jeudi 18 mai 2023

Les Terres closes

Robert Jackson Bennett - Les Terres closes - Albin Michel Imaginaire

 

 

 

 

Les terres closes est le dernier volet d’une trilogie de Robert Jackson Bennett entamée avec Les Maîtres enlumineurs et Le retour du Hiérophante. Au sein de cet univers gouverné par la magie, la jeune voleuse Sancia Grado dérobait autrefois aux grandes corporations fabricatrices d’enluminures de la cité de Tevanne, quelques-unes de leurs productions les plus précieuses. Chemin faisant elle avait fait la connaissance de Clef, un objet intelligent aux capacités de plus en plus étonnantes et de Bérénice, son grand amour. Leur rébellion commune contre les grandes maisons finissait en apocalypse en raison de l’intervention d’un Hiérophante, une ancienne puissance régnante maitre absolu du langage des enluminures, surgie comme un chien dans un jeu de quilles.

  

Tevanne détruite, le trio s’est réfugié dans l’Archipel de Giva. Crasedes le Hiérophante semble avoir disparu, tout au moins momentanément. Mais appelée par le gouverneur de l’ilôt de Grattaria au chevet de son fils, Bérénice découvre que l’esprit du jeune homme est lié à une Malfaisance encore plus puissante que Crasedes. Ses compagnons et elle commencent à évacuer la population de Grattaria, quand l’Entité qui a pris le nom de l’ancienne cité de Tevanne entame son attaque.

  

Dans sa postface Robert Jackson Bennett dit avoir rédigé son livre durant une période de confinement imposé en 2020 par la pandémie de coronavirus. Vivre une expérience d’isolement et paradoxalement de partage avec ses semblables lui a peut-être inspiré certains matériaux narratifs comme le concept d’intelligence collective par jumelage d’esprit ou la découverte finale des liens secrets qui unissent certains protagonistes. Il en résulte un condensé d’actions épiques et complexes et l’exploration en profondeur de personnages dont la fragilisation progressive contraste avec l’accumulation de pouvoirs quasi-divins. Comme Homère, Bennett relie le Ciel à la Terre, l’Immortalité à l’Ephémère, les Dieux aux déambulations humaines. La trilogie, loin de s’essouffler comme parfois en récapitulatif d’explications amassées à la hâte, prend avec Les Terres closes un envol majestueux.

24 commentaires:

Soleil vert a dit…

300 000 chiffre du jour.

Anonyme a dit…

300 000 ,ça correspond à quoi Soleil Vert?

Soleil vert a dit…

… un nombre de vues …

Christiane a dit…

Tome 3.
Où le lecteur retrouve le trio sympathique du roman précédent, le jumelage de pensées qui leur permet de se parler sans se déplacer.
Mais une fragilité nouvelle puisque leurs ennemis possèdent maintenant des catapultes permettant d'introduire une sorte de capteur espion dans le corps de leurs victimes leur permettant et de connaître leurs pensées et de les dominer..
La protection serait donc d'annuler le pouvoir des plaques permettant le jumelage des pensées.
Une fois posée cette situation de départ, le langage de ces jeunes humains améliorés est toujours aussi surprenant, celui d'ados entre eux ne mâchant pas leurs mots et aimant le langage cru. Il va falloir que je m'habitue à nouveau !
Dès les premières pages Bérénice et ses amis pensent au bidonville abritant un camp de réfugiés au-delà des fortifications de la cité et songent à les sauver.
Donc visite au gouverneur pour....
Ce qui est captivant c'est de penser que l'auteur, Robert Jackson Bennett a écrit cette suite pendant le confinement. (Merci pour ce détail , Soleil vert). C'est tout à fait étonnant. Imaginer cette liberté de s'évader par l'écriture.
J'avais beaucoup apprécié pour le tome 2, "Le retour du Hierophante. - les maîtres enlumineurs" , nos échanges sur les lexiques sur les pensées des personnages.
Bien aimé la fin déchirante de certains d'entre eux. Le terrible Hierophante si bien évoqué sur la couverture. L' enjeu posé de rester libre.
Même traduction de Philibert Caillat.
Même trio dont Sancia et Bérénice. Et la guerre annoncée à la fin du tome 2. Une nouvelle forme de guerre, encore plus terrible. La compassion de Bérénice, son désir d'apporter la liberté aux autres, intacts. Une sorte de Robin des bois féminin...
Enfin, je replonge dans cette saga avec plaisir.

