jeudi 21 avril 2022

Le génie qui ne tenait pas en boîte

 

Harlan Ellison - La bête qui criait amour au cœur du monde - Les Humanoïdes associés

 

 

 

Je n’ai pas trouvé trace d’un mot, à défaut d’un hommage, pour Harlan Ellison dans les récentes « Reflections » de Robert Silverberg rédigées pour le magazine Asimov’s science fiction. Cela viendra peut-être un jour. Les deux hommes collaborèrent pourtant et voisinèrent dans les années 50 à New-York. Chacun suivit ensuite son chemin de création, Harlan surtout dans les nouvelles scénarii et scripts, bataillant tous deux quand il le fallait pour la protection juridique de leurs écrits. Silverberg est un géant absolu mais l’empreinte de l’anthologiste des Dangerous visions dans la vie littéraire, le fandom ou le milieu cinématographique de son temps reste incomparable. Les batailles rangées dit-on continuent aujourd’hui dans les conventions américaines. Le fantôme d’Ellison doit y être pour quelque chose.

 

On trouve dans le recueil La bête qui criait amour au cœur du monde, publié jadis par Les Humanoïdes associés, un melting-pot bien à l’image de celui qui se définissait comme « une soupe en ébullition ». Moins homogène que l’anthologie La machine aux yeux bleus, concoctée par Jacques Chambon - on le retrouve ici à la traduction - il alterne fictions de premier plan et sorties de route. Tel fut Harlan, excessif en tout. Le premier texte qui donne le titre au recueil (ah les titres chez Ellison …) a obtenu un Hugo en 1969. Difficile d’y comprendre quoique ce soit, à l’instar du directeur du magazine d’alors qui le publia. Il se présente comme une succession d’évènements sans liens : une vague d’attentats terroristes, la découverte sur une planète étrangère d’une statue géante représentant le criminel, la capture d’un homme se dissimulant sous la forme d’un dragon à sept têtes etc. Il appartient en quelque sorte au lecteur, dans cette story expérimentale, de se construire son propre pitch. Au rayon des productions dispensables on notera le très court « Blanc sur blanc » dans lequel un gigolo se fait enlever par un yeti (si, si). Un peu au-dessus, totalement surréaliste, « La division de Possinc Esclar » raconte la rencontre d’un alien et d’un humain. Pas de quoi compenser la perte d’une machine à écrire, puisque telle semblait être l’origine de l'histoire … Saluons l’effort de Chambon dans cette galère. « Le Dormeur aux mains calmes » vient interrompre cette spirale de déception. Les guerres ont disparu de la surface de la Terre. Le responsable de cette situation est un homme enterré profondément sous terre qui communique aux vivants ses rêves de paix. Mais certains ne l’entendent pas ainsi … Un récit Dickien, difficile, moins spectaculaire qu’« Un gars et son chien » mais tout aussi fort.

 

L’horizon continue de s’éclaircir avec l’odyssée de trois aventuriers et aventurières en quête d’une cité perdue dans les sables écarlates. Mais est-on sur Mars ? « Phénix » évoque les textes de Leigh Brackett et vaut surtout par sa chute. Dans l’esprit de Duel, deux véhicules s’affrontent sur une autoroute. « Sur la route panoramique » n’est pas mauvais en soi mais date … Le second coup de tonnerre éclate avec « Papa Noël contre S.P.I.D.E.R. » que résume ainsi la quatrième de couverture : « Un père Noël James Bond affronte Ronald Reagan dans les toilettes d’un asile d’aliénés ». De quoi s’agit-il ? Nous sommes en 1968, la guerre au Vietnam s’intensifie, les afro-américains tentent de faire valoir leurs droits civiques, Bob Kennedy se fait dégommer. La raison de ce bordel ? Un symbiote extraterrestre envahit le cerveau des Reagan, Johnson, Nixon et consorts. Raison de plus pour l’éliminer. Pochade ? Pas totalement. Délire et écriture, les aiguilles ne sont pas loin ici de fusionner.

