Thomas Pynchon
- L'Arc-en-ciel de la gravité - Editions du Seuil
[Cet article - ou plutôt cet
assemblage de mots - est paru en juillet 2007 sur le défunt site web du Cafard
Cosmique.]
Précédemment
paru en 1975 chez Plon puis en 1988 aux éditions du Seuil, « L’arc en ciel de la
gravité » de Thomas Pynchon est réédité en 2007 chez ce dernier
éditeur dans une quasi indifférence générale, à l’exception du Web ou l’auteur
fait figure d’icône. Il faut dire que la discrétion légendaire de l’auteur et
le caractère hors norme de sa production ne contribuent pas à son exposition
médiatique. Mais le 4eme de couverture nous invitant à un voyage « post
apocalyptique » quoi de plus naturel que le Cafard Cosmique y aille aussi
de son grain de sel.
Thomas Pynchon est né dans
l’état de New York le 8 mai 1937. Il a entrepris des études d’ingénieur et
littéraires, entrecoupées par un séjour à la Navy pendant la crise de Suez.
Après avoir travaillé chez Boeing jusqu’en 1962, il publie des romans
retentissants pratiquement tous primés, dont Gravity Rainbow, et ce
dans une discrétion totale et légendaire (on ne possède de lui que quelques
rares photos).
A la lecture de l’arc en ciel de la gravité, un pavé postmoderne de 700 pages, une citation en tête de la 3eme partie du roman revient constamment à l’esprit du lecteur : « Toto, j’ai l’impression que nous ne sommes plus au Kansas… » [Dorothy, en arrivant à Oz.] Les codes de lectures sont en effet dynamités ici : difficile de s’appuyer sur une intrigue ou une continuité narrative, les lieux sont esquissés, évènements, considérations historiques et scientifiques en tout genre, poèmes, jeux de mots se succèdent dans un délire permanent. Robert Silverberg dans « Le fils de l’homme » avait poussé jusque dans ses retranchements le concept de la métamorphose corporelle. Pynchon reprend ici ce concept et l’applique au corps du texte. Aussi le lecteur est constamment désarçonné, au point d’être parfois tenté par des lectures aléatoires. Les parentés de cet objet littéraire non identifié se situeront en priorité plutôt du côté de Don Delillo (L’étoile de Ratner) ou l’œuvre de Kurt Vonnegut. On pourrait aussi le considérer comme une suite de V.
Essayons donc d’accrocher
quelques branches.
L’histoire (les
histoires) se déroule durant la bataille d’Angleterre. Le titre du roman « L’arc en ciel de gravité » évoque
la trajectoire parabolique des fusées V1 et V2 qui s’abattent sur Londres à
partir de 1944 - et donc la Mort. Le personnage principal, le lieutenant
Slothrop, présente une particularité intéressante : les V2 s’abattent sur
les lieux de ses exploits sexuels. Il est surveillé de près par un expert
militaire au nom impossible de Roger Mexico qui s’efforce aussi mais par des
moyens plus …mathématiques de prévoir la topographie de la chute des fusées. Après
Londres Slothrop poursuit ses pérégrinations dans le sud de la France, à Zurich
puis en Allemagne ou sévit un certain Weissmann lanceur de fusées, non loin du
sinistre camp de Dora.
La symbolique sexuelle (et
d’ailleurs la sexualité tout court) est omniprésente dans ce livre. Rarement l’obscur
aphorisme « L’histoire c’est le retour du refoulé » n’aura
trouvé pareille illustration ici. La guerre y est présentée comme une
perversion [cf la théorie de Pavlov sur « l’inversion des contraires »]
au même titre que les jeux de Katje, espionne et nymphomane, ou les fringales
du général Pudding, grand amateur d‘étron. L’image du V2 s’abattant sur la cité
est aussi symbolique d’une anti-résurrection. L’être humain est renvoyé à la
Terre, les Anges ne nous entendent pas [référence aux Elégies de Duino de Rilke]
et tout ce que nous pouvons attendre de notre condition est une
transfiguration, peut être par l’écriture. Pynchon exprime ceci par un texte
extrait d’un code de kamikazes :
«
Hi wa Ri ni katazu
Ri wa
Ho ni katazu
Ho
wa Ken ni katazu
Ken wa ten ni katazu
L’injustice ne peut vaincre les principes
Les principes ne peuvent vaincre les lois
Les lois ne peuvent vaincre la puissance
La puissance ne peut vaincre le ciel »
Autrement dit tout vient
du Ciel y compris l’injustice.
Que cachent au final cette prose luxuriante, cette intertextualité, ces énigmes, ces images ? Tout symbole dissimule une absence, un vide. Or le Vide est évoqué à de multiples reprises dans « Gravity’s Rainbow ». Par exemple Pynchon établit un parallèle saisissant entre le pays natal de Borges, l’Argentine du début du XXe siècle, ses pampas gigantesques, désolées, et l’oeuvre de l’auteur de Fictions peuplé de labyrinthes. Les romanciers ont horreur du vide ; c’est pour cela qu’ils écrivent.
143 commentaires:
Sympathique rebond sur Pynchon, SV !
J'étions passé à côté du billet en son temps... Faut dire que je connaissions point votre blog. Or donc, il me rafraichit les neurones. J'apprécie beaucoup, merci. Bàv, (J J-J)
Merci jjj.SV
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SV
Test SV depuis smartphone
l'ouvre (sans musée !)
J'ai commencé la lecture de "L'arc-en-ciel de la gravité" de Pynchon. C'est écrit au plus proche d'une pensée solitaire, mêlant observations très fines, intrusion de pensées imprévisibles, parfois parasites, souvenirs de rêves et progression des bombardements de V2 sur Londres.
La population en détresse dans les ruines, le froid et la boue. Une sorte d'indifférence à la mort pouvant survenir n'importe quand si on est au mauvais endroit. L'inconscient se saisit de l'imaginaire avec des fantasmes de formes larvees et visqueuses absorbant la vie. Le temps est incertain entre les années de guerre et celles qui auraient pu suivre. Les noms ressemblent à ceux donnés aux personnages de dessins animés. Il y a du Tex Avery dans tout cela, un comique tragique. C'est vraiment étonnant très proche de la vie telle qu'elle nous parvient avec ses intermittences
Pas facile à chroniquer.Bravo à vousSV.
Je crois que je vais passer,c’est un peu trop Old School et je ne vois pas trop le lien entre tirs de missiles et érections,ou plutôt si.
Il y a dans ce roman une multitude de tableaux et tout autant de personnages qui se croisent., se perdent, disparaissent, apparaissent.
Je viens de lire un passage hallucinant. De bombardement en bombardement, ils fuient. Un refuge étrange sur leur route, " une immense bâtisse de brique crasseuse connue sous le nom d'hôpital Sainte-Veronica-de-la-Vraie-Face." Hôpital plus ou moins désaffecté où se mêlent malades (névroses graves de guerre) et réfugiés.. Spectro, le neurologue y conduit certaines expériences... Ce sont surtout les paranoïaques, les maniaques, les schizophrènes qui l'intéressent. Il étudie leurs réactions ( réflexes pavloviens).
Slothrop est un cobaye de premier ordre pour ce docteur ... folamour... car Slothrop semble deviner si des V2 vont s'écraser et où ils vont s'écraser par un réflexe très... étrange... Les érections multiples provoquées par ce don de divination provoquent un projet d'agression d'un groupe de sadiques prêts à le sodomiser.
Or, Slothrop perd son harmonica "au fond des chiottes". (Ce qui suit est assez cru, précis, imagé et hallucinant). Au moment où le premier agresseur approche, commence pour Slothrop une descente vertigineuse dans cette "obscurité fétide", le cloaque et ses conduits qui l'emporte couvert d'excréments vers la sortie, loin de l'hôpital. (Du vrai Beckett ou Joyce sans censure... ) Le mot "merde" étant répété et décliné sous toutes ses formes et consistances. Hallucinant...
L'occasion de rencontrer des chansons du vieux Sud Américain comme Red River Valley.
