dimanche 20 septembre 2020

L’Arche de Darwin

 

James Morrow - L’Arche de Darwin - J’ai lu

 

 

 Les astres à ma présence ici‐bas n’ont rien gagné,

Leur gloire à ma déchéance ne sera pas augmentée ;

Et, témoin mes deux oreilles, nul n’a jamais pu me dire

Pourquoi l’On m’a fait venir et l’On me fait m’en aller.


 Omar Khayyâm

 

 

James Morrow est un écrivain américain connu pour sa trilogie Godhead (La Trilogie de Jéhovah) un conte satirique doublé d’une épopée picaresque mettant en scène Dieu. L’auteur ne se définit pas comme un athée mais plutôt comme un hérétique, un philosophe (1) ; entendez par là un théologien de l’impossible, embrassant tour à tour comme l’héroïne de L’Arche de Darwin les idées les plus contradictoires au bénéfice d’une denrée rare, le plaisir de la lecture.

 

Aux alentours de 1850 Chloé Bathurst court le cacheton sur les scènes londoniennes. Loin des sommets shakespeariens, elle incarne des personnages issus de romances fleurant bon parfois le navet. Un soir de représentation, attristée par la situation de son père réduit à l’indigence par des dettes de jeux, elle improvise un discours politique soulevant l’enthousiasme des premiers lecteurs du Manifeste du parti communiste présents dans la salle et la réprobation majoritaire des autres spectateurs. Bannie de la profession, elle parvient à trouver un emploi chez le fameux Charles Darwin qui la charge d’entretenir une espèce de vivarium abritant un biotope provenant des Galapagos. Le célèbre naturaliste n’a pas encore publié L’Origine des espèces, mais une ébauche que Chloé recopie frauduleusement. Elle a en effet eu vent d’un concours organisé par la Percy Bysshe Shelley Society récompensant d’un prix de 10 000 £ toute personne prouvant ou infirmant l’existence de Dieu. De quoi combler les dettes paternelles. Elle obtient le financement d’une expédition vers les Galapagos afin de ramener des spécimens appuyant les théories de Darwin, cependant qu’une équipe concurrente part à la recherche de l’arche de Noé sur le mont Ararat.

  

S’il y a un rôle qui convient le mieux à Chloé c’est bien celui de Pirate Anne, surnom d’Anne Bonny, célèbre flibustière irlandaise qu’elle interpréta longtemps à la scène et continue d’incarner en mer comme dans la jungle. A la tête d’un corps expéditionnaire composé entre autres d’un vicaire défroqué, d’une courtisane et d’un marin fou des quatrains d' Omar Khayyâm, elle descend sans ciller le long des côtes de l’Amérique du Sud, un trajet aux allures de marathon à la Jules Verne : voilier, bateau à aube, montgolfière etc. Après un naufrage, un coup de malaria sur les rivages brésiliens, la voilà plongée avec son équipage au cœur d’une autre fièvre, l’exploitation esclavagiste du caoutchouc en terre péruvienne. Tour à tour prophétesse ou corsaire en rupture de banc elle ne lâche pas prise et revient comme tous les voyageurs, lestée d’une richesse qu’elle ne soupçonnait pas.

 

Chemin faisant l’écrivain donne quelques informations sur l’équipée turque. Un des membres restés à Constantinople trouve refuge dans une fumerie d’opium où il rencontre des voyageurs temporels prestigieux : Gregor Mendel, Teilhard de Chardin, Rosalind Franklin. L’idée narrative d’un raccord avec la trame principale et les travaux de Darwin vire à la pédagogie. C’est le seul point faible de ce roman survitaminé récompensé par le Grand Prix de l’Imaginaire 2018.

 

  

 

 

 

 

(1)   Interview réalisée par Actusf lors des Imaginales 2016.


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