lundi 10 juillet 2023

Transparent

Makoto Satô - Transparent - Glénat

 

 

 

Publiée initialement dans le magazine Evening au Japon à l’aube des années 2000 puis en volumes, la première œuvre du mangaka Makoto Satô Transparent est parue en huit tomes en France chez Glénat. Après ce premier cycle, un neuvième et dixième ont paru sans suites, l’auteur s’étant orienté ultérieurement vers d’autres projets. Alerté par la brièveté de ce manga - une aubaine dans un genre connu pour ses séries interminables ! - et surtout le compte-rendu de Weirdaholic, je l’ai donc parcouru.

 

Que raconte-t-il ? Au Japon, les autorités s’intéressent de très près à l’apparition de mutants. Tous sont dotés d’une intelligence exceptionnelle et de la faculté de transmettre instantanément leurs pensées et leurs émotions dans un rayon pouvant atteindre parfois plusieurs kilomètres. On les nomme les Transparents. Ce don qu’ils ne maitrisent pas menace de les désigner instantanément aux populations proches. Leur rareté et leur potentiel autorisent la mise en œuvre de moyens conséquents de suivi et d’alerte. Un bureau national créé à cet effet affecte des agents à leur protection, sans compter une logistique conséquente s’efforçant d’orienter à leur insu leurs activités et de contrôler leur entourage, afin de dissimuler si possible l’existence des mutants au grand public.

 

Ce don est donc un handicap que les Transparents ignorent eux-mêmes, une forme d’autisme à l’exemple des personnages de Malicia et de Jimmy / Sangsue dans la franchise Xmen ou plus classiquement des ouvrages Les Plus qu’Humains de Surgeon et Des fleurs pour Algernon de Daniel Kayes. On voit là la force de renouvellement de ce thème de science-fiction, qui malgré les œuvres précitées a longtemps surfé sur le fantasme du surhomme.

 

Cette communication – certes à sens unique - à la fois irrépressible et instantanée, ce bain collectif émotionnel, anticipent remarquablement, au passage, l’usage explosif des réseaux sociaux que les Etats s’efforcent aujourd’hui de modérer ou contrôler. Makoto Satô a vu loin.

 

Tout cela transparait dans une succession d’arcs narratifs retraçant l’idylle du physicien Yukio Nishiyama avec l’agent Yokô Komatsu, l’itinéraire de la joueuse d’échecs japonais Lin Katagari, la vocation contrariée du brillant étudiant en médecine Ken’ichi Satomi ou la solitude de Shigefumi shiraki, le 2eme Transparent, réfugié sur une ile déserte. Les membres du bureau de protection doivent composer entre leur volonté d’isolement des enfants surdoués et la nécessaire maturation qu’ils n’acquerront qu’au contact de leurs congénères. Certains veulent leur disparition, comme l’une entreprise pétrolifère ayant eu vent de l’invention d’une fusion froide par un Transparent.

 

Voilà un manga intelligent, nuancé, voir moral, même si l’amateur de science-fiction souhaiterait parfois faire décoller l’ensemble. Le dessin est au service de la narration ni plus ni moins.

79 commentaires:

Anonyme a dit…

Est-ce à dire que ça ne décolle pas, ou mal? MC

Anonyme a dit…

A ce propos, difficulté de faire décoller un commentaire ! 3 essais pour le précédent! MC

Christiane a dit…

Idem. Deux à trois essais pour envoyer un commentaire par iPhone. Pas de problème avec l'ordinateur.
Pour les mangas, j'ai vraiment du mal à... lire ces textes, assommée par la quantité de dessins les fragmentant. Le style de langage est souvent vulgaire. Est-ce la cas ici ? Peut-on regarder une séquence ?

Christiane a dit…

"Transparent, à savoir "une dégénérescence cérébrale congénitale au niveau du corps calleux" , a pour effet premier que "les pensées d'un transparent sont perçues par tous les êtres vivants se trouvant dans un périmètre de 50 mètres"
Cet extrait de la note mise en lien (Weirdaholic) me rappelle un des thèmes de "La mémoire de l'ombre" encore que le phénomène est expliqué autrement dans le roman.

