jeudi 30 mars 2023

De si jolis chevaux

Cormac McCarthy - De si jolis chevaux - Points

 

 



Au siècle dernier, deux jeunes cavaliers texans, Rawlins et John Grady Cole, quittent la ville de San Angelo pour un road trip d’une durée indéterminée en direction du Mexique. Grady, qui est le personnage principal du récit, est l’enfant d’un couple divorcé. Sa mère a repris une carrière théâtrale, son père, à la santé déclinante, vivote dans le ranch familial. En mal d’émancipation du haut de ses 16 ans le jeune homme souhaite prendre la direction du domaine familial. Mais son géniteur, avec lequel il est d’ailleurs en bon terme, s’y oppose. Il décide alors de prendre le large avec Rawlins, un copain à peine plus âgé. Passé la frontière ils croisent un gamin en piteux état qui fait un bout de chemin avec eux. Paniqué par un orage celui-ci perd son cheval. Après l’avoir récupéré le trio se sépare et les deux gens sont embauchés dans une immense hacienda mexicaine. Un jour des gendarmes viennent les chercher.

 

Roman d’apprentissage, road trip, De si jolis chevaux raconte une virée qui tourne mal. Hommes de bonne foi Rawlins et Grady se retrouvent piégés par les circonstances. Grady en particulier oppose à la contingence un mélange de résilience et de courage. Les épreuves sont rudes, un amour qui tourne au fiasco, la disparition des proches, une expérience de mort-limite. S’il se résout à l’inéluctabilité des forces destructrices du monde, rien n’entame en revanche son bras de fer contre l’injustice. 


Aux côtés de figures secondaires comme celles des bourreaux sud-américains, on n'oubliera pas celle du jeune Blevins emporté par son inconséquence, et la présence de la duègne et grande tante d'Alejandra issue d'une noble famille proche des frères Madero, initiateurs de la révolution et de la démocratie mexicaines.

 

Ce qui aurait pu se résumer à une histoire de cow-boys est transcendé par l’écriture de Cormac McCarthy. Qu’il raconte un débourrage de chevaux ou décrive une salle de bal, l’écrivain restitue le réel avec une acuité photographique impressionnante. Mais de même que l’univers matériel dans lequel nous cognons nos existences s’évapore en fumée quantique dès lors que nous pénétrons son cœur, de même McCarthy révèle l’au-delà de mondes dont les courants de force invisibles, fantômes ou destin, traversent leurs occupants.


De si jolis chevaux est au fond un grand roman sur la contingence - celle-là même dont le jeune héros a éprouvé les morsures - et dont la formulation trouve son apogée dans le duel verbal qui oppose Grady et la duègne, avec l'évocation de la violence de l'Histoire et celle exercée sur les femmes.


Extraits :

« Il allait là où il choisissait toujours d'aller quand il partait à cheval, là-bas où l'embranchement ouest de l'ancienne route comanche au sortir du pays kiowa vers le nord tra­versait la partie la plus occidentale du ranch et l'on pouvait en distinguer au sud la trace à peine perceptible sur les basses prairies entre les bras septentrional et intermédiaire du Concho. À l'heure qu'il choisissait toujours, l'heure où les ombres s'allongeaient et où l'ancienne route se dessinait devant lui dans l'oblique lumière rose comme un rêve de temps révolus où les poneys peints et les cavaliers de cette nation disparue descendaient du nord avec leur visage marqué à la craie et leurs longues nattes tressées et tous armés pour la guerre qui était leur vie et les femmes et les enfants et les femmes avec leurs enfants suspendus à leur sein et tous avec le sang en gage de leur salut et pour seule vengeance le sang. Quand le vent était au nord on pouvait les entendre, les chevaux et l'haleine des chevaux et les sabots des chevaux chaussés de cuir et le cliquetis des lances et le frottement continuel des barres des travois dans le sable comme le passage d’un énorme serpent et sur les chevaux sauvages les jeunes garçons tout nus folâtres comme des écuyers de cirque et poussant devant eux des chevaux sauvages et les chiens trottinant la langue pendante et la piétaille des esclaves suivant demi-nue derrière eux et cruellement chargée et la sourde mélopée sur tout cela de leurs chants de route que les cavaliers psalmodiaient en chemin, nation et fantôme de nation passant au son d'un vague cantique à travers ce désert minéral pour disparaître dans l'obscurité portant comme un graal étranger à toute histoire et à tout souvenir la somme de ses vies à la fois séculaires et violentes et transitoires. »