Une nouvelle rencontre : Crutchfield, tout juste sorti de sa grange.
L'occasion de lire une autre chanson dont le rythme et les paroles évoquent une comptine... pas pour les enfants. Le Sud âpre de Faulkner et sa fureur obscure n'est pas loin, non plus. Manque plus que le Mississippi !
Merci Soleil Vert. La date n’étant pas mentionnée, y -a-t-il un lien possible entre « Crash! ». de Ballard et ce Pynchon là ? Bien à vous. MC
Je précise toutefois que l’intérêt de Crash m’échappe…
Soleil vert, vous écrivez : "Sans rentrer dans la polémique de la traduction, cette édition souffre d’un cruel manque de paratexte (préface, notes de bas de page...) tant le roman se prête à l’intertextualité (jeux de mots, références en tout genre...)."
Mais lui-même n'a jamais commenté un de ses livres, ni son style, ni son inspiration. Pour lui le livre se suffisait.
N'est-ce pas son choix qui a été respecté ?
Parce que SV l'a citée dans le billet, un extrait de la longue et belle "Élégie de Duino" de Rainer Maria Rilke :
"Qui donc dans les ordres des anges
m' entendrait si je criais ?
Et même si l'un d'eux soudain me prenait sur son cœur :
de son existence plus forte je périrais.
Car le beau n'est que le commencement du terrible,
ce que tout juste nous pouvons supporter
et nous l'admirons tant parce qu'il dédaigne
de nous détruire.
Tout ange est terrible.
Mieux vaut que je taise la montée obscure de l'appel.
Qui oserons-nous donc appeler ?
Ni les anges, ni les hommes, (...)
On perd le goût de la douceur terrestre,
tout comme
on devient trop grand pour la douceur du sein
maternel. Mais nous (...)
pourrions-nous nous passer deux ?
Serait-ce une vaine légende que jadis, dans la
complainte pour Linos*,
hardie, la première musique a traversé l'aride stupeur ;
et dans l'espace qu'un adolescent presque divin venait
de quitter brusquement,
effrayé, le vide se mit à bouger de ce balancement
qui maintenant nous ravit, nous console et nous soutient."
(Le mythe du demi-dieu Linos est brièvement mentionné par Homère (Iliade, XVIII) et par Ovide (Amour 3,9) et semble désigner ici le thème orphique de la naissance de la musique dans la plainte élégiaque.)
Oui un Pynchon pleiadise avec apparat critique décent est pour l’instant impossible. Ou alors signalez-le moi! MC
« Tout ange est terrible « . Il me semble que le mot à mot donne » Un Ange est quelque chose de terrible », ce qui est différent. Curieux que vous fuyiez Massillon pour vous réfugier dans Rilke!
->"Mais lui-même n'a jamais commenté un de ses livres, ni son style, ni son inspiration. Pour lui le livre se suffisait.
N'est-ce pas son choix qui a été respecté ?"
Comme pour "Au dessous du volcan", j'aurais bien aimé qu'un universitaire ou autre nous en dise quelques mots.
->" La date n’étant pas mentionnée, y -a-t-il un lien possible entre « Crash! ». de Ballard et ce Pynchon là ?"
Je ne sais pas. Crash fut d'abord une nouvelle publiée en 1969 dans le recueil "La foire aux atrocités" puis un roman publié en 1973 comme le Pynchon. Quant à l'intérêt de "Crash", il décrit le lien névrotique qu'entretiennent certains individus avec leurs voitures. Moi-même, si je possédais une Aston Martin DB5, démarrais-je une relation homme-machine ? :)
Massillon posthume et anthologique, au mauvais sens du terme!
Eh bien moi j'aime cette poésie . Cela évoque la fin de L'Elégie de Duino et un peu la chute de Stan. C'est mieux que ses tartines sur l'innocence et le pécheur repenti !
Enfin , en poésie, nous n'avons pas les mêmes goûts ( Char, Suarès et maintenant Rilke.....) sauf pour Valéry. Bref, à chacun sa route et ses goûts.
Satan
C'est un roman vraiment affreux, Soleil vert, vraiment. La guerre transforme tous ces êtres en crasseux, malodorantes, à moitié fous. L'étau de cette bâtisse hôpital où on transforme les malades en cobayes est difficilement supportable. Et du sexe sale. Et de la violence. Et plein dexcrements....
Il n'est pas un peu maboul cet écrivain ?
Donc pour survivre j'ai accéléré comme jamais ma lecture. Cent pages avalées avec une lecture sélective s'accrochant at. Quelques mots clés.
J'avais décidé de m'arrêter seulement quand il y aurait quelque chose de beau et voilà, c'est arrivé page 197.
Je ralentis car je sens que ça ne va pas durer.
Un peu comme dans le poème de Rilke, ou dans cette pensée parfaite de Massillon.
Alors je partage ce soir de Noël au milieu d'une ville de Londres à feu et à sang, hantée par une humanité délabrée.
Approchez-vous de cette crèche de fortune...
"Le bébé en plâtre, les boeufs dorés à la feuille d'or, les moutons à l'œil humain, tous redeviennent vivants, la peinture soudain prend vie. Croire ce n'est pas un prix qu'on paie - cela arrive tout seul. C'est lui le Nouveau-Né. Dans la nuit magique, les animaux vont parler, le ciel sera comme du lait (...) Peut-être allons-nous voir une lueur dans le ciel - c'est comme un frisson, un moment qu'on a trop longtemps attendu, pas vraiment décevant, mais c'est loin d'être tout de même un miracle... ils ont veillé sous leurs lainages et leurs châles (...) Les robes sont devenues des chiffons pour isoler les tuyaux de chauffage central, pour essayer de protéger la maison contre l'hiver.
La guerre a besoin de charbon. (...) ils sont nus comme des oies de Noël sous leurs tricots tristes de vieillards. (...) Ils frissonnent, ils restent silencieux quand le choeur demande : où sont les joies ?
Les anges chantent de nouveaux chants. Elia - un étrange soupir de mille ans - eia, wärn wir da ! si nous étions là...
Allons, oubliez un moment cette guerre, la guerre du papier et du fer, du pétrole de la chair, apportez votre amour, votre peur de tout perdre, votre épuisement."
Il est formidable cet écrivain, Soleil vert. Vous avez bien fait de le choisir. ( Si ça redevient moche, j'accélère !)
Je fais une pause pour relire le magique et mince livret dEdmond Jabès "ELYA"... L'imprévisible métamorphose dans les pages morcelées du Livre... le Livre le plus ancien et le plus pur.
"Souffrir deux fois d'un silence sans parole et d'une parole déjà silencieuse.
Interroger, interroger dans l'espoir de guérir de la réponse ;
mais l'interrogation n'est-elle pas l'ivresse d'une souffrance à déchiffrer ; une façon de venir à bout de sa souffrance par une autre souffrance ?
Voici que la mort nous donne à vivre son rêve irréalisable de vie.
- ELYA... ELYA... ELYA..., hurlai-je.
Je rampais dans un univers hostile dont je ne percevais pas l'issue. (...)
Le livre est le lieu où l'écrivain fait, au silence, le sacrifice de sa voix."
Holà, je ne vous ai pas dit que je n’aimais pas Duino, je vous ai simplement mis en garde contre la traduction qui en est faite! « Ein Angel » n’a jamais voulu dire Tout Ange, mais « Un Ange ». Le reste dû vers est correct, je crois. Sur la « pensée parfaite » de Massillon, je garde mes réserves, s’agissant d’un recueil bâti après sa mort. Disons simplement que c’est un thème chrétien traditionnel, lui même issu d’une lecture de la Bible. Je me doutais un peu de votre réaction face à Pynchon, mais pas à ce point, Bien à vous. MC
Oui, rien de bien massillonien là dedans.Dans ce qui n’est pas parti hier,, je ne vous demandais que deux choses. La première, reconnaître à l’orateur un talent au moins de moraliste, on l’accorde bien à La Bruyère. La seconde, arrêter de penser qu’on vous veut convertir parce.qu’il y est question de grâce, de damnation, de redemption, Etc. Ce ne sont pas vos grilles,mais elles dénotent une connaissance de l’homme qui va au delà de la simple direction de conscience, à supposer qu’elle soit en jeu ici. La force d’ Hugo n’était-elle pas de cumuler les allégories bibliques les plus classiques en les synthétisant plus tard avec les siennes ? Bien à vous. MC
J'aime beaucoup cette traduction de L'Elégie de Duino. La traduction doit s'écarter du texte littéral pour en exprimer le sens.
