Christopher Priest - Rendez-vous
demain - Denoël Lunes d’encre
L’année prochaine, l’écrivain britannique
Christopher Priest fêtera ses quatre-vingt ans. Depuis le légendaire Monde
Inverti paru en 1974, il ne cesse de tordre l’espace-temps romanesque
gratifiant ses lecteurs de livres singuliers superbement ignorés par
l’establishment universitaire. Son talent se joue du Temps ; son dernier
opus le montre amplement. Le Temps est d’ailleurs un des protagonistes de Rendez-vous
demain. Il conte l’histoire de deux fratries qu’un siècle sépare, les
jumeaux Adler et Adolf Beck d’une part et les frères Charles et Grégory Ramsey.
Le norvégien Adler Beck suit au
XIXème siècle les traces de son père Joseph disparu au cours d’une expédition
sur les pentes du Jostedalsbreen. Il consacre ses travaux scientifiques à l’étude
des glaciers. L’approfondissement de ses recherches sur leurs mouvements et les
conséquences atmosphériques le conduisent à élaborer une théorie du
refroidissement dans le cadre d’une science balbutiante, la climatologie. Son
frère Adolf dit Dolf, impécunieux et imprévisible se lance dans une carrière d’artiste
lyrique. Après avoir accompagné Adler à New York, il part tenter sa chance en
Amérique du Sud. Les frères, très liés malgré leurs différences, restent en
contact et communiquent sur de curieuses hallucinations dont ils sont victimes
depuis leur enfance.
L’auteur transporte ensuite le
lecteur en 2050. Dans les iles britanniques, à rebours des prévisions du
glaciologue, la température ne cesse d’augmenter. Charles Ramsey ex profileur
au chômage est aux premières loges. A Hastings la mer dévore les rivages. Les
climatisations flanchent, les industries se délocalisent sous des latitudes
plus clémentes, les sociétés partent à la dérive. Désœuvré il expérimente un
curieux appareil récupéré lors d’un dernier stage policier présenté comme un
système de localisation et de communication. A l’essai il lui semble entrer en
contact avec l’esprit d’autres personnes. Il tente également d’obtenir des
renseignements sur un vieil oncle qui aurait eu maille à partir avec la
justice. Un peu en retrait de ces trois personnages, Gregory Ramsey est un
reporter d’investigation. Un dernier protagoniste entre en scène. Le dénommé
John Smith remplit les pages de fait-divers à la fin du XIXe siècle en se
livrant à des escroqueries sur des femmes démunies. Est-il lié au vieil oncle
escroc ?
Beck et Meyer |
Le fond de l’histoire, l’évolution
inquiétante du climat, et les désordres qu’elle engendre dans les sociétés
futures évoquent une autre apocalypse du même auteur, Notre ile sombre,
à laquelle le naufrage d’un paquebot occupé par quelques milliers de migrants, fait
discrètement allusion. Le titre Rendez-vous demain interroge d'ailleurs.
Les rendez-vous sont parfois cruels. Quel contraste avec Le creuset du temps,
roman de John Brunner qui racontait les efforts d’un peuple extraterrestre pour
conjurer la fin de leur monde ! Adler Beck tente d’établir un lien entre l’apparition
des taches solaires et l’irruption d’une ère glaciaire. Son ouvrage n’aura
aucun succès. Charles Ramsay, à la demande d’un ingénieur d’une société
pharmaceutique, parcourt quelques notes dont une s’inquiétant d’une floraison
de dryades, fleur dont le pollen abondait à l’époque du Dryas. Mais il rend une
conclusion optimiste.
L’écriture sèche de Christopher Priest agence les briques hétérogènes de
l’histoire avec son habituelle efficacité. Le dessin de couverture d’Anouck
Faure est superbe. Les chemins bifurquant évoquent ceux du tableau de L’église d’Auvers-sur-Oise. Quelque soit celui emprunté par l’Humanité, ni l’écrivain,
ni l’auteur de ces quelques lignes ne verront l’année 2050. En attendant lisons
ce remarquable roman.
63 commentaires:
Tout çà semble bien complexe même si je sais l'auteur capable de se dépatouiller aisément grâce à ses qualités d'écriture. Le dernier de Priest m'avait laissé dubitatif, je ne sais qu'espérer de celui-ci. Ton propos m'y tente néanmoins.
Je n'ai pas lu les deux précédents dont un traitait du 11 septembre.
"Rendez-vous demain" m'a semblé assez simple, loin par exemple de la complexité de "La séparation" avec ses réalités alternatives que Gutboy avait démonté. J'ai un faible pour les plus expérimentaux "L'adjacent" et "Les insulaires" (je relirai bien le second).
A propos de la couverture du roman proposée par Anouck Faure, superbe, ces lignes de vous : "Le Temps est d’ailleurs un des protagonistes de Rendez-vous demain. Il conte l’histoire de deux fratries qu’un siècle sépare, les jumeaux Adler et Adolf Beck d’une part et les frères Charles et Grégory Ramsey."