 

« Il se souvint d’Alejandra et de la tristesse qu'il avait vue pour la première fois dans l'inclinaison de ses épaules et qu'il avait cru comprendre mais dont il ne savait rien et il ressentit une solitude qu'il n'avait pas connue depuis l’enfance et il se sentit tout à fait étranger au monde qu’il aimait encore pourtant. Il pensait que dans la beauté du monde il y avait un secret qui était caché, Il pensait que pour que batte le cœur du monde il y avait un prix terrible à payer et que la souffrance du monde et sa beauté évoluaient l'une par rapport l'autre selon des principes de justice divergents et que dans cet abyssal déficit le sang des multitudes pourrait être le prix finalement exigé pour la vision d'une seule fleur. »

 

 « Il s'arrêta son chapeau à la main sur la terre qui ne portait aucune marque. Cette femme qui avait travaillé pour sa famille pendant cinquante ans. Elle avait gardé sa mère au berceau et elle avait travaillé pour sa famille bien avant que sa mère ne vînt au monde et elle avait connu et gardé les oncles de sa mère les fils Grady qui étaient de vrais sauvages et qui étaient tous morts depuis si longtemps et il restait là avec son chapeau à la main et il l'appela son Abuela il lui dit adieu en espagnol puis il fit demi-tour et remit son chapeau et tourna son visage humide vers le vent et resta un moment les bras tendus devant lui comme pour reprendre l'équilibre ou bénir la terre là où il était ou peut-être comme pour ralentir le monde qui fuyait dans sa course folle et semblait n'avoir nul souci ni des vieux ni des jeunes ni des riches ni des pauvres ni des basanés ni des visages pâles ni de lui ni d'elle. Nul souci de leurs luttes, nul souci de leurs noms. Nul souci des vivants ni des morts. »

32 commentaires:

Christiane a dit…

C'est très puissant la façon dont vous racontez cette nouvelle aventure d'écriture
de Cormac McCarthy à travers laventure de ces adolescents fugueurs. Une atmosphère bien différente de "La route" , le si poignant roman que vous aviez chroniqué.
Ici de la lumière, du soleil, des chevaux mais aussi, à lire ce long extrait, un échange entre le réel et le surnaturel d'une forme de destinée au milieu de gens taraudés par la souffrance ou la cruauté.
Je retiens le titre du premier temps de cette trilogie.
Merci.

Soleil vert a dit…

C'est mon troisième après Méridien de sang et La route

Christiane a dit…

Je viens de lire. Il faut avoir le cœur bien accroché pour traverser "Méridien de sang". Dans les commentaires vous dites que cela fait 10 ans que vous écrivez sur ce blog.
Pourquoi ?
Est-ce pour vous construire une mémoire ?
Est-ce pour suivre "une route", vous aussi, à travers cette science-fiction ?
Est-ce votre goût de la littérature car bien des chroniques échappent à la science-fiction bien qu'en lien avec l'imaginaire .

