", bien sûr que c'est un mécanisme d'horlogerie de haute précision — mais justement, les massacres d'animaux en font partie, à l'échelle du texte de Flaubert (alors que le mécanisme de l'oracle qui s'accomplit par les précautions même que l'on prend pour éviter sa réalisation existe déjà ds les mythes, contes & légendes de ce type, d'Œdipe à la mort à Samarcande)
Ce n'est ni l'heure ni le lieu d'approfondir. Merci pour le texte de Schwob, qui garde tt son intérêt.
e.g.
je lie
http://www.presences.online.fr/sitemorel/site/nuitaveuglante.html
Voilà la couverture de l'édition de Robert Morel de 1966.
J'ai trouvé une édition antérieure du roman : Editions Robert Laffont 1945. Étrangement rédigée...
"In-12 broché de 227 pages au format 19 x 12,5 cm. Couverture avec titre imprimé et petite vignette illustrée. Dos bien carré, légèrement insolé, comme le bord des plats. Très légère trace de pliure angulaire au bas du 4ème plat. Intérieur très frais. Un 100 exemplaires numérotés rives ( n° 57 ), seul grand papier. Etat superbe. Rarissime édition originale en grand papier.
Vente exclusivement par correspondance. Le libraire ne reçoit, exceptionnellement que sur rendez-vous. Il est préférable de téléphoner avant tout déplacement.Forfait de port pour un livre 8,50 €, sauf si épaisseur supérieure à 3 cm ou valeur supérieure ou égale à 100 €, dans ce cas expédition obligatoire au tarif Colissimo en vigueur. A partir de 2 livres envoi en colissimo obligatoire. Port à la charge de l'acheteur pour le reste du monde.Les Chèques ne sont plus acceptés.
Pour destinations extra-planétaire s'adresser à la NASA.Membre du Syndicat Lusitanien Amateurs Morues"
"Destination extra-planétaire"... Nous voici en pleine édition fiction !
https://www.livre-rare-book.com/book/5472397/28602
C'est là. Bizarre bizarre...
https://www.iberlibro.com/primera-edicion/Nuit-Aveuglante-Andr%C3%A9-Richaud-Editions-Robert/32344038492/bd
Voilà la couverture de l'édition de 1945.
Il semble qu'au fil des éditions il ait rajouté des chapitres indépendants les uns des autres, dont il est le lien. Ainsi je viens de lire "La rencontre avec les philosophes". Étrange histoire. Quatre hommes identiques autour d'une table qui s'animent soudain, dansent d'une façon grotesque. L'un perd son dentier. Suit une bagarre entre eux. Puis ils se querellent, échangent des mots sans intérêt, disparaissent. Retour à la maison, toujours la même où le temps passe avec d'invraisemblables sortilèges.
Il se sent hors de la vie, perd ses souvenirs. Las de vivre sans vivre. Toujours affublé de ce visage méconnaissable. Drôle d'histoire qui finit par être lassante.
A partir de la page 83, une transformation intéressante.
"(...) je me sens assez maitre de ma plume pour écrire, sur ma vie, un vrai chapitre de roman. Je parlerai de moi à la troisième personne. Le "je" m'ennuie et, contrairement à ce que pensent les gens qui n'écrivent pas, il est très gênant pour la sincérité d'un auteur. Tandis que le "il" vous détache dans l'espace, vous donne une autre dimension ; bref, fait de vous un homme. Je dis "il" ou "Cyprien" et je suis un autre qui va et vient dans mon récit, qui s'asseoit ou marche.
Je vais donc vous raconter la suite comme si je vous racontais une histoire purement imaginaire et j'avoue que, si elle ne venait pas de moi, je ne serais pas surpris que vous n'y crussiez pas. "On" ne sait plus qu'inventer pour me rendre fou."
Toujours ce dédoublement, cette impression d'être manipulé.
La première histoire de cette nouvelle façon d'écrire, sera le chapitre suivant : "La tête de la jeune fille". Et déjà cet écart avec la vérité. Fiction ? qui sait....
Et l'épigraphe de cette histoire ne manque pas de saveur !
"Ce n'est donc pas une histoire que tu nous racontes puisqu'elle pourrait être vraie."
Zevaco, "Fleur de Paris".
Se donner les gants de citer un feuilletoniste du Dix-Neuvième siècle, et , semble-t-il, hors de son cycle le plus connu , celui des Pardaillan, quand on est écrivain argentin, c’est en effet peu banal, même si on a fréquenté Borges! Faut-il croire à une lecture de jeunesse ?!
MC
C’est vrai qu’il y a Monelle!