Création très proche de l'architecture de ténèbres gravée par Piranèse dans les seize planches hallucinées et noires des "prisons imaginaires" et leurs angles de vue insolites ou les "rues mortes de Pompei", celles de Rome aux perspectives en rupture d'équilibre ou encore des dessins de Victor Hugo - qui évoquait "le cerveau noir de Piranèse" - sauf que au combat entre la lumière et la nuit s'ajoute celui de deux temps superposés.
Ici des portes en voûte laissant surgir des trouées de lumière comme des tunnels ouvrant sur une autre dimension du temps, une double image où se superposent deux époques d'une même ville, décalage de l'espace. Il faudrait la regarder à la loupe. Une atmosphère de songe... Ivresse de l'impossible. Vertige devant ce monde irrationnel, ces impasses logiques comme dans un autre roman "L'anomalie" de Hervé Le Tellier (Prix Goncourt 2020) où là encore nous rencontrons des contradictions temporelles. Vous l'avez chroniqué.
Priest fait-il vivre chaque fratrie dans son propre univers ou se rencontrent-elles ? Y a-t-il des doubles des mêmes personnages comme dans la fiction de Le Tellier ? Ce roman de Priest semble aussi en chemin entre philosophie et science ?
Ah, ça donne envie... Adieu les Nouvelles de Tolstoï, les romans de Carson McCullers...
ai-je cliqué sur le suivi ?
Quant à celle que vous proposez "Les chemins bifurquant évoquent ceux du tableau de L’église d’Auvers-sur-Oise."
Ah, Van Gogh ! Sous ce ciel nocturne fourmillant d'étoiles, cette église comme une pile de pont entre deux courants. chemins du temps... Croyances anciennes et maintenant fictionnelles régies par les astres, les comètes (Giotto aussi dans l'adoration des mages représente une comète entourée d'un nuage entourant son noyau). Astronomie savante, fiction, d'un univers sans limite... vaste inconnu.
Van Gogh aimait peindre la nuit et les chemins contradictoires dans un champ de blé ou dans un champ d'étoiles bien qu'il représentait des scènes réelles (comme Jean-François millet et son éblouissant ciel de nuit). Il rêvait d'immensité regardant le clocher de cette église tendu comme un doigt vers le ciel.
Vous êtes un sacré rêveur, aussi..;
Enfin, les étoiles, elles sont tombées à terre dans cette toile. Les étoiles sont dans d'autres tableaux de lui et dans ma mémoire.
Les gémellités, pas toujours convaincantes, cf l’uchronie dont le titre m’échappe , se déploient en général sur des plans parallèles Christiane. Il en est de même des périodes entrelacées comme dans l’ Adjacence ou l’on est à la fois (?) dans la seconde guerre mondiale et dans un futur proche, le denier chapitre réunissant avec Maestria les deux thèmes. Le Prestige doit beaucoup au. Film, et me paraît un peu longuet. On ne voit pas très bien à quoi mène cette fabrication de cadavres d’homoncules a la chaîne..,,.Je pense que pour un début, l’ Archipel du rêve et sa suite pourraient vous plaire.Je prendrai connaissance de ce nouvel opus baroque, afin de voir s’il s’y prend les pieds ça lui arrive parfois comme dns ce pesant bouquin autour de Churchill ou avec cette femme et son attentat, ou tout au contraire Wessex project ou le Monde Inverti , justement évoque ici. Bien à vous. Mc
Merci, Mr. Court pour cette longue explication. Cela me paraît très compliqué...
Je n'évoquais que la couverture du livre et la toile de van Gogh.
Moi qui relisais les nouvelles de Tolstoï....
>Christiane :Ah, ça donne envie... Adieu les Nouvelles de Tolstoï, les romans de Carson McCullers...
Nous avons tout notre temps. Patience … Sans compter le livre de Raymond que je n'ai pas toujours chroniqué ...
>MC : Les gémellités, pas toujours convaincantes, cf l’uchronie dont le titre m’échappe , se déploient en général sur des plans parallèles
Pas ici, pas ici, nous sommes dans une continuité historique.
Le choc des Titans ! Je ne parlais que d'images. J'aime aller vers un texte par une série d'images....
Heureuse de savoir que vont venir d'autres présentations de livres dont celui de Raymond Prunier.
Oui, Soleil vert, les mots dans le vivier des images, des formes, des couleurs depuis si longtemps. Ça bourdonne dans ma caboche ! Parfois j'arrête de lire et j'imagine. Ça nait lentement comme une toile surtout en ce qui concerne l'impossible d'un monde irrationnel. De ce combat entre raison et rêverie naît un besoin d'expression qui souvent passe par la lecture, plus rarement par la poésie classique, souvent par l'art.
C'est ce que j'aime dans votre maison virtuelle , Soleil vert. Il y a des images et des livres, des films aussi. Et vous les abordez toujours avec ce ton serein, lucide, expliquant l'inexplicable comme si c'était une situation normale même si de métaphore en métamorphose ces fictions ressemblent tant à nos cauchemars.
De quoi demain sera fait ? Je m'accroche pour ceux que j'aime enfants et petits-enfants à un monde où encore ils entendront les oiseaux, la rumeur de la mer. Où encore ils lèveront les yeux vers les arbres, les étoiles. Où encore le blé poussera et les coquelicots.
Vous avez là une drôle de recrue qui dessine sur les pages des livres des chemins qui bifurquent...
