samedi 25 octobre 2025

La Mer se rêve en Ciel

John Hornor Jacobs - La Mer se rêve en Ciel - Styx

 

 

 

« Toute perte d’innocence, c’est un bout de nous-même qui meurt ».

 

 

Dans la ville espagnole de Malaga, Isabel Certa, une jeune universitaire, rencontre le poète dissident  Rafael Avendaño, surnommé l’Œil en raison d’une énucléation subie dans les geôles d’un dictateur sud-américain. Tous les deux sont originaires de Magera, pays imaginaire qui pourrait être le Chili. Leurs familles ont subi là-bas des exactions. Du souvenir de ces avanies auquel se joint une espèce de fascination de la jeune femme pour le vieil homme, nait une relation amicale interrompue par la disparition d’Avendaño reparti précipitamment sur le sol natal - non sans avoir confié à Isabel les clefs de son appartement.

 

En classant les papiers de l’écrivain elle met la main sur un texte autobiographique récent dans lequel il relate, entre autres, sa découverte, à l’intérieur d’un carton légué par un collègue, des photos équivoques et des clichés d’un manuscrit rédigé en latin. Il entreprend aussitôt de transcrire Opusculus Noctis et de le traduire. Les pages semblent révéler un grimoire « de sorcellerie, ou de magie noire » et suggérer des rituels rebutants et sacrificiels permettant d’entrer en contact avec les puissances d’un autre-monde. A son tour elle se penche dans l'étude du document. Quand enfin lui parvient un courrier de son ami, Isabel prend la décision de partir à sa recherche au Magera.

 

Au plaisir de découvrir un nouvel éditeur ou une nouvelle collection - dirigée ici par un écrivain et traducteur apprécié, j’ai nommé Laurent Queyssi - se mêle toujours chez moi l’espoir pervers de savourer un produit d’appel tonitruant censé fidéliser le lecteur. Ici comme ailleurs, je n’ai pas été déçu. Ce récit qualifié de labyrinthique se lit cependant d’une traite, extirpant dans un premier temps les réminiscences douloureuses d’un continent livré jadis à des tortionnaires. La haine du dictateur Vidal pour Avendaño évoque les controverses liées à la mort de Neruda du temps de Pinochet de même que la disparition du socialiste Estéban Pavez ravive le souvenir de la fin de Salvador Allende.

 

Débarqué sur les terres de Magera et sans nouvelles de son ami, Isabel possède désormais un exemplaire complet du grimoire qui intéresse au plus haut point un étrange individu lancé à sa poursuite. La Mer se rêve en Ciel emprunte alors les voies d’un roman horrifique illustrant qu’un Mal peut être instrumentalisé par un autre plus profond et que ceux qui l’affrontent victorieusement doivent en payer le prix, la souillure de l’innocence perdue rançon de la mémoire et du témoignage. Une belle entrée en matière pour la collection Styx.


dimanche 19 octobre 2025

Les Escales de la Haute Nuit

Marcel Brion - Les Escales de la Haute Nuit - Marabout

 

 

Biographe, romancier, nouvelliste, essayiste, critique, fondateur des Cahiers du Sud, Marcel Brion fut autant un passeur qu’un créateur d’imaginaires en particulier dans le domaine du fantastique dont il sera question ici. Quelques-uns de ses recueils sont encore disponibles principalement chez Albin-Michel. Cependant Les Escales de la Haute Nuit resteront à jamais immortalisées dans l’édition Marabout de 1971, un des fleurons d’une collection qui compta des textes de Marcel Bealu, Jean Ray, Claude Seignolle, Thomas Owen, avec en prime ici une magnifique illustration de couverture.

 

Ne nous leurrons pas, la littérature fantastique a vécu ou presque au profit des descendants de Lovecraft et du roman horrifique. Pourquoi s’étendre alors sur un ouvrage jamais réédité au sein d’un genre moribond ? On répondra ceci, que l’on écrit autant pour les vivants que pour les fantômes. Marcel Brion révélait dans ces escales sans doute inspirées d’Hoffmann, une langue de très haute tenue. Les voici :

 

SOMMAIRE

1 - Les Escales de la Haute Nuit
2 - Le Maréchal de la Peur
3 - La Sonate du Feu
4 - Une Aventure de Voyage
5 - Les Eaux Mortes
6 - La Capitane
7 - L'Orgue de Verre
8 - La Rue Perdue

 

Quatre textes survolent les débats.