 


« Essaie donc un couteau émoussé » rejoint le plateau des meilleurs textes. Blessé à mort, un prêcheur tente d’échapper à ses poursuivants dans une boite de nuit. Au-delà de la référence évidente à Je suis une légende, Ellison assimile célébrité et vampirisme. Un camé proxénète en crise tue une femme.  Fuyant la police, il entre dans une boutique et se retrouve plongé dans une jungle. Bénéficiant d’une écriture soignée « L’endroit sans nom » n’atteint pas sa cible, la faute à un personnage qui subit un châtiment tout en demeurant étranger au sentiment de culpabilité qu’il incarne paradoxalement. « La course aux étoiles » est un bon texte classique (1957), bien construit. La confédération terrienne capture un camé (encore un et ce n’est pas le dernier !) et en fait une bombe humaine pour aller détruire un ennemi stellaire. Mais Human Bomb, au départ trouillard absolu, décide de n’en faire qu’à sa tête … On applaudit « Est ce que vous écoutez ?» pas loin dans sa forme des meilleurs textes personnels de Robert Silverberg. Avant Damasio ou Priest, Ellison abordait le thème de l’invisibilité sociale.



 

Suivent deux autres bonnes nouvelles classiques, bien qu’écrites à plus de dix ans d’écart. « Places debout exclusivement » : un vaisseau spatial gigantesque fait irruption dans le ciel new-yorkais. Allons-nous assister à une préquelle d’Independance Day ? Il semble que non, mais quel est le prix du spectacle ? Dans « Profession : tueur de planètes » un mercenaire offre ses services aux conquérants de la Galaxie. La conclusion du récit - la tyrannie est préférable au chaos - rencontrée ailleurs (Shadrak dans la fournaise de Silverberg, par exemple) laisse une impression de malaise. Un petit bijou vient effacer tout cela. De retour de l’armée, un jeune homme tente de récupérer son ex-petite amie. Il la retrouve dans une communauté californienne « un petit monde clos, limité au nord par la mescaline et l’acide, au sud par l’herbe et le peyotl, à l’est par le speed et les barbituriques, à l’ouest par les sédatifs et les amphétamines ». Intégré au groupe Kris voit les soirées de défonce virer au cauchemar. Sans conteste « Brisé comme un lutin de verre » titille les gencives.  Le plus célèbre texte clôt le recueil. « Un gars et son chien » raconte les déambulations d’un homme et de son animal favori dans un univers urbain dévasté par la troisième guerre mondiale. Le sel de l’histoire vient de la bestiole dont les performances cérébrales ont été décuplées par des expériences génétiques lui octroyant des capacités télépathiques et … la faculté de repérer les filles à longue distance. C’est très macho, très drôle et cela nous rappelle que la renommée d’une fiction vient aussi de sa descendance.

 

Ne manquez pas de lire l’introduction, mélange de compliments et de coups de griffe, de vérités et de mauvaise foi. Tout Harlan Ellison quoi. Le recueil, inégal, réserve de sacrées surprises.

 

P.S : Le titre de la chronique fait référence à un roman de Fritz Leiber.





33 commentaires:

MC a dit…

Un géant, Robert Silverberg? L Homme dans le Labyrinthe, entre autres, ne tient pas ses promesses. Je suis moins compétent pour les nouvelles. Et pas du tout pour l'(auteur traité.
Retrouvé hier dans un déménagement, des SF Mag, et du Tim Powers, non gardé.ca vous parle?
Bien à vous.
MC

Soleil vert a dit…

"Un géant, Robert Silverberg ?"

Oh que oui, lisez L'oreille interne ou Le seigneur des ténèbresvoir Les monades urbaines. Quant à L'homme dans le labyrinthe il est inspiré du Philoctète de Sophocle.

