Ernest
Pérochon - Les hommes frénétiques - On verra bien/Marabout
Un de ces Marabout de jadis parmi d’autres aux couvertures fascinantes, un éloge dithyrambique de Jean-Baptiste Baronian, une réédition dument préfacée chez un nouvel éditeur, il ne m’en fallait pas plus pour replonger dans un ouvrage dont la thématique anticipatrice tranchait avec le reste de la production de l’auteur, qualifiée jadis de « champêtre » par une quatrième de couverture.
Champêtre, voilà bien un doux euphémisme à la Georges Sand pour qualifier l’œuvre rurale d’Ernest Pérochon né dans les Deux-Sèvres en 1885 et mort à Niort en 1942. Cet instituteur s’attacha à décrire la misère sociale des cherche-pain, journaliers et valets de ferme du Poitou de la fin du XIXe siècle. L’Humanité de Jean Jaurès publia en feuilleton Les Creux de maison, drame dans la lignée du Jacquou le Croquant d’Eugène Le Roy. En 1920 Nêne, histoire d’une femme de maison, obtint le Goncourt. S’il côtoya la misère sans la subir, Ernest Pérochon éprouva la folie humaine sur les fronts de la première guerre mondiale, folie qu’il retranscrit dans son unique œuvre de science-fiction Les hommes frénétiques.
C’est à une guerre éternelle
- référence au livre de Joe Haldeman - que nous convie Ernest Pérochon, sans le
génie d’un Vonnegut. Le fond ne nous est pas indifférent, mais la forme a en
revanche beaucoup vieilli. Le livre raconte les efforts entrepris par deux savants, au demeurant dépassés par leur découverte, pour s’opposer au chaos social. Les réactions
immédiates et émotives des foules face aux évènements, induites par le vecteur instantané
de la ciné-téléphonie, anticipent les échanges sur les réseaux sociaux. Il y a
d’autres exemples. Les personnages féminins sont mis en avant, comme dans les
autres textes de Pérochon. Les préjugés coloniaux accusent cependant leur âge.
Ce hussard de la République était
sans illusion. La frénésie qu’il dénonçait en 1925 finit une décennie plus tard
par balayer Les hommes de bonne volonté de Jules Romains, son
contemporain. Il mourra en 1942 refusant toute collaboration avec l’occupant.
Son beau-fils, résistant et déporté, siégea au procès de Nuremberg comme procureur
adjoint. Les hommes frénétiques n’est pas le chef-d’œuvre placardé, mais
son auteur mérite le respect.
49 commentaires:
Ah, content de voir que cette brillante bizarrerie ne tombe pas dans l'oubli ! J'adore ces vieux romans de SF bouillonnants d'idées.
Oui et comme pour Régis Messac il y une amicale réunie autour de ses oeuvres (plutôt pour ses romans ruraux mais enfin …)
Les premières de Messac et de Renard ( le Péril Bleu ) deviennent recherchées. On peut encore trouver la première française des Chroniques Martiennes. Et quelques autres parues chez opta ou Planète, avec le plus des dessins de Gourmelin. Mais pour Les Hommes Frénétiques, Marabout suffit!
L'excellent Etienne Barillet remarque qu'il ne s'agit pas d'un roman au sens littéral mais plutôt d'une chronique des année à venir.
Oui, ce n’est pas mal vu…Poursuite des investigations en Ray-verie, et Dicksonnerie avec le Loup-Garou….
Dans cette chronique, plus que la présentation de "Les hommes frénétiques" d'Ernest Perochon ( dont vous notez qu'il a vieilli ), je suis sensible à l'évocation de la vie de l'écrivain sur fond de guerre, de misère et de chaos socialjaime infiniment votre conclusion : "Ce hussard de la République était sans illusion. La frénésie qu’il dénonçait en 1925 finit une décennie plus tard par balayer Les hommes de bonne volonté de Jules Romain, son contemporain. Il mourra en 1942 refusant toute collaboration avec l’occupant. Son beau-fils, résistant et déporté, siégea au procès de Nuremberg comme procureur adjoint. Les hommes frénétiques n’est pas le chef-d’œuvre placardé, mais son auteur mérite le respect."