Bon , si vous parlez de Richaud ,c’est moins étonnant!
J'ignorais, M.C.
Je trouvais juste que l'opposition des deux pensées entre la fin du chapitre précédent (citation) et cette epigraphe était savoureuse.
Mais vous ajoutez un intérêt supplémentaire à cette citation.
Monelle ?
Oui.
On finit par s’y perdre, entre Julien, Sabato, et Richaud! Je plaisante.🙃
C'est de la faute à Soleil vert et son rythme endiablé de lectures !
Julien ? N'est-ce pas Cyprien ?
Donc, MC., c'est à propos du roman d'André de Richaud, "La nuit aveuglante" contant les aventures rocambolesques de Cyprien, le défiguré , qui a fui la vie de famille et sa ville pour aller.... sans chemin précis, retournant régulièrement dans cette petite maison où il a trouvé refuge. Enfin, une maison abracadabrantesque où tout est folie.
Voilà maintenant qu'il se décide à écrire à une jeune fille inconnue pour connaître l'amour par correspondance - il n'oserait lui montrer son visage. Et donc, il se retrouve dans cette maison face à une tête de jeune fille, sans corps, les yeux bandés. Une tête qui parle et qui lui conte la grande Révolution française... Ça sent la guillotine !
Ça sent surtout Cazotte, qui, dans Ollivier, inaugure les têtes decapitees parlantes, quelque dix-vingt ans avant la Révolution! MC
Vous connaissez la prophétie de Cazotte, à lui attribuee par La Harpe, entre temps converti et devenu dévot?
Qu'est-ce que c'est que cette histoire sanglante ?
Non. Dîtes donc
Cazotte aurait prédit leurs destins, quelques années avant à Marie Antoinette, Condorcet , et quelques autres victimes illustres de la Révolution. Le texte , qu’il faut lire, figure dans les Souvenirs de La Harpe, pour qui la prophétie a été réellement dite. Nerval doit en dire quelque chose dans les Illuminés in Jacques Cazotte. Le texte est impressionnant.
Les prédictions redoublent les malheurs. Il vaut mieux ne pas savoir.
Surtout ce genre de prédictions terrifiantes.
Je reviens sur 11h 13 parce que c’est drôle. Le « Syndicat Lusitanien des Amateurs de Morue « est en fait à comprendre comme une parodie du SLAM, « Syndicat du Livre Ancien et Moderne », ce qui , sur un site ou presque tout le monde en fait partie, ne doit pas valoir que des amis au libraire !
Ah merci. Cela m'avait intriguée.
Peut-être une façon de se moquer des prix exorbitants donnés aux exemplaires restants devenus rares.
Bah vous n’allez pas avoir peur de Cazotte, d’autant que vous encaissez très bien Richaud et sa guillotinée parlante!
Non bien sûr mais cela me rappelle une prédiction qui m'a longtemps tourmentée, heureusement mise en défaite par le réel...
Je me sens bien dans les fictions même quand elles frôlent ce qui fait peur. Toutefois il me faut cloisonner et jamais laisser le réel vaciller.
Christiane 21 novembre 2025 à 09:24
Le commentaire que vs citez & que vs m'attribuez ("C’est curieux mais Saint Julien l’hospitalier de Flaubert,qui rappelons le massacrait les animaux dans la forêt, me fait penser au personnage Fernando le père d’Alejandra ,qui obsédé par les aveugles martyrisait les oiseaux"), celui a suscité des échanges sur ce texte de Flaubert n'est PAS DE MOI, mais de "libraire" (me semble-t-il).
Au bout d'un certain nombre de commentaires, difficile de ne pas s'y perdre.
Je m'étais contentée d'y faire allusion ("c'est le Julien-selon-Flaubert qui a marqué la lectrice & suscité le rapprochement (QUE JE N'ABORDERAI PAS)", le 18 novembre 2025 à 03:32) & cela afin ne pas disperser davantage la discussion — raté.
e.g.
Libraire,
Toujours heureuse de vous lire.
Eh bien, M.C., c'est un fort beau récit que celui de la jeune fille, très romantique et un gothique à la fin. Nulle évocation de Cyprien. Ces petites histoires entrent dans le recueil entre deux mémoires de Cyprien qui parcourt le monde et le temps.
Ici, donc, c'est un autre jeune homme qui occupe la scène. Gottfried Wolfang, un étudiant de Goettingue de passage à Paris. Il occupe une chambre au Quartier latin, passe son temps dans les grandes bibliothèques de Paris.
