samedi 6 août 2022

Galeux

Stephen Graham Jones - Galeux - Pocket

 

 

 

 

Stephen Graham Jones est un écrivain amérindien auteur à ce jour de deux dizaines d’ouvrages dans le domaine de l’horreur et du policier. Premier livre traduit en France, Galeux (le titre original est Mongrels) raconte l’errance d’une famille vue par les yeux d’un adolescent. Une malédiction, une monstruosité jette son grand-père, son oncle et sa tante sur les routes entre le Kansas et la Floride : ce sont des loups-garous.

 

Personnage relégué en marge du monde, l’homme loup, paradoxalement, ne cesse depuis l’Antiquité d’être au-devant de la scène à travers des romans, des films. C’est un mythe en perpétuel renouvellement. L’auteur de Galeux, à travers quelques allégeances modernes, Wolfen de Whitley Strieber, Near Dark de Kathryn Bigelow, The Hunt (Sandman) de Neil Gaiman s’inscrit dans une tradition artistique bien établie : les monstres renvoient le regard que nous leur adressons. Il délaisse le volet fantastico-romantique de la légende et les colifichets associés, pour un récit où transparaissent des dévorations d’un autre genre, celles des sans-abris, amérindiens et autres minorités exclus du système de santé, bref celles des recrachés du rêve américain. En 2004, l’indicateur de pauvreté humaine IPH-2 plaçait les Etats-Unis à la 16e place sur les 18 pays les plus industrialisés. Quoique rattaché à de nouveaux courants littéraires, Galeux perpétue ainsi à sa façon la veine sociale des Steinbeck et autres Carver tout en adoptant une écriture proche parfois de Bukowski.

 

La construction du roman exclut une progression dramatique pour offrir une série de scènes tragico-comiques mêlant mode d’emploi des transformations réussies (vider la poubelle, exclure les leggins au profit des jeans …) désœuvrement des laveries, recherche de boulot temporaire … Aucun jour ne ressemble au précédent. Il faut pouvoir, si les circonstances l'exigent, faire disparaitre les traces de déchainements nocturnes, sauter en voiture et tenter de reconstituer un quotidien provisoire ailleurs. L’œuvre coche aussi le traditionnel récit d’apprentissage : l’adolescence est l’âge des métamorphoses. Pas facile de se construire quand vos seuls parents restants ont des appétits dérangeants.

 

On en oublierait presque le tragique de la situation de ce microcosme social sous la menace perpétuelle d’une implosion. Fort d’un savoir-faire étonnant, Stephen Graham Jones est de l’espèce des écrivains qui dissimulent derrière le paravent de l’écriture, les tragédies de l’existence.

 

62 commentaires:

Christiane a dit…

Belle présentation.
Les loups pour les Amérindiens c'est un mythe liant sagesse et son contraire, sauvagerie et clan, protection et solitude.
Un peu de chamanisme aussi.
Et cet ado qui se cherche sur la route...

Christiane a dit…

J'écoute François Chalais et Alfred Hitchcock sur public sénat. A plus tard.

Christiane a dit…

Et maintenant Les trous noirs sur Arte. Lieu où on se perd à jamais... Des toupies infernales. Hawking aux commandes. Je me régale.
Mais je reviendrai à votre auteur car il m'intéresse.

Christiane a dit…

E=Mc2. Si peu de matière, tant d'énergie... Einstein... La bombe atomique. Je repense au livre que vous aviez présenté.
Exploration du temps, de l'univers extraordinaires mais cette bombe. Einstein le pacifiste en a été bouleversé, aussi.
Nous sommes coincesy, Soleil vert, entre désir de comprendre et peur de la technologie quand elle devient meurtrière.
C'est la nuit des étoiles depuis hier. Le ciel de nuit palpite. Le cosmos si vaste. Profondeur de l'univers infinie.
Les indiens regardent beaucoup les étoiles.

Christiane a dit…

Roman social, donc, pour ce presque adolescent qui vit en large entre cette tante et ce grand-père. Être ou ne pas être un loup-garou est seulement semble-t-il une des questions qui se pose à lui. Qu'est-il arrivé à son père, à sa mère ? Qui est-il ? D'où vient il ?
L'identité de l'écrivain donne en amont de ce roman une histoire de racines, de mémoire. Écrivain inconnu en France. Donc à découvrir.

Christiane a dit…

marge

Soleil vert a dit…

Père inconnu, mère morte à sa naissance.

Christiane a dit…

Qui prouve qu'il est de la même lignée que ce grand-père, cet oncle et cette tante ? Il dépend d'eux, les suit, les supporte et par leurs choix de vie se trouve marginalisé.

Christiane a dit…

J'aime bien ce temps d'attente entre le billet et le livre. C'est le temps des hypothèses.

Anonyme a dit…

Histoires de loup-garoups vus comme une réalité dans le Journai du Père Maunoir ( 1639-1651). Témoignage qu’on ne trouve pas chez les autres Jésuites ( des Anges chez Pierre Fabre, mais pas de loups! La figure est liée à tout un inconscient satanique de sorcellerie,dont Maunoir est grand amateur,,,

Soleil vert a dit…

Qui prouve qu'il est de la même lignée ?
Il finit par en devenir un aussi

Prochain billet : un jeu de piste sur Kafka, Anne Frank, Saint Exupéry etc..

Christiane a dit…

Il ne fallait pas le dire !
Bon, un prochain billet étonnant...

Greg a dit…

Très bon.
Montre bien comment ce gars(on sait pas son nom),paria de naissance,considéré comme tel du moins par la société, va devoir se forger sa propre identité ,grâce à ses parents de substitution.
L’errance de cette famille m’avait marqué.Quand on est en dehors d’un système, expatriés, fugitifs américains, il n’y a pas d’autre solution que de se transformer en animal sauvage,en loups garous,en dehors d’une” normalité ”sociale .
Je faisais un peu le parallèle avec l’image du vampire.
Si tu l’as pas vu”The addiction ”de Ferrara.

Christiane a dit…

Merci Greg pour ce commentaire éclairant

Soleil vert a dit…

Si tu l’as pas vu ”The addiction ”de Ferrara.

ok merci

Christiane a dit…

La couverture est belle. Cet ado dans la nuit. Cette tête de loup hurlant a la lune. Ce nom "galeux" qui porte tout le rejet qu'il subit.
Votre billet et l'ajout de Greg qui donnent une grande profondeur à cette fiction. au-delà des garous.
Vous choisissez de bien beaux livres et des écrivains intéressants. Merci.