Bien à vous
SV

Christiane a dit…

Vous lisant, Soleil vert, je me souviens des "Voyages de Gulliver". XVIIIe siècle et déjà Jonathan Swift créait un roman de science-fiction. Plus tard les Jules Verne, plus tard le cinemay de Méliès...
Mais les poètes aussi nous entrainent dans des univers de fiction. Un commentaire incompréhensible de MC a réveillé en moi, par erreur, divine erreur, le désir de relire "Les Contemplations" de Victor Hugo et l'essai qui est son écho écrit par Sylvain Ledda et Esther Pinon : "Multiplier l'infini" - étude des "Contemplations" de Victor Hugo.
Quel voyage ! Hugo vit entre la mer et la mort, proscrit, d'abord à Jersey puis à Guernesey. C'est dans cet exil qu'il écrira ce fabuleux poème. Son passé et son histoire dans une fiction poétique. La figure du moi se sépare pour parler, ce que dit "la bouche d'ombre " dans une correspondance entre le monde visible et invisible, "le battement de cœur de l'infini". Création très proche des "Mémoires d'outre-tombe" de Chateaubriand. (Son tombeau n'est-il pas droit devant, invisible, à Saint-Malo ? Hugo se fait voyant en explorant un langage poétique, métaphysique. Abîmes, vertiges et chaos comme dans la SF... Le champ des étoiles aussi, métaphore de "Booz endormi" de "La Légende des siècles". "Faucille d'or dans le champ des étoiles", oeuvre cosmique, donc...

Toutes ces oeuvres comme celles que vous évoquez soulèvent l'angoissante question du sens de l'existence humaine. Porte ouverte sur l'insondable...

Christiane a dit…

J'ai oublié "m'informer"!

Soleil vert a dit…

… vente de la maison de mon père : j'ai demandé à mon frère de récupérer une édition quasi-complète des poésies de Victor Hugo, illustrée par Gustave Doré.

Christiane a dit…

Tristesse :
La maison...
et joie :
Les oeuvres croisées de Victor Hugo et Gustave Doré.
Un lien très fort entre cette perte et ce désir.
Lui aussi avait perdu sa maison,
Gustave Doré a dû faire des gravures sombres, pleines d'une énergie noire, un peu comme les encres de Hugo que j'avais regardées longuement dans sa maison place des Vosges..
"J'avais devant les yeux les ténèbres. L'abîme
Qui n'a pas de Rivage et qui n'a pas de cime,
Était là, morne, immense ; et rien n'y remuait.
Je me sentais perdu dans l'infini muet "
(Les Contemplations. Victor Hugo.)
Hauteville Housse, la maison de l'exil.
Et pour vous, dans "Le promontoire du Songe", ces lignes :
"Tout rêve est une lutte. Le possible n'aborde pas le réel sans on ne sait qu'elle mystérieuse colère."

Christiane a dit…

quelle

MC a dit…

Doré ou Rochegrosse, qui a effectivement travaillé, outre Banville auquel il était personnellement lié, à l édition Nationale, la Ollendorff, dont Péguy disait que "tout un peuple y apprit son Hugo sur deux colonnes"...
Déménagement de la maison familiale. Difficile de tout garder des livres et cours qui vous ont marqué, quand on a soi même deux bibliothèques.
Oui Christiane, Jean Gaudon a pu dire que la concurrence avec Chateaubriand jouait toujours à l'époque des Contemplations. En tant que voisin, il était d'ailleurs venu à la première séance de Tables, et le fait qu'il dise "La Mer me parle de toi" en dit long sur le rapport de rivalité entre les deux. Hugo, qui ^peut-être vache (portait de Céleste de Chateaubriand dans Choses vues, posthumes, fera savoir par le journal d'Adèle qu'il fut un temps dans cette église dont Mr De Chateaubriand était le grand prêtre et lui le novice. Il est possible que dans cette décristallisation, ait joué le refus de Chateaubriand d'avancer de l'argent au jeune Hugo. La lettre est reproduite je crois dans VH raconté; "Vous me demandez cent francs, Monsieur. Je ne les ai pas", etc. A une époque ou Hugo mangeait de la vache enragée, ça n,a pas du améliorer leurs rapports.
Revenons à Banville et au sujet du Blog. Dans un de ses Contes Féeriques, Banville se projette dans le futur: on a conquis la lune, on l'exploite, etc, mais cette révolution technique a été obtenue par l'unification de la parole, comprendre qu'il n' y a plus de journaux de diverses tendances, mais le regne despotique d'une parole officielle accompagnée de photographies qui ne le sont pas moins illustrant l'évènements du jour. Tout ceci via l'effacement des acquis de la civilisation antérieure.
Or,, deux financiers constatent que dans cette période de collectivisme assumé, le mot est prononcé, se réveille de manière inquiétante la subjectivité individuelle. C est d'abord quel qu'un qui ose raconter comment à son avis les choses se passent. C' est ,je crois, un autre qui décide de sortir de la parole officielle, d écrire cela sur le papier, de rassembler les feuillets, et de le baptiser d'un néolopgisme qui est livre! Banville ne va pas plus loin, il écrit un conte probablement pour la presse, mais il est intéressant qu'il ait pensé que la révolution technique ne pouvait passer que par un collectivisme niveleur, susceptible à son tour d'être remis en cause longtemps après par la réémergence de l'individu. Avec pour thème connexe, la disparition des Belles Lettres et de la Poésie dans la période intermédiaire de dictature collective, disparition qui semble être une hantise durable, puisqu'on le trouve dans le très sombre Paris en 1984 de Verne, ou il forme le fond du tableau, ce qui déplut d'ailleurs à Hetzel lequel condamna ce texte aux Enfers.
C'est à ma connaissance la seule nouvelle de Banville qui flirte avec ce que nous appelons la SF. Ce n'est pas un chef d'œuvre, mais, en 1878, cette thématique n'est à mon avis pas du tout inintéressante.
Bien à vous.
MC