Anonyme a dit…

Pas ( encore) lu. MC

Christiane a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Christiane a dit…

C'est étrange, mon petit transistor était resté allumé. La traversée de la nuit en était à "histoires de l'au-delà" sur France culture. C'est où l'au-delà ? c'est quand l'au-delà ?

Christiane a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Christiane a dit…

Reprise de la lecture du roman de Robert Jackson Bennett depuis le début. Hier au soir j'ai relu les derniers chapitres du volume précédent, "Le retour du Hierophante. - les maîtres enlumineurs", tome 2. . Final grandiose appelant une suite ailleurs après le sacrifice d'Orso (magnifique personnage) alors que Clef, Sancia et Bérénice désolées s'éloignent de Tevanne sur un bateau à voile. Une explosion a eu lieu, non "c'était quelque chose d'autre....". La cité disparut.

Donc, ce tome 3, "Les terres closes", s'ouvre à "Grattiara, cette minuscule enclave fortifiée perchée au bout d'une aiguille de roche plantée dans la mer de Durazeo...".
(Une petite remarque que les lecteurs n'ayant pas lu le tome précédent auront du mal à comprendre : "Sa voix chuchotait au fond des pensées de Bérénice, basse mais nette.")
C'est Claudia qui est proche de Bérénice.
Tout se met en place en cette page 15 avant la visite au gouverneur.
Bon, je sais il ne faut pas spoiler( merci, MC). Donc chut !
C'était juste pour saisir le fil conducteur d'un tome à l'autre qui permettra de sortir du labyrinthe.
Il ne faut pas dévoiler plus que le sage Soleil vert dans son billet.
Je m'étonnais de l'absence de Sancia et Clef, "mais ils sont là. Elle est là." près, loin... sur l'océan.
Bérénice dit : "Bon Dieu, mon amour, comme j'aimerais que tu sois à mes côtés en ce moment." (Donc, Soleil vert a raison... je croyais avoir mal lu.)
J'aime bien ce rappel du tome 2, cette esquisse : "Je me suis rendue en des lieux qu'aucun être humain n'avait jamais foulés. J'ai aperçu l'infrastructure qui rend la réalité possible. "
Robert Jackson Bennett sait distiller le mystère. C'est un livre de magie.... "qui rend la réalité possible"....

Christiane a dit…

Dans le billet de Soleil vert, je lis : "Comme Homère, Bennett relie le Ciel à la Terre, l’Immortalité à l’Ephémère, les Dieux aux déambulations humaines."

Épatant !

Christiane a dit…

Dans le navire où patiente Sancia et sa petite Clef magique, il y a une drôle de machine "capable de convaincre la réalité de se contredire elle-même ; la seule chose qui permettait à l'énorme navire de flotter."
Robert Jackson Bennett aime les paradoxes et brouille nos repères.

Christiane a dit…

J'aime ce dialogue qui montre à quel point l'humain en sa nature profonde importe à l'auteur :
" - Tu sais que tu n'es pas obligée de te déplacer pour me parler, hein ? répondit Sancia, c'est même presque tout le propos du jumelage des pensées.
- J'en suis consciente, rétorqua Polina, mais je préfère te voir et avoir une interaction normale, humaine, pour m'assurer que je vais rester humaine
- On est tous encore humains, soupira Sancia, on communique un peu différemment, c'est tout. "

Nous, on a la télépathie. D'ailleurs ne disions-nous pas, enfants, quand la même pensée nous traversait : "Philippine ! "
(C'est à cause des amandes doubles, je crois.)