Ce sont des mots très forts, un beau portrait d'homme.
Vous ajoutez : "L'excellent Etienne Barillet remarque qu'il ne s'agit pas d'un roman au sens littéral mais plutôt d'une chronique des année à venir."
Je ne peux m'empêcher de penser à votre citation d'Albert Camus (discours de Stockholm) dénonçant un futur qui pourrait être bien sombre s'il n'y avait un sursaut d'humanité.
De chronique en chronique vous vous transformez en donneur d'alerte et cela est justifié par l'actualité. ( Au passage, de belles lectures)
Mais au milieu de ces tourments, il y a l'innocence de la plume de Rose sur un blog voisin qui cherche à cueillir la beauté de la vie même précaire, même ridée.
C'est dans ce balancement que je me situe raclant les idées funestes comme les ouvriers de Caillebotte le font, cherchant la veine du bois sous les cires d'un parquet fatigué.
Dans ce tableau - mon premier coup de coeur à 13 ans, au Louvre, - j'étais fascinée par la lumière dont l'oblique traversait la toile. La fenêtre s'ouvrant sur les toits des immeubles hausmaniens que je vais retrouver de ce pas.
Bonne journée.
Vous lire est un privilège
En effet. « Don des héritiers Caillebotte avec la caution de Renoir ». Vous avez pu le voir au Louvre avant son transfert à Orsay . Mais était- ce au Louvre ou à l’Orangerie?
Merci pour ces beaux messages.
Dans mon souvenir, ce grand tableau des raboteurs de parquet de Caillebotte était au Louvre. J'ai eu comme un éblouissement. Je suis restée devant ce tableau très longtemps. Ces trois hommes très beaux, cette lumière mais tout était figé comme si le temps s'était arrêté. Le groupe avec lequel j'étais a continué son chemin. Je leur ai signalé que je voulais rester là. Ma prof de dessin du collège qui guidait la visite a donné son accord. Au cours suivant elle m'a demandé de peindre la mémoire de ce tableau. J'ai pu le reconstruire à partir de ce rayon de lumière qui séparait le groupe d'ouvriers en deux. Le racleur était sur la gauche, les deux raboteurs à droite. Et puis la lumière sur le parquet ciré, cette vue légèrement plongeante sur le groupe. La fenêtre ouverte.
J'ai donc dessiné le rectangle de la fenêtre, le rayon de lumière, les lames du parquet tendant vers le point de fuite, une horizontale sous la fenêtre nette. Et trois traces pour les corps puis j'ai accentué les ombres et la lumière. J'étais bien. Elle l'a vu et m'a souri.
Oui, Soleil vert, j'aime bien être ici. J'ai du temps pour penser entre chacune de vos chroniques. Merci.
Voilà un peu de son histoire :
"Historique - Provenance de la toile Les raboteurs de parquet de Caillebotte :
1877, vente de 45 tableaux à l'Hôtel Drouot, Paris, le 28 mai, par MM. Caillebotte - Pissarro - Renoir - Sisley, n°1 ou 2, repris par l'artiste
De 1877 à 1894, dans la collection Gustave Caillebotte
1894, accepté par l'Etat à titre de don des héritiers de Gustave Caillebotte par l'intermédiaire d'Auguste Renoir, son exécuteur testamentaire en 1894. Entrée matérielle au Musée du Luxembourg en 1896.
De 1896 à 1929, au musée du Luxembourg, Paris
1929, attribué au musée du Louvre, Paris
De 1929 à 1947, au musée du Louvre, Paris (à partir du 5 janvier 1929)
De 1947 à 1986, musée du Louvre, galerie du Jeu de Paume, Paris (alors musée de l'Impressionnisme)
De 1977 à 1978, déposé au palais de l'Elysée, Paris
1986, affecté au musée d'Orsay, Paris
Modalité d'acquisition
Don
Date d'acquisition
1894".