Anonyme a dit…

Lisez « le Chevalier de Versailles, « Christiane, qui eut la gloire d’être analysé à un Colloque de Dix-Septiemistes je crois à Orlando! Ça vaut un bon Dumas mis au goût du jour…Bien à vous. MC

Anonyme a dit…

Analyse faite en Américain par Russel Ganim!

Christiane a dit…

La fascination qu'exerce ce blog est dans les transitions, dans le franchissement des habitudes de lecture. Chaque chronique de Soleil vert nous conduit dans un univers différent et insensiblement les découvrant, lisant ces livres nous devenons différents. C'est un étonnement ininterrompu..
C'est le blog des grands espaces.

Christiane a dit…

Pourquoi pas ! Recommandé par vous cela doit être une bonne lecture. Merci.

Christiane a dit…

Pouvez-vous préciser un titre ?

Anonyme a dit…

Le titre est bien Le Chevalier de Versailles, me semble-t-il. Et la tomaison pas lus épaisse que la sus-mentionnee, MC.

Anonyme a dit…

Aaah, la il a fallu attendre six fois!

Anonyme a dit…

Pas plus épaisse, désolé.

Christiane a dit…

Je n'ai pas trouvé. Désolée.

Christiane a dit…

Les lectures se recouvrent entre elles.

Christiane a dit…

Elles participent à la pente de notre vie passée.

Christiane a dit…

Entre imagination et répétition la mémoire n'est parfois qu'illusion.

Christiane a dit…

Car le Massey est glissant et toujours il nous échappe.

Christiane a dit…

le passé

Anonyme a dit…

Mille pardons! « La Rose de Versailles! » et là, deux tomes disponibles si on ajoute manga! Il faut toujours vérifier!

Anonyme a dit…

MC

Anonyme a dit…

Peut-être une confusion avec le titre américain?

Christiane a dit…

Ah, mangas... Oui, j'en étais loin ! Merci.

Christiane a dit…

"La publication de "La Rose de Versailles" provoque chez les adolescentes japonaises ce que l'on appelle le « beru bara boom » : la popularité du manga est très importante auprès des jeunes filles du début des années 1970 et les pousse à s'intéresser à la culture française et fait du château de Versailles un important lieu touristique pour les japonais. Le phénomène est suffisamment important pour que le gouvernement français honore Riyoko Ikeda des insignes de chevalier de l'ordre national de la Légion d'honneur en 2009."
Wikipédia

Hum !.je préfère d'autres lectures que les mangas.
Par exemple, je relis "La pluie avant qu'elle ne tombe" de Jonathan Coe. Un cheminement dans les souvenirs s'appuyant sur des photos...

Anonyme a dit…

Pour le public exigeant et non familier de ce genre, je recommande de Jiro Taniguchi, Quartier lointain chroniqué ici et Le journal de mon père.SV

Christiane a dit…

Belles chroniques. Illustrations délicates. Thèmes émouvants.

MC a dit…

Pas lu ce Coe là! Le dernier devait être "Billy Wilder et Moi", du moins je le crois. MC

Christiane a dit…

Ce "Coe là", M.C., je l'avais lu il y a quelques années. Le voyant sur la table de ma petite libraire-Presse, en Poche, à nouveau, mon regard a été attiré par ce titre énigmatique "La pluie avant qu'elle ne tombe", - ça vaut le "Où va le blanc quand la neige fond" de Passou.
J'avais oublié cette histoire complexe mais pas la construction originale : vingt photos destinées à une jeune femme aveugle et une confession suivant l'éphéméride de ces photos.
La mémoire de cette vieille dame qui va se suicider au début du roman est vacillante. La question qu'elle se pose non résolue : y a-t-il un lien qui unit mystérieusement les générations influençant les destins ou bien, tout n'est-il que hasard.
Ici, les hommes ne sont pas les personnages principaux. Tout est affaire de mères et de filles. Un livre qui plairait à Rose (RdL)...