Christiane a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Christiane a dit…

Ah, voilà, j'ai retrouvé cette analyse de Julien Gracq dans "Lettrines 2".
"L'écriture, dès qu'elle est utilisée poétiquement, est une forme d'expression à halo. Le seul fait que les images, qu'elle évoque surgissent pour l'imagination du lecteur d'un flux verbal qui les innerve, mais ne les enveloppe pas et ne les dessine pas, noir plus ou moins ces images dans un irréel touffu à affinités oniriques ".
J'imagine Benett approchant son paysage à l'encre de ses mots.Il réussit à nous faire voir ce paysage de noirceur. Une vision guère rassurante... Grattiara...
Le donjon et ses corridors étroits et tortueux, les tours de cette forteresse "perchée sur l'éperon rocheux", les remparts, les murailles grises... On sent que tout est encore flou. Ce n'est que le début du roman.

Biancarelli a dit…

Bon anniversaire à votre blog soleil vert. Et bravo pour tout votre travail et cette longévité. Le plus dur étant toujours de durer.Je vous souhaite autant de vues pour le futur.

Christiane a dit…

Anniversaire ? Quelle date pour le premier billet ? J'ai pu remonter jusqu'à mars 2016... Le Japon... beauté des photos et du journal de voyage... 7 ans donc et 300 000 visiteurs... Que de lecteurs mais on passerait des jours et des jours à ouvrir tous les articles. C'est bien.
Le temps que vous laissez à vos lecteurs pour lire les livres permet de se battre contre soi-même au fil de la lecture, de penser, de se perdre ou de se retrouver.

Christiane a dit…

Ainsi, que penser de cette possibilité de jumelage de pensées qui permet aux personnages de ce récit de se parler sans se déplacer ?
Ce doit être très intrusif et lourd à porter la pensée des autres en soi...
Par contraste, l'inconnu qu'est l'autre est une garantie de garder pour soi ses propres pensées.
Ludwig Wittgenstein dans ses derniers écrits sur la philosophie (" L'intérieur et l'extérieur") posait cette question :
"Ce que l'on peut dire, c'est que notre vie serait très différente si les hommes disaient tout haut ce qu'actuellement ils ne disent qu'à eux-mêmes, ou si cela pouvait se lire sur leur visage. (...) Ne serait-ce pas comme si l'on quittait un pays où l'on porte toute sorte de masques, pour entrer dans un autre où l'on n'en porte pas, ou peu ? (...)
On dit aussi : Je ne comprends pas la joie ni la tristesse de cet homme. Et qu'est-ce que cela veut dire, sinon qu'il n'est ni joyeux, ni triste au sens que je donne à ces mots ?(...)
L'incertitude à l'égard de ce qui se passe en autrui qui subsiste ne porte pas sur une éventuelle dissimulation..(...)
De quoi ai-je le savoir, lorsque je sais que quelqu'un est triste ? Que puis-je faire de ce savoir ?
(...) Pourrait-on imaginer un monde dans lequel ce doute serait impossible ?"

Est-ce que les personnages du roman de Benett se comprennent mieux avec ce bourdonnement de la pensée des autres en eux ?

Christiane a dit…

Bien sûr, Benett a pensé à ce problème en deux temps.
Premier temps :
"C'était la simple quantité d'informations qui s'avérait difficile à maîtriser. Les petits groupes restaient gérables ; mais jumeler les pensées de plus de quarante ou cinquante personnes à la fois donnait naissance à un gros mur de bruit mental avec lequel il fallait vivre en permanence."

Deuxième temps :
" Grâce à une plaque de voie, ne toucher réellement que la personne jumelée, a tel point que leur esprit ne faisait plus qu'un, et tous les souvenirs et toutes les inquiétudes de l'un devenaient momentanément ceux de l'autre. Elles ne recevaient plus que les pensées de leur homologues tout en se coupant du mur de bruit ambiant. (...)
Mais quiconque tenait une plaque de voie jumelée se trouvait en connexion complète et constante avec toure autre personne touchant une copie de cette plaque."


Eh bien, je n'aimerais pas cela du tout !

Christiane a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Christiane a dit…

C'est un peu long... Beaucoup d'action mais une certaine monotonie due aux répétitions des situations. Ces plaques prennent trop de place.
Le roman devient intéressant quand Sancia vieillit anormalement vite. Ce décalage avec Bérénice modifie leur relation en profondeur.
La souffrance acceptée semble un leilmotiv dans cette trilogie.
L'argument semble politique. Quelle forme d'état naît, pour ces hommes modifiés par ses plaques, hors des inégalités, de l'autoritarisme ?. Des hommes et femmes augmentés ? Pas sûr ....
Leur mémoire est effacée au profit d'une éternelle évasion avec une utopie d'amour , d'entraide et de compréhension parfaite.
Je préfère notre monde imparfait, nos limites, nos secrets...