Plus tard j'ai vu des reproductions d'un tableau de Caillebotte qui hélas est à Chicago. C'est une rue de Paris, par temps de pluie
Beaucoup de parapluies, des passants, des camaïeux de gris, une belle lumière.
Devant cette toile, immense, je ferai bien une halte, aussi.
A venir quelques chroniques sans doute étrangères à votre sensibilité ...
Merci d'avertir !
"De 1947 jusqu'en 1986, date de l'ouverture du musée d'Orsay, la galerie du Jeu de paume présente les tableaux des impressionnistes".
Donc vous avez raison M.C.
Soleil Vert, tu sembles t'accrocher à rebrousse-temps à des romans d'antan, après Ray voici Perochon. Cet élan n'est pas pour me déplaire, ces vieilleries n'ont que le nom, je m'y plonge de temps à autres, itou. Un de ceux-ci: "L'oeil du purgatoire" de Spitz m'avait attiré l’œil: bonne pioche...
J'ai les deux romans chroniqués, mais en éditions autres (pas grave..!); va me falloir fouillé grenier et cave, tu m'as tenté.
C'est cette toile. Un petit format est exposé à Marmottan a Paris. Degas l'avait dans sa chambre.
Mais la toile immense exposée a Chicago doit procurer un face à face insolent avec ce couple distingué en premier plan , avec cette folie de lumière qui s'écrase sur la place aux pavés mouillés, vide , avec ses parapluies si bien dessinés avec ces noirs à la Degas et ces gris lumineux et cet immeuble en pointe comme la proue d'un navire.
Caillebotte avait une barque. Il descendait la Seine le dimanche jusqu'à Giverny pour rendre visite à Monet.
Il y a un lien entre ce bourgeois élégant et celui qui rame dans le dernier tableau acquis par le Louvre.
https://www.lumieresdesetoiles.com/un-gustave-caillebotte-1877-rue-de-paris-temps-de-pluie-conserve-a-chicago/
Pasou poète et ému... Son dernier billet... ( J.Garcin et N.Rheims )...
La convergence des parallèles vous écrit : "Soleil Vert, tu sembles t'accrocher à rebrousse-temps à des romans
d'antan, après Ray voici Perochon. Cet élan n'est pas pour me déplaire, ces vieilleries n'ont que le nom, je m'y plonge de temps à autres, itou. "
Moi ce sont les films d'antan que je collectionne. Ce René Clair. de 1945 me ravit. Très anglais. On y meurt en écoutant sur le piano la chanson des dix petits indiens.
Et quels acteurs ! Judith Anderson, Barry Fitzgerald, Walter Huston, Louis Hayward, June Durée, ...
Bref, un régal désuet un peu précieux que cette ilet deserte.
C'est sur Movir Channel. CH. 87
https://www.cinematheque.fr/film/29634.html
Île - Movie
https://spookyflicks.com/programme-drive-in-movie-channel-chaine-cinema/
Quel Rene Clair de 1945? Voir aussi Belles de Nuit , du même, avec un Georges Van Parys inspiré…
DIX PETITS INDIENS
AND THEN THERE WERE NONE
René Clair
États-Unis / 1945
D'après le roman Dix petits nègres d'Agatha Christie.
(J'ai mis un lien) en v.o. sous-titrée. Un beau noir et blanc et des acteurs épatants. Bonne nuit.
> La convergence des parallèles
Je n'ai encore rien lu de Messac! Je repense à Dick aussi.
Hier AM, j'ai fulminé tout seul contre la retraduction de la première phrase de Neuromancien. J'encaisse toujours pas.