La nouvelle qui donne son titre au recueil raconte la mésaventure d’un voyageur à destination de Prague descendu d’un train de nuit dans une gare inconnue, plus par curiosité qu’autre chose.

 « La gare était assez loin. Je la vis, semblable à quelque grotte grondante, pleine de lumières, de fumées et de cris. Les rails entrecroisés me proposaient de subtils déroutements. Des feux rouges levaient et baissaient le doigt à travers des brouillards. Une locomotive, seule, lancée sur sa piste comme un lévrier, me frôla en s’ essoufflant. Les étoiles humiliées reculaient au plus lointain du ciel. Un monstre marin crachait au ras du sol un torrent de vapeur brûlante. Le cuivre avait des scintillements d'or. L’acier noir fondait en reflets comme une peau d’otarie. »

 

Un peu plus loin il découvre une étrange ville dont les bâtiments se réduisent à de simples façades. Au-delà des portes d’entrées il n’y a rien. L’hôtel proposé par le porteur de bagages présente un ascenseur souterrain. Un couloir l’amène à une chambre sans fenêtre dont il s’enfuit. Il erre sans but, rencontre des personnages inquiétants, traverse un bras de mer, et finit par remonter dans son train avant d’être redébarqué contre son gré dans une autre gare. Le récit s’achève abandonnant notre voyageur « éveillé, seul dans ce wagon, regardé par cette lune épouvantée qui venait demander du secours contre le garrot des nuages ». Parue en recueil en 1942, année où fut entérinée la décision de la Solution finale, l’évocation de ce train de nulle part aux destinations incertaines impressionne par sa puissance onirique, anticipant involontairement d’innombrables et funestes déportations ferroviaires.

 

Dans le même registre d’inquiétude, un homme est sorti de son sommeil par un tumulte confus où se
mêlent des bruits de coups sourds, de gémissements et de crécelles. L’incident se reproduisant il décide d’enquêter. Sa maison est située au cœur d’un ancien quartier industriel. Explorant une nuit des hangars et des entrepôts il finit par découvrir une lucarne donnant sur « La Rue Perdue ». La voie, fréquentée par des personnes furtives disparaissant au moindre frémissement, ne donne sur aucun accès extérieur. Légende moyenâgeuse certes mais qui n’est pas sans évoquer les ghettos des années 40.

 

Plus paisibles « Les Eaux Mortes » nous transportent dans une zone portuaire déserte, un bassin désaffecté où un voyageur en escale va promener ses pas en attendant de réembarquer.

 « On ne voyait pas la mer. Elle était doute très loin, et l'on n'y parvenait qu'après une longue navigation sur un fleuve ou un canal. Mais on sentait que la mer existait. On devinait sa présence au-delà de ces immense constructions, de ces quais abandonnés. Il y avait aussi des champs et des marais qui me séparaient d'elle, car le vent apportait parfois une odeur d'algue fraîche, mêlée à l'odeur de l'herbe et des roseaux. Quand le vent souffle de cette direction-là, on dirait qu'une vague invisible passe sur la ville en y laissant tomber une poussière d'écume. »

 

Dans cet univers déliquescent, dont l’ambiance évoque certains textes de Jean Ray, il croise Petersen, un individu qui semble l’attendre de toute éternité.

 « J’aurais voulu demander à Petersen si la mer était très loin. Il était probablement trop tard pour l'atteindre avant le jour, mais j’avais si grand besoin des vagues vives cognant de l'épaule malicieusement contre des rochers, du sable neuf qui n'a reçu encore aucune empreinte et qui garde naïvement le creux d'une coquille nervée comme un unique et puéril trésor! Dans les chantiers, les squelettes de navires bombaient la poitrine avec arrogance. Des pansements de planches et d'étoupe obstruaient les carènes malades. Les chaînes rouillées des ponts racontaient que depuis bien longtemps on ne les avait plus levées devant l'appel des barques. Il y avait des ports nouveaux là-bas, à l'autre extrémité de la ville avec leurs troupeaux de bêtes de somme qui vous vident une cale d’un seul coup de dents, leurs colonnes à blé, leurs temples cubiques voués aux dieux de glace et leurs passerelles légères suspendues à des mains métalliques comme des trapèzes d’acrobates dans le cirque des continents. C'était ce port là-bas que je rejoindrais au matin, où haletait un paquebot qui secouait déjà l'importun grouillement, autour de lui, des chaloupes. Et, le lendemain Petersen partirait pour Gênes »

 

Qui est donc ce Petersen avec lequel le héros semble partager des souvenirs commune ? Un personnage d’un écrivain ou plus simplement cet autre nous-même que nous avons abandonné sur la route de l’existence avec ses rêves, ses projets ? Sur le thème du double Marcel Brion avait rédigé là un texte de haute volée.