La vôtre est plate.
Quelle que soit l'origine du texte de Massillon - elle aurait pu être d'un autre, elle me plaît cette image.
De Massillon j'ai par couru il y a quelques années des prêches pour le carême qui ne m'ont pas du tout plu.
Pour moi ce n'est pas un thème chrétien c'est une métamorphose qui me plaît.
Quant à Pynchon, il y a une sorte de sadisme dans ce livre, assez insupportable. Dans ces cas-là, je passe. 600 pages qui partent dans tous les sens souvent hors des bombardements de V2 sur Londres avec un nombre incalculable de personnages qui entrent et sortent, des vieux, des jeunes, tous paumés. On le serait peut-être tout autant en temps de guerre. L'actualité, hélas, nous montre à quell point cette sauvagerie réduit les hommes à l'abattement ou à la folie..
Cet écrivain est un peu malsain et parfois, comme dans l'extrait cité lisible.
Relisant le billet de Soleil vert, je ressens qu'il est aussi perturbé par le roman.
Est-ce le grand écrivain dont on parle avec déférence et admiration ? Ces années 70 sont aussi un temps de perdition dans les drogues et l'alcool. Écrit-il sous l'influence de produits stupéfiants ?
Je n’ai pas lu le Careme de Massillon. Ça viendra vu les responsabilités qui sont depuis quatre ans les miennes comme membre du CASHA. Je ne parle que de son Avent. Lui, je l’ ai lu, j’en apprécie l’audace, le gout du renversement, l’accumulation baroque . On peut, il est vrai, se contenter de pensées choisies.Encore faut-il qu’elles ne soient pas montées après coup et purement illustratives.
Je crois que « ma traduction « n’est pas de moi, mais d’ Armel Guerne, et que Rilke dans Duino part precisement’ sur cette vision d’un Ange unique. L’haplologie résultant du t de liaison ( toutange) , comme l’exagération , devrait suffire à en faire justice. Plus sérieusement, vous vous apercevrez qu’on ne laisse pas les choses derrière soi. Notre parcours n’est pas linéaire, il est circulaire, et vous pousse à repasser par ou vous ne pensiez pas passer. Bien à vous. MC
CASHA : non rappeur mais centre d’étude des affects et de l’anthropologie du discours religieux. On n’est pas obligé d’y croire pour en faire partie…
Pas vraiment, mais ça suppose de connaître les quatre « points cardinaux », aux deux sens du terme : Bourdaloue, Massillon, Bossuet, Flechier, Plus ce qui précède! Et quand on voit que Bussy-Rabutin se fend , tout libertin qu’il soit , d’une lettre brillante de félicitations au jeune Flechier, on se dit que ces mondes du libertinage et de la religion sont moins étanches qu’on ne l’imagine. ( C’est aussi ce que dit Massillon en retournant contre le Clergé ou le Roi ses propres défauts.,,) Il s’agit pour le reste d’examen de la rhétorique , de la mise en scène, parfois fort intéressante,,et bien sur d’histoire des idées. Si vous ajoutez que La religion n’est pas toujours chrétienne….Le dernier colloque portait sur la réécriture des textes religieux, XVII eme au XIXeme siecle, et j’étais l’un des deux organisateurs.
Mais quand Bussy enlève la très pieuse Madame de Miramion pour lui faire subir les derniers outrages, on ne peut pas dire que c’est une pieuse action. ni
Qu’il croie en Dieu!
"une énorme machine de langage"
c'est bien ça, mais dans le genre je préfère McCarthy et Don DeLillo
Là où j'en suis, le langage du roman change. Plus scientifique. Plus philosophique. Le corps humain est le centre d'observation du narrateur, infiniment complexe face à l'incertitude de la mort qui vient à être immergée dans la guerre.
Les souvenirs d'avant, du temps de la paix s'effilochent, se dissolvent. Une certaine tristesse envahit la fin du premier chapitre. Cet écrivain, Pynchon, est un être ultrasensible à tous les évènements du monde.
La mort dans ce roman écrase tout. Il voit les personnages du roman disparaître un à un et ça ne l'étonne pas.
Il écrit page 217, une page somptueuse :
"(...) le souffle du destin. Les âmes de l'au-delà, de ceux qu'on appelle les morts, sont de plus en anxieuses et évasives. (..) C'est comme si ce corps que nous pouvons mesurer était un fragment de ce programme trouvé dans la rue, à la porte du splendide théâtre de pierre où l'on ne peut pénétrer. Les formes du langage nous en empêchent ! La grande scène encore plus sombre que les obscurités habituelles... L'or et les glaces, le velours rouge, les rangées de balcon qui se perdent dans l'obscurité, et quelque part sur la scène, des voix murmurent des secrets que nous ignorons..."
Jamais pénétré dans un langage aussi mouvant suivant au plus près les errances d'une âme. Tout s'entrechoque sans censure, le sexe et la mort, le beau et le laid, les turpitudes de rêveries erotiques avec des plages d'une aérienne beauté. C'est un grand opéra baroque.
Vous écrivez "je préfère McCarthy et Don DeLillo". J'admire cette aisance pour prendre du recul, replacer un auteur, un ouvrage parmi d'autres. J'en suis incapable. Comme à chaque livre ouvert, s'il me passionne, je glisse dans l'univers de l'écrivain, cherche à comprendre. C'est un voyage dans le langage où il faut passer par l'oubli de soi pour devenir poreux au monde de l'écrivain. Ici, c'est très déstabilisant mais passionnant. Une petite partie du roman, lue. J'avance, incertaine craignant cette formidable force d'écriture. Le monde de son écriture ouvre un réel inconnu. Une autre dimension. Je suis à l'écoute du monde de Pynchon.
La traduction de ces Élégies pour Le Seuil est de Lorand Gaspar dans une édition bilingue. (2006)
J'aime cette œuvre déchirante écrite alors que Rilke était au château de Duino, près de Trieste, (maintenant détruit) hébergé par la princesse de Tour et Taxis à qui il était lié par une profonde amitié.
Ces Élégies ont été écrites entre 1912 et 1922.
On dirait que Pynchon tente de traverser la sédimentation des mots .
C'est une sorte de tour de Babel, un espace démesuré, inconnu, traversé de langues multiples, qui sert de guide à l'écriture. Les personnages apparaissent en cours d'écriture avec leurs métamorphoses.
Je me demande dans quel état il est quand il écrit. Un évènement mental qu'il tente de fixer à l'état naissant. C'est que son corps a mémorisé et qu'il parle dans ce roman, ouvrant des brèches dans ce qui s'est passé dans un autre temps.
La doublure du monde...
Il ne faut pas avoir honte ni pour écrire ni pour lire si on veut aller plus loin. C'est un travail pour les deux, celui qui écrit et celui qui lit, en ayant faim d'un langage vivant.
On sait peu de choses de Pynchon mais son écriture semble très autobiographique.
La guerre... la violence et la folie y circulent comme la grâce et peut-être la présence divine pouvaient circuler dans le monde qui précédait, en paix .
L'origine de ce monde est fermée. Et parfois les mots aussi se ferment et naissent alors ces sortes de balbutiements, ces onomatopées, notées dans votre billet, Soleil vert.
Puis les mots se reforment comme alourdis de glaise. La matière verbale est alors lourde, collante, comme de la boue. Pour trouver un calmant cérébral il plonge alors dans la science et les mathématiques ( quelques formules dans le roman.)
Écrire... Une seconde vie... Replier la vie jusqu'à atteindre le feu et la cendre.