Ah il a tourné ça ? On ne le ressort pas souvent. De la période hollywoodienne demeure surtout « Ma Femme est une Sorcière » Auquel certaine Sorcière bien aimée doit un peu….
De toute manière le Neuromancien atrocement vieilli, même dans l’ancienne, Soleil Vert. Messac Carsac, meme, sont plus connus que lus….MC
Quant à Ray, la Cité de l’Etrange peur avec Harry Dickson paraît sortir d’un Guy des Cars mal croisé avec Conan Doyle. J’ai un peu plus d’estime pour le Loup-Garou, qui honore assez bien son cahier des charges, malgré les bons sentiments de la fin…
Un moment de grâce quand JJJ pose son regard sur une toile de Hopper : "Cape Cod Evening".
Il ne parle pas du couple ou chacun s'isole , ni du blanc fantomatique de la maison , ni de cette herbe jaune ployée par le vent, blondie de soleil.
Il parle des arbres bleus, de ce camaïeu rare de bleus dont il a la nostalgie. Le plus sombre pour la nuit qui gagne le paysage, le plus clair pour l'arbre proche. La robe de la femme est couleur de ce feuillage en robe du soir, mais il n'en parle pas.
Et puis il regarde le colley qu'il nomme Lassie. Souvenir d'enfance ?Museau en flèche, queue et oreilles dressées, tout en tension. Que voit-il ? Qu'écoute-t-il ?
C'est bien quand JJJ prend une pause et regarde un tableau.
Voilà ce qu'il écrivait : "la profondeur des bleus en camaieux de ses cyprès me trouble. J’aimerais tant les retrouver, qu’ils me remplissent toujours d’effrois,… et Lassie, chien fidèle a bien senti qu’il se passait quelque chose de pas normal, à l’ouest.
https://www.gettyimages.fr/detail/photo-d%27actualit%C3%A9/edward-hopper-american-1882-1967-cape-cod-evening-photo-dactualit%C3%A9/1314730812?adppopup=true
C'est étrange ce commentaire mystérieux de JJJ, sans aucun lien avec les batailles de cette arène. Tout en regard et en mémoire.
Il m'a conduite à regarder attentivement ces bleus, cette forêt, cette herbe. Comme souvent quand j'ouvre mes livres sur Hopper.
Peut-être aussi parce que Soleil vert a fait récemment une place à Camus et que je relis "L'Homme révolté".
Il y a ces lignes : "... les camps d'esclaves sous la bannière de la liberté, les massacres justifiés par l'amour de l'homme, ou le goût de la surhumanité, désemparent, en un sens, le jugement. Le jour où le crime se pare des dépouilles de l'innocence, par un curieux renversement qui est propre à notre temps, c'est l'innocence qui est sommée de fournir ses justifications. (...)
Alors naît la joie étrange qui aide à vivre et à mourir et que nous refuserons désormais de renvoyer à plus tard. Sur la terre douloureuse elle est l'ivraie inlassable, l'amère nourriture, le vent dur venu des mers, l'ancienne et la nouvelle aurore.
A cette heure où chacun d'entre nous doit refaire ses preuves, conquérir ce qu'il possède déjà, la maigre moisson de ses champs, le bref amour de cette terre, à l'heure où naît enfin un homme, il faut laisser l'époque et ses fureurs adolescentes. Le bois crie. Au sommet de la plus haute tension va jaillir l'élan d'une droite flèche, du trait le plus libre."
C'est dans l'introduction et la dernière page du dernier chapitre "La pensée de midi".
