Jean-François Seignol - Le
tango des ombres - Æthalidès
Les inlassables ressassements thématiques des littératures
de genre font parfois le lit de l’ennui du lecteur. Certains auteurs en
prennent acte et empruntant des chemins de traverse, trament leurs histoires avec
le fil de leurs passions. Patrick Pécherot dans Une plaie ouverte
prolongeait une odyssée Communarde dans l’Ouest américain. Jean-François
Seignol, novelliste et critique, imprime des pas de tango dans des nouvelles fantastiques
et de science-fiction.
Dans ces cinq récits rédigés au cordeau, comme le souligne la préfacière Catherine Dufour, l’écrivain dévoile à nos yeux l’univers sensuel des milalonga et des pistes où des couples tracent les lignes droites ou circulaires d’une chorégraphie de feu, aux règles bien précises : « Contrairement à ce qui se pratiquait à la Milonga de la Noche, l’auteur du document jugeait de la dernière muflerie de changer de partenaire après un seul tango.
Il convenait de danser ensemble trois ou quatre morceaux de tonalité et de rythme proches, qui formaient une « tanda ». À la fin de cette série, l'orchestre exécutait un court intermède musical sans lien avec le tango, comme un charleston ou une zamba. Ce morceau, comparable à un rideau de scène qu'on aurait tiré entre deux actes, était la « cortina ». La danseuse choisissait ce moment pour remercier son cavalier, et celui-ci la raccompagnait à sa table avant d'en inviter une autre. » Jean-François Seignol raconte ce monde de mauvais garçons, de bals torrides et de chanteurs gominés que le grand Borges aimait exsuder des ruelles de sa mémoire, mais il sait aussi comme dans la chanson El dia que me quieras lever la tête au ciel et célébrer l’abrazo des êtres et des étoiles.
Plonger une danse argentine dans une pénombre fantastique peut
se concevoir ; en faire le moteur d’un texte de science-fiction relève du
tour de force. C’est le pari réussi du « Tango des ombres »,
nouvelle titre du recueil. Dans la ville de Ciudad, qui « portait un
autre nom autrefois, à une époque ou le vent n’était pas toxique et où le port
ne s’ouvrait pas sur une lagune malodorante », l’inspecteur Emilio tente de débusquer une organisation « terroriste » menée par un certain
El Mapuche. Son enquête le mène à la Milonga de la Noche. Il y découvre
le tango et surtout la belle Milena. Les éléments science-fictifs de la
narration, notamment l’évocation d’une catastrophe climatique, la résurgence de
technologies désuètes, restent en arrière-plan, décrits de façon elliptique, au
profit de l’intrigue et de l’émotion. Le contexte rappelle l’Argentine des
dictateurs. « Le tango comme forme de résistance à l’oppression »
pour citer Catherine Dufour, c’est tout à fait original
En intermède à l’autre grand récit SF du recueil, « La
nuit où tu m’aimeras » - titre emprunté aux paroles d’une chanson d’Alfredo
Lepera et Carlos Gardel - raconte les efforts désespérés d’un danseur pour
séduire une jeune autrichienne à l’aide d’un pentagramme et des ritournelles du
célèbre chanteur argentin. Une autre réussite dominée par la figure de Gardel
dont l’écrivain évoque la mémoire.
Dans les thématiques chères à la science-fiction, la confrontation à l’altérité a donné des textes d’exception produits par des auteurs d’exception : L’odyssée martienne de Stanley Weinbaum, Un cas de conscience de James Blish, le cycle de l’Ekumen d’Ursula Le Guin et pourquoi pas toute l’œuvre de Theodore Sturgeon qui voyait en l’homme l’étranger absolu. Intelligent et sensible « Candombe » s’inscrit dans cette veine. Mahisha est une planète d’une extraordinaire biodiversité, une jungle devenue une colonie terrienne occupée principalement par des centres de recherche en exobiologie et des entreprises agricoles qui exploitent sa flore. Lorsque Garyl débarque à son tour, les ouvriers agricoles, des bucherons, abattent les arbres tambours pour y extraire une précieuse truffe rouge. Ces arbres sont ainsi dénommés car leurs troncs brulés de jour par l’étoile Durga, se rétractent le soir en émettant des craquements « le candombe ». Le professeur japonais qui accueille Garyl le charge de cataloguer la flore. Mais très vite l’attention du jeune homme se porte sur une autre curiosité, les lianes capi. Elles enserrent les arbres tambours en d’étranges ondulations. Certains bucherons s’insèrent dans cette sorte de danse qui semble provoquer des sensations extatiques. Prenant fait et cause pour les arbres, quelque uns commencent même à s’opposer à leur abattage.