Dans ce roman, il plonge dans une nuit. Celle des massacres, cette faillite de la civilisation, une incohérence qui met ses mots en liberté.
Laissez la mitre à Sasseur s’il vous plaît, et quant à Bourdaloue que vous incriminez, dites-vous qu’un sermon de Massillon fait en gros 50 à 60 pages in 12, soit la même longueur ! C’est en tous cas celle de l’ Avent. Et puis souvenez-vous de Madame de Sevigne, pas la première venue , disant laudativement qu’elle « s’en va en Bourdaloue …. »Je vous dirai si cette réputation est justifiée quand je l’aurai lu! Jusque-là, silence prudent! La lettre de Bussy a Flechier concernait un. collègue, qui a été bien heureux que je la lui trouve. Quant à Madame de Miramion, non elle n’a point été « troussée « par Bussy, elle a connu une évasion digne d’un roman de cape et d’ épée..,Mais elle a fait beaucoup de bien Est-ce criminel? Elle croyait en Dieu, et après ? Il n’est que de lire Massillon, op.cit, pour voir que ce n’était pas le cas de tout le monde à la Cour. C’est pour ça que cet Avent m’a plu. Moins par ce qu’il démontre que parce qu’il indique. Maintenant, si le seul progrès possible se borne à deux créations d’avocats phraseurs, les Lumières et les Droits de l’ Homme, je les abandonne bien volontiers parce qu’elles sont , surtout les seconds, parfaitement irréalistes….
Bien à vous. MC
Pour Pynchon je raisonne par analogie sur un autre roman paru il y a une dizaine ou une quinzaine d’ années, n’ayant pas lu - il me semble l’avoir dit-celui de Soleil Vert, MC
Alors, pourquoi écrivez-vous : "Je me doutais un peu de votre réaction face à Pynchon, mais pas à ce point."
J’ai dû juger à partir de Contre-Jour ou de Mason et Dixon ( 1997, 2007).. Je me rappelle d’une couverture à la Jules Verne, pour le second point , vous aviez dit ne pas connaître l’auteur, et, s’agissant de quelqu’un qui travaille sur plusieurs dimensions, ou tourne sans crier gare, votre réaction est très honnête : fou? Poète? On est dans l’entre deux. J’ajoute que celle-ci s’est amplifiée depuis que j’ai écrit cela. MC
Sur ce, je retourne à Philipp Kerr, l’ Allemagne de l’immédiat après guerre, et son côté Europa Europa, façon Lars Von Trier. Ce qu’on a traduit platement par « la Mort, entre autres » et qui est The One, from the Other ». MC
Soleil vert,
J'espère ne pas écrire trop de bêtises ! C'est la première fois que je lis Pynchon et c'est assez particulier. Les souvenirs de JJJ et votre billet ne me préparaient pas à ce choc. Mais ça vaut la traversée...
Je m’étais posé la question quand vous en aviez parlé, mais ce film m’a bien l’air d’une adaptation, plus ou moins réussie, je ne sais , du Freaks de Tod Browning.
Qu’on y rattache le Juif Errant, pourquoi pas? D’un autre côté, on peut se demander ce que le film y gagne…. MC
Enfin, on aura le plaisir de lire ce lieu commun de prédicateur, qu’on n’attribuera pas à Massillon, mais qui vous enchante ! N’est-ce pas l’essentiel?
Freaks de Tod Browning. Un très grand film, vu il y a longtemps. Je ne me souviens plus de l'évolution de l'histoire. Je ne crois pas qu'il y avait cette référence des nazis et des camps de mort et surtout de l'expérimentation sur des malades mentaux.
Gabriele Mainetti se place plus dans le sillage de Guillermo del Toro que dans celui de Tod Browning. Il s'agit plus de super héros que de personnes difformes. La bonté est ce qui les lie entre eux et à Israël leur protecteur disparu. D'ailleurs le terme freaks est mal choisi sauf à lui adjoindre out.
Sur l’Affaire Bussy-Miramion, on peut résumer les faits comme suit. Il l’enlève avec la complicité de vassaux, qui ne remettent pas en cause son autorité, au moins officiellement , et l’emmène dans un château. Devant son ravisseur, elle se plaint, pleure, elle est très jeune, et obtient une nuit de délai. (Détail intéressant: Bussy est-il si sûr de lui?). Avec des complicités internes très probables, fuite en Carosse, puis ,je crois , à pied. ( les Carosses pouvaient verser! )L’affaire fait un bruit de tonnerre, remontant jusqu’au « Parti des Saints » qui est aussi celui de Vincent de Paul, et de la Reine. Resume. Il a voulu la trousser, paraît avoir renoncé. Elle a obtenu un délai, et en a profité pour fuir. Il y a certes eu poursuite, mais on peut se demander si celle-ci n’était pas mise en scène, etant dirigée par l’intéressé . Pourtant tous les contemporains y ont cru.,. Bien à vous. MC
Non, pas de nazi, dans Freaks! Uniquement le monde du cirque! MC
Bien qu'ils soient les attractions du cirque d'un dénommé Israël, ils sont surtout différents par leurs pouvoirs surnatureld. Une jeune femme et trois hommes. Elle, produit de l'électricité et quiconque la touche reçoit un choc électrique. Le jeune homme albinos peut contrôler tous les insectes. L'homme atteint d'une pilosité anormale est doté d'une force herculéenne. Quant au dernier, atteint de nanisme, son corps attire les objets métalliques comme un aimant ....
Il faut les imaginer joignant leur pouvoir pour faire du bien et détruire les nazis qui les entoure.
Alors que dans le film de Tod Browning une intrigue se noue entre les freaks.
"L'avez-vous lu en entier Soleil vert ?"
2007 ...je pense que oui sans être totalement affirmatif.
C'est une façon de répondre qui ressemble à un oubli semi-transparent. Comme si vous flottiez entre deux strates de temps. C'est vrai que cela fait presque 20 ans.
Si on me demandait quels livres je lisais en 2007, il me faudrait retrouver les évènements de cette année-là. Où étais-je ? J'ai si souvent déménagé ! Que vivaient mes enfants cette année-là ? Que se passait il dans le monde ? Alors de cercles en cercles, retrouver les livres que je lisais alors.
Très intéressante votre réponse. Merci, Soleil vert.
« On répondra à ce requisitoire inattendu en trois points. « Des livres que vous n’avez pas lus, » Je n’ai pas en effet le temps, comme vous, de me précipiter systématiquement sur le dernier livre recommandé par Soleil Vert, mais je pense, cependant, avoir saisi ce qui m’intéressait dans ce Pynchon là ( la question Ballard) . Quant à penser que vous alliez souffrir, tout le monde a souffert dans Pynchon, à supposer qu’on en soit venu à bout. Il n’était donc pas difficile d’extrapoler. « Des films que vous n’avez pas vus », d’ accord, pour Freaks 2, puis- je seulement vous dire qu’entre le parallèle d’hier , auquel j’ai réagi peut-être un peu vite, et celui que vous continuez aujourd’hui avec la ténacité qui est la votre, , il y a tout de même une différence de qualité? . Pour Les « explications «: j’ai plus de mal à saisir. Si c’est la phrase dite de Massillon , c’ est effectivement un lieu commun de prédicateur et de commentateur biblique, toutes choses que, je crois, vous n’aimez guère, et qui semble pourtant vous figer dans une admiration qui m’est incompréhensible . Si c’est pour Madame de Miramion, Convenez que je pouvais penser, au rebours de ce que vous me dites, que cela pouvait vous intéresser….Bien à vous. MC
Ah, je vois! Les « créations d’ avocats phraseurs « ! Hélas !..
Merci Soleil Vert pour cet article sur le Bouquiniste. On a du se croiser sur les quais. Soit-dit en passant , qu’on démonte le Quai de Gesvres en dit long sur la paranoïa sécuritaire actuelle. Bien à vous. MC
Ah, bonjour ,MC. Oui il y a de cela.
Soleil vert, c'est terrible ce malaise cardiaque fatal du bouquiniste. Il voulait sauver ses livres...
