dimanche 2 septembre 2012

L' Immeuble Yacoubian

L’Immeuble Yacoubian - Alaa El Aswany - Actes Sud - Babel




Paru en 2002 et traduit en français en 2006, L’Immeuble Yacoubian jette un éclairage violent et sans complaisance sur une société égyptienne fracturée par les pratiques généralisées de la corruption, de la torture policière et la montée de l’intégrisme. Des lignes de faille sans doute non étrangères à la révolution de 2011.

L’auteur, Alaa El Aswany, signe là son premier roman. Il réside au Caire et exerce la profession de dentiste, ce qui constitue un heureux présage littéraire, diront les amateurs de Stefan Wul. L’action se situe principalement dans le quartier de l’ancienne rue cairote Soliman-Pacha et quelques lieux typiques. L’immeuble Yacoubian tout d’abord, un bel édifice construit dans les années 30 par un millionnaire arménien, le restaurant Maxim tenu par une française, et le bar « Chez nous » fréquenté clandestinement par des homosexuels. L’immeuble Yacoubian a connu une période faste sous l’ère du roi Farouk. Occupé par l’establishment égyptien avant la révolution nassérienne, il héberge désormais des familles issues de toutes les couches sociales de la population du Caire,  et abrite un microcosme qui fournit la matière du roman.
Tour à tour donc s’ouvrent des fenêtres sur une galerie de personnages et de destins. Une gageure pour un texte condensé de 300 pages et qui nécessite sinon la patte d’un écrivain confirmé du moins un talent de caricaturiste affirmé.
Et ça marche.

Portraits et itinéraires font mouche. Ceux des femmes par exemple. Asservis par les hommes, Boussaïma, Soad tirent un trait sur leur projet de vie. L’une subit les assauts sexuels de petits patrons successifs, l’autre conclut un mariage arrangé avec un affairiste véreux. Objets de désirs, women in chains (1), elles n’existent qu’en fonction de leur corps, l’opulence de leur poitrine, la fermeté de leur chair. Ne sont t’elles pas « terres labourables » selon les termes de la Sourate de La Vache citée par l’auteur ?
A côté de ces vicissitudes, le sort de Taha Chazli n’est guère plus enviable. Jeune homme brillant et très pieux, sa condition modeste lui interdit de briguer un poste d’officier de police, malgré des examens passés avec succès. Symbole d’une jeunesse sans espoir, il plonge inévitablement dans l’extrémisme islamique. La violence subie (et sa forme extrême la torture pour Taha), caractérise la société égyptienne. L’odyssée tragique du journaliste homosexuel Hatem Rachid vient le rappeler opportunément.

Heureusement, Zaki Bey atténue cette noirceur ambiante. Personnage issu d’un récit de Gogol ou d’une comédie italienne, ce vieillard édenté fils d’un Pacha de l’ère Farouk se présente comme un séducteur invétéré au grand dam de sa sœur, l’irascible Daoulet, furieuse de voir l’héritage familial se dissiper en soirées libertines.

Les mésaventures comiques et grotesques de Zaki empêchent le couvercle de se refermer complètement sur un récit rédigé au vitriol. Classique dans sa forme, mais sans faiblesse, L’Immeuble Yacoubian se dévore d’une traite.

(1) Women in chains, recueil de nouvelles de Thomas Day aux éditions Actusf
 

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je déconseille le film;pàle adaptation du livre.