Vous évoquiez des nouvelles de Tolstoï. Victor Chklovski dans sa biographie "Vie de Tolstoï" évoque son Journal et révèle un Tolstoï inattendu las des prêches de l'Eglise et des explications de la science, tourné vers les philosophes Socrate, Pascal, Schopenhauer et même Bouddha. L'infini malgré les souffrances et la mort. Une sorte d'archange déchu condamné à vivre sur terre jusqu'à l'usure. "Notes d'un non-fou", (référence à Gogol). Ainsi arrive "La mort d'Ivan Ilitch"... ce monologue bouleversant.
Il la commence par ces mots : "J'écris l'histoire de la journée d'hier..." Et la termine par ces autres mots : "Celles-ci s'endorment à nouveau , et les impressions enregistrées pendant ce réveil s'ajoutent aux impressions du rêve sans aucun ordre et sans suite logique. S'il arrivait que le troisième degré de la conscience se réveillât, pour de rendormir aussitôt, le rêve se scinderait en deux parties bien distinctes."
Vous voyez c'est ainsi que je lis vos romans de science-fiction !
Mais là dans cette nouvelle, il parle d'abord de son quotidien non remarquable puis essaie d'explorer ses rêves entrecoupés de réveils comme deux mondes inconciliables. Le roman que vous évoquez aujourd'hui donne cette impression d'avoir explorer un rêve...
exploré
Quel dernier? Il semble qu’il puisse il y en avoir deux si Existenz n’est pas traduit..,,
Désolé. L’anonyme c’est moi! MC
"L'histoire de la journée d'hier", ce monologue qui ouvre le recueil de nouvelles de Tolstoï ressemble à un essai. Remonter dans le temps et raconter sans affectation les heures d'une journée jusqu'au seuil d'un sommeil entrecoupé de réveils. Une plongée expérimentale dans le temps de lucidité, de mémoire puis dans l'énigme du sommeil et des rêves.
La lisant je pensais aux rêves de Nabuchodonosor déchiffrés par Daniel.
Et aux torsions du temps dans le roman de Priest, dans la SF, en général.
Puis viennent les nouvelles dont cette agonie d'Ivan Ilitch qui ressemble fort aux affres de Job (Bible). Mais sans Dieu. Juste la mort au bout d'un chemin où un homme en vérité réfléchit aux manques de sa vie, à ses mensonges.
La bibliographie de Christopher Priest :
https://www.noosfere.org/livres/auteur.asp?NumAuteur=343
Merci, Soleil Vert. Je n'ai jamais douté du sérieux de vos choix et j'aime vos articles.
Juste, je vais en rêvant. Tantôt lisant, tantôt dessinant, tantôt marchant et regardant les gens, le printemps.
A soixante seize ans, la vie a une saveur extraordinaire. Les rencontres littéraires nouvelles plus rares, profondes et surtout c'est le temps des relectures, de la méditation, du calme.
Vos interventions sont courageuses et honnêtes. Bravo.
Quelle histoire, cette affaire Beck! Il ne semble pas que Conan Doyle y ait beaucoup brillé car Peter Costello, dans son Conan Doyle détective, n'en dit rien. On voit en revanche parfaitement ce qui peut y fasciner Priest.
Merci du rectificatif, Soleil Vert.
MC
Dans la science-fiction je cherche des choses qui m’intéressent dans la littérature et dans la vie réelle, pas les conquêtes, les guerres (la SF américaine) mais le style, l'histoire humaine. Je veux être interpelée au niveau personnel et dans l'écriture. Ainsi le roman de Marcel Theroux "Au nord du monde". Me souvenir des mots, des images que l'auteur a créées, d'une certaine poésie.
Mais j'avoue avoir préféré vos billets sur S. Zweig, J. Conrad, P. Assouline, A. Blondin, Melville, Pavese, J.London, H.James,Hemingway, Le Tellier, Maalouf, Gracq, Giono, G.G.Marquez, P.Handke, F.Scott Fitzgerald, P.Michon, P.Roth, H.Haddad... Je crois à la fiction narrative. Mais la lecture est quelque chose de tellement intime.
Je me souviens, une année, H.Haddad présentait une fiction poétique au marché de la poésie, place saint Sulpice. Au stand je l'ai achetée. Comme il était absent et devait repasser quelques heures plus tard, je me suis assise, sur un banc, à l'ombre et j'ai commencé à lire son livre. Plein d'images me venaient. J'ai dessiné à même les pages avec mon stylo-plume.
Plus tard de retour au stand, nous avons feuilleté ensemble ses mots mêlés à mes dessins. Comme il peint et dessine beaucoup, il était intéressé. Je lui ai offert SON livre et je suis repartie du marché de la poésie avec un bagage si léger : tout un livre dessiné et lu dans ma tête, et sa présence !
Christopher Priest pourrait m’intéresser. Ses thèmes un peu mélancoliques, son attrait pour le fantastique qui est autour de nous, son rapport au temps qui s'enroule mêlant passé, présent. Sa bibliographie est imposante.
Bien, j'ai commandé "Rendez-vous demain". Il est traduit depuis peu en français ! Denoël a eu une bonne idée. J'espère que Jacques Collin a fait un travail ciselé.
