F. Scott
Fitzgerald - La fêlure - Folio
Célèbre à vingt ans,
oublié à quarante, éternel fauché jouant au riche, écrivain dilapidant son
talent et finalement légendaire, Scott Fitzgerald accumule les paradoxes. Comme Nick Carraway, personnage du
célèbre Gatsby le Magnifique, l’establishment le fascine. A défaut de
l’intégrer il en fera la matière de son œuvre. Hemingway raillera cette
attitude. Notre époque plus clémente reconnaîtrait en lui un jet setteur dont
les extravagances et celles de son épouse Zelda anticipaient celles de nos
rocks stars contemporaines.
Le recueil de nouvelles
présenté ici a le mérite de révéler les fêlures dissimulées sous les
paillettes. L’auteur du dernier Nabab est une des grandes figures de la lost
génération, jeunes gens rescapés de la boucherie de 14-18 dont les
illusions entretenues par les années folles volèrent en éclat au contact de la
dépression économique de 1929 et de la seconde guerre mondiale. Tout cela transparaît dans des textes en forme
d’autofiction relatant les difficultés matérielles (« Comment vivre
avec 36 000 dollars par an », « Manier avec précaution »),
les blessures morales (« La fêlure »), les pannes
d’inspiration (« L’après-midi d’un écrivain », « Cent
faux départs »)…
La part de fiction de ces
textes est d’ailleurs assez faible. Ils prennent la tournure de chroniques
typiquement journalistiques à l’instar des « Echos de l’âge du jazz », de
« Ma génération » et de récits autobiographiques - la plupart
des nouvelles -. L’écrivain s’écarte peu de cette veine : « Le
sommeil et la veille », encore à la première personne, emprunte la
piste (« Now I lay me ») d’Hemingway, et surtout « La mère de
l’écrivain », émouvant, semble enfin raconter une histoire.
Aucun de ces écrits ne se
détache particulièrement. J’ai néanmoins apprécié l’humour de « Comment
vivre avec trois fois rien par an» tribulations d’une famille
américaine découvrant la French Riviera, ainsi que « La fêlure »,
« L’après-midi d’un écrivain », « La mère de
l’écrivain » déjà cités. La préface de Roger Grenier justifie presque à
elle seule l’achat du livre et la photo de couverture non créditée est sublime.
Bien sûr l’essentiel de
Scott Fitzgerald semble ailleurs, dans un ou deux romans vénérés dont les
traductions françaises suscitent des débats passionnés. Bien sûr les ouvrages
de Carver, Russel Banks, Jim Harrison chroniqués récemment ici m’ont bien plus
impressionné. Mais l’ami d’Hemingway reste irrémédiablement touchant. Un
paradoxe de plus.
« Je n’ai plus
aucune sympathie pour le facteur, l’épicier, le rédacteur en chef, ni pour le
mari de ma cousine qui, lui-même va finir par me détester, de sorte que jamais
la vie ne sera plus très agréable ; une pancarte CAVE CANEM est en
permanence accrochée au-dessus de ma porte. Je m’efforcerai néanmoins de faire
un animal convenable, et pour peu que vous me jetiez un os avec assez de viande
dessus, il se pourrait que je vous lèche la main. »
1 commentaire:
Sans aucun doute son livre le plus pathétique.
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