Anonyme a dit…

Je préfère le Coe biographique, très exact , d’ « Arthur et George, « etc. Je ne dis pas que l’autre livre est mauvais, je dis que je ne l’ai pas lu! Bien à vous. MC

Anonyme a dit…

Je préfère le Coe biographique, très exact , d’ « Arthur et George, « etc. Je ne dis pas que l’autre livre est mauvais, je dis que je ne l’ai pas lu! Bien à vous. MC

Anonyme a dit…

3 fois cette fois-ci.,.

Christiane a dit…

Là c'est une fiction. Et une très belle fiction où les personnages sont subtilement analysés.Je n'ai lu aucun autre livre de lui. Mais j'ai plaisir a relire celui-ci.
PS. J'ai éteint complètement pendant quelques minutes mon iphone. Et je n'ai pu aucun problème de réception ou d'envoi des emails.

Christiane a dit…

"Pourquoi le plaisir de la lenteur a-t-il disparu ? Ah, où sont-ils, les flâneurs d’antan ? Où sont-ils ces vagabonds qui traînent d’un moulin à l’autre et dorment à la belle étoile ? Ont-ils disparus avec les chemins champêtres, avec les prairies et les clairières, avec la nature ? Un proverbe tchèque définit leur douce oisiveté par une métaphore : ils contemplent les fenêtres du Bon Dieu. Celui qui contemple les fenêtres du Bon Dieu ne s’ennuie pas ; il est heureux. Dans notre monde, l’oisiveté s’est transformée en désœuvrement, ce qui est tout autre chose : le désœuvré est frustré, s’ennuie, est à la recherche constante du mouvement qui lui manque.
Je regarde dans le rétroviseur : toujours la même voiture qui ne peut me doubler à cause de la circulation en sens inverse. À côté du chauffeur est assise une femme ; pourquoi l’homme ne lui raconte-t-il pas quelque chose de drôle ? pourquoi ne pose-t-il pas la paume sur son genou ? Au lieu de cela il maudit l’automobiliste qui, devant lui, ne roule pas assez vite, et la femme ne pense pas non plus à toucher le chauffeur de la main, elle conduit mentalement avec lui et me maudit aussi. (…)

Il y a un lien secret entre la lenteur et la mémoire, entre la vitesse et l’oubli. Évoquons une situation on ne peut plus banale : un homme marche dans la rue. Soudain, il veut se rappeler quelque chose, mais le souvenir lui échappe. À ce moment, machinalement, il ralentit son pas. Par contre, quelqu’un qui essaie d’oublier un incident pénible qu’il vient de vivre accélère, à son insu l’allure de sa marche comme s’il voulait vite s’éloigner de ce qui se trouve, dans le temps, encore trop proche de lui.
Dans la mathématique existentielle cette expérience prend la forme de deux équations élémentaires : le degré de la lenteur est directement proportionnel à l’intensité de la mémoire ; le degré de la vitesse est directement proportionnel à l’intensité de l’oubli. (…)

De cette équation on peut déduire divers corollaires, par exemple celui-ci : notre époque s’adonne au démon de la vitesse et c’est pour cette raison qu’elle s’oublie facilement elle-même. Or je préfère inverser cette affirmation et dire : notre époque est obsédée par le désir d’oubli et c’est afin de combler ce désir qu’elle s’adonne au démon de la vitesse ; elle accélère le pas parce qu’elle veut nous faire comprendre qu’elle ne souhaite plus qu’on se souvienne d’elle ; qu’elle se sent lasse d’elle-même ; écœurée d’elle-même ; qu’elle veut souffler la petite flamme tremblante de la mémoire. »
Milan Kundera , « La Lenteur », Œuvre II, Bibliothèque de la Pléiade, éditions Gallimard, 2011)

J'aime vraiment beaucoup cet extrait offert par Jazzi.