Donc je vais pouvoir observer à la loupe la couverture créée par Anouck Faure !
mais surtout retrouver un écrivain que je croyais ne pas connaître, oubliant son roman à l'origine du "Prestige", film de C.Nolan avec Hugues Jackman et Michaël Caine. Bien envie de lire le roman écrit comme les journaux intimes des deux illusionnistes qui se croisent, je crois. Vous avez bien dû chroniquer ce livre, je vais chercher. Cinéma et émotion littéraire.
Et puis le thème de Rendez-vous demain ne m'est pas indifférent bien que contradictoire entre le XIXe s. (prévision de glaciation) et le XXIe (réchauffement climatique, montée des eaux). Deux hypothèses aussi inquiétantes l'une que l'autre car précédées par des faits, des observations.
Londres, l'Angleterre victorienne : la couverture. Pourrais-je facilement la quitter pour 2050 ? Je sens que je vais d'abord lire deux histoires. l'écrivain les joindra sûrement.
Je vous reparlerai ici de ma lecture.
En attendant l'arrivée du roman, je relis "Un monstre et un chaos" (Zulma) de Hubert Haddad me souvenant de cette soirée où Hubert Haddad et Serge Kantorowicz présentaient leurs œuvres gémellaires à la galerie Schwab à Paris. La synagogue des iconoclastes, le roi des Schnorrers pour l'artiste et le roman poignant d'Hubert Haddad qui évoque dans le ghetto de Lodz en Pologne le sort de deux frères orphelins dont l'un, Ariel, va mourir, il restera Alter (situation très biographique...). Sont évoqués dans cette vie infernale aussi le "pantin", Chaïm Rumkowski, le doyen du Conseil juif au service du Reich qui transforme le ghetto en site industriel, les convois hebdomadaires pour les camps d'extermination, la Résistance mise en place, et enfin opposée à la misère, à la souffrance, la vie artistique dans le ghetto au seuil de l'anéantissement : concerts, chansons yiddish, théâtre de marionnettes (lieu qui sera le refuge d'Alter).
Un chaos... éclairé par le regard lumineux d'Alter qui réussit à survivre au monstre. Beauté de l'écriture, noirceur du roman.
La science-fiction me paraît minime face à ces inquiétudes réelles.
Mais la SF se construit sur l'Angoisse et l 'inquietude du futur spécialement chez Ballard, le moins connu Wyndham, et même chez un Charles Robert Wilson entre autres dans l' uchronie Julian. Ca vieillit parfois mal: IGH est un cas limite chez Ballard, et parfois pas. Je ne dis pas qu'il n'existe pas de SF optimiste, façon Etoile Double de Heinlen, mais il ne faut pas l'y réduire, non plus qu'au mauvais western galactique du type "XYZ pointa son désintégrateur sur HOV". Vous verrez, vous vous y ferez très bien… Ecrivant cela, je pense qu'Heinlen bossa justement autour du groupe tcheque auquelles USA durent leurs premières fusées; cf Erwann Chardronnet, Mohave Epiphanie,Inculte Dernière Marge édition! sur cette période ou les fusées devaient être civiles et pacifiques... La SF aussi a du intégrer une guerre faite par des moyens suscités par elle, mais qu'elle n'avait absolument pas prévue.
Bien à vous.
MC
Bonjour Mr Court. Je ne cherche un dénouement optimiste dans aucune fiction, je notais seulement que loin des guerres intergalactiques je préfère les histoires humaines, les réflexions sur le temps, les métamorphoses. Et
que , indispensable, je suis à la recherche d'une écriture qui m'entraîne dans son sillage.
Bien évidemment, Christiane, je n'ai d'ailleurs pas parlé de quête de l'optimisme. C'est la Fable et l'écriture qui sont importantes . je notais simplement que ce que vous appelez les "inquiétudes réelles" peuvent etre prises en charge par la SF, ou pas.
Bien à vous et bon après-midi.
MC
J'aime bien quand on se comprend. Merci.
Je regarde la couverture d'Anouk Faure. En réalité les deux portes ouvrent sur du vide. Une ville semble au-dessus de l'autre. Le chemin esquissé par les deux portes dessine une spirale qui plonge vers le bas par la porte de droite..un flot coule qui prend naissance derrière la maison qui occupe le premier plan et se perd dans le bas de l'image.. ce monde est en pente.. Deux silhouettes noires près des portes, un couple indistinct sur la partie haute.. Des nuages, beaucoup de rayons de lumière. Je pense à un dessin à la plume, plus qu'à une gravure.
Je comprends le rapprochement avec la toile de Van Gogh ( chemins qui bifurquent autour de l'église d'Auvers sur Oise)
Beau travail d'écriture sur la couverture.
Très beau travail.
De la quatrième de couverture (éclairée par le billet de Soleil vert, je retiens deux époques, deux dérèglements climatiques antagonistes.)
Soleil Vert donne un renseignement supplémentaire rappelant que la dimension fictive est partie prenante du travail historique. L'effet d'illusion sera-t-il conduit sur le mode d'une enquête ?
L'Histoire cernant l'aventure individuelle des personnages.