 

« La Capitane » n’a rien à envier à la plus célèbre et chinoise des Nouvelles Orientales de Marguerite Yourcenar. Elle témoigne de la lente gestation, du travail d’orfèvrerie d’écriture caractéristique des meilleurs récits fantastiques. Ici ne sont points évoqués les quatre éléments, ni des cités ou des jardins, mais une toile de peinture accrochée dans un salon aux volets souvent clos, toile au sein de laquelle un voilier à quai « La capitane » capte les rêveries d’un enfant :

 « Un soir, pourtant, où ses parents « recevaient », l’ enfant voulut voir si le navire disparaîtrait, comme les autres nuits. Le lustre, débarrassé de son masque de mousseline, étincelait. Les sièges avaient rejeté leurs housses, le piano ouvert chantait. L'éclat des lampes ranimait les toiles peintes, inspirant une imaginaire mobilité aux personnages surpris, qui clignaient des yeux, gênés par la grande lu­mière. La capitane était toujours à quai accueillant la lente procession des chargeurs. Ennuyé par le vacarme, le matelot au gilet vert regardait avec mépris la fête des hommes.

 La capitane ne partirait pas cette nuit-là. L'enfant essayait de se représenter ce qui arriverait si le navire, soudain, s'évadait hors du tableau. Le ferait-il silencieusement, de telle sorte que personne n'entendrait rien ? Ou son départ serait-il accompagné des bruits familiers, le grincement de la barre, la chute de l'amarre dans l'eau, le sifflement des voiles? Et soudain il lui sembla que dans l'attitude de l'homme au gilet vert se cachait une subtile et dangereuse ironie, et il comprit alors qu'un objet peut très bien être là et ne pas être là, que l'image de la capitane était très loin, naviguant sur on ne sait quelles mers, bercée par le vent des îles à palmes, roulée entre les grandes mains noires des typhons, échouée dans un port de perles et d'aromates naviguant sans fin sur les longues routes de toutes les mers du globe, où les montagnes de glaces dérivantes, pareilles à des cathédrales en ruines, croisent les sillages des vaisseaux fantômes.

 Et il apprit ainsi à aimer un autre navire encore, qui était celui qu'il voyait et un autre en même temps. Un navire aussi différent de la capitane peinte, qu'un reflet peut l'être l'objet dont il garde les contours. Un navire plus rapide et plus léger, transparent comme un verre d'eau, si bien qu’'on voyait à travers sa coque des îles, des lagons et des volcans. Et il devina que la capitane peinte n'était que le signe, et comme l'écriture dans le langage des hommes, de ce bâtiment impondérable qu'un souffle de vent poussait vers le large avec la légèreté d'une bulle de savon. On embarquait sur la capitane peinte, mais c'était sur ce navire d'air et de lumière qu'on naviguait. »

 

Moins éblouissante dans la forme mais tout à fait satisfaisante sur le fond « La Sonate du Feu » conte les confessions d’un médiocre violoniste qui obtint le succès en agrémentant l’exécution d’un inédit de Vivaldi d’une mise en scène bouffonne où des danseuses déguisées en diablotins se trémoussent au milieu de rubans rouges animés par des ventilateurs. Un soir les danseuses et les accessoires manquent le train de la représentation. Qu’importe ! Au premier coup d’archet surgissent flammes et puissances infernales …

 

« L'Orgue de Verre » et son fantôme de jardin royal où s’affrontent deux chanteurs ressuscités par la grâce d’un instrument de musique m’a moins convaincu même en invoquant les mânes de Nerval ou d’Alain Fournier, et ce en dépit de passages remarquables :

« Cet instrument étonnait par sa singularité au milieu des violons familiers et des clavecins  sans  énigmes  qui remplissent le pavillon. Un silence fait de toutes ces âmes sonores ramenées vers elles-mêmes et se consultant dans leur mutité prolongeait, entre ces murs verts ornés de stucs dorés, l'esprit d’un orchestre qui aurait fini par se taire, faute d’auditeurs, mais qui conserverait toute sa vertu de résurrection jusqu'au jour où une main lèverait la baguette, rendant leur vie multiforme aux archets et aux claviers.