Je n'ai guère connu de bouquinistes plutôt un quartier devenu trop touristique et où j'avais du mal à retrouver mes souvenirs de jeunesse.
J'ai préféré le refuge de quelques librairies où je savais pouvoir prendre le temps d'aller d'un livre à l'autre.
Le COVID a changé mes habitudes à cause des transports en commun. Métro... Bus... Même calvaire de lieux où l'on s'entasse ce qui est parfois insupportable.
Je deviens casanière, heureuse dans mon appart où je lis beaucoup. Vos livres, certes, mais pas seulement.
Je note que certain y voit une adulation. Non. Nulle précipitation, parfois une curiosité amorceet par une bonne chronique littéraire. Avant il y avait aussi celles inspirées de Paul Edel. Maintenant il semble vouloir nous offrir son écriture. C'est une grande joie aussi mais c'est différent
Pierre Assouline est plutôt journaliste. Ses chroniques de romans sont plus rares.
Et il y a d'autres chemins pour aller vers les livres et pas seulement des romans.
A bientôt.
Bonne journée à vous deux malgré la pluie .
Valéry écrit dans ses Cahiers, tome Ii :
"Ce qu'on appelle mystère du monde, mystère de la vie, n'est pas en soi plus étrange que l'impuissance des yeux à voir le dos de leur homme. La nuque est un mystère pour l'œil."
Non, pas une adulation. Mais il est certain que ces livres vous intéressent plus que ceux de la RDL!
Ce dont je ne peux vous en vouloir. Convenez aussi que votre rythme d’acquisition des œuvres dont il est question ici est impressionnant !
Hammershoi dont je dois la découverte à Paul Edel a peint de nombreuses personnages vus de dos. Surtout des femmes dans leur intérieur austère. Souvent son épouse, son modèle favori, ou sa soeur. Austère, pas vraiment. Il devait éliminer ce qui lui paraissait superflu et peindre ce qu'il avait décidé de voir.
Des blancs, des gris, des noirs propices à diffracter la lumière. Un jeu de clair-obscur. Souvent une pièce vide traversée par un rai de lumière.Une palette presque monochrome.
En 2019, au musée Jacquemart -André, une quarantaine d'oeuvres de cet artiste était présentée.
J'ai aimé m'attarder devant certaines toiles de ce grand peintre danois. Une œuvre de silence et de solitude, avec un lien à la peinture hollandaise du XVIIe siècle. Un goût pour le secret de l'intimité.
Rien d'angoissant, juste une grande quiétude spirituelle
Il y avait un paysage dépouillé, presque abstrait. Un grand ciel vide, bleuté ,posé sur un paysage presque plat gris beige.
C'est cela que je trouve sur votre blog, Soleil vert, cette quiétude, ce choix de lire et de voir ce que je veux lire et voir.
Le plus clair de mon temps de lectrice est souvent occupé dans la relecture infinie de mes livres de philosophie...
Oui.
Néanmoins les romans de Pierre Assouline me captivent, sa personnalité aussi.
Et aussi de réinventer ou de recréer la splendeur d'un monde inexistant ou révolu. Un espace imaginaire, illusoire où on peut exister et vivre librement.
C'est bien le deuxième chapitre de l'Arc-en-ciel de la gravité des mouettes, le bord de mer, ce casino.
Un vrai Tex Avery quand Slothrope saute de l'arbre se servant du drap rouge comme d'un parachute. De jolies scènes de corps à corps avec Katje qu'on a "fourrée dans son lit, comme on met un sou sous son oreiller pour une dent perdue".
Ce casino est un repère de nazis. On dirait une comédie de Lubicht.
Lubitsch
Je pense à "To be or not to be", cette troupe de comédiens polonais qui se retrouve dans l'hôtel de la Commandature allemande ! Un chef-d'œuvre de Lubitsch.
Je n’arrive plus à relire Le bouquiniste Mendel de Stefan Zweig,je suis toujours saisi par la même émotion.
Le rire peut dépeindre la barbarie nazie. Là c'est Varsovie occupeey qui sert de cadre.
Quel livre inoubliable...
Le vieux bouquiniste juif, Jacob Mendel, qui passait sa vie plongé dans les livres au café Glück. Véritable encyclopédie vivante jusqu'à sa déportation....
Pour le film de Lubitsch.
Retrouve ma mère (101 ans ) à Lyon ce jour.
Méditation dans le bureau paternel envahi par les livres. Chateaubriant. Plutarque, Alain etc.et au milieu une édition illustrée du Grand Meaulnes.Un jour j'aimerai refaire le parcours de WGG, sur les filles du feu, le grand maulnes,à l'ombre des jeunes filles en fleur
Merci de votre présence
A qui parlerais je de tout ceci ? SV
Étrange souffle soudain dans ces quelques mots. Vous êtes entre deux mondes et les Filles du feu vous entraînent au pays de la mémoire. Tous ces livres qui murmurent autour de vous, ceux du père. Et la mère qui doit être si heureuse de se souvenir en votre présence de ces années, de vous enfant puis adulte, proche et maintenant voguant au loin dans vos écritures. C'est l'intimité sacrée du bonheur. Le nid. Soyez heureux. Arrêtez les pendules.
Très heureuse de vous lire près de votre ancre.
Widergänger dit:
Le grand Meaulnes d’Alain Fournier, c’est déjà une sensibilité à la Proust. C’est déjà un écrivain proustien qui joue des mêmes ressorts littéraire, où le rêve et le souvenir viennent s’entremêler. On voit bien que Proust n’est pas descendu d’un ciel éthéré mais participe pleinement de l’esprit et de la sensibilité de son temps, c’est-à-dire la Belle époque.
Le même...
"Il y a eu une exposition Kessler au Musée d’Orsay en 2008, un colloque qui a l’air passionnant à lire. Je ne connaissais pas ce comte Kessler jusqu’à aujourd’hui, mais c’est un comte qui compte… Ami de Gide et de beaucoup d’autres artistes. En février 1933, il a même organisé à Berlin un colloque antifasciste ! Il a tenu sur Hitler des propos qui confirment étrangmnt tout ce que j’ai dit sur l’héritage luthérien de l’Allemagne. Un européen de la culture assurément."
Un dernier... j'aimais bien le lire aussi...
Widergänger dit:
"Je relisais le bouquin de Deleuze sur Proust tout à l’heure dans le métro. Je n’y avais plus mis le nez depuis au moins trente ans ! Eh bien, je l’ai trouvé encore plus passionnant que je ne l’avais laissé voilà plus de trente ans. Toute la culture que j’ai accumulé depuis me fait comprendre à quel point les analyses de Deleuze sont intéressantes.
Je comprends d’ailleurs maintenant en quoi Proust l’a intéressé. Il y lit une déconstruction du Logos grec comme dans sa propre œuvre. Il compare Athènes et Jérusalem, comme il dit, et ce qu’il dit de la déconstruction proustienne du Logos est extrêmement passionnante et pertinente. Là, on comprend vraiment de l’intérieur en quoi Proust est un écrivain d’origine juive, et pas du tout grec dans sa façon de penser. Les pages de Deleuze n’ont pas pris une ride, et sont extrêmement éclairante sur le fonctionnement des signes dans son œuvre. C’est dans les pages 130 ! Son explication est lumineuse. Et on voit bien la différence abyssale avec toute la génération de Hölderlin, à laquelle je m’intéresse de près en ce moment. Autant Hölderlin et toute sa génération sont platonicien, autant Proust est yaviste…! Et il déconstruit, il met par terre complètement tout le Logos grec, c’est assez fascinant d’ailleurs de voir ça. Et en lisant Deleuze, je comprenais d’autant mieux en quoi les Juifs auraient pu sauver l’Europe de la catastrophe hitlérienne. (...)"
Le passage que j'ai préféré dans le dernier texte de Paul Edel (allez voir quand vous serez sorti de vos sortilèges) c'est lui dans la nuit, le train traversant cette nuit avec sa cargaison de voyageurs dodelinant entre sommeil et veille. Alors, seul, accoudé à la fenêtre il regarde un inconnu qui lui fait face dans la fugitive incandescence de la cigarette allumée qui se reflète comme un falot dans la nuit.