2021... Je ne connaissais pas votre blog, ni votre signature "Soleil vert". Vous n'interveniez pas sur la RdL aussi souvent que maintenant. D'ailleurs vous êtes différent là bas. Enfin, je n'y vais plus guère...
Quelque chose m'effraie chez McCarthy, une noirceur, un désespoir.
Pourquoi avez-vous évoqué "2001 l'Odyssée de l'Espace" en début de chronique ? Je n'ai pas compris.
"Horreur horreur horreur..." oui.... Et encore Kurtz a eu la tête chamboulée par la guerre avant de sombrer dans sa folie dévastatrice.
Vous êtes un drôle d'homme lisant comme on écrit, écrivant comme on lit. Seul à seul. Un Tu face à un Je.
Je regardais cet après-midi un "orage" de chevaux peint par Courbet et je pensais à votre chronique sur le roman "De si jolis chevaux".
"Les courses à Longchamp" - 1866. Terrible. Chevaux en plein galop bondissant sur nous car ils sont face à nous. C'est foudroyant. Brosse en folie. Foule indistincte. Le vert sombre et le noir flambent sourdement. On a l'impression qu'ils vont sauter hors du cadre de la toile et nous foncer dessus.
Les romans de McCarthy me font cet effet. Ils nous engloutissent dans une sorte de terreur comme si tout était perdu.
Degas écrivait à Henri Rouart : "Cette pointe de laideur sans laquelle point de salut"
Et Baudelaire estimait la peinture de Manet souvent si proche des "Fleurs du Mal"...
Et pourtant que de lumière dans ses croquis de femmes nues ( plume et encre brune ou craie rouge.) Tout y est rondeurs et douceurs.
"Degas Danse Dessin" de Paul Valéry -1936. Une merveille.... Je vais le relire, ce soir....
J'allais de l'un à l'autre, égarée, indécise m'attardant sur leurs dessins, leurs gravures.
Une silhouette de Berthe Morisot dans une lithographie de Manet. Il a passé la plaque au brunissoir un peu partout. Ce qui reste est comme un rêve.
C'est la reprise du portrait de Berthe au bouquet de violettes qu'il a peint en 1872, presque effacé. C'est très beau. Mon tableau préféré.

Christiane a dit…

Je viens de terminer le récit de Pierre Assouline, "Le nageur" (Gallimard), commencé hier. Un livre qu'on ne peut lâcher surtout à partir du chapitre 7 : "Auschwitz".. Bouleversant.
Ce Job triste , ce plongeur de Paestum, "l'eau l'a donné, l'eau l'a repris". Que de douleur... Que de douleur... Quel destin...
Et quelle écriture !

Christiane a dit…

par Manet pas Courbet !

Christiane a dit…

Vous voyez, Soleil vert, ce qui est c'est beau dans ce récit de Pierre Assouline, "Le nageur", c'est que cet homme est vulnérable parce qu'humain, loin de certains héros invincibles de la littérature, tout près intimement de la fragilité d'un des nôtres à qui on a tout arraché sauf la fierté d'être encore et toujours un homme debout, qui marche, un homme qui nage comme on respire, un homme solidaire et solitaire.
Le réel, ici, me donne les larmes aux yeux quand je songe à l'effroyable à Auschwitz, Buchenwald, Dachau. Au drame qu'il a vécu, séparé de sa femme et de son enfant, espérant qu'elles soient épargnées, qu'il puisse les revoir après la guerre.
Et puis c'est formidablement écrit.
Comme vous j'apprécie les récits de fiction, ils peuplent notre imaginaire mais ici c'est découvrir ce que cet homme et les siens ont vécu et par eux tous les autres , inconnus qui ont souffert, qui sont morts, là-bas.
Ce récit m'a bouleversée.
J'espère que vous le lirez et que nous pourrons échanger encore que là, le silence et le recueillement seraient un dialogue possible.
Bonne journée à vous. Je suis heureuse que ce livre soit arrivé beaucoup plus vite que prévu.

Soleil vert a dit…

"Pourquoi avez-vous évoqué "2001 l'Odyssée de l'Espace" en début de chronique ? Je n'ai pas compris."

Parce que dans le film de Kubrick, les premiers hommes découvrent ce qui est à la fois un outil et un instrument de mort : un os humain. Dans la vision de Kubrick - mais le cinéaste a t-il vraiment réalisé ce qu'il exprimait ? - l'os tournoyant, dans un fabuleux raccourci devient un vaisseau spatial. En d'autres termes la sauvagerie est inscrite au cœur de la civilisation.

Christiane a dit…

Merci pour votre réponse. Oui, la sauvagerie est inscrite au cœur de la civilisation... Et cet os devient vite une arme pour tuer dans le film.