A la recherche d’un second souffle professionnel, le jeune
Stéphane débarque à Paris et écume les salles de tango sous la houlette d’une
jeune femme rencontrée en vacances. Ses loisirs de tanguero connaissent un coup
de frein le soir où il croise un doppelgänger, autrement dit son double. Un peu
en retrait des trois forts précédents textes « Paso doble » ne
démérite pas. Moins convainquant, « Le flot » conclut le
recueil. Afin de vérifier les travaux d’Albert Einstein au plus près d’un puits gravitationnel, deux scientifiques, transgressant leur plan de vol s’approchent
un peu trop près de l’horizon évènementiel de Sagittarius A, le trou noir super
massif de la Voie Lactée. Que faire si ce n’est entamer un pas de danse ?
Très original, Le tango des ombres doit tomber dans
votre escarcelle.
Fiche de lecture dédiée au personnel du centre de
réadaptation cardiaque de l’hôpital Corentin-Celton qui anime, entre autres,
des sessions de Cardio-Tango. Le tango de la vie.
48 commentaires:
Juste ceci El Mapuche renvoie à une tribu d’lndiens chilienne, maintes fois déplacée par les autorités, et conservant le souvenir d’un personnage hors-normes: Antoine de Tounens, qui fut Roi de Patagonie dans les années 1860, se prêtant involontairement à la réalisation d’une Prophétie Mapuche sur la venue d’un Roi….
Ce matériau reste—il extérieur au récit ? En tout cas il fait Amérique du Sud!…
Dans « Candombe », il y a aussi une allusion à la Pacha Mama.
"Fiche de lecture dédiée au personnel du centre de réadaptation cardiaque de l’hôpital Corentin-Celton qui anime, entre autres, des sessions de Cardio-Tango. Le tango de la vie."
Quelle belle ouverture en fin de billet !
Æthalidès...
Mystère que le choix de ce mythe pour lancer une maison d'édition.
Entre les Enfers et sphères de l'au-delà, entre mémoire et ouverture au futur, entre Histoire ("l’Argentine des dictateurs. « Le tango comme forme de résistance à l’oppression ») et cette danse sensuelle qu'aimait Borges, que réservent ces cinq nouvelles qui aussi sont de SF ?
Soleil vert me surprendra toujours....
La tristesse, la "saudade" - dixit l'auteur - de Garyl lorsqu'il quitte la jungle et la planète Mahisha en début de récit. "Le tango est une pensée triste qui se danse" disait Ernesto Sabato. Moi ça m'a ramené à la belle nouvelle de George R.R Martin "Au matin tombe la brume".
https://soleilgreen.blogspot.com/2016/06/une-chanson-pour-lya-et-autres-nouvelles.html
Puisque Pierre Assouline évoque Javier Cercas, je feuillette un roman de lui "Le Monarque des ombres", lu il y a quelques années. Page 8 ces pensées qui me paraissent avoir pu être celles de J-F. Seignol écrivant les cinq nouvelles du Tango des ombres.
"Fallait-il mêler réalité et fiction, afin de pouvoir colmater avec celle-ci les trous laissés par celle-là ? Ou bien fallait-il inventer une fiction à partir de la réalité, quitte à faire croire à tout le monde qu'elle était véridique ?"
Ah j'avais oublié de cocher m'informer.
"Le tango est une pensée triste qui se danse" disait Ernesto Sabato. "
Magnifique.
Dans la chanson "Sodade", Cesária Évora parle d'oubli.
saudade ... Le temps passe. L'autre est absent.
Le Fado est-ce la musique de la fatalité ?