Christiane a dit…

https://youtu.be/ofddvAjlZEE
Apostrophes - Kafka - Orwell /Kundera

Christiane a dit…

Une très bonne émission d'Apostrophed animée par un Bernard Pivot en forme. Présence de Simon Leys et Nadeau sur le plateau. Les trente premières minutes sont offertes à Kundera. Il peut avec beaucoup de sincérité et d'humour évoquer sa vie d'écrivain. Un long moment est réservé à L'Insoutenable légèreté de l'être.
Je me souviens du jeu exceptionnel de Juliette Binoche dans l'adaptation réussie du roman.

Christiane a dit…

Apostrophes - Maurice Nadeau- Milan Kundera

Christiane a dit…




Paul Edel écrit (RdL ) :
"Les variations Diabelli de Beethoven proposent d’épuiser un thème musical très simple,quelques notes, (tirées ici d’une valse de Diabelli) en traitant les modes (majeur ou mineur) jusqu’à épuisement de toutes les possibilités avec ces quelques notes de musique.. et même en abordant la dissolution du thème musical, de cette cellule initiale simple. (...)
le romancier a appliqué à la structure de certains de ses romans ce thème des variations et du contrepoint. Il remplace les notes par quelques mots. (...)
Ces recherches formelles sont capitales pour comprendre son art narratif.
Si vous prenez par exemple « L’insoutenable légèreté de l’être » , dans ce cas précis chaque personnage est caractérisé par quelques mots. Pour Tomas, les variations se font sur la balance : légèreté / lourdeur. Pour Teresa,ce serait plutôt les mots clés de :vertige, faiblesse, paradis, idylle. (...)"

Formidable éclaircissement.

Anonyme a dit…

Je ne sais pas. J’ai le souvenir d’un roman assez terne. On pourra toujours dire que je suis passé à côté, mais les dialogues… MC

Christiane a dit…

Oh, je l'ai lu il y a si longtemps... J'ai eu des années Kundera. C'était une époque où j'appréciais sa dérision et son pessimisme, puis je suis revenue à d'autres romanciers.
Cette mort réveille les souvenirs de chacun. C'est émouvant. Les romanciers n'échappent pas par leur mort aux interrogations sur leur oeuvre, sur leur vie.
Pourtant voilà plusieurs années qu'il s'était effacé des cimbales des médias, des plateaux de télévision.
Celle que j'ai mise en lien (ina), permet de revoir une autre grande personnalité disparue du monde littéraire : Maurice Nadeau .
L'oubli guette beaucoup de nos lectures. C'est pour cela que parfois j'ouvre à nouveau les pages d'un roman presque oublié. C'est le cas pour celui de J. Coe.
Parfois je déroule la colonne mémoire des lectures de Soleil vert. Heureuse quand je retrouve des livres qui m'ont accompagnée.
C'est une mémoire aussi, tellement liée à la vie. Comme un album de photos ( le support de "La pluie avant qu'elle ne tombe").
Mais je n'ai pas trop envie, pour l'instant de relire un de ses livres. Ça viendra un jour, certainement.
J'espère penser à acheter Le Monde, demain. En lisant le "papier" de Jacques Pierre Amette, je sais que je serai loin de la critique littéraire, juste dans le chemin doux-amer d'une amitié que la mort a emportée au pays des souvenirs.

Christiane a dit…

https://www.fabula.org/actualites/111374/maurice-nadeau-soixante-ans-de-journalisme-litteraire-t-iii.html

Christiane a dit…

Même un quatorze juillet le kiosque est ouvert. Ai trouvé Le Monde (vendredi/samedi) et lu (en entier) le beau témoignage de Jacques-Pierre Amette. Il a de la chance Milan de l'avoir eu pour ami. La photo de Vera et lui dans "le refuge"est émouvante.

