samedi 20 mai 2023

Demain le silence

Kate Wilhelm - Demain le silence - Le passager clandestin/dyschroniques

 

 

 

Dans une Terre dystopique envahie de mégalopoles, les humains ont perdu tout contact avec la Nature. Pire, ils l’abhorrent. Renoncer à la promiscuité, au bruit, à l’espace urbain leur semble désormais inconcevable. C’est pourtant l’expérience à laquelle vont être confrontés le biologiste Lorin et sa femme Jan. Des scientifiques ont en effet découvert le principe du voyage dans le temps ou plus exactement dans le futur et en ont tiré une application industrielle. Les hommes ont épuisé les ressources de la Terre, mais dans les lointains avenirs explorés, elle semble les avoir reconstitué. Le bond temporel a cependant une contrepartie. Au bout d’un laps de temps limité, à l’image d’un élastique tendu à l’extrême, le vaisseau et ses occupants sont renvoyés à leur époque d’origine. Sur place Lorin découvre un monde virginal, couvert de forêts et il en tombe immédiatement amoureux à l’opposé de Jan effrayée comme les membres d’équipage par le silence de ce Paradis naturel.

  

La collection « Le passager clandestin/dyschroniques » s’est spécialisée dans l’exhumation de nouvelles de science-fiction dont l’idée maitresse percute les préoccupations de notre Présent. « Demain le silence » publié en 1970 rejoint sans coup férir le groupe des meilleurs textes. Il avait figuré au sommaire de l’anthologie Orbit et en France d’un Livre d’or. Ce blog a évoqué par ailleurs la mémoire de Kate Wilhelm, mariée au célèbre Damon Knight, auteure au moins de deux romans remarquables, et dont la présence sur la scène littéraire fut renforcée par la création du renommé atelier d’écriture Clarion. Surprise, Wilhelm se révèle dans la forme courte aussi performante que dans le format long. Le pitch évoque un croisement entre Les monades urbaines de Robert Silverberg et Au bout du labyrinthe de Philip K. Dick. Plus globalement il rejoint les thématiques SF des années 70 où s’illustrèrent les susnommés sans compter Ballard ou Disch et le français Andrevon. La première partie de « Demain le silence » pourrait s’apparenter à un classique récit d’exploration en terre étrangère, drainé par l’angoisse et la tension croissante du couple. La « chute » inattendue explose tout.

  

Le paratexte qui restitue habituellement la fiction dans son époque est particulièrement brillant. On ne citera pas les courants de pensée évoqués pour ne pas dévoiler la fin du récit, à l’exception d’une phrase d’Edward Abbey : « Nous avons besoin de nous échapper aussi sûrement que nous avons besoin d’espoir ». Une manière de résumer la modernité que comprendront les confinés de 2020. En tout cas quelle pépite que ce « Demain le silence » !


8 commentaires:

Christiane a dit…

Le début de ce billet est grave et réaliste. J'ai connu cela.

"Dans une Terre dystopique envahie de mégalopoles, les humains ont perdu tout contact avec la Nature. Pire, ils l’abhorrent. Renoncer à la promiscuité, au bruit, à l’espace urbain leur semble désormais inconcevable. "

C'était dans un monastère dans la Grande Chartreuse. Un séjour que j'avais choisi justement pour la nature et le silence.
Certaines résidentes de l'hôtellerie écourtaient leur séjour ne supportant plus le silence de ces grands espaces mais aussi celui de la chapelle romane, si belle, où des religieuses se recueillaient en silence.
C'est là que j'ai regardé longuement les ciels étoilés de l'été, les orages fougueux qui bondissaient sur la montagne et faisaient gémir les troncs, bruire les feuillages. Et les oiseaux et les insectes et l'herbe. Dessiner des arbres, des racines, des feuilles, des fleurs. Essayer de dessiner le vent, la lumière.
Il me semble, à lire votre billet que ces mégalopoles enfumées et bruyantes ont oublié le silence et les chants d'oiseaux .
Je me sens plus près de Lorin que de Jan.

Je vais ouvrir votre lien "par ailleurs".

Christiane a dit…

Je retiens de ces trois cadres, quelle aimais la nature, que la psychologie de ses personnages est fouillée et le reste on le devine à votre billet. C'est une jolie vieille dame sur les photos, fine avec des cheveux blancs et un beau sourire. Beau couple solide apparemment.
Je lance une pièce. Pile je lis. Face je passe.

Christiane a dit…

La pièce a roulé sous un meuble !
Je lis. C'est une nouvelle courte. Chouette !

Soleil vert a dit…

et pas chère …
Pour vous reposer de mes lectures très exotiques, la prochaine sera "post-exotique". 200 pages pas plus.

Christiane a dit…

Superbe nouvelle ! Je viens de la terminer. Deuxième partie très surprenante.
Pas cher. Pas long. Percutant. J'ai aimé.
Mais quand même, même pas un oiseau, ni un poisson, ni un insecte.
Ah la la, les hommes sont fous et les psychiatres encore plus !
Merci merci pour cette chouette lecture.
30 pages quand même et tant d'événements intérieurs en 30 pages....

Christiane a dit…

Postexotique ???? Vous m'intriguez ! Qu'allez-vous encore sortir de votre chapeau ?

Christiane a dit…

Je lis "Le manoir" de Paul Edel. Même étrangeté que dans la nouvelle de Kate Wilhelm. Deux écritures époustouflantes.

Christiane a dit…

Deux textes vibrants qui étreignent le cœur.