Le livre commence en mai 1877 par un procès qui va de venir le premier acte de l'histoire qui suit.
Vrai ou faux fictif... Cela me rappelle un essai de Carlo Ginzburg "Le fil et les traces".
Je vous quitte. J'entre dans la lecture du roman.. suavité. Que c'est bon d'être une lectrice !
De la quatrième de couverture (éclairée par le billet de Soleil vert), je retiens deux époques, deux dérèglements climatiques antagonistes.
Le premier paragraphe est époustouflant. En 14 lignes Christopher Priest nous présente des personnages "qui ne savent rien encore" de l'histoire à laquelle ils vont être mêlés, un accusé dont les deux frères "n'entendraient parler avant bien des années. Et, cerise sur le gâteau, deux autres personnages sont nommés mais l'auteur précise "qu'ils ne naîtraient pas avant plus d'un siècle."
C'est de la haute voltige. Superbe !
J'aime beaucoup la chronique judiciaire, l'actualité de ce printemps 1877, la photo de l'accusé, la reprise très inattendue du titre du roman "Rendez-vous demain".
Pour l'instant aucun soupçon de science-fiction mais l'auteur est un très fin montreur de marionnettes. Il s'approprie des personnages réels et fictifs, une ville et un temps réels pour y tisser sa fiction.
Un "sans faute" comme écrirait JC après avoir lu les 80 premières pages du "Paquebot" de Pierre Assouline sur un blog voisin !
Christopher Priest comme W.G.Sebald s’intéresse à ce qui a eu lieu (personnages, lieux, Histoire). Ainsi dans ce roman il confronte images et texte (photos, cartes de géographie). Cela donne beaucoup de réalisme au début du roman mais le réel est-il toujours dans l'image ? La fiction est la rencontre entre les deux. Vertige... On tangue des ces premières pages entre roman historique et fiction. Beaucoup de "traces" dans ce début de roman. Tous ces signes pour nous préparer peut-être à la catastrophe. Ici, la fonte des glaciers ou le refroidissement de la planète. Joint à cela, l'utilisation du "je" glissant adroitement un Journal dans un texte de chronique judiciaire. Il compile des notes (procès) et peu à peu introduit un sens, une fiction, organisant subtilement ces éléments, les mettant en relation. Tout cela fonctionne bien ensemble.
Pierre Assouline aime aussi ce jeu (sans les photos) qui mêle adroitement vérité historique et fiction.
Mais, contrairement à Sebald, Priest ne puise pas dans ces images pour faire surgir ses souvenirs mais il me semble, pour installer un trompe-l’œil. Reconnaissance d’un réel qui va nous embarquer dans une torsion du temps; Entrelacement peut-être trompeur. Mystère... Traces lacunaires...
Le roman me plaît beaucoup. Merci Soleil Vert. La voix entendue dans la crevasse du glacier... Hum. J'adore !
Les explications concernant le passage du Gulf Stream à proximité des côtes occidentales (réchauffement de l'air, précipitations, enneigement des vallées de Norvège, fin de l'Holocène, couverture glaciaire de l'hémisphère Nord, état du glacier Jostedalsbreen) sont passionnantes ainsi que cette drôle de petite voix qui semble venir du passé...
Bref, la vie d'Adler Beck dans ce centre océanographique de Key Largo est un très beau moment de ce roman.
Le commencement d’une nouvelle période géologique : l’Anthropocène (vers 1950) marque effectivement le début d'une nouvelle époque se caractérisant par l’activité des humains comme principale force de changement sur Terre, passant les forces géophysiques : l’Anthropocène, c’est l’âge des humains dont les activités vont modifier la composition de l’atmosphère et le réchauffement de la planète en chargeant l’environnement de nouvelles substances chimiques de synthèse qui se répandent dans l'atmosphère.
Rose (RdL) aimerait beaucoup ce roman.
surpassant
Plus j'avance dans le roman mieux je regarde l'illustration d'Anouk Faure. Ce ne sont pas des nuages mais des fumées qui obscurcissent le ciel. Un brouillard de fumées. De la pollution.
Les silhouettes sont très anglaises, canne, chapeau, redingote, robe longue pour la femme. Aucune fenêtre ouverte...
J'arrive au saut dans le temps. 2050.. le climat se réchauffe va-t-on nous reparler d'Adolf et d'Adler ? C'est évident mais comment ?
Le long journal d'Adler est surtout occupé d'observations et de craintes sur le dérèglement du climat. Le sort de Dolf est plus attachant mais avec de longs silences entre ses lettres tout emplies de musique italienne. Opéra... Des voix différentes. Un tourbillon.
L'actualité climatique captée par les médias est tellement semblable à celle de ce roman d'anticipation.
Je n'ai pas encore trouvé le sens de cette voix que les jumeaux entendent.
Et le père enfoui dans toute cette glace, un peu comme "hibernatus" ! Mais je doute qu'il revienne, décongelé dans cette histoire. On le retrouvera mort. Le glacier va bien finir par se rétrécir. Il changera de tombe : terre après la glace .
Mais si le ciel est obscurci de fumée, au premier plan, ce flot est peut-être de glace.
Froid, chaud ? Une vraie omelette norvégienne ce roman !