Pour le fantastique mexicain, un coup d’œil au recueil de Bernard Traven: Le Visiteur du Soir. Le dernier conte , notamment, mais pas que….MC
La Saudade est un peu le Spleen portugais, sauf que ce qui vaut pour Baudelaire seul chez nous vaut la- bas pour tout un peuple…MC
Le spleen baudelairien n'a entraîné ni danse ni musique ni chants. Tout se passe dans les mots et la vision de la femme n'est pas la même que dans le tango. Volupté saturée de douleur chez Baudelaire et cette volupté est dans le mal. Couple déshumanisé, intenable.
Le Fado, quand j'écoute Amalia Rodriguez c'est une douleur douce, un manque, une nostalgie, une solitude, une perte. Quant au tango, si beau duo envoûtant sensuel. Fièvre des corps et rythme ensorcelant.
Toujours vous partez ailleurs...
"Jean-François Seignol raconte ce monde de mauvais garçons, de bals torrides et de chanteurs gominés que le grand Borges aimait exsuder des ruelles de sa mémoire, mais il sait aussi comme dans la chanson El dia que me quieras lever la tête au ciel et célébrer l’abrazo des êtres et des étoiles."
Bien envie de découvrir son monde.
Amalia Rodriguez pour le Fado, Cesaria Evora pour la sodade
Je rajoute Étienne Daho avec Saudade.Sympa à écouter.
Pour revenir au tango ça été longtemps une danse rattachée à de mauvaises mœurs.
En tous les cas bravo à cet auteur (qui n’est pas argentin) pour ce recueil original.
Prochaine fiche : je parle enfin du livre de Raymond Prunier sur Brassens
Chic alors ! Un livre rare que j'ai lu lentement.
Mais j'attends ce Tango des ombres. Je vous en reparlerai sur ce fil laissant le billet suivant au plaisir de côtoyer Brassens.
Je reçois à l'instant Le Tango des ombres de Jean-François Seignol.
J'aime l'objet, le papier épais Fedrigoni et Cordier, ce jeu de miroir entre les lettres majestueuses et "couture" en orange et la couverture intérieure orange. Beaucoup de classe.
Puis la rencontre annoncée de la préface de Catherine Dufour.
Elle écrit sans emphase et avec intuition son regard sur ce livre, sur l'auteur et cerne bien l'essence du tango dans cette écriture, de ces nouvelles qui "tournent" autour du tango. Elle cite les romans tutélaires qui font sève pour J-F Seignol.
J'aime quelle cite aussi les polars lents et vénéneux de Chandler et Ellroy.
Simplicité du style, dit-elle, grâce au "travail d'orfèvre" de l'écrivain.
Et cet envoi à la fin de sa préface : "Pour célébrer la danse, la phrase s'assouplit et s'enroule, sinuant autour" des personnages.
Merci, Soleil vert, j'entre dans la danse
Soleil Vert, vous écrivez : "l’inspecteur Octavio tente de débusquer une organisation « terroriste » menée par un certain El Mapuche. Son enquête le mène à la Milonga de la Noche. Il y découvre le tango et surtout la belle Milena. "
Mais l'inspecteur c'est Emilio. Octavio est l'indic qui a rendez-vous avec lui.
Ça commence bien ! J'adore les danseurs sur la piste, l'homme marchant, la femme reculant, les yeux clos, puis s'enroulant autour de lui, jambe naissant sur robe fendue et escarpins vernis. Et le Cambio ! séparant les couples. Et les coups d'archet du contrebassiste.
Dites donc, Malena, c'est une sacrée danseuse et un tempérament de feu !
"La musique gagnait en intensité, devenait plus saccadée. El Flacon voulut entraîner la jeune femme dans une spirale, mais Malena s'écarta de lui, elle regardait maintenant son cavalier avec un sourire de défi. Elle dansait devant lui, fouettait l'air de sa jambe libre, pivotait son buste avec une énergie sauvage qui répondait au staccato des bandonéons. Provocante, elle revenait vers El Flacon, lui caressait le mollet de la pointe du pied, feignant de se livrer entre ses bras pour s'en échapper au dernier instant."
Mazette, chaud, chaud, la science-fiction !
El FlacO....
Mais quelle délicatesse quand elle sort Emilio du pétrin en dirigeant suavement le tango alors que fou amoureux il se liquéfie et en est incapable !
C'est une très jolie nouvelle.
Bien sûr sur fond d'une police aux méthodes expéditives pour les libertaires. (Octavio est écoeurant avec ses méthodes)... Ne le confondre plus avec ce jeune inspecteur romantique, Emilio.