Un livre très difficile qui traverse l'Histoire et ses violences, ses révolutions, ses mises à mort. Et à la fin une belle réflexion sur l'art, sur le roman (Proust - Dostoïevski...) la fiction et le réel, La poésie (R.Char) Et enfin cette montée vers le soleil dans La pensée de midi.
tombé par hasard sur vos commentaires étonnés à propos de Hooper, Christiane. Larmes aux yeux à l'égard de votre perspicacité.
et oui, je commence à regarder autrement les toiles, depuis ma retraite... Parce que sur le tard, j'apprends à dessiner et peindre comme l'aurait dû le gamin que je ne fus point. Il me semble de mieux en mieux comprendre pourquoi l'univers de Hooper m'a toujours troublé à ce point, ce tableau notamment dont vous devinez en quoi il me touche infiniment et que j'emporterai dans ma conscience si elle devait me survivre. Vos incroyables intuitions m'ont toujours fait peur et séduit... Je m'en suis éloigné, tant elles m'auraient brûlé au 3e degré.
Heureux de votre réapparition chez SV, et de vos mots d'estime pour rose.
Je vous embrasserais s'il en était possible. Merci.
Hopper est un peu l’inverse de Norman Rockwell. Rhétorique de l’esseulement servie par des couleurs tristes. Aurait illustré magnifiquement les romans noirs de ces années là Et je ne suis pas sûr que cet engouement soit durable. C’est au fond un pompier inversé, mais un pompier tout de même!
Oui, JJJ,
J'ai beaucoup aimé votre méditation sur les bleus incertains et troublants de cette toile de Hopper.
La lumière est indécise, les ombres vont s'allonger avant que la nuit vienne...
Oui, la maison de Soleil vert est accueillante et calme. Une grande bibliothèque abritant souvent des fantômes , des êtres qui ont perdu la mesure du temps et errent dans un espace sillonné de comètes et planètes où survivre.
Je crois que le commentaire que Rose aimait se trouve sous le billet précédent. C'était à propos de Closer livrant un témoignage de douleur de
Houellebecq. J'évoquais en regard les périls de la petite enfance
...
Rose est un être ouvert au monde qui ne craint pas d'écrire ses douleurs et ses joies avec une grande franchise, surtout la nuit. La chronique des Ephad où malgré sa volonté sa mère réside tout en philosophant entre deux trous de mémoire est poignante.
Je vous lis attentivement tous les deux ainsi que DHH et Paul Edel et quelques autres amis de la RdL.
Mais ici, grâce à Soleil vert, les seules agressions viennent de l'imagination des romanciers. Nous lisons enchantés, partons parfois sur les pistes passionnantes de M.C. ou de La convergence des... ou de Biancarelli.
Bien reçu la bise. Merci.
Peut-être, M.C. mais je l'ai découvert dans une exposition au musée Cantini lors d'un voyage. Il y avait très peu de toiles mais un grand calme pour les contempler dans des salles quasiment vides.
Plus tard, au Grand Palais : grande foule et beaucoup trop de bruit.
Oui, poétique de l'esseulement et palette triste, parfois. Il s'est opposé à l'abstraction en plein essor au Whitney Museum. Il avait besoin du corps de ses personnages posés au milieu de ses paysages urbains ou champêtres comme des étrangers qu'il mettait à distance, tellement silencieux. Il semble peindre les chimères de sa conscience face à l'espace. Des actions suspendues. Des architectures de ville puissantes, en plongée comme un angle saisi par un cinéaste. Et ses eau-fortes aux noirs dramatiques.
Dans une toile nommée "deux Comédiens" pèse la puissance occulte de la nature et il se rapproche , là, de Rothko ou Newman. Un dialogue entre l'ombre et la lumière , une approche de fin du monde. Oh, j'arrête là, j'en parlerai bien toute la nuit !
https://www.cineclubdecaen.com/peinture/peintres/hopper/65deuxcomediens.htm
Hopper a peint cette toile alors qu'il souffrait d’un glaucome. Il savait qu'à court terme il ne pourrait plus peindre.
Il aurait peint "Two comedians" après avoir vu "Les Enfants du Paradis" de Marcel Carné : il s’y représente à côté de sa femme comme dans un salut final. C'est bouleversant.