Il n'y a pas d'étoiles dans cette nuit noire de la toile de Van Gogh. Évidemment...
"Je n'ai pas encore trouvé le sens de cette voix que les jumeaux entendent."
L'explication surgit dans la dernière partie. On en reparlera. Bonne fin de lecture.
Merci, Soleil Vert, j'éprouve du plaisir à cheminer dans ce roman en rappelant mille et un souvenirs de lectures ou de rencontres, plein d'images aussi.. Le Journal d'Adler le permet car il est tout regard et écoute. Il pourrait être une rencontre de hasard ici et maintenant. Ce voyage, ces recherches, ce jumeau proche et lointain - qui m'a rappelé "Un monstre et un chaos" de Hubert Haddad. Les glaciers qui disparaissent, les villes écrasées par la pollution quand la chaleur monte. C'était bien de suivre le Gulf Stream. Un courant qui fait rêver depuis si longtemps. C'est un livre très érudit. Il fait la part belle à l'Histoire, aux personnalités du monde des sciences et des arts. Et parfois un frisson : quelque chose traverse ce passé sous forme d'une voix comme un empêché de communiquer. C'est très fort.
J'aime cette voix qui cherche dans ce monde du passé une ombre, confondant un jumeau avec autre. Elle pourrait venir du futur mais elle semble venir du passé car toujours nous pensons que ceux qui ne sont plus viennent nous héler.
Vivre est un métier de funambule parce que la corde sur laquelle on marche est le présent. On ne sait d'où elle vient, où elle va. Il faut juste faire un pas après l'autre. Sinon plouf ! Bonjour Icare - un funambule, dans son genre...
Superbe concert sur Mezzo. Mozart, et à venir Schumann. C'est bien aussi quand on se repose des mots. Le groupe Camerata est excellent et Giovanni Guzzo tellement heureux et de jouer sur son violon tout en dirigeant l'orchestre. Hélène Grimaud est partie de reposer après un concerto où elle jouait sans partition. Doigts de fées sur le Steinway. Toute cette musique me rend heureuse.
"Désœuvré il expérimente un curieux appareil récupéré lors d’un dernier stage policier présenté comme un système de localisation et de communication. A l’essai il lui semble entrer en contact avec l’esprit d’autres personnes."
hum...
"La voix entendue dans la crevasse du glacier."
Premier trompe-l’œil. On pense au père disparu dans une crevasse bien des années avant. Mais la voix se fait entendre ailleurs et pour les deux frères. Elle n'est pas une voix tendre (un père à la recherche de son enfant) mais celle de quelqu'un qui cherche un contact comme un naufragé, sur un bateau qui sombre, s'essaierait à envoyer d'ultimes messages sur une C.B.
Le roman se divise entre deux temps.
2050... un futur pour nous.
vous donnez un indice...
Certains préfèrent les spirites mais les spirites parlent avec des soi-disant morts.
Pour l'instant les jumeaux Dolf et Adler sont bien vivants. Ils ne pourraient l'être en 2050.
d'ailleurs Christopher Priest écrit dans les premières lignes "quant à Charles Ramsey, son épouse Ingrid et son frère Greg, ils ne naîtraient pas avant plus d'un siècle."
Priest nous balade entre anticipation et mémoire (souvent historique) faisant de nous, lecteurs, des spectateurs de Buster Keaton en perpétuel déséquilibre, complètement désarticulé, comme dans la Maison démontable dont la façade tombe sans le blesser ou assis sur la bielle de la loco dans le Mécano de la General ! Des solitaires ahuris dans un monde courant à la catastrophe. Buster Keaton disait de ses rôles : "La surprise en est l'élément principal, l'insolite le but," sans oublier une pointe de tragique. Cela se trouve aussi dans l'architecture du roman de Priest.
Comme lui, Priest construit son jeu mathématiquement, géométriquement jusqu'à créer une situation improbable. Mais du cinéma muet, soit non verbal, on passe à l'écriture et à la lecture. Et on quitte Keaton en clown triste dépossédé de ses rôles par le cinéma parlant...
Priest est un fin stratège. Ainsi page 88, il relie habilement Chad Ramsey à cet oncle "antidéluvien" tant "amoral" : Adolf Beck. Et fait pour cela un voyage et des recherches en Norvège. A défaut de renseignements il rencontrera Ingrid et ensemble, découvriront la beauté des montagnes et des glaciers...
Grégory est en Écosse.
Et voilà le lecteur en 2050.
Chapeau l'artiste !
Ah là là, l'accusé de la première page qui se fait appeler John Smith ne serait-il pas par hasard ce fameux arrière grand-oncle Adolf ?
J'adore ce roman Soleil vert, c'est comme un puzzle. Je m'amuse beaucoup à nouer les fils des marionnettes de Christopher Priest.
Ah, nous y voilà avec la CMI. Le transhumanisme, l’amélioration du corps humain grâce à cette technologie sophistiquée, l'homme augmenté et naturellement dans un but de répression policière. Je suis déçue. Je n'aime pas du tout ce virage du roman. C'était mieux avant. Priest a abîmé ma balade. J'aime que les hommes ne soient que des hommes et que c'est en eux, dans leur fragilité, dans leurs contradictions , leurs incertitudes qu'ils trouvent leur chemin.