Il me semble qu'Emilio va évoluer positivement si l'auteur lui prête vie...
Heureusement que j'ai une correctrice sympa !
Heureusement que l'auteur de ce blog a le sens de l'humour !
Saudades Dos Brasil de Darius Milhaud, mais vous allez trouver ça trop gai…
J'ai terminé la première nouvelle qui porte le titre du livre : Le Tango des ombres. Très poignante nouvelle où on accompagne cet homme, Emilio, dans son combat intérieur. Cette femme, Malena, est un très beau personnage. Intelligente, perspicace, courageuse.
Le tango, à la fin est cette saudade où se lient tristesse, solitude, manque de l'être aimé. Sortilège d'une danse, d'une musique, d'un chant. La milonga qui est devenu ce réseau presque mathématique où danseurs et musique créent dans le tourbillon des soirées un langage pour initiés.
Le fond terrible de la répression policière contre ce mouvement de libération rappelle bien des souvenirs, des scènes de torture, des meurtres.
Mais l'écrivain J-F. Seignol entre à pas justifiés dans cette page de l'Histoire y introduisant la beauté et l'espérance par l'envoûtement de l'âme de ce peuple : le tango, la saudade. Sensualité torride en petites touches sur un portrait d'une ville, la nuit. Un très grand polar comme je les aime.
Merci, Soleil vert.
Je ne connais pas cette création. Je suis dans la lecture de nouvelles de J-F. Seignol. Dans la première si le tango est la structure où s'enroule l'histoire racontée dure et douce, c'est l'histoire incarnée par ces beaux personnages qui l'emporte. La saudade, les musiciens de la milonga, le tango, les danseurs, la ville, ses ruelles où rôde la mort, tout converge vers des visages, des corps, des âmes. C'est l'écrit qui l'emporte. Un écrit sacrement réussi. Aussi noir qu'un bon polar, aussi flamboyant qu'un couple enlacé sur la piste de danse.
J'ai beaucoup aimé.
Je viens de terminer "candombe". (Je lis dans le désordre les cinq nouvelles me fiant à votre présentation.
J'avais envie d'affronter la SF pour laquelle j'ai toujours un recul.
Cette nouvelle m'a plu et me paraissait pouvoir faire suite à mes escapades dans les nouvelles de Algernon Blackwood (Les Saules / L'homme que les arbres aimaient).
Des arbres vivants... Ici, les lianes.
C'est très troublant ces arbres qui dans l'imaginaire des écrivains deviennent sensibles aux êtres humains au point de manifester à leur égard haine ou amour.
Ici, dans Candombe, magnifique métaphore du tango quand les bûcherons se laissent séduire par les lianes comme par une femme dansant et les enveloppant.
Ici, pas de personnage féminin marquant. C'est un monde d'hommes. Alcool et travail.
Un mystérieux professeur vivant dans son laboratoire.Yuchi. nom qui contient un ailleurs.
Lui est passionné par cette biologie complexe tout en étant étanche au mysticisme.
Il est plutôt dans l'intuition d'un tout cosmique et pense que ces lianes ne sont pas que de simples végétaux.
Ce qui est original c'est que ce sont les hommes, les envahisseurs pour elles.
Un peu comme pour Blackwood mais au lieu de tuer, elles charment, séduisent. (Des lianes de mai 68 : Faites l'amour, pas la guerre !)
Bon, des tueries entre hommes, des mises à feu. Bref... Cela n'est pas nouveau, comme les robots divers.
Mais j'aime beaucoup le final entre Garyl et Yuchi.
Cet exobiologiste est épatant.
Ces arbres-tambours,
qui s'éveillent la nuit, quelle belle invention !
il me reste les trois petites nouvelles; sur mo balcon,au milieu de mes plantes, je lis; un petit fauteuil pliant, les toits, le ciel plutôt nuageux. un vent léger. C'est très très bien. Le fiston vient de passer. Je lui ai raconté Candombe !
Pacha mama, elle n'existe même pas ! c'est une invention des illuminés.
les femmes ? ce sont les lianes...
Mais elle est évoquée : "il dit que la jungle tout entière est une sorte de dieu, ou plutôt une déesse, qu'il appelle Pacha La. Parfois, il dit memet que c'est la planète dans son ensemble qui est vivante et que c'est elle, Pacha Maman..."