Soleil vert a dit…

"Pourquoi le plaisir de la lenteur a-t-il disparu ? Ah, où sont-ils, les flâneurs d’antan ? Où sont-ils ces vagabonds qui traînent d’un moulin à l’autre et dorment à la belle étoile ? Ont-ils disparus avec les chemins champêtres, avec les prairies et les clairières, avec la nature ? Un proverbe tchèque définit leur douce oisiveté par une métaphore : ils contemplent les fenêtres du Bon Dieu. Celui qui contemple les fenêtres du Bon Dieu ne s’ennuie pas ; il est heureux. Dans notre monde, l’oisiveté s’est transformée en désœuvrement, ce qui est tout autre chose : le désœuvré est frustré, s’ennuie, est à la recherche constante du mouvement qui lui manque."

J'avoue mon ignorance crasse de l'oeuvre de Kundera.
Un clin d'œil japonais :
https://soleilgreen.blogspot.com/2015/03/les-vingt-ans-de-lhomme-qui-marche.html

Christiane a dit…

Je vous ai répondu sous cette belle chronique Je vous mettez en ligne.

Anonyme a dit…

Oui , Paul Edel et , pour Le Figaro, Benoît Duteurtre furent chacun de dignes amis de Kundera, dont l’évaluation reste à refaire. Et c’est bien qu’ils aient tous deux parlé. MC

Christiane a dit…

L'amitié c'est un long chemin. Silence, rires, compréhension, estime.
Je pense que P.E /J-P.A avec sa connaissance du milieu littéraire, sa culture, son talent d'écrivain , sa franchise, a dû être un ami précieux pour Milan Kundera et son épouse, cet écrivain déraciné, qui avait tant de choses à exprimer.
J'aime bien l'attitude de JPA à Brno, lors de la conférence où il était invité à parler de lui dans une radio locale. Et où on lui posa une question perfide. C'est ça un ami.
Oui, il faudrait redécouvrir autrement ce grand écrivain qui n'aimait parler ni de lui ni de son oeuvre.
J'aime aussi dans cet qrticle que JPA parle du couple avec tant de chaleur. Vera son épouse veillait sur lui, écrit-il.
Ainsi on l'imagine, dans cette vie simple, au milieu de ses livres, de ses disques, de leurs valises...
Peut-être, un jour, P.E. nous parlera-t-il de ce roman qu'il aime tant "Risibles amours" (Gallimard , 1986) ?
Benoît Duteurtre (Le Figaro), je note.

Christiane a dit…

https://www.marianne.net/culture/litterature/cetait-un-homme-libre-pas-un-ecrivain-dissident-lhommage-de-benoit-duteurtre-a-son-ami-milan-kundera

Christiane a dit…

https://www.lefigaro.fr/livres/milan-kundera-un-homme-plein-d-humour-qui-avait-le-culte-de-l-amitie-20230712

Là, il n'y a que quelques lignes pour les non abonnés...

Christiane a dit…

Quand même, quel bonheur que le roman de soit échappé du réel !

Biancarelli a dit…

”La fête de l’insignifiance ” de Kundera m’avait plu.
Je confirme les mangas ’Quartier lointain”et ”Le journal de mon père ” sont très bons.

Christiane a dit…

J'ouvre le livre de Jiro Tanigushi, "L'Homme qui marche" (Casterman).
Une pure merveille.
Je lis dans la préface de Wladimir Labaere, que ces promenades évoquent Ozu, au cinéma...
Donc , il a dessiné en se promenant....
Poème contemplatif.
La première promenade dédiée aux oiseaux.. d'abord une mésange charbonnière, puis une bergeronnette..
Dessins très purs.
Le livre se lit de gauche à droite. Me voici bien à l'aise !
Un chat adorable page 11. Je pense à Soleil vert.
Quelques planches en couleurs douces
Je feuillette.
Page 105, une étonnante traduction des lumières en ville. Comme des lucioles.
Des planches entières sans texte invitent à contempler les dessins, à rêver sur les dessins.
Page 195 un vol fou de mouettes entoure le promeneur. Même un héron cendré à la page suivante.
Un chat comme guide page 214.
Les deux derniers mots : L'errance... L' errance...
Sous la jaquette, une couverture somptueuse. Le village et ses toits de tuiles vertes ou ocres, un fouillis d'arbres, des murets couverts d'herbe. Le promeneur descend un chemin de marches de pierres. Un chien le précède. Quel calme...
124/125. Un merveilleux dessin qui m'évoque "Un après-midi à la Grande Jatte".
Je vais entrer dans le regard de Jiro Tanigushi... dans sa pensée...
Quelle chance ! Merci Soleil vert.
C'est exactement le livre qui me repose l'âme.