Bon, il faut bien achever le roman...
Bon, ça va, il s'en sort bien. La suite est une aventure solitaire pour celui qu'on a modifié.
Le lien entre les deux époques : le dérèglement climatique. Un puzzle familial à reconstituer.
Mais l'accélération des cataclysmes semble aller vers une fin guère réconfortante.
C'est un roman triste. J'avais bien choisi Buster Keaton et Beckett et dans un autre genre de mémoire fiction Un monstre et un chaos de Hubert Haddad.
Hommes ou planète, la fièvre gagne pour détruire.
Ce matin je regardais deux pigeons sur le toit voisin se préparer à convoler. Un nid quelque part les attend.
Souvent j'ai rêvé d'être un oiseau, plutôt un rapace parce qu'ils vivent, solitaires, dans les montagnes et qu'ils planent longtemps dans le ciel.
Quand même j'en ai un peu assez de la science-fiction. Trop pessimiste. Envie, quand j'aurais refermé ce livre, de retourner au ma bibliothèque. Relire mes livres aimés. M'y faire un nid, retrouver la voix de mes écrivains alliés. Rêver un peu à la beauté du monde.
https://fr.m.wikipedia.org/wiki/El_c%C3%B3ndor_pasa
Souvenir des années soixante. J'aimais écouter cette chanson et la flutey et les tambours.
Une de mes chansons du début des seventies
RDV pour Carson McCullers ?
Oui oui absolument !!!
https://anouckfaure.com/
Regardez, Soleil vert, sur le site d'Anouck Faure. C'est extraordinaire ce qu'elle crée à la plume ou au burin. Une artiste née en Nouvelle Calédonie aimant dessiner les racines , les roches et les vagues, ayant créé plusieurs couvertures de livres, exposé ses oeuvres, écrit et illustré deux fictions. Donc, la couverture du roman de Priest est une gravure. Elle en parle sur son site.
Je pense que vous allez aimer découvrir ses créations intéressantes. On la sent inspirée par les maîtres de la gravure dont Fred Deux, Rembrandt... Sa formation est de qualité.
Ah, vous avez trouve là une pépite. Chic alors !
Je termine le roman aujourd'hui, docile -un peu- à l'imagination de Priest mais je ne peux m'empêcher d'imaginer comment cette fiction aurait pu évoluer sans cette CMI dont l'installation forcée et terrible transforme des stagiaires en cobayes avec des scènes ressemblant à de la torture et à de l'humiliation. Je n'ai pas du tout aimé ce passage.
La voix, cette fameuse voix, aurait pu cheminer de l'un à l'autre par télépathie et non par cette plaque vissée dans un crâne tondu avec deux trous pour mettre les piles. Quelle horreur !
Priest a une inspiration ici noire et cynique même si plus tard il fait de son héros un résistant en fuite. Les jumeaux qui reçoivent ces messages sont très touchants quand ils essaient expliquer et de s'expliquer ce qui leur arrive. Quant au grand oncle, une belle crapule.
Reste quelques beaux paysages et une quantité non négligeable d'informations scientifiques et sociales. Et la couverture !!!
Mais ce livre ne me fait pas rêver. Il répand une angoisse latente très désagréable. Dommage, j'ai été très attentive, longtemps. Les personnages ne sont pas assez approfondis. Pourtant la trame du roman le permettait. Trop de dérèglement climatique, pas assez de philosophie, de psychologie. L'auteur s'est pris au piège de sa structure impressionnante, des passages entre deux époques, des liens qui faisaient fonctionner le roman via ses personnages. C'est une sorte d'architecte très doué mais le coeur est en hibernation. Enfin, mon avis peut être jugé complètement à côté de la... plaque !
Et l'écriture, le style qu'en avez vous pensé ?
Bonne question ! Très agréable à lire.
Je ne peux pas dire que je n'ai pas aimé ce livre fort bien construit, intéressant. Juste, j'ai calé devant cette invention cruelle de plaque CMI, de la souffrance qu'elle occasionne, de son rôle plus que discutable. Par ailleurs cette liaison inter générationnelle n'apporte pas grand chose au débat. Quand c'est foutu c'est foutu ! Glaciation ou sécheresse torride... Les deux sont moches. Et Priest y joint des maladies, des insectes grouillants. Bref, c'est la joie ! Je n'ai pas aimé cette situation qui pourrit lentement mais sûrement. Et puis les personnages ne vibrent pas, ne se posent pas trop de problèmes sentimentaux voire intellectuels. Obsédés par cette voix et par le climat, ils oublient de vivre. Pourtant même dans ce monde inhospitalier il doit y avoir des motifs pour aimer la vie. Regardez ces enfants. Rien de beau de palpitant de doux ne vient d'eux. Les couples ne sont pas amoureux. Bref c'est une machine ce roman. Je me revitalise en lisant le merveilleux roman de Carson McCullers Frankie Addams. (Si bien senti par Claude Miller dans L'effrontée avec Charlotte Gainsbourg). Cette ado est toutes les ados, mal dans sa peau, ardente, pleine de rêves, et de colère. . Voilà un livre qui me fait vibrer.