@ Rhétorique de l’esseulement servie par des couleurs tristes (...). C’est au fond un pompier inversé, mais un pompier tout de même.
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Merci pour cette remarque anonyme et péremptoire. Nous reconnaissons bien là la patte de notre arbitre habituel des élégances picturales et vestimentaires.
Ne nous reste plus alors qu'à voir dans ce "pompier inversé" (tout de même), la quintessence de nos goûts les plus intimes, ceux d'un 'a-mateur' inculte, hypnotisé par le réalisme de ces pompistes en attente de livrer du carburant aux rares clients qui se présentent.
Bàv.
Mais, JJJ, tout regard est lié au regard de quelqu'un d'autre. Votre méditation brève mais dense sur cette toile énigmatique de Hopper m'a incitée à regarder longuement ce feuillage, cette toile, d'en recevoir la puissance occulte. Tout est secret, caché dans les toiles de Hopper.
Que M.C. ne les prise pas ne doit pas vous faire douter de votre regard . Les représentations impossibles de Hopper donnent à chercher ce qui est caché, tu, en nous, pour ceux qui les aiment.
Cézanne disait : "Une minute de la vie du monde s'écoule ! La peindre dans sa réalité et tout oublier pour cela ! Devenir cette minute, être la plaque sensible..."
S'il évoquait, là, le point de vue du peintre, j'aime à penser qu'il peut être aussi celui du promeneur qui s'arrête longuement devant une toile et s'y attache durablement.
Ici, dans cet espace commentaires, chez Soleil vert, pas de batailles rangées où il faut avoir le dernier mot pour gagner. Les désaccords sont fréquents, les échanges vigoureux sur un livre - ici une oeuvre d'art - mais ils sont vivifiants. La critique virevolte, les amis restent paisibles.
M.C a un caractère bien trempé, oui. Il aime retrouver son chemin hors des avis des uns et des autres. Il est cohérent, franc, spontané. Et passionnant.
Continuez d'aimer les bleus en camaïeu de ce soir venant et d'en creuser l'ombre inquiétante. D'être incertain et assuré devant ces transparences ombreuses. Gardez cette brûlure du regard.
Se souvenir de Stravinsky, JJJ: "le mauvais gout, c'est déjà tres bien." Ce qui signifie que quand on a la technique, le métier, on est peut-etre Petit_Maitre, mais on sait faire , et parfois bien faire. Après tout, Philip Morris est un peu dans le meme cas, surrealisant avec une tendance Mysteres de l'Ouest. Et je ne crois pas qu'il bénéficie ici du quart de la renommée d'Hopper. Maintenant, on peut toujours admirer moutonnierement. Bien à vous.
MC
Etienne Barilier, que vous avez cité ( oui, il est excellent) a écrit en 1977 une thèse de doctorat intitulée "Albert Camus, philosophie et littérature" que j'avais empruntée à la bibliothèque. J'y repense en lisant "L'homme révolté" de Camus. J'avais noté : "Camus nous le dit: l’homme est le seul animal capable de se révolter contre sa condition mortelle, de se révolter contre le mal et la mort, de refuser l’inéluctable. Ce refus, cette révolte, voilà ce qui fait sa singularité irréductible, et qui lui donne sa responsabilité singulière dans le monde. C’est dans sa révolte contre la souffrance que l’homme est digne de ce nom. Il n’y a d’homme que révolté. Nous devons peut-être «sauver la planète», mais pour la seule raison que nous devons réduire la souffrance du monde. Voilà en quoi la pensée de Camus est universelle. Voilà pourquoi, cinquante ans après sa disparition, cet écrivain reste notre contemporain."
Malraux aussi
" L Homme est le seul animal qui arrache quelque chose à la Mort" Oraisons Funèbres, (de mémoire.)
Ah, Malraux. Vous l'aimez bien ! Quelle vie mouvementée et quelle curiosité intellectuelle.