Christiane a dit…

C'est vraiment une histoire très étrange. Elle avance comme on recule dans le passé, comme on ralentit pour se souvenir. Exactement comme dans cette belle page de Kundera.
Cet homme n'est pas ordinaire. On ne sait pas ce qu'il cherche dans ses promenades, car il cherche quelque chose. Il suit parfois un homme, parfois un chat. Il fait des rencontres éphémères. Escalade la nuit une clôture pour aller nager, tout nu , dans une piscine. Il grimpe aux arbres pieds nus, se repose entre deux branches. Aime regarder les nuages, les oiseaux mais aussi la ville. Il sait dessiner la pluie et la neige parce que, immobile, il les a accueilles sur son visage. Ce n'est pas vraiment un solitaire puisqu'il rentre chez lui après ses figues.
Il est habillé comme un employé de bureau, net et élégant.
J'aime beaucoup quand l'auteur dessine des pieds, des chaussures, des pas.

Insolite. Peu de mots.
L'histoire commence par la fin, dirait-on.
Un peu de Pessoa, aussi...
Il n'y a rien de vraiment japonais dans cette histoire lente, rêveuse, hors du temps.
C'est amusant, le chapitre où j'avais retrouvé "Un dimanche à la Grande Jatte" de Seurat, il l'a nommé : "Une vision impressionniste des choses".
Il y a une mémoire littéraire et artistique dans ce livre... et une femme aimée qui voulut disparaître...
De l'enfance aussi, à la fin.
C'est un livre qui ouvre l'imaginaire, qui cache mille secrets.
Quelle beauté énigmatique.

Christiane a dit…

Rencontre avec le pêcheur qui ne pêche rien, heureux.
Page 88
"Je me suis demandé ce qui rendait cet endroit si paisible...
Le cours du temps y était comme celui de l'eau... lent.
Un interstice, une parenthèse dans l'enfilade des jours ordinaires...
C'est vrai... A quoi bon se presser ?
J'ai suivi le bord sans chemin de la rivière... lentement..."

Christiane a dit…

https://youtu.be/TVb-S5KmRM4

Si je ne me suis pas trompée, c'est une petite vidéo de quelques minutes autour de l'oeuvre de Tanigushi . Il évoque son paysage de naissance et d'enracinement qui ne laissera pas indifférent le poète qui a écrit "Torii d'Itsukushima".

Christiane a dit…

Taniguchi

Christiane a dit…

C'est plus une série d'épisodes d'un roman graphique qu'un manga. Et dans ce roman sans mots ou presque, des sensations vibrant dans un détail du dessin à fleur de peau.
Longtemps je n'ai su si la jeune femme dessinée était sa fille ou son épouse. Pas de rapports adultes, sensuels, intimes entre l'homme et la femme à part un dialogue pour le nom du chien trouver , "Neige". Mais globalement, elle accepte ses allées et venues, ses distractions enfantines comme naturelles (sauter dans une flaque, grimper aux arbres...). C'est un couple un peu immature et paisible. Cet homme semble s'éveiller d'un long sommeil.
La dernière histoire semble ne pas appartenir à l'enchaînement des précédentes. Comme un flash sur l'enfance.
Le livre qu'il sort à la bibliothèque montre sa passion pour l'architecture mais qu'en est-il de la cassette oubliée sous le cerisier ?

Christiane a dit…

trouvé

Soleil vert a dit…

Jiro Tanigushi, la crème du manga (Quartier lointain, Le journal de mon père) avec un graphisme qui tranche du reste de la production japonaise

Christiane a dit…

Oui, j'ai lu votre chronique en lien et cela me donne vraiment envie de les lire.
Une question : Tanigushi ou Taniguchi ?