 Les montagnes bleues au-delà du lac, ce lac lui-même lourd et lisse comme le bassin de mercure que nul n'avait plus remué depuis la mort de l'ancêtre alchimiste, la prairie qui s’étendait sous les fenêtres du pavillon, tout cela prêtait aux instruments, dans cette fin d'après-midi, une douceur solennelle et triste. Le paysage gardait, lui aussi, la même qualité de silence que les flûtes et les clavicordes, un silence approfondi du détachement des circonstances extérieures, du recueillement sur le centre le plus essentiel de soi-même, comme celui qui se produit soudain quand, dans ce bizarre caprice du vieux Haydn, les musiciens sortent l'un après l'autre, laissant les bougies se consumer sur les pupitres désertés devant les partitions ouvertes, confiant à un seul vio­lon le soin d'achever la symphonie comme un suprême pont entre la musique disparue et un monde pour toujours orphelin d'harmonie ».

 

« Une Aventure de Voyage » sorte d’excursion en Enfer indiffère. Par contre « Le Maréchal de la Peur » passe à côté de son sujet. Un spectateur assiste à la lisière d’un bois à l’affrontement de deux armées. Il côtoie successivement un soldat et un maréchal défaits et c’est tout. L’idée d’un soldat immortel acteur des grandes bataille de l’histoire pouvait tout de même donner autre chose.

  

Les Escales de la Haute Nuit méritent de sortir de l’oubli. Peut être à l’occasion d’un recueil réunissant les meilleures nouvelles de ce volume et d’autres publiées chez Albin-Michel ?


mardi 14 octobre 2025

Le café sans nom

Robert Seethaler - Le café sans nom - Folio

 



En cette année 1966, Vienne semble tirer un trait sur un passé douloureux et peu glorieux. La capitale autrichienne s’efforce d’effacer les derniers vestiges de la seconde guerre mondiale et de relancer la machine économique. On nettoie, on bâtit, un air de renouveau flotte un peu partout et en particulier au sein des petits commerces du quartier du marché des Carmélites. Robert Simon incarne à sa modeste manière ces temps nouveaux. Travailleur journalier, dur à la tâche, bien connu des commerçants auquel il rend de menus services il est sur le point de réaliser un projet longuement mûri, prendre la gérance d’un café.

 

L’occasion lui est fournie par un certain Vavrosky qui lui cède les clefs d’un local poussiéreux situé à l’angle des rues de la Haidgasse et de la Leopoldsgasse. Habile de ses mains Simon remet en état l’établissement et malgré les maigres prestations fournies, bière, schnaps, punch l’hiver, tartines de saindoux, voit peu à peu affluer ses premiers clients. Mila, une jeune ouvrière récemment licenciée, vient l’épauler au quotidien.

 

Acteur, scénariste, auteur de plusieurs ouvrages à forte connotation humaniste, Robert Seethaler décrit un microcosme social, retrace le parcours chaotique d’une clientèle composée de petites gens cabossés par la vie, boucher, catcheur, crémière, peintre raté, au crible de quelques séquences pittoresques. « Le problème n’était pas tant la folie privée des particuliers que celle de l’époque. Les temps présents n’étaient qu’une tumeur qui proliférait sur le terreau d’un passé pourri, dévoyé […] » dit l’un des protagonistes. Peut-être, peut être pas. Ce café sans nom, - un comble pour une ville qui plus que toute autre en abrite d’illustres et séculaires – devient pour un temps, car, hélas, les années défilent et le quartier se transforme, le point d’accroche d’une communauté. Robert Simon en est en quelque sorte la colonne vertébrale, capitaine conradien affrontant les avanies de l’existence, ripostant aux coups du sort par des actes de générosité. Et c’est assez pour dire l’attachement que ce livre, finaliste des prix Femina et Médicis étranger, suscite.

vendredi 10 octobre 2025

Neom

Lavie Tidhar - Neom - Mnémos

 

 

 