Christiane a dit…

Vous évoquez d'Ursula Le Guin, un essai : «La théorie de la fiction-panier». Je n'avais rien compris à sa théorie du "panier" qu'elle semble opposer à l'arme qui tue, à l'instinct prédateur du singe puis de l'homme. (Je n'ai pas lu le livre, juste cet extrait). Puis elle revient au nouveau-né - dernières images du film "2001, l'odyssée de l'espace"- qui nous regarde étrangement.
Dans le récit de P.Assouline, quand les SS veulent se moquer du nageur qu'ils appellent Artem, ils lancent dans une fosse d'eau croupie des objets qu'ils l'obligent à récupérer en plongeant sous la menace des armes. ("Va chercher,Artem !")C'est une scène parmi tant d'autres qui disent la sauvagerie, la perversion, le mal absolu. Quel abîme...

Anonyme a dit…

Ursula Le Guin est un auteur parfaitement négligeable et dont « le Monde de Roccanon «  est ennuyeux comme la pluie!

Christiane a dit…

Super ! Je n'ai rien raté !

Christiane a dit…

Pourtant, en 2014, quand Ursula Le Guin reçut des mains de Neil Gaiman (billet précédent) le National Book Award pour l’ensemble de son œuvre, elle rendit hommage aux auteurs de genre dont elle estimait faire partie, «les écrivains de l’imagination, qui pendant cinquante ans ont vu les belles récompenses aller aux pseudo «réalistes». Insistant sur leur nécessité, elle explique : «Des temps difficiles sont devant nous, où nous aurons besoin d’écouter les écrivains capables de voir d’autres façons de vivre, de voir plus loin que la peur qui paralyse notre société et son obsession technologique, et d’imaginer des motifs d’espoir. Nous aurons besoin d’écrivains capables de se souvenir de ce qu’est la liberté, des poètes, des visionnaires, des réalistes d’une réalité plus grande."
Je crois qu'elle trouvait le monde de la science-fiction trop masculin et trop agressif, d'où sa théorie du "panier"(cueillettes), que vous évoquez dans votre article, plutôt que la chasse et la guerre et son désir "de voir plus loin que la peur et de se souvenir des poètes".
Il est possible que ses romans soient médiocres ( je n'en ai lu aucun) mais que ses réflexions soient intéressantes.

Soleil vert a dit…

Ouille,
Bon, un National Book Award et sept prix Hugo + six prix Nebula + vingt-deux prix Locus il doit bien y avoir quelques raisons ...

Bon, écoutons Irène Langlet

https://usbeketrica.com/fr/article/sience-fiction-ursula-le-guin-pourquoi-lire-absolument

Christiane a dit…

Elle est intelligente et calme cette Irène Langlet.
J'aime ce qu'elle dit de ce livre de Ursula Le Guin :
"La Vallée de l’éternel retour" (Actes Sud 1994).
Donc vous écrivez de drôles de trucs sur votre blog, Soleil vert ! Ça m'intriguait un peu ce jugement péremptoire, ce n'est pas du tout votre genre... Donc, j'ai fait mine d'être d'accord, puis j'ai cherché car si vous ne l'aviez pas appréciée vous ne l'auriez pas citée longuement en tête de votre article.
Après lecture de cet article d'Irène Langlet et d'autres, je pense que Ursula Le Guin est un écrivain intéressant dans un temps de guérilla féministe dont elle a su s'écarter avec finesse. Néanmoins je pense être plus intéressée par ses réflexions philosophiques sur les cueilleurs de baies au temps des aurochs ou sur le nouveau-né de "2001, L'odyssée de l'espace" que par ses romans SF.
Je crois que vous êtes un farceur pince-sans-rire , monsieur Soleil vert.

Soleil vert a dit…

Ça m'intriguait un peu ce jugement péremptoire, ce n'est pas du tout votre genre.

Je ne suis pas l'auteur de ce jugement. MC ?

Christiane a dit…

Il va falloir personnaliser ces signatures anonymes !!!
Bon, j'y vois plus clair. Merci.

Anonyme a dit…

Des passages magnifiques sur les chevaux,l’interaction des chevaux avec les hommes.
Mac Carthy is back avec ”Le passager”.

Christiane a dit…

Dans la nébuleuse des anonymes, je ne sais plus qui je lis.