Ne m'en veuillez pas je n'ai pas lu en entier votre nouveau billet. Quatre d'un coup c'est trop. Je mets la SF en repos pour un temps.
Et puis ça vous fait un peu de calme. Quand j'empoigne un livre je ne peux m'empêcher d'écrire ce que je ressens et ça fait beaucoup trop de commentaires ! Vous êtes de bonne composition. Un bon coup de balai dans
dans toutes ces billevesées aurait été compréhensible !
Bon je retourne tenir compagnie ay ce petit chardon de Frankie Addams. Je reviendrai chez vous plus tard, pour un autre livre. Encore merci.
Un beau souvenir : l'opéra, la musique. la tournée de Dolf. ses duos avec Carlotta.
Pour en revenir à ce flot de commentaires, peut-être est-ce parce qu'écrire m'aide à comprendre. Parfois l'écriture est plus importante que la vie quotidienne. Quand mon oued d'encre est asséché, je lis... mais j'ai besoin que l'univers dans lequel je plonge me soit sillage, profondeur. Je veux bien parcourir un chemin pour aller à l'autre mais sans me perdre. il faut que je puisse m'y ajuster, faire du livre une sorte de résonnateur, une atmosphère possible, une tonalité reconnaissable, un accompagnement.
Le livre de Priest est névrotique. une vraie toile d'araignée.Il me rend aphasique sensoriellement. Le lisant, je perds mes mots, ma ritournelle cachée.
La substance d'un livre naît dans le silence de la lecture. Celui-ci grince. Je ne peux établir aucune connivence avec ses personnages, à partir de la plaque de CMI et de ses batteries graphène à enchâsser dans la mastoïde de Chad.
Je suis désolée;
Vous aussi, vous l'écrivez : "L’écriture sèche de Christopher Priest agence les briques hétérogènes de l’histoire avec son habituelle efficacité."
J'aime beaucoup la dernière page du livre "Rendez-vous demain", ce post-scriptum à la fin du livre d'Adler. Une fleur sur le glacier, "une belle petite chose simple" capable de donner du bonheur. Ça serait bien si c'était la première page d'un roman...
J'aime bien ça de vous :
"Sur les bancs du lycée Lavoisier en 1969, j’avais entrepris de raconter une vague histoire de science-fiction. Les derniers pavés de Mai 68 venaient de réintégrer le bitume et comme eux, les copains de classe et moi-même, nous nous sentions désormais un peu à l’étroit. L’époque incitait aux utopies et aux projets littéraires fussent ils eux-mêmes utopiques. Une frénésie créatrice avait saisi mes camarades. Tel reproduisait les dessins des Shadocks, tel autre parodiant la série Des agents très spéciaux avait inscrit sur la première page d’un énorme cahier Les dossiers de l’agence O. Je doute qu’il ait ensuite rédigé une seule ligne. "
"J’avais donc entrepris de gribouiller les pages gauches d’un cahier à spirale dont l’épaisseur diminuait au fur et à mesure que j’arrachais les feuilles remplies d’une bouillie d’encre infâme. Un copain, qui depuis a fait son trou dans l’animation, se chargeait des dessins de la page de droite avec un réel talent. Il était question d’une expédition lunaire. La base de lancement se trouvait au nord du Rio Grande dans les profondeurs du Texas. Rien que cela. Trois copains embarquaient à bord de la fusée. L’histoire resta inachevée à la suite d’un changement de lycée. "
"Quant à ma modeste personne, j’eus dans la décennie 80 l’occasion d’une nouvelle collaboration avec un dessinateur excellent. Mais l’imagination avait disparu. Quant au talent, il reste toujours enfoui au fond de l’Arizona."
Voilà un voyage qui se continue sur votre blog...
Ces souvenirs d'adolescent suivent la même évolution que ceux de Frankie Addams - le miroir de Carson McCullers. Rêver de fuir, vous par ces lectures, ces dessins, elle par ses rêves. Deux essais de transposition romanesque intégrés à la mythologie des adolescents. Fuites provisoires...
Deux nourritures littéraires par la lecture pour se trouver, ailleurs.... Des tentatives pour faire "partie d'un nous".
Résignation en attendant pour elle l'écriture pour vous, ici, ce voyage en littérature.
Vous devriez écrire cette adolescence. Une plume ! (alors que Christopher Priest, je ne le reconnaitrai pas par son écriture mais par la construction de ses histoires par blocs superposés et cette passion qu'il a de tordre le temps.)
Je viens de finir le roman. Je me retrouve dans ta critique, SV. A une exception près qui relève d'un manque de ma part. N'ayant pas lu "Notre ile sombre" je suis passé au large du paquebot de migrants sans pouvoir relever la parentèle.
Je vais basculer en mode "chro", mais comment égaler ta concision et cette faculté tienne à imbriquer tes réflexions sur ce que tu viens de lire les unes dans les autres, et ce en un tout cohérent... A suivre
Bien aimé cette chronique sur votre blog ( mis en lien par Soleil vert) qui affiné le regard sur les fictions de Christopher Priest.
https://laconvergenceparalleles.blogspot.com/2021/11/consequences-dune-disparition.html
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