Il s'est beaucoup intéressé à la mort à travers l'art. De Gaulle l'aimait beaucoup aussi jusqu'à en faire le ministre de la Culture. Mais là c'était trop sédentaire pour lui. Ce n'était pas un homme de salon ni de politique. Un penseur épris d'art, de culture ancienne.
"Entre ici Jean Moulin avec ton terrible cortège...." Je me souviens...
Dans l'essai de Camus, dans un des derniers chapitres (L'art et la révolte - Le roman) Camus cite Balzac. Et ce qu'il cite me plaît beaucoup :
"Balzac termina un jour une longue conversation sur la politique et le sort du monde en disant : "Et maintenant revenons aux choses sérieuses !", voulant parler de ses romans."
Ensuite il fait place à ses héros préférés, ceux qui vont jusqu'à l'extrême de leur passion, Kirilov, Stavroguine,Julien Sorel, le prince de Clèves,... Un grand chapitre sur ceux de Proust. Bref, c'est intéressant.
J'aime l'hiver propice à la lecture.
Pas encore lu ces hommes frénétiques. Rien ne presse.
Ainsi écrit-il : "Quant à Proust, son effort a été de créer à partir de la réalité, obstinément contemplée, un monde fermé, irremplaçable, qui n'appartînt qu'à lui et marquât sa victoire sur la fuite des choses et sur la mort. (...) une méticuleuse collection d'instants privilégiés que le romancier choisira au plus secret de son passé. D'immenses espaces morts sont ainsi rejetés de la vie parce qu'ils n'ont rien laissé dans le souvenir. (...)
Il s'agit de la plus difficile et de la plus exigeante des mémoires, celle qui refuse la dispersion du monde tel qu'il est et qui tire d'un parfum retrouvé le secret d'un nouvel et ancien univers. Proust choisit la vie intérieure et, dans la vie intérieure, ce qui est plus intérieur qu'elle -même contre ce qui dans le réel s'oublie, c'est-à-dire le machinal, le monde aveugle."
Et cat continue... O, délice...
A.Duval Saval a écrit un livre sur leur amitié : "...Et pourtant, quels êtres plus dissemblables comme le soulignait le général de Gaulle lui-même : « Il m’est aussi dissemblable que possible : agnostique, c’est-à-dire qui déclare l’absolu et par conséquent Dieu inconnaissable, aventurier dans sa vie personnelle et matérielle, exalté en politique, passionné par l’art, grand romancier… Mais c’est sans doute cette grande dissemblance qui a permis que je m’entende bien avec lui parce que les gens différents peuvent être complémentaires. » Et André Malraux de préciser : « Ce qui l’intriguait surtout en moi, c’étaient mes rapports avec la religion. Pour lui, il appartenait encore à cette génération où on ne pouvait être agnostique sans être anticlérical. » Leur relation était telle dans les premiers temps du RPF que Madame de Gaulle s’en plaignait : « Ce soir, André Malraux débarque. Il va l’entraîner encore jusqu’à quelle heure de la nuit ! » « Il est toujours à le relancer avec ses idées. Qu’il le laisse tranquille. »
En réalité, ils admiraient en l’autre la part d’eux-mêmes qui leur avait échappé et qu’ils avaient en commun."
Duval-Stalla
Erreur pour le final :
"En réalité, ils admiraient en l’autre la part d’eux-mêmes qui leur avait échappé et qu’ils avaient en vain poursuivi : le Verbe pour l’un et l’Histoire pour l’autre. "
Tiens, le Duva-Salla m'a échappé.Mais pas le Malraux Ministre publié par..la rue de Valois. Merci Christiane. A L'étranger, je sais que Malraux passe très bien la barrière au Lycée Français. Y compris avec les romans des années 1930. Curieux, non?
Régalez-vous !
https://philitt.fr/2019/05/06/alexandre-duval-stalla-le-general-de-gaulle-avait-trouve-en-andre-malraux-un-alter-ego/
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