Christiane a dit…

Bonsoir, MC.
Tout a commencé le 13 avril à 00:37 sous le billet précédent de Soleil vert. Vous écriviez : "Christine l’ Admirable, de l’excellent Sylvain Pinon recensé aujourd’hui. (...)". J'ai cherché longtemps à faire parler ces noms et prénoms qui ne me disaient rien. Puis, m'est revenu le souvenir d'un essai qui m'avait passionnée, encore dans mon fatras de piles de livres non classés et qui était en relation avec la poésie de Victor Hugo écrite en exil. Une exposition de ses encres dans sa maison, place des Vosges était encore en ma mémoire : "Les arcs-en-ciel du noir" / Victor Hugo. C'était en 2012. au milieu des encres, des extraits de poèmes, des manuscrits, des photos de Hauteville House. Surtout les dernières salles (Noir comme la liberté - le choix du noir - Noir comme l'infini.)
Cela commençait par "La fin de Satan", cette plume blanche tombée de son aile pendant sa chute dans les ténèbres. En rentrant je relisais Les Contemplations. Noirceur de l'encre liée à cet exil sans durée. Je l'imaginais dans ces îles Anglo-Normandes, contraint à une certaine clandestinité. Oui, c'était l'époque des tables tournantes proposées par Mme de Girardin lors de son passage à Jersey (dans l'air du temps...) mais qui lui permettait de rêver parler à sa fille morte..., de la photographie dont il parlait avec l'éditeur Hetzel pour accompagner ses ouvrages, mais surtout de l'écriture : Le Promontoire du Songe, Les Contemplations, William Shakespeare...
L'ombre gagne. Cette maison devient de plus en plus sombre, meubles et boiseries peints en noir et cet escalier en spirale qui menait à l'aveuglante lumière de la verrière où il écrivait, debout, face à l'océan. Et les dessins à l'encre où il créait des paysages hantés, sombres.
C'est à cette époque que j'ai acquis "Multiplier l'infini" Étude des "Contemplations" de Victor Hugo. Essai remarquable de SYLVAIN Ledda et Esther PINON. (les deux noms mystérieux de votre commentaire !)
Je m'y suis replongée avec joie grâce à ces noms qui trottaient dans ma tête ! Quelle exploration ! La poésie de Victor Hugo creuse un espace, une vie. Déchiffrer, voir et entendre... ainsi Hugo face à l'abîme, dans le rugissement de l'océan, lisant ou écrivant. Les trois sources des Contemplations...

L'existence humaine a-t-elle un sens ? Et là je rejoins les méditations de Soleil vert et ma joie d'apprendre que de la perte douloureuse de sa maison d'enfance il veut sauver les poésies de Victor Hugo.

"Ô gouffre ! L'âme plonge et rapporte le doute.
Nous entendons sur nous les heures, goutte à goutte,
Tomber comme l'eau sur les plombs ;
l'homme est brumeux, le monde est noir, le ciel est sombre ;
Les formes de la nuit vont et viennent dans l'ombre ;
Et nous, pâles, nous contemplons."