Passant par la place où se faisaient les exécutions publiques, il trouve près de la guillotine une jeune femme habillée de noir, prostrée. Il s'approche, lui parle doucement, propose de l'héberger chez lui. Elle dit n'avoir point d'amis, sauf dans le tombeau... Après l'avoir installée, ils se séparèrent... Au matin....
Je vous laisse lire la fin de l'histoire qui vous plaira....
un peu
La suite ne manque pas de saveur ! André de Richaud est vraiment un auteur facétieux.
Voilà donc notre Cyprien en grande conversation avec la tête. Cette dernière après l'avoir écouté, remet en question l'histoire de "La jeune fille". Elle trouve Paris mal décrit, le personnage de Gottfried Wolfang, falot et la jeune fille sotte.
Cyprien, excédé, "saisit la tête par les cheveux -que le bourreau avait coupés court", ôte le mouchoir qui cachait des yeux. Elle est bien morte.
Et, dans la nuit épaisse, sort avec la tête, "la tenant à bout de bras"... trouve un pont avec un carrosse tout pourri, à moitié noyé et, à l'intérieur,... à qui rendre la tête...
Eh bien, de mieux en mieux !
Que sera la prochaine histoire, "La porte noire" ?
Que va-t-il écrire ?
Il s'interroge : "Comme tous, j'aurais dit : "Beethoven c'est moi ; Lucrèce Borgia, c'est cézique" renversant le truc de Flaubert (...) "Madame Bovary, c'est vous" eût été plus juste d'un quart de ton. Quand j'ai lu, étant enfant, le récit de l'histoire qui avait inspiré "Le Rouge et le Noir", j'ai trouvé sur Stendhal y était allé un peu fort dans le genre plagiat et qu'il avait eu de la veine que les journaux ne fussent pas encore très répandus à son époque... Mais assez de critique littéraire." (...)
"Cyprien fut réveillé par des coups sourds et des cris"....
sur/que
Voilà, livre terminé. J'ai bien aimé la fin. Le mal que Cyprien s'est fait au long de ces années de solitude, refusant de revoir son visage alors que...
Toutes ces ventures étranges -pas trop aimé celle des philosophes - est un tournoiement intérieur d'un chagrin immense, celui d'être exilé des autres, de la vie. Il ne lui restait que l'écriture. Il a bien utilisé sa plume....
j'avais d'emblée exprimé des doutes , le 15 novembre 2025 à 19:50 :
"Mon recueil emprunte le titre d'une autre nouvelle : Échec à la concierge [et autres textes], éd. L'arbre vengeur", (publié en 2012, avec une préface d'Éric Dussert, "Galéjades et fleurs de poisse"). Ce 1er commentaire se terminait ainsi : "Il n'y aurait pas grand intérêt à ce que je parle de textes différents…"
e.g.
Euh… le vitrail de la Vie de St Julien , complètement illisible?Quand donc l’avez -vous vu? Pour Bealu, ce n’est pas toujours bon…. Defiez-vous de la Grande Marée , et autres Vieux Moulin. MC
https://photos-eglises.fr/Normandie/76/Rouen/Cathedrale/vitrail9.htm
Même là je vois surtout des couleurs, un rythme, une lumière....
Rien à voir avec cette "nuit aveuglante" qui est une oeuvre de fiction, pas toujours d'égal intérêt.
Pas le Vieux Moulin, le Bruit du Moulin, Corti, 1986. Ça sent le fond de tiroir…pas lu les deux commentaires effacés. MC
Je vous disais que Bealu poète m'est peu connu. J'ai des souvenirs d'un lieu, sa librairie, "Le Pont traversé", bien nommée, d'un accueil, de sa présence discrète.
Ce fut un quartier que j'aimais mais c'est si loin... Années 60...
Il est très grand, neuf mètres. Les premières scènes en bas du vitrail évoquent le chasseur, la rencontre du cerf. Puis, en cherchant les suivantes de plus en plus hautes, les motifs se perdent dans une harmonie de bleus et rouges où joue la lumière.
La cathédrale était sombre. Je ne me suis pas arrêtée longtemps. C'était surtout l'ambiance de ce lieu, le silence, les pierres, la lumière qui m'importaient.
Des trois contes, je n'ai aimé que "Un cœur simple". Flaubert était pour moi un grand romancier très attaché à sa Normandie. J'ai lu sa correspondance éditée. Homme très complexe....
Sabato, Richaud, n'oubliez pas Brion. Soleil vert nous gâte !
Nous sommes tous passés au Pont Traverse..( il y a dans un recueil dont je ne me souviens plus une page et demie, angoissante, où le héros traverse un pont, précisément) Maintenant , ce n’est plus rien…
MC
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