Emma
Newman - Planetfall - J’ai lu
« Touchée par la grâce, Lee Suh-Mi a reçu la
vision d'une planète lointaine, un éden où serait révélé aux hommes le secret
de leur place dans l'Univers. Sa conviction est telle qu'elle a entraîné
plusieurs centaines de fidèles dans ce voyage sans retour à la rencontre de
leur créateur. Vingt-deux ans se sont écoulés depuis qu'ils ont établi leur
colonie au pied d'une énigmatique structure extraterrestre, la Cité de Dieu,
dans laquelle Lee Suh-Mi a disparu depuis lors. »
L’introspection - Annihilation -, le huis clos -
Planetfall -, sont ils les nouveaux territoires d’investigation de la littérature
de science-fiction, qui malgré l’épisode de la new wave ne s’est jamais totalement
départie de ses récits d’exploration ? L’irruption de la britannique Emma
Newman dans le paysage romanesque le laisse en effet supposer. Planetfall
paru en France en 2017 est le premier volet d’un cycle complété par After
Atlas disponible cette année en J’ai lu millénaire.
L’intrigue renoue avec le vieux thème de la place de
la religion dans le futur. Emma Newman en emprunte les traits les plus
saillants : l’imposture de « L’étoile » d’Arthur
Clarke et la folie prophétique du Tom O'Bedlam de Robert Silverberg.
Mais son talent propulse un texte déjà psychologiquement et symboliquement dense
à la hauteur d’une tragédie.
Renata Ghali est le personnage central de ce drame.
Ingénieur, elle a connu Lee Suh-Mi lors de ses années universitaires. Entre les
deux jeunes femmes qui partageaient le même appartement, s’est nouée une amitié
profonde. Avec Mack, chef de l’expédition, elles forment le trio fondateur
d’une colonie humaine partie rencontrer Dieu sur une planète étrangère. Lorsque
la prophétesse disparaît dans des conditions mystérieuses, les deux survivants
s’efforcent de maintenir la cohésion et la foi du groupe. Vingt deux années
plus tard l’arrivée inopinée du petit-fils de Lee met à mal l’édifice religieux
entretenu tant bien que mal. Le piège va alors se refermer sur Renata.
Emma Newman conte avec habileté la plongée progressive
de son héroïne dans la folie. Les géniteurs, sans surprise, posent les
premières banderilles de la fragilisation psychologique. Le père est un homme
bon, rationnel mais peu influent. Il n’est pas innocent que dès la première
page, la figure maternelle soit associée au Broyeur, un outil de recyclage de
matériel indispensable à la survie de la communauté expatriée. La mère broyeuse,
divorcée et hostile, va ainsi poursuivre son action délétère, suscitant chez sa
fille un syndrome de Diogène. Renata ne recycle rien, mais accumule tout. Elle
tente de rassembler sa personnalité. Tout aussi significative est la
description utérine de la Cité de Dieu dans laquelle elle s’aventure à loisir,
comme un écho au final de 2001 l’odyssée de l’espace. L’écrivain sème
ainsi des figures symboliques de traumatisme (le ver par exemple) tout au long
du roman.
Pauvre Renata, croyant, à l’image d’un Saint Augustin,
quitter la cité terrestre, du mensonge (« Comment lui décrire la foule, les vieux
bâtiments, ce monde marchant à l’argent et au prestige ? ») pour la
Cité de Dieu c'est à dire de la vérité… Voilà un sacré récit au dénouement en forme de double uppercut,
qui ne dépareillerait pas aux côtés d’Un Cantique pour Leibowitz ou d’Un
cas de conscience. Mention bien à la graphiste de l’élégante couverture,
qui a tout compris.
2 commentaires:
Ne te reste plus qu'à lire After Atlas qui en étant tout a fait différent est de la même qualité (voire meilleur !). Emma Newman a le chic pour dépeindre des personnages torturés.
ok !
Merci Yogo
Enregistrer un commentaire