Oui, tout cela est lié avec le conte que vous chroniquez, avec les livres choisis par Soleil vert, avec votre commentaire étrange, avec Victor Hugo qui fait lien émouvant ce soir avec Soleil vert.
Bonne nuit.
Il se fait tard.
J'ai tardé à vous répondre car je regardais sur Arte l'excellente série "En thérapie" portée par l'interprétation si fine de Frédéric Pierrot et de ses partenaires.

MC a dit…

Répondu. Du moins je l’espère. Ça saute parfois

Christiane a dit…

Eh bien, ça a sauté ! A plus tard.

Christiane a dit…

Peut-on s'abonner à votre blog pour ne rater aucun article ?

Christiane a dit…

MC,
je sais que vos commentaires sont le témoignage d'une grande curiosité intellectuelle et d'une culture riche et documentée mais je ne tiens pas à m'éloigner des recherches de Soleil vert. Hugo c'était en passant. Le propos de Soleil vert est ailleurs, dans sa joie de présenter des romans qu'il apprécie. Commenter chez lui c'est essayer de comprendre où il nous conduit, non, de suivre d'autres pistes ajoutées par vous.
Cela c'était du temps de la RDL (que j'ai quittée définitivement). Il y avait trop de péril à y poster un commentaire.
Ici, je suis bien. Je lis et pas seulement le billet du jour car j'aime retrouver les anciennes chroniques. J'y participais parfois par un ou deux commentaires.
Maintenant un vrai dialogue littéraire s'est installé. Il est ma priorité.

Christiane a dit…

Le portrait que vous faites d'Harlan Ellison et la présentation de ses nouvelles sont saisissants :
"Difficile d’y comprendre quoique ce soit, à l’instar du directeur du magazine d’alors qui le publia. Il se présente comme une succession d’évènements sans liens : une vague d’attentats terroristes, la découverte sur une planète étrangère d’une statue géante représentant le criminel, la capture d’un homme se dissimulant sous la forme d’un dragon à sept têtes etc. Il appartient en quelque sorte au lecteur, dans cette story expérimentale, de se construire son propre pitch."
"La bête qui criait amour au cœur du monde" m'entraîne vers un univers inconnu. Je vais relire votre billet.

Soleil vert a dit…

>Christiane : Peut-on s'abonner à votre blog pour ne rater aucun article ?

Je sais qu'à partir de blogger on peut s'abonner à un autre blog. Il y a la solution de type newsletter envoyée à un e-mail, je l'ai tentée sans en être satisfait. Je vais réessayer. Autre solution, les réseaux sociaux, mais ça me fait peur.

>Le sujet du jour. Ellison était un garnement talentueux! Ses écrits portent la trace des années 60, un monde libertaire, violent aussi (USA) dans lequel les femmes ne trouvaient pas forcément leur place. Le milieu de la SF est aujourd'hui différent, ouvert aux idées de Butler. Il y a des débats sur l'écriture inclusive etc.

>MC : "Etre Chateaubriand ou rien" ... Jusqu'au jour où l'élève se détourne du maitre. Je ne connais pas le texte de (Théodore ?) de Banville.

Christiane a dit…

Ce n'est pas grave, Soleil vert, il suffit que je passe régulièrement.
Les réseaux sociaux ne m'attirent pas, aucun.
"Ellison est un garnement talentueux". Jolie remarque !

Christiane a dit…

"Ne manquez pas de lire l’introduction, mélange de compliments et de coups de griffe, de vérités et de mauvaise foi. Tout Harlan Ellison quoi. Le recueil, inégal, réserve de sacrées surprises."
Pourriez-vous, Soleil vert, nous donner un extrait de cette introduction ?
Le billet concernant le recueil d'Harlan Ellison est difficile à suivre. Trop de nouvelles évoquées en une phrase. C'est un tourbillon. Je préfère quand vous vous attachez à une seule histoire et que vous la creusez.
Mais c'est bien que vous ouvrez une fenêtre sur la science-fiction qui longtemps a été sous classée dans la littérature comme le roman policier.
Certaines BD offre l'occasion à des créateurs de talent d'approcher ce monde imaginaire mais les visages, les émotions sont bien de notre monde. J'en offre à mon fils qui en dessine, en invente, donc je discute longuement avec le libraire spécialisé du quartier.

Soleil vert a dit…

Pourriez-vous, Soleil vert, nous donner un extrait de cette introduction ?