Anonyme a dit…

Merci de vos commentaires.Concernant les vues c'est le cumul depuis 2011. SV

Christiane a dit…

Oui, j'ai compris l'énormité de mon commentaire donc je l'ai effacé comme le deuxième où le correcteur a transformé "lecteurs" en "électeurs".
Ce robot téléphone devient une entité farceuse qui écrit des histoires extravagantes.
Pour en revenir au nombre 300000, j'ai du mal à comprendre comment tant de lecteurs intéressés par vos chroniques restent silencieux.
Certains écrivent trop.... ( Au moins une), d'autres cultivent par leur silence un certain mystère.
Souvent je lis les commentaires en bas de vos billets. Il y en a de très intéressants.
Pour ce roman de Benett, je le vois comme un film SF très réussi mais pas vraiment comme une lecture.
Je demande plus à la lecture surtout pour la psychologie des personnages, leurs pensées, les rapports des personnages entre eux et aussi un regard sur notre monde, sa beauté vacillante, ses inégalités. J'aimais bien la présence de ce camp de réfugiés mais Benett nous fait peu entrer dans la vie de ces êtres en péril.
J'aime plus ce qu'il écrit des bateaux, de la mer que ces terres toujours prêtes à être anéanties par tant d'armes et d'explosions.
Mais il est jeune, aime le mouvement, ce monde de Fantasy, ces objets sophistiqués, magiques.
Ah qu'a-t-on fait de Merlin l'enchanteur et de Mélusine ?
Ce sont les personnages vulnérables ou astucieux qui me plaisent dans cette trilogie.

Christiane a dit…

La fin est christique...
Comme vous l'écrivez : "Bennett relie le Ciel à la Terre, l’Immortalité à l’Ephémère, les Dieux aux déambulations humaines." Un beau point final à cette triologie.

Christiane a dit…

Les derniers chapitres sont vraiment intéressants. retour aux humains ordinaires, à la mémoire.
Introduits page 561 par cette vision de toute beauté :
"Les citadelles continuèrent d’avancer lentement, comme des baleines poursuivant leur longue migration dans les profondeurs."
Puis les eaux "bouillonnèrent, sifflèrent" et Crasedes arrive; Voilà un personnage intéressant. Et le texte s’enfle, magnifique. "L'océan se tassa sous l’impulsion de l’onde de choc qui s'élargissait. Le hiérophante attendit patiemment tandis que l'air s'emplissait d'écume (...) Crasedes fonçait au-dessus du large, zigzaguait parmi les panaches de vapeur et les embruns, esquivant les traits qui tombaient tout autour de lui.(...).
Trop de souvenirs, pensa Crasedes ; Trop d'univers.(...)
Le bouillonnement et le chaos des eaux noires. Un monde clair, fracturé au-dessus, plein d'immenses ombres tourbillonnantes, l'attendait."
Le retour de son enfance va faire basculer le texte.
Une mystérieuse transformation s'opère en lui : " les mots étaient tracés dans son être même, corrigeant son âme, assénant qu'il était désormais au-delà de la mort, de la souffrance, de l'empire des hommes ; lorsque ce fut terminé, l'enfant ouvrit les paupières et regarda l'univers avec des yeux neufs et il entendit son père murmurer...."

Benett a dû être très inspiré dans ces dernières pages. On sent qu'il s'interroge. La construction du texte repose sur des boucles, dont chacune est surprenante. Il nait un enchevêtrement C'est un peu l'art du contrepoint de deux histoires. La composition est plus complexe. C'est le temps des métamorphoses. L'énigme finale restera en suspens dans le miroir de la mort.
Le lecteur doit oublier toute logique et toute rationalité. Le texte devient paradoxal et son univers délicieusement absurde.
"La porte s'ouvre et se ferme des deux cotés à la fois."
...
"d'immenses prismes de pierre noire apparurent subitement au milieu des ruines de l'Ancienne Tevanne, poussant droit vers le ciel ; le ciel même chancela...."