Dans la continuité de Central Station, un fix-up relatant des évènements situés dans un spatioport d’un Moyen Orient imaginaire, les éditions Mnémos publient Neom, un nouveau roman de Lavie Tidhar. Le titre n’est pas inconnu. Il désigne « un projet de ville nouvelle futuriste de la province de Tabuk, dans le Nord-Ouest du royaume d'Arabie saoudite » dont la figure de proue architecturale consistera en l’édification de « deux parois en miroir de 500 m de hauteur, sur 170 km de longueur et environ 200 m de largeur, abritant une cité linéaire ». Dans le récit de l’écrivain, Neom, devenue réalité, se présente comme une gigantesque et vieille métropole high tech bordant la Mer Rouge, abritant milliardaires et gens de peu.

 

Mariam de la Cruz est l’une de ces modestes personnes, vivotant de travaux ménagers, rêvant d’un avenir meilleur, peut-être aux côtés du policier Nasir, un ami d’enfance. D’autres personnages, tout aussi paumés croisent son existence . Saleh jeune garçon embarqué dans un caravansérail, rêve de gagner Neom, Central Station et pourquoi pas les étoiles. Et le plus remarquable d’entre tous, un robot sans nom, sorte d’hybride entre Roy Batty et « Le robot qui rêvait » d’Isaac Asimov, rescapé de guerres oubliées, part, armé d’une rose, à la recherche de la dépouille d’une entité dorée dans le désert.

 

Illustration V Wagner inspirée du joueur de flûte de Hamelin

« partout où vont les humains ils font pousser des fleurs »

  

Plus proche, dans le rythme de sa narration, d’un Clifford Donald Simak que d’un Christopher Robert Cargill (on trouve d’ailleurs des quadrupèdes causeurs dans le récit), Lavie Tidhar a hérité de l’auteur de City une foi en l’homme assez inhabituelle chez les écrivains de sa génération, bâtissant des carrefours d’espérance au fil de Central Station et Neom. La liste de ses réminiscences est interminable, - il cite d’ailleurs Les seigneurs de l’instrumentalité - à tel point qu’avec Nicolas Winter on peut se demander si le regard de l’auteur s’oriente vers le futur ou le passé, non seulement sur le fond (les conflits d’antan), mais aussi sur la forme, l’abondance des citations (Jenkins, Shambleau etc.) suggérant un pèlerinage ou un requiem pour la littérature de science-fiction.

 

Lavie Tidhar va-t-il poursuivre dans la voie d’une Histoire du futur, emmener ses lecteurs sur Titan ou dans « Les Nuages d’Oort » ? Mystère … L’abécédaire qui clôt le volume hésite entre le glossaire et le fragment Schlegelien, c’est-à-dire des petits bouts de récits autonomes. Décidément Neom est précieux et intrigant.


vendredi 3 octobre 2025

La Nuit de Walpurgis

Gustav Meyrink - La Nuit de Walpurgis - Marabout

 

 

 


Roman presque aussi connu que Le Golem et se situant également à Prague, La Nuit de Walpurgis raconte un soulèvement populaire alimenté par l’apparition fantomatique du célèbre chef de guerre Jan Žižka et les idées de l’anarchiste russe Kropotkine. Tout commence un certain 30 avril où l’acteur Zrcadlo apparait, comme possédé, dans divers lieux fréquentés par l’aristocratie de la cité, faisant surgir vérité et secrets enfouis au cœur des personnages interpellés. 

 

S’ensuivent diverses séquences mettant en scène quelques personnages pittoresques, comme le  « médecin de la Cour » Thaddée Flugbeil surnommé « le Pingouin », la Comtesse Polyxena Lambua, l’étudiant Ottokar, amant de celle-ci. Chacun d’eux voit surgir son double, celui de la jeunesse pour Thaddée jadis épris de le bohémienne Liesel, celui d’un portrait pour Polyxena, le masque de l’ambition pour Ottokar.

 

Le récit revisite les lieux célèbres de Prague, La « Tour de la Faim » une ancienne prison épicentre de la révolte, le quartier haut perché de Hradschin, sorte de Cité Interdite surplombant les faubourgs miséreux de la cité.

 

Bien sûr c’est de folie dont il s’agit dans ce texte tourbillonnant de 1917 écho de l'insurrection russe, et où l’on se perd parfois, mais quoi de plus déraisonnable et de plus beau que le renoncement à l’asservissement ?