Deux genoux ronds, blancs et purs lui parleront d'un rêve de femme.
La ville aimée attisera son désir d'homme et la liberté de cette "Aurélia... ou Sylvie...comme autant présences-absences....
Un petit extrait : "(...) Je suis alors sorti dans le couloir pour retrouver et voir grandir dans la vitre obscure mon double, mon visage en reflet dans les gouttes de pluie. Le point d’une cigarette, minuscule braise, rougit et s’éteint dans le marbre noir du verre, (...)" (Paul Edel)
La fin du grand film de John Wayne , "Alamo", est déchirante surtout avec cette musique qui restera longtemps en nous.
Cette femme, ces deux petits seuls survivants, si digne, et l'ado qui les attend. La haie d'honneur de l'armée adverse... Une noblesse dans ce désastre.
Ces trois citations de WGG viennent des espaces commentaires du blog de pierre Assouline, La République des Livres - années passées.
https://www.musee-orsay.fr/fr/agenda/evenements/le-comte-harry-kessler-penser-leurope-travers-les-arts
Je pense que WGG faisait allusion à cette exposition.
Chateaubriand? Châteaubriant Francois-René ou Alphonse de?
Chateaubriand, François René, ou Châteaubriant Alphonse de? ( sorry!)
Pas vu Alamo. Vague souvenir d’une lutte pour la vie, et puis la VF….
J'ai tenté de reprendre la lecture, chapitre 2, de ce long roman de Pynchon , "l'Arc-en-ciel de la gravité" puis j'ai refermé le livre. Trop de scènes outrées d'un érotisme douteux où le scatologique l'emporte. Je ne comprends plus rien aux aventures de Slothrop ni à l'image donnée de la guerre ni des lieux où les personnages se trouvent. Je vais tenter le chapitre 3 introduit comme le rappelle SV par une évocation du Magicien d'Oz :
"Toto, j'ai l'impression que nous ne sommes plus au Kansas..."
Dorothy, en arrivant à 0z.
Chateaubriand avec un D.Pour le commentaire de WGG, c"était sur le blog de Paul Edel.SV
Oui, je m'en doute... Mais là autant chercher une aiguille dans une botte de foin ! De plus, ils ne se trouvent pas dans les billets mais dans les commentaires et là le portail est rouillé qui permettait l'accès au jardin enchanté.
Il faut savoir ne pas ouvrir certaines portes....
Pynchon est capable de faire surgir la violence volontairement pour rompre un lien avec le lecteur, sachant qu'il lui fait du mal, qu'il pervertit le texte le rendant dangereux, scabreux. Est-ce un jeu ? Un refus ? Un accord dissonant ? Quelle énigme.... Écrivain déconcertant... inconnu, inconnaissable, indomptable.
Tissu d'écriture douloureux, où Pynchon est parfois au bord de l'aphasie. Écriture irrattrapable qui emporte tout dans le noir.
Ce personnage Slothrop ne devient conscient de son corps que s'il douffre. Comment avec des mots, Pynchon met en échec un monde qui voulait l'incarcérer, celui des critiques littéraires et des lecteurs , les amenant à se retirer tôt ou tard, épuisés , hagards ou en colère..
Quel hommage quand même, Ch. ! Vous êtes touchée par la grâce d'une monstrueuse empathie, c'est à peine croyable ! Personne n'a jamais ainsi parlé de Pynchon comme vous le faites... au risque de vous blesser en découvrant ce monolithe de la littérature incompréhensible par celzéceux qui ne le méritent pas ! - Chapeau bas.
*** Je crois pouvoir dire qu'après cette première barrière franchie, tout vous deviendra plus facile avec Thomas. Je vous envie d'avoir à découvrir le reste.
Bien à vous, avec votre incroyable ferveur qui ne semble pas une posture (JJJ).
souffre
« Il introduit la beauté de Quasimodo dans les yeux d’´Esmeralda… ». ?
Ah, ça m'a échappé ! Mais je crois que c'est juste. Quasimodo hideux, mondtrueux. Esmeralda belle. Il l'aime secrètement mais se sait laid donc se cache. Puis dans un élan imprudent pour la sauver, il l'enlève et la cache dans les tours de Notre-Dame. Elle, perdue, épouvantée ouvre peu à peu, les yeux de son coeur et a un accès direct à son âme.
Comme pour Frankenstein et la petite fille.
Comme Jean Valjean et l'évêque de Digne.
Comme la Belle et la Bête....
Les yeux, plus exactement le regard , trie dans les images et rejette celles qui font peur ou sont repoussantes.
Ayant connu, bien connu un couple de non-voyants j'ai appris à douter du regard, à écouter ou à regarder comme quand le monde n'est pas découpé, sous-titré par les mots, les apprentissages, la memoire.
Une sorte d'innocence du regard. Mais c'est difficile à expliquer. Slothrop a parfois ce regard sur son corps, ses actes, ceux des autres, les évènements.
Pynchon ? Mystère... Ou est-il dans ce flot de langage, ce roman interminable où le lecteur souvent ne sait plus ce qu'il a lu, où il en est.
C'était bien de n'avoir jamais entendu parler de Pynchon avant d'ouvrir le livre.
monstrueux
Page 728
"(...)dans cet univers fantomatique qu'on lui pardonne sa neutralité hébétée. Qu'on lui pardonne le poing qui ne serre pas dans sa poitrine, le cœur d'où rien ne jaillit...."
L'arc en ciel de la gravité - Pynchon.
Reste que Quasimodo n’a certes pas la beauté extérieure du très médiocre Phoebus de Chateaupers. La beauté intérieure hugolienne est plus dans la tension entre aspect extérieur , hideux, et le sentiment réellement éprouvé , qui peut-être son contraire, l’amour.( Mais pas obligatoirement)
On a ça aussi , outre dans les Travailleurs de la Mer, dans l’ Homme qui Rit, lequel n’est pas beau par lui-même
mais par le sentiment qu’il éprouve et l’ élévation d’esprit qui est la sienne. De ce point de vue, on peut se demander si Hugo , en théâtralisant cette lutte pour ou contre l’Amour , ne risque pas une double antithèse liée à son être profond.Mais ce serait aller loin…. MC
Il y a, Soleil vert, un rapport étonnant entre "Auto-Uchronia" de Francis Berthelot et ce roman de Pynchon sur un point.
Souvenez-vous, il y a tout au début du roman de Francis Berthelot un passage sui évoque les problèmes de constipation dont il souffrait, enfant et des tentatives médicales et familiales acharnées
et terrifiantes pour régler ce problème.
Il écrit : "La rançon, nul ne l'imagine. Elle est simple, pourtant : la fureur que je ne peux laisser sortir, je la repousse dans un coin de mon être - aussi petit, aussi reculé que possible."
Cris de terreur ou de refus : la phobie de la défécation comme une angoisse archaïque de la castration.
Et là dans le roman de Pynchon complètement envahi par les excréments ( un des personnages va même en manger !), n'est-ce pas un débordement résultant d’une constipation ou d'une rétention dans l'enfance peut-être la même terreur inversée ?
Ce qui m'est apparu à travers ce rapprochement c'est que ces deux romans sont aussi des histoires de corps. Des romans autobiographiques sans vouloir l'être.
Ce n'est pas un livre facile à lire car il est parfois très impudique, jouant avec l'interdit (langage, images...), avec le refoulé,.
Je ne crois pas comme le suggère JJJ qu'il s'agisse d'une lecture de "ferveur", plutôt une tentative d'analyse d'un livre découvert par hasard grâce aux chroniques littéraires de SV.
Mais je suis loin du malaise que j'avais ressenti en tentant de lire "Microfictions" de Régis Jauffret, courtes nouvelles d'une page, monstrueuses, cyniques, noires, sombres, nauséeuses. Le sexe y était déviant, souvent crasse . Un monde vulgaire où la beauté et l'amour etaient absents. Un livre vite abandonné qui a fini sa vie dans la poubelle.