Désolée. Correction automatique ! Pacha Mama
https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Pachamama
Intéressant...
Et en Argentine :
https://www.voyage-argentine.com/blog/arts-culture/pachamama#:~:text=%C3%89troitement%20li%C3%A9e%20%C3%A0%20la%20fertilit%C3%A9,ensemble%20de%20la%20population%20andine.
C'est bien qu'on trouve cette évocation dans une des nouvelles même si nous ne sommes plus sur terre...
Lu "La nuit où tu m'aimeras". Ce couple ne m'inspire guère. Elle, blonde, froide. Je n'aime pas ses chaussures Lui, sans grande personnalité. L'omniprésence de Gardel, de sa voix disparue, des femmes démentes qui se tuent sur sa tombe. Basta ! Quel cirque !
Mais comme il décrit bien le vieux phonographe avec une précision scientifique. C'est reposant.
Je copie ce passage pour le plaisir. Il me suffit pour aimer de cette nouvelle de penser à cette page extraordinaire :
"Il déposa la boîte et actionna les fermoirs de laiton, dévoilant un phonographe à aiguille. Une plaque fixée à l'intérieur indiquait la marque, Nirona, et surtout l'année : 1930.
"Est-ce qu'il fonctionne ? demandai-je.
- Bien sûr. Le pavillon est ici, replié dans le couvercle. Vous le fixez comme ceci..."
Tout en me donnant ces explications, il déplia l'élément de carton, qui prit la forme d'une pyramide à huit faces, et le fixa dans une bague de cuivre sur le bras de l'appareil. Puis il sortit la manivelle de son logement et l'introduisait dans un petit orifice entre les fermoirs, juste au-dessus de la poignée de transport. Les premiers tours furent laborieux, le ressort grincait avec des cris de vieille mouette indignée.
L'antiquaire s'appliquait, (...). Une fois le mécanisme remonté, il alla vers une autre table et fouilla dans un grand bac pour en sortir un disque protégé sous une pochette de papier brunâtre que l'âge avait rendu craquante comme une feuille morte.
"Voilà, c'est un 78 tours. Même époque."
Il déposa la galette noire sur le plateau puis plaça le bras terminé par un antique saphir avec des précautions de démineur. Accompagnés d'un souffle aigu et de nombreux crachotements, quelques notes de guitare sortirent avec peine du pavillon."
Voyez-vous, Soleil vert, soudain je m'éloigne du tango, de la saudade, de l'Argentine et je fais un bond vers cet excellent livre que vous m'avez fait découvrir : Le disque rayé de Kurt Steiner. Ah que j'ai aimé cette question de Matt :
- Vous avez déjà entendu des disques rayés ? Là où c'est le plus gênant, c'est juste avant la fin de l'enregistrement, quand le saphir retombe toujours dans le même sillon..."
Vous aussi vous établissez des correspondances secrètes ? :)
Et bien j' ai trouvé une citation d'un auteur de SF qui s'applique à Brassens
Pour Brassens ça ne m'étonne pas du tout !
Pour les correspondances d'un livre à l'autre, d'un auteur à un autre, d'une écriture à une musique ou à une image... oui. Elles ne sont pas toujours évidentes, en attente. Comme une photo dans le révélateur qui apparaît peu à peu
Un monde de possibles.
Ma mère tricotait avec des laines qu'elle récupérait de précédents ouvrages. Je la regardais. Quelque chose se disait de l'avenir...
J'étais étonnée alors j'ai cherché :
https://www.laboiteverte.fr/grande-pyramide-de-gizeh-a-8-faces/
Il me semble que le premier recueil de nouvelles de George Martin est paru des années avant tout ce bruit fait autour de Game of Thrones.
Une civilisation d'Arbres dans Hollberg, le Voyage de Nicolas Klimius, dont j'ai déjà parlé. Elle fournit une gravure au livre. Au Dix-Huitième siècle, c'est sans préoccupation écologique!
Bien à vous.
MC
Je ne suis pas étonnée que Jean-François Seignol soit ingénieur. Il y a un plaisir évident de la construction dans son recueil et cette description du phonographe en est une application. Je suis même étonnée qu'il ne tente pas d'aller plus loin dans le domaine géométrique et mathématique qui conviennent bien à la science-fiction.