Anonyme a dit…

Elle ne peut sortir de scène. Du haut des cintres arrivent plusieurs voix qui la plongent dans la perplexité. Son emprise sur le monde est de l'ordre du rien. Elle ne sait plus lequel des trois est le jouet du destin. Si l'homme est une marionnette, alors qui manipule qui ? Elle tente d'y voir clair, se tient à distance d'eux. Leur voix n'en devient qu'une qui part et revient à celle qui parle comme pour se cacher d'elle-même. Qui met en scène ? Qui manipule ? C'est construit comme une composition musicale, une fugue à trois voix. Un demi-jour se coule par une brèche dans le mur lézardé du livre. Étrange chemin qui semble sans fin. L'absurde est de rigueur. Dérisoire.

Soleil vert a dit…

Dans le McCarthy, il y a cette réflexion sur la contingence dans la discussion entre la grande tante et Grady. Celle-ci veut en protéger Alejandra sa petite nièce. La contingence et la façon dont les personnages s'en gardent, c'est peut-être le sujet principal du livre. N'est ce pas Mister JJJ ? :)

J'oubliais la phrase culte : “ Ceux que la vie ne guérit pas la mort va s'en charger. ”

Soleil vert a dit…

Du coup je complète mon texte.

Anonyme a dit…

Désolé, Soleil vert, mais cette exécution sommaire d’ Ursula Le Guin est en effet de moi! J’ ai omis de la signer, mais le cœur y était…. MC

Anonyme a dit…

Curieux tout de même cette opposition entre Fantasystes et Réalistes ( Space opéra? ) alors qu’il y eut des grandes œuvres des deux côtés. MC

Christiane a dit…

C'est pourtant simple, il suffit de se reporter à la façon dont on classait la science-fiction, dans les feuilletons populaires, avec les contes, pour les enfants ou les... femmes, justes distrayants... du haut d'un réalisme illusoire réservé à la grande littérature ( Zola en tête !). Puis le réalisme fictionnel a fait son apparition... une nouvelle classe des romans entre les deux précédentes.

Je ne crois pas que le commentaire anonyme doit de JJJ. Pas son style... ni qu'il soit en rapport avec le roman de McCarthy.

Effectivement cette opposition a vécu...

Christiane a dit…

soit

Christiane a dit…

Le réalisme "magique" (plutôt que "fictionnel"), notion apparue au vingtième siècle pour rendre compte de situations surnaturelles, irrationnelles qui peuvent surgir dans des romans dits réalistes .

Christiane a dit…

Ce roman a l'air bien beau si j'en crois le billet et cet avis d'un lecteur anonyme : " Des passages magnifiques sur les chevaux,l’interaction des chevaux avec les hommes." qui ajoute : "MacCarthy is back avec ”Le passager”."

Mais pour l'heure, justement, je suis empêtrée dans ce fameux dernier livre "Le passager" et j'ai un peu de mal à suivre cette double histoire dont les chapitres se croisent. Vie de la soeur morte (première page du roman), vie du frère survivant, inconsolable. Il est plongeur, découvre une épave d'avion dans laquelle il manque un passager, semble poursuivi par des entités mystérieuses et par ses souvenirs dont celui du père ayant collaboré au projet Manhattan...
Loin de "La route", loin "De si jolis chevaux". Écrivain majeur, assurément.

Anonyme a dit…

Oui Christiane, mais encore faut-il s’entendre sur ce qui est réaliste, et condamner au nom de ce critère tout l’âge d’or de la SF au seul profit de la. Fantasy m’énerve un brin. Je me demande si les récompenses d’Ursula ne s’adressaient pas à l’écrivaine de. Service, plus qu’ à un talent dont. Je n’ai jamais lu de preuves. Je ne suis pas l’auteur des deux commentaires anonymes, désolé. À vous. MC