Christiane a dit…

Ses dessins d'arbres sont prodigieux comme la poésie des poutres, des rails, des toits. C'est un sacré dessinateur. J'adore sa vieille dame qui trottine, toute espiègle. Les animaux aussi, libres, fusent dans la série de planches avec grâce.
Toutefois, il y a quelque chose de trop sage dans ce livre. Comme s'il voulait oublier quelque chose qui a fait mal.
Ce ne sont pas les rêveries d'un promeneur solitaire, c'est un homme qui plonge en lui, tout au fond de lui, pour retrouver une certaine paix. Le Japon d'aujourd'hui doit regarder sa création comme le passage d'un OVNI ! Il est l'âme du Japon ancestral et cela il le doit à ses marches lentes et silencieuses.
C'est un homme de notre temps. Il sait la guerre, la douleur, la frénésie d'un monde de consommation et de musiques bruyantes, de néons.
Il fait le calme en lui, ralentit sa respiration et dessine mille et un visages de la beauté du monde, même avec naïveté (ainsi le coquillage trouvé dans la terre qu'il va remettre dans la mer.)
J'aime cette épaisseur fragile des fleurs de cerisiers. Une matière impalpable où il avance sans pesanteur.
Je regrette un peu que l'éditeur ait fait le choix d'inverser le livre d'origine. Je pense qu'il se lisait de droite à gauche et de bas en haut comme tous les mangas.

Soleil vert a dit…

Taniguchi, mon orthographe se relâche dans les commentaires :)

Christiane a dit…

C'était juste parce que j'hésite entre les deux orthographes comme vous avez pu le voir. Je vais essayer de privilégier le c mais ce n'est pas gagné !
Le lisse de cette histoire m'intrigue. Pas de laideur. Pas de mort. Pas de laideur. Il y a comme un refus pour l'auteur de se laisser gagner par les tourments. Je vais lire les deux autres livres que vous évoquez.
Parfois, je saute par. dessus une de vos recommandations parce que je suis passionnée par un autre auteur, un autre livre. C'est ma façon de fonctionner. Ainsi je me suis éloignée de Milan Kundera sans m'en apercevoir.
La lecture agit comme un aimant pour la limaille qui est dans ma tête
J'ai une bibliothèque ferrugineuse !!!

Christiane a dit…

Pas de douleur.

Christiane a dit…

https://www.lemonde.fr/podcasts/article/2023/07/13/comment-la-bnf-a-reinvesti-sa-bibliotheque-historique-dans-le-centre-de-paris_6181880_5463015.html

Pour M.C.

Christiane a dit…

Oh mais c'était donc ça ! La dernière histoire était cette enfance qu'il retrouve dans "quartier lointain". C'est une aventure de lecture formidable. Voilà donc la douleur...
Heureuse d'avoir ce livre entre mes mains.

Christiane a dit…

Comme un film.comme une fiction qui fait un trou dans le temps. Ainsi cet homme de 48 ans se réveille sur la tombe de sa mère en baskets. Il a 14 ans mais sait le temps passé.
Graphiquement, artistiquement n'égale pas "L'Homme qui marche". Mais de beaux plans-camera. La poésie est remplacée par la tumultueuse adolescence marquée par la mort, la guerre, la souffrance, la disparition. Terrible et beau. Les deux mangas sont liés par un silence qui s'ouvre sur un cri. Tous ces vivants aimés qui sont morts ou disparus. Toutes ces vies manquées, ces amours perdues. Ces mystères non résolus.

Et puis, Jane Birkin est morte. Émotion et mémoire de ce destin hors du facile. Elle était belle et talentueuse. Aimait tant ses filles.....