Baudelaire: Je pensais surtout à Spleen et Ideal.
Games of Théo es ?Une civilisation d'Arbres dans Hollberg, le Voyage de Nicolas Klimius, ?
Vous pourriez en dire plus et donner des exemples. Merci.
Thrones
Oui, ce monde imaginaire, parfait qu'il imaginait mais loin de toute union avec une femme réelle. Il ne pouvait qu'imaginer la beauté comme un rêve "de pierre" dans un monde minéral. Toute L'invitation au Voyage est une sorte de miroir magique. Pour lui "le monde est noir comme de l'encre" et son soleil est noir.
Dégoût du réel, refus du monde il ne vit que dans les reflets... et a
besoin de spiritualité. Un poète symboliste pas fréquentable mais immensément doué pour écrire son œuvre..
Imaginer... Je m'aperçois, MC, que pour vous répondre, j'ai triplé ce verbe et cela signifie... Comme le spleen de Baudelaire est loin de la saudade !
Cet homme est une énigme. Tout de dureté, de froideur, de mépris. Orgueilleux et rancunier.
Sartre l'a parfaitement compris qui écrit que cet homme n'acceptera jamais le bonheur parce que c'est immoral.
Baudelaire écrit dans Les Paradis artificiels : "N'importe où ! N'importe où ! Pourvu que ce soit hors de ce monde."
Et en plus il a une aversion pour la Nature qu'ont reconnue tous ses biographes., Obsédé qu'il est par le péché originel et le mal ! Le mal satanique qu'il ne cesse d'évoquer dans ses poèmes.
Pauvre Jeanne ! Elle ne dansait pas le tango avec ce grand frigide pour qui la femme est une souillure !!! Un dandy travesti avec des contraintes stériles et féroces. Les Fleurs du mal sont là, tristes, artificielles, nauséeuses, sournoises.
Il voudrait être une pierre, immuable, impénétrable, allégé, évidé. Un Narcisse épris d'une jouissance morbide qui se prend pour un ange pur et sombre.
Bien, après cette pause Brassens, bien agréable et cette ascension périlleuse et rieuse du Volcan de lowry, sans oublier le regard de Sartre sur Baudelaire, je retourne aux fictions-tango de J-F. Seignol et celle-ci, la dernière, promet : "Le flot» conclut le recueil. Afin de vérifier les travaux d’Albert Einstein au plus près d’un puits gravitationnel, deux scientifiques, transgressant leur plan de vol s’approchent un peu trop près de l’horizon évènementiel de Sagittarius A, le trou noir super massif de la Voie Lactée. Que faire si ce n’est entamer un pas de danse ?"
Grandiose dernière nouvelle que ce Tango au bord du trou noir. "Le flot". Ma préférée dans son inachèvement. Elle contient tout ce que j'aime. Quelle belle méditation sur le temps.
Cela me rappelle mes études de physique dans une école sise près des Arènes de Lutèce et du jardin des plantes, interrompues à cause ou grâce à un poème de Mallarmé et du ginko du jardin des Plantes.
J'aime ces lignes et tant d'autres, si justes : "L'univers existait avant nous et continuera après notre disparition. Ça ne peut pas se réduire à l'humain. C'est quelque chose de plus grand. Il faut chercher encore.."
Ou encore : "Je veux une preuve que le temps existe par lui-même. Il faudrait travailler près d'un trou noir, juste au bord de l'horizon événementiel. Là où le temps et l'espace échangent leur rôle."
Je rêve de cette "ultime pulsation qui arracherait le vaisseau du puits gravitationnel."
"La pulsation donnée par la contrebasse, le legato du violon., Le bandonéon..."
Ils dansaient...
Ils ne pourraient plus ressortir du puits de gravité. "Ils atteindraient simplement un point de non-retour et, ensuite, l'espace s'écoulerait avec eux jusqu'à la singularité centrale."
C'est une immense nouvelle pour ne pas achever ce merveilleux livre. Merci monsieur Seignol. Merci Soleil vert. C'est si proche des images retransmises par le télescope J.Webb, cette danse cosmique, cette pépinière d'étoiles et ce trou noir...
Le lit du temps coule entre les rives de ce blog...
Pas mieux
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