Pour en revenir à Pynchon, comment lire ce livre qui dépasse mille pages parfois éprouvantes parfois drôles, parfois lucides en ce qui concerne l'armement, les complots. Se confronter au projet d'écriture de Pynchon n'est pas une mince affaire. C'est soupeser ce texte hors normes, vertigineux , qui déforme le réel, le tord jusqu'à l'aberration. Il a rempli des pages et des pages, les bourrant de personnages, de sous-personnages qui disparaissent souvent, d'un déferlement d'aventures tenant parfois du dessin animé de Bugs Bunny. Mais il y a une écriture, qui doit être reconnaissable si on lit d'autres livres de lui. Son traducteur dit qu'il a du mal parfois à le traduire.
Reste que j'aime certaines de ces visions entre-aperçues, d'un monde métaphysique de l'autre côté de... l'arc-en-ciel. Le pays d'Oz... des trouvailles... des connexions imprévues. Son humour aussi. Rien que le nom des personnages ! Toutes ces chansons populaires qui transforment le livre en soirée cabaret.
Bref, une lecture encore inachevée, inclassable.
oui je n'aurais pas pensé à cela, bien vu
Bon, revenons à la science-fiction, page 928 de cet Arc-en-ciel improbable.
"Son guide, c'était une espèce de robot bas sur pattes, en plastique gris sombre, avec des yeux constitués par deux phares. Il avait un peu la forme d'un crabe. (...)
Le colonel a soudain une inspiration :
- Dites donc, est-ce qu'il neige parfois ici ?
- Qu'est-ce qui neige ?
- Vous détournez la question.
Cette machine malpolie répond d'un ton bourru :
- La question mon cul, poivrot de péquenot du Wisconsin !
Cette créature en plus est en train de mâchonner du chewing-gum, une variété créée par Laszl à partir du chlorure de vinyle, très souple, et même susceptible de lâcher des molécules qui, grâce à un ingénieux Osmo-elek-trische Schalterwerke, mis au point par Siemens, transmettent en code une excellente approximation du goût de réglisse jusqu'au cerveau du crabe-robot. (...)
- Est-ce qu'il neige jamais ?
Évidemment qu'il neige à Happyville !
- Je me rappelle dans le Wisconsin, le vent soufflait le long du chemin, comme un visiteur qui veut entre. Il amassait la neige devant la porte, elle formait une énorme congère... Ça arrive ça à Happyville ?
- Sûr, dit le robot.
- Est-ce que parfois quelqu'un ouvre sa porte, quand le vent fait ça, hein ?
- Des milliers de fois."
Passage désarçonnant, mi puéril, mi-foutraque, absurde et poétique.
Quel drôle d'écrivain ! Il y a tant d'enfance en lui, tant d'envie de jouer. Avec ces scènes provocantes dignes de l'injure préférée des tout-petits : "caca- boudin" ! . Il n'est vraiment pas méchant. Un OVNI avec un crayon à la main ....
Un autre passage qui m'évoque le Nouveau Roman, Alain RobbeGrillet et le film d'Alain Resnais "L'Année dernière à Marienbad". On se demande si la femme se souvient ou fait semblant. On se demande si elle et cet homme se sont vraiment rencontrés. Mais cela n'a aucun sens car ces personnages vivent dans un monde sans passé. Ils ne sont réels que sur l'écran. Une fois la projection terminée, ils n'existent plus.
Pas de réalité en dehors du film.
Pas de réalité en dehors du roman.
C'est le présent de la fiction. Le seul Temps qui importe est celui du roman. Et celui de la lecture. Le Temps est le personnage principal de ce roman et de ce film. Le temps et l'espace qui se grignotent mutuellement.
Page 954 :
"Elle refuse de se fondre dans le tout. Peut-être qu'avant la fin il y en aura une autre. Mais je rêve peut-être.... Je n'y suis pas, n'est-ce pas, dans le seul but de me consacrer à ses fantasmes ! (...)
De ces différences mises au point, il ressort que nous ne nous connaîtrons jamais mutuellement. Rayonnants, étrangers, la-la-la, nous allons écouter le récit (...) et nous sommes comme des étrangers au cinéma, condamnés à rester dans des travées différentes. Et nous nous en irons après le film, chacun de notre côté."
Ces personnages semblent s'inventer au fil de l'écriture. Pynchon est un metteur en scène, un créateur et sa caméra c'est l'écriture d'un illusionniste. Il filme avec des mots un monde chimérique, celui d'un chercheur qui se cherche dans le labyrinthe de son écriture.
Le roman créé sa réalité, ses possibles, sa vraisemblance et change dans cesse.
Et le non-sens attire Pynchon dans un monde halluciné qui double le réel.
Le pouvoir de la littérature est infini....
Suite de cette page 954 :
"Il se lève, il lui tend son bras avec une élégance très martiale. Il a un petit sourire en coin : il se fait l'effet d'un clown. Elle a le sourire d'Ophélie malicieuse, quand elle a vu le monde étrange de la folie et qu'elle rêve d'échapper à la cour "
La question serait quand l’a-t-elle vu? Avec Hamlet ou avec elle-même ? Et dans le second cas, elle n’y échappe pas. En revanche oui, elle a le sourire. Très curieux, ça. MC
Une sorte de sourire de mort?
Je n'ai pas aimé les cent dernières pages de l'Arc-en-ciel de gravité et de plus en les ai pas comprises.
Sauf un paragraphe que j'aime beaucoup page 1095 :
"L'odeur fade qui l'enveloppe étroitement, c'est une odeur qu'il connait bien. Il n'en a pas peur. Elle était dans la pièce où il s'endormit il y a si longtemps, enfoncé si profond dans la douceur paralysie de l'enfance... comme il commençait son rêve. Mais il est temps de se réveiller. Allez, réveille-toi. Tout va bien."
J'aime bien que Pynchon ait choisi de faire disparaitre le lieutenant Slothrop. On ne sait s'il est mort ou vivant et où. La fusée finalement décollera sans lui pour s'écraser sur le palais présidentiel....
En fait, je me demande s’il connaît Hamlet. Parce qu’ Ophelie folle , c’est déjà la fin . Elle ne peut plus revenir en arrière,,,,
Sinon je n’ai pas le souvenir d’un sourire lorsque Polonius est assassine . C’est tout de même son père. Ou quelque chose m’échappe. MC
Ni, non plus, d’une vocation de quitter la Cour. A cet endroit la. MC
MaisMC, nous sommes dans le roman de Pynchon pas dans la tragédie de Shakespeare.
Les noms sont autant de mondes parallèles.
Bonne soirée.
Pas sûr. C’est Polonius qui la met en garde contre son idylle avec Hamlet. Mais elle est retrouvée noyée dans un ruisseau. On parle alors de Folie. Mais. La scène de folie, qui a été mise en musique par d’ autres, n’existe proprement pas dans la pièce de Shakespeare. Parler du sourire d’Ophelie, c’est lire Hamlet à travers Ambroise Thomas et Barbier et Carré…bref à travers le monde de l’Opera!
On peut risquer des parallèles. L’Amleth primitif de Saxo Grammaticus provoquait l’intervention du royaume d’ Angleterre, allié à la Monarchie Danoise. Le Danemark n’est présent que dans le patronyme plus ou moins nordique de Madame, mais le but est bien de faire parler le nouvel Hamlet . On peut prendre l’ équivalence erection-destruction, comme ce qui est en jeu dans la pièce: la destruction des etres sur lesquels Hamlet pose le regard. Et il faut ici souligner que c’est une des plus amples du théâtre .De plus, elle se déroule dans un contexte quasi Guerrier. Mc
La folie sexuelle devrait être résumée pour voir s’il y a la equivalent des turpitudes de la Cour d’ Elseneur, ou d’autres pièces comme La Tempête. En l’absence, je ne me prononce pas. Ou tout simplement la reprise du thème de la Nef des Fous. A noter qu’une différence ne prouverait pas l’ abolition de ce que Shakespare rend par un vers si fort: There is something rotten in Danemark’ s Kingdom »….
