Kate
Wilhelm - Demain le silence - Le passager clandestin/dyschroniques
Dans une Terre dystopique
envahie de mégalopoles, les humains ont perdu tout contact avec la Nature. Pire,
ils l’abhorrent. Renoncer à la promiscuité, au bruit, à l’espace urbain leur semble
désormais inconcevable. C’est pourtant l’expérience à laquelle vont être
confrontés le biologiste Lorin et sa femme Jan. Des scientifiques ont en effet
découvert le principe du voyage dans le temps ou plus exactement dans le futur
et en ont tiré une application industrielle. Les hommes ont épuisé les
ressources de la Terre, mais dans les lointains avenirs explorés, elle semble les
avoir reconstitué. Le bond temporel a cependant une contrepartie. Au bout d’un
laps de temps limité, à l’image d’un élastique tendu à l’extrême, le vaisseau
et ses occupants sont renvoyés à leur époque d’origine. Sur place Lorin
découvre un monde virginal, couvert de forêts et il en tombe immédiatement
amoureux à l’opposé de Jan effrayée comme les membres d’équipage par le silence
de ce Paradis naturel.
La collection « Le
passager clandestin/dyschroniques » s’est spécialisée dans l’exhumation de
nouvelles de science-fiction dont l’idée maitresse percute les préoccupations
de notre Présent. « Demain le silence » publié en 1970 rejoint
sans coup férir le groupe des meilleurs textes. Il avait figuré au sommaire de
l’anthologie Orbit et en France d’un Livre d’or. Ce blog a évoqué par ailleurs
la mémoire de Kate Wilhelm, mariée au célèbre Damon Knight, auteure au moins de
deux romans remarquables, et dont la présence sur la scène littéraire fut renforcée
par la création du renommé atelier d’écriture Clarion. Surprise, Wilhelm se révèle
dans la forme courte aussi performante que dans le format long. Le pitch évoque
un croisement entre Les monades urbaines de Robert Silverberg et Au
bout du labyrinthe de Philip K. Dick. Plus globalement il rejoint les
thématiques SF des années 70 où s’illustrèrent les susnommés sans compter
Ballard ou Disch et le français Andrevon. La première partie de « Demain
le silence » pourrait s’apparenter à un classique récit d’exploration
en terre étrangère, drainé par l’angoisse et la tension croissante du couple. La
« chute » inattendue explose tout.
Le paratexte qui restitue
habituellement la fiction dans son époque est particulièrement brillant. On ne
citera pas les courants de pensée évoqués pour ne pas dévoiler la fin du récit,
à l’exception d’une phrase d’Edward Abbey : « Nous avons besoin de
nous échapper aussi sûrement que nous avons besoin d’espoir ». Une
manière de résumer la modernité que comprendront les confinés de 2020. En tout
cas quelle pépite que ce « Demain le silence » !
9 commentaires:
Le début de ce billet est grave et réaliste. J'ai connu cela.
"Dans une Terre dystopique envahie de mégalopoles, les humains ont perdu tout contact avec la Nature. Pire, ils l’abhorrent. Renoncer à la promiscuité, au bruit, à l’espace urbain leur semble désormais inconcevable. "
C'était dans un monastère dans la Grande Chartreuse. Un séjour que j'avais choisi justement pour la nature et le silence.
Certaines résidentes de l'hôtellerie écourtaient leur séjour ne supportant plus le silence de ces grands espaces mais aussi celui de la chapelle romane, si belle, où des religieuses se recueillaient en silence.
C'est là que j'ai regardé longuement les ciels étoilés de l'été, les orages fougueux qui bondissaient sur la montagne et faisaient gémir les troncs, bruire les feuillages. Et les oiseaux et les insectes et l'herbe. Dessiner des arbres, des racines, des feuilles, des fleurs. Essayer de dessiner le vent, la lumière.
Il me semble, à lire votre billet que ces mégalopoles enfumées et bruyantes ont oublié le silence et les chants d'oiseaux .
Je me sens plus près de Lorin que de Jan.
Je vais ouvrir votre lien "par ailleurs".
Je retiens de ces trois cadres, quelle aimais la nature, que la psychologie de ses personnages est fouillée et le reste on le devine à votre billet. C'est une jolie vieille dame sur les photos, fine avec des cheveux blancs et un beau sourire. Beau couple solide apparemment.
Je lance une pièce. Pile je lis. Face je passe.
La pièce a roulé sous un meuble !
Je lis. C'est une nouvelle courte. Chouette !
t
et pas chère …
Pour vous reposer de mes lectures très exotiques, la prochaine sera "post-exotique". 200 pages pas plus.
Superbe nouvelle ! Je viens de la terminer. Deuxième partie très surprenante.
Pas cher. Pas long. Percutant. J'ai aimé.
Mais quand même, même pas un oiseau, ni un poisson, ni un insecte.
Ah la la, les hommes sont fous et les psychiatres encore plus !
Merci merci pour cette chouette lecture.
30 pages quand même et tant d'événements intérieurs en 30 pages....
Postexotique ???? Vous m'intriguez ! Qu'allez-vous encore sortir de votre chapeau ?
Je lis "Le manoir" de Paul Edel. Même étrangeté que dans la nouvelle de Kate Wilhelm. Deux écritures époustouflantes.
Deux textes vibrants qui étreignent le cœur.
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