Christiane a dit…

Ah c'est bien quand vous signez !
Les commentaires anonymes... Je suis responsable d'un des deux ! (Une perte de visibilité dans l'abondance de commentaires sans signature qui ont rendu leur lecture difficile me l'a fait commettre avec une touche de Beckett .)
Votre regard sur la SF, Fantasy et autres fictions est souvent différent de celui de Soleil vert et comme je n'ai que peu de références en ces domaines, j'avance à tâtons et prends parfois l'un pour l'autre.
Ursula Le Guin, je ne connais pas du tout comme beaucoup d'auteurs que vous évoquez ici. Par contre Cormac McCarthy, j'avais découvert "La route" et en avais été bouleversée. L'homme et l'enfant...
Pour la distinction que vous faites, je vois de loin, romantisme, naturalisme, retour à la fiction et aujourd'hui trop de nombrilisme dans de plates autobiographies où des plumitifs n'aiment rien tant que de se mettre en scène dans des rôles de victimes. Un peu indécent.
Je préfère les regards portés sur une autre vie même si les choix ne sont pas de hasard, ou des essais ( philosophie, art, Histoire, langage, mystères...), ou des nouvelles, ou de bons polars ou de grands romans qui peuplent les bibliothèques ou la poésie.
Ici, je persiste car j'aime l'écriture de Soleil vert, sa discrétion, son honnêteté. Lisant ses choniques de science-fiction je me sens délicieusement d'un autre monde... Passionnée d'astronomie, je regarde comment ces auteurs imaginent le monde des étoiles, des planètes, des galaxies. C'est comme si je n'étais pas sur terre...
Et vous, MC, vous m'amusez car vous êtes ici en dilletante. Votre esprit est souvent ailleurs dans un monde plus obscur où le passé lointain n'a pas encore tout dit.
Voilà.
Bon après-midi.

Christiane a dit…

Un suicide à rebours. La vie posée au poids du néant, sans consolation mais une place pour la tendresse de "l'Inconnue dArras". C'est la densité du dernier billet de Paul Edel. Même Sartre est dans les cordes. C'est écrit compact, dru, féroce pour tous les consalateurs.
Le théâtre à son meilleur. Une scène où tout est noir sauf le fauteuil où l'homme s'est condamné à mourir juste au moment où il peut savourer la vie qui aurait pu être bonne. C'est vivifiant.
Pierre Assouline cherche dans les labourages du Journal de Manchette des éclats de vie noire rarement mis à jour.
Deux chroniqueurs qui elucident nos lectures.

Christiane a dit…

Merci, Soleil vert, pour cette référence :
Le roman policier français de 1970 et 2000 : une analyse littéraire


https://theses.hal.science/tel-01692484v1

Christiane a dit…

Rosanette/DHH évoque sur la RdL ce beau roman de Pierre Assouline, en évoquant la double
critique litteraire du Monde des Livres de ce jeudi réservée au Nageur.
Le pire dans ce qu'Alfred Nakache a vécu est certainement cette impossibilité de savoir ce qui allait lui arriver, surtout dans ces conditions infernales de survie, et de ne pas savoir où était sa femme Paule et leur petite Annie, si elles étaient encore en vie. Un vacillement permanent entre espoir et désespoir dans le mal absolu.
C'est aussi la mémoire des lois raciales antisémites, de la politique perverse et lâche de Vichy.
Où encore la lente descente dans l'ignominie de l'abject Cartonnet séduit par les milices de l'occupant. Ce portrait est très réussi et forme un intéressant duo d'ennemis irréductibles avec Alfred Nakache.
Sur fond de sport de haut niveau c'est un portrait saisissant des hommes sous l'Occupation.
Je relis aussi les premiers chapitres. Quelle finesse dans la perception du corps du nageur, de son rapport à l'eau dans la nage. Tenacité à l'entraînement, sculpture du corps, des muscles au fil des années. On sent que cet homme n'est pas avide de records mais qu'il devient comme un poisson heureux dans son élément..
A la fin du récit , il en va tout autrement. Il nage pour sortir de ses cauchemars, de son chagrin, de ses terreurs enfouies. Il se confie à l'eau pour qu'elle l'apaise. Il est seul avec l'eau.quand il accepte de partir. ..
J'ai profondément aimé la révolte de cet insoumis. Un Job irréconciliable avec Dieu. C'est Dieu qui devra faire le premier pas... s'il le peut...
La musique d'un rossignol envahit la nuit de ce livre.
C'est la vie d'un homme qui nageait comme on respire, un homme solidaire et solitaire.