Pynchon aussi passe d'un langage ultra littéraire au plus vulgaire et ce, chez le même personnage.
On peut aussi se demander , dans l’optique d’un rapprochement avec WS, si les scènes sexuelles et scatologiques viennent ou non du fonds Pynchon …
Helas, j’ai moi-même un bon nombre de pages à lire, mais je retiens le roman!
Soleil vert, vous écrivez si justement : "Les codes de lecture sont en effet dynamités ici : difficile de s’appuyer sur une intrigue ou une continuité narrative, les lieux sont esquissés, évènements, considérations historiques et scientifiques en tout genre, poèmes, jeux de mots se succèdent dans un délire permanent. Robert Silverberg dans « Le fils de l’homme » avait poussé jusque dans ses retranchements le concept de la métamorphose corporelle. Pynchon reprend ici ce concept et l’applique au corps du texte."
Il me fallait aller jusqu'à la dernière page pour acquiescer à ce que vous dites : la métamorphose du texte.
Nous avons peu soulevé cet état de l'écriture dans l'espace commentaire parce que c'est très difficile d'en parler. Mais c'est vrai que nous sommes malmenés par le texte. Qu'il nous fait douter de nos capacités de lecteurs. Les phrases comme des vagues nous jettent hors du livre avec un grand éclat de rire. Mais on ne peut renoncer. On y revient. On ment. On fait mine de comprendre. On invente une histoire dans l'histoire pour se rassurer. C'est un texte kaléidoscopique. Il n'existe que dans son méli mélo, tout embrouillé par l'auteur. Alors il ne reste qu'à saisir la lumière d'un diamant noir qui ne brille que dans l'obscurité.
Je m'avoue vaincue....
Mais je me suis bien battue !
Cela pose l'angoissante question du sens de la vie quand la mort et ses atrocités est partout. La parole enclose dans ce récit doit-elle révéler les significations que renferme le monde ? Ce livre est aussi une expérience de la mort. Et cela à contre-courant de la littérature romantique.
L'arc-en-ciel de la gravité de moque de la condition humaine introduisant le cocasse et la bouffonnerie là où on attend... la gravité. La dialectique de l'obscurité. Le mal devient la matières du récit.
Ces hommes qui ne pouvant se faire hommes se font bêtes !
Un livre comme une béance ouverte sur l'insondable...
Pour saisir l'intelligible dans un texte souvent illisible, il faudrait être un mage...
Dans "Les Contemplations" - livre que MC m'a invité à relire - Hugo fait de Rabelais et Molière des mages car la langue qu'ils écrivent admet les mots triviaux et familiers. (J'ajouterais bien Shakespeare grâce à l'incise de MC.)
Donc Hugo écrit (v. 151- 160) :
"Et voilà les prêtres du rire, (...)
Rabelais que personne ne comprit ;
Il berce Adam pour qu'il s'endorme.
Et son éclat de rire énorme
Est l'un des gouffres de l'esprit."
Et en conclusion, Soleil vert, c'est vraiment agréable de se bagarrer avec un bouquin. Et celui-là, il se pose là !
Après on passe à Gide
Chouette !
Vous aviez évoqué son œuvre récemment.
« Pourquoi donc faites-vous des Prêtres, Quand vous en avez parmi vous? Les esprits conducteurs des êtres. Portent un signe sombre et doux…. ». VH Les Mages., I.
Encore pour quinze jours, et après rééducation ici en Bretagne!
Je ne résiste pas à constater que l’ Avent de Bourdaloue est moins long en moyenne que celui de Massillon: 46 pages le sermon contre 50 à 55 chez Massillon en éditions d’époque….
C’est curieux que vous me citiez Blampignon, responsable entre autres d’ un Massillon ( circa 1902), et prêtre lui-même. Une autorité au dessus de tout soupçon…. MC
Il faudrait s’avoir de quelle église il s’agit. On ne touche pas le même nombre selon qu’on prêche à Notre Dame ou à La Chapelle de Versailles…. MC
Pour le reste, plus une demie heure qu’une heure , d’après mes expériences sur Massillon, libro apéritif.
Sur le parcours circulaire: Henri Rey-Flaud, le Cercle Magique. Il s’agit de théâtre médiéval, mais j’en ai gardé un bon souvenir…. MC
Quand le prêche est devant le Roi, il y a des chances que La Chapelle. Royale ait fait l’objet d’une visite, ce qui est le cas vers 1700 pour. Massiloue et Bourdalon…Autrement, mention.de l’ église des Missions Etrangeres’ chez Massilllon .,Bien à vous. MC
« Libro aperto ». Pas vu la jolie correction infligée par l’appareil ! Notez, l’étymologie reste la même !
Permettez ! Il y a au moins Massillon ! Et dans une certaine mesure Bossuet! Il est par ailleurs normal , dans une société ou le Roi est le représentant de Dieu sur terre, que celui-ci soit soumis à ces méditations sur la puissance et la gloire, et qu’il se les entende rappeler mais du point de vue de Dieu. ( Massillon , Sermon sur les deux âmes… sermon sur le temps de conversion des pêcheurs) Le Discours de Bourdaloue est présente par son préfacier en 1707 comme la voix de l’ Église contre le libertinage. On peut généraliser cette comparaison à tout grand prédicateur ayant prêché devant Louis XIV. Là dessus, Kantorowicz, Les Deux Corps du Roi, bien que ce ne soit pas son époque, son analyse reste valable, J’éviterai de parler de l’indescriptible kitsch gidien façon Nourritures Terrestres, etc et vous rappellerai sa « Porte Étroite ». Bien à vous. MC
Remarque : on peut très bien concevoir l’inverse: des orateurs portés à leur maximum précisément parce qu’ils prêchent devant un Roi. Pas n’importe lequel: « le plus grand Roi du Monde ». Le Roi très Chrétien qui lui même doit être un exemple. Lire à ce propos les Memoires de Louis XIV sur la conception qu’il se faisait du métier de Roi. Très beau texte.
Cela appartient au passé, oui, mais cela a existé, et longtemps. « Et vingt siècles de peuple et vingt siècles de Rois » dit quelque part Peguy. Ils ont par ailleurs donné un patrimoine au pays, lequel , depuis Mariane III et ses pastiches hideux, tombe en décadence. Alors raison de plus pour essayer de comprendre comment ils fonctionnent, plutôt que de manier une excommunication jacobine qui niera , mais ne résoudra pas le problème, se contentant au mieux de ne pas se le poser. Ce que je dis ici sur le Roi et Dieu vient de mon bon maître Georges Couton, lequel était dix septiemiste et non royaliste! Il n’a d’ailleurs pas, lui non plus, dédaigné ces sermons. Maintenant, on peut toujours choisir de ne pas comprendre et de ne pas voir. Il Bien à vous . MC
Un plongeur en eau profonde... Paul Edel, glissant comme un dauphin entre les personnages de La Montagne magique de Thomas Mann.
Une merveille doucement érotique où la mort s'attarde, fascinée, n'osant approcher.
Merci, Paul Edel.
De la haute lecture.
Du très mauvais Michon, acheté par votre serviteur. à sa sortie , et recyclé illico presto après lecture. Kantorowicz ne dit pas cela. Ne fait intervenir ni Dante ni Shakespeare. MC
Du très bon Michon qui évoque ses écrivains préférés au plus près de leur vérité.
Le corps du roi. Est là uniquement littéraire.
Je ne sais pas ce qu’est le « très bon Michon », alors…un bon souvenir d’ Abbés, cependant. D’ou la déception devant cet opus qui a suivi…
Très bon Michon pour répondre à votre très mauvais Michon. Un livre que j'ai souvent relu surtout le chapitre concernant Flaubert.
Mais comme d'habitude, vous êtes sur de vous.
Une excellente analyse de Corps du roi de Michon, pour celui qui le juge "mauvais".
https://www.erudit.org/fr/revues/etudfr/2005-v41-n1-etudfr872/010848ar/
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