Christiane a dit…

Soleil vert dit:
"Retrouvé ceci, non pas dans un blog de SF, mais chez St John Perse :
« Alors on se baignait dans l’eau-de-feuilles-vertes ; et l’eau encore était du SOLEIL VERT »

J’ai une boite de thé de Dammann frères nommé Soleil vert. Thé vert parfumé à l’orange sanguine, tout moi bref"

Christiane a dit…

Peut-on vivre au présent ?

Christiane a dit…

"Quartier lointain" est composé de petites planches proches des images de pensée .

Christiane a dit…

Ces images sont toutes spatialisées, ancrées dans son village d'enfance et dans ses alentours.

Christiane a dit…

Un manga où sa mémoire retrouve quelque chose de ce qui allait venir.

Christiane a dit…

... l’espoir de mieux comprendre le passé , de pouvoir peut-être le remanier , le transformer.

Soleil vert a dit…

Jamais ne serai
Comme avant
Amours des feintes
Au loin j'entends
Là-bas qui tinte
Le temps
De ces empreintes
De nos vingt ans
Ne restent que les teintes
D'antan
Qui peut être et avoir été
Je pose la question
Peut-être étais-je destinée
A rêver d'évasion.

Extrait des paroles d'Amour des feintes

Christiane a dit…

Une des plus belles chansons de Jane Birkin...

A propos de ces deux vers : "Qui peut être et avoir été
Je pose la question"

Je pense à la dédicace que "Le voyageur du temps" reçoit, découvrant le livre de son ami Daisuke : "Quartier lointain".
Et si cette aventure n'avait pas été un rêve ? Et si Daisuke était le témoin de ce voyage dans le temps ?
Être et avoir été... "Rêver d'évasion"...
Troublant comme la moire de cette chanson.

Christiane a dit…

Amours des feintes

Interprète: Jane BIRKIN

Paroles et musique: Serge GAINSBOURG

Christiane a dit…

"Amours des feintes est un album de chansons écrites et composées par Serge Gainsbourg, interprétées par Jane Birkin, sorti en 1990.

La pochette reprend un portrait à l'encre de Jane Birkin, dessiné par Gainsbourg lui-même, qui revient pour l'occasion à sa vocation première de peintre. L'histoire dit que la plume s'est brisée, maculant le dessin de quelques taches qui ont été gardées.

Trois clips sont réalisés pour accompagner la promotion de l'album. Le premier, pour « Amours des feintes », est réalisé par Serge Gainsbourg. Jane Birkin y erre dans un couloir en spirale tapissé de reproductions de l'infante peinte par Diego Vélasquez. (...)"
Wikipédia

Christiane a dit…

https://www.dailymotion.com/video/x7wyqu2

Christiane a dit…

J'espère qu'il y a juste le clip réalisé par Gainsbourg. Si trop de publicités, n'hésitez pas à le supprimer.

Christiane a dit…

Après leur séparation, il l'avait choisie pour chanter ses blessures...

Christiane a dit…

Je reviens à "Quartier lointain". Ce qui est beau dans cette histoire, c'est qu'il ne peut changer ni le passé, ni la mort, ni les décisions qui ont été prises par ses proches mais il peut changer, lui, de point de vue. Il peut analyser ces drames en adulte ouvert à l'autre et dépasser ses peurs d'enfant. C'est vraiment une très belle histoire qui laisse en paix avec cette touche d'insolite, d'imprévu apportée par le livre qui lui est offert.
Par contre, c'est un dessin souvent plat, quelques erreurs de proportions quand deux personnages ne sont pas sur le même plan, quelques expressions du visage trop accentuées. Mais se dessinent l'étourdissante virtuosité de certains plans cinématographiques, la subtilité des grisés, le talent pour dessiner la pluie, les perspectives des rues, les contreplongees de personnages, les nuages, les animaux.
Le texte est soigné, maintient la surprise, sait rendre la drôlerie des scènes de classe et la tristesse des séparations.
Le livre refermé je reprends "L'Homme qui marche". Sa paix intérieure, son attention aux petites choses du quotidien, cette espièglerie enfantine dont un contre-point délicieux au grave "Quartier lointain". C'est de la littérature.

Christiane a dit…

dont/sont