Je vais m'y atteler :)

Christiane a dit…

Merci !

MC a dit…

Oui, Théodore.. pour le reste, ce « Je veux etre Chateaubriand ou rien » écrit sur des cahiers d’écoliers n’apparaît ni dans VH raconte, ou le Vicomte est d’ailleurs soigneusement effacé, ni ailleurs , au point qu’on se demande aujourd’hui si ce mot attribué à mais introuvable n’est pas pour Hugo ce qu’est le non moins introuvable « Madame Bovary c’est moi « prête à Flaubert. Il y a parfois de beaux faux.,, Comme le Père Hugo est quelquefois Lovecraftien’, j’avais cité un poème peu connu mais que j’aime bien, et que Massin je ne sais pourquoi à oublié. C’est la période des Contemplations même s’il figure soit dans les Quatre Vents, soit dans TLL  Seigneur, j’ai médité dans les heures nocturnes, Et je me suis assis, pensif, comme un aïeul, En ces sommets déserts, en ces lieux taciturnes, Ou l’homme ne va pas, ou l’on vous trouve seul, J’ai de l’oiseau pensif écoute les huées. J’ai vu la pâle fleur trembler dans le gazon, Et l’astre en pleur sortir du crêpe des nuées, La lune se lever, sinistre, à l’horizon. J’ai vu le soir les apparences noires. Qui rôdent dans la plaine et se traînent sans bruit. J’ai regardé, du haut des mornes promontoires, Les grands prolongements de la mer dans la nuit. J’ ai vu dans les sapins passer la lune horrible, Et j’ai cru par moment ,témoin épouvanté , Surprendre l’attitude effarée et terrible De la création devant l’éternité. ´.

Comme quoi on peut être un immense poète et immensément malheureux, la folie à la porte et l’immensité à traduire. Par association d’idées on retiendra en SF la plaquette un peu ancienne du dessinateurYann Lucas et de Collobert « sciencefictionisant « quelques classiques de la poésie française ( l’ Astronef ivre, etc) donnant les textes qui ont été pastiches en seconde partie .C’ est très agréable, mais tiré à 500 exemplaires si je me fie au mien. Bien à vous. MC. PS. Christiane, j’aimerais bien chroniquer le roman du jour, mais, si invraisemblable soit - il , je suis en un lieu qui n’a pas de librairie !







Biancarelli a dit…

Je n’ai lu que La machine aux yeux bleus avec des nouvelles extraordinaires qui m’avaient frappé par leur thèmes d’une tristesse infinie .Vous les détaillez très bien dans votre chronique.
A mon humble avis cet auteur très peu traduit, il me semble ,rejoint les grands auteurs du fantastique argentin.

Christiane a dit…

Merci, M.Court. très intéressant.

Soleil vert a dit…

Le recueil du jour est épuisé et son éditeur disparu ...
Nous aurons bientôt l'occasion de reparler de Christopher Priest

Soleil vert a dit…

Anonyme Biancarelli a dit...

Un éditeur confectionnera peut-être un jour un best off, quoique publier des nouvelles dans ce contexte de récession c'est risqué.

Frey jean pierre a dit…

En tout cas un de mes géants préférés , tant au niveau des très nombreuses nouvelles qu'il a écrit que certains romans jusqu'à Majipoor et surtout il est encore parmi nous, on l'oublie , on ne parle pas assez de lui

Soleil vert a dit…

Silverberg : Géant oui, je lui ai consacré 8 ou 9 fiches de lecture ici et j'en déterrerais bien une supplémentaire de Bifrost.

Christiane a dit…

Je suis heureuse que vous ayez évoqué chez Paul Edel l'énorme et magnifique roman de l'américain Kurt Vonnegut "Abattoir 5".
1969... c'est loin... mais je me souviens de ce roman qui était à la fois roman sur la guerre et roman de science-fiction.
Un tourbillon dans le temps pour Billy Pilgrim (le pélerin), le héros. Une sorte de Gulliver prisonnier des tralfamariens (je ne suis pas certaine du nom de ce peuple imaginaire).
Récit faisant aussi mémoire de Kurt Vonnegut qui a en février 1645 subi les bombardements au phosphore sur la ville de Dresde alors qu'il était prisonnier et maintenu dans ce fameux "abattoir 5" avec d'autres prisonniers américains. Pas étonnant donc que dans ses souvenirs, Billy revienne incessamment à la bataille des Ardennes où il fut fait prisonnier en 1944.
La structure du roman est incroyable puisque Billy ne cesse de changer d'âge et d'époque. Le temps et la mort n'existant plus pour lui, prisonnier des Tralfamariens qui connaissent tout du temps.
Cette mémoire et cette imagination qui permettent à Billy d'échapper à l'horreur de sa situation (esclave exhibé et prisonnier), m'ont rappelé "Le joueur d'échec" de Stefan Zweig que vous avez si bien analysé. Même résistance à l'enfermement et à l'absurde par l'imaginaire et la mémoire.
Je garde de ce roman une dénonciation de la guerre, de son horreur, de son absurdité. Un récit / roman poignant et cru. Dresde sous les bombes au phosphore... ( me faisant penser au napalm, au Vietnam... aux bombes nucléaires à Hiroshima et Nagasaki... et à l'actualité en Ukraine...)
Il y a au début du roman une déclaration liminaire de l'auteur qui déclare son roman raté, que c'est absurde de revenir en arrière dans le temps mais aussi que c'est une histoire vraie.
En avez-vous parlé sur votre blog ?

Soleil vert a dit…

>En avez-vous parlé sur votre blog ?

Pas encore, mais vu l'acuité de vos propos, je vous laisserai bien le faire ...

Christiane a dit…

C'est un souvenir morcelé. Des passages du livre le reviennent dans le désordre mais l'essentiel est quand même en 1969, date de sa parution, ce désir de Kurt Vonnegut. De dénoncer les horreurs de la guerre par sa mémoire traumatisée par la dernière guerre mondiale et son expérience de prisonnier à Dresde. Je crois qu'après les dégâts des bombes au phosphore les prisonniers américains durent s'occuper des corps des victimes atrocement brûlés.
Cet écrivain a réussi par le biais de cette fiction a glisser de la tendresse en pleine horreur puisqu'il est "transportent" à sa fête de mariage, à sa vie de famille. Un peu l'horreur des Ukrainiens interrogés qui parlent de la vie avant ces bombardements et tueries. Leur jardin, l'école, le marché, la cuisine...
Cette mémoire de la vie quotidienne avant en est magnifiée et devient désir d'un futur improbable.
Ce livre m'avait bouleversée. On se le passait entre amis.
Je crois que la science-fiction a une terrible force quand elle instillé beaucoup de notre présent dans des récits imaginaires. Notre parole reconnue dans un monde étranger.
Mais je préfère lire vos "lectures" que les miennes qui me sont invisibles puisque je les écris !

Christiane a dit…

Désolée pour les fantaisies du correcteur de mon smartphone. C'est une puissance de science-fiction !

Christiane a dit…

Je vais essayer d'être plus claire; Vous lisant, vous ou Paul Edel, ou Pierre Assouline ou Raymond Prunier... ou d'autres lecteurs et écrivains ou critiques littéraires, tout se passe comme si j'avais oublié un livre, une sensation et que vous lire me permettait de les apprécier d'une façon nouvelle. Perdus et retrouvés... quelque chose que j'avais partiellement perdu et que je pouvais retrouver sans le regard de l'Autre. Des écrits latents, entre mémoire et oubli, dans une brume comme dans une toile de Turner. Une composition circulaire au centre de laquelle surgit de la lumière. Quelque chose qui vient des profondeurs.
Mais si un intervenant, aussi cultivé soit-il, produit un contre-exemple, une réfutation alors cela produit une friction dans laquelle ma recherche se perd. Quelque chose avait eu lieu. Mon regard se trouvait lié à celui de l'Autre qui avait lu ou regardé la même chose, le même livre. Une capture en ricochet. J'aime que le livre se fasse en moi lentement dépendant des strates du temps, de la lecture d'autres lecteurs. La lecture c'est quelque chose de tellement insondable. Parfois l'échange est empêché, parfois au contraire il est comme une aube. Merci Soleil vert.

Christiane a dit…

et que je NE pouvais retrouver

Soleil vert a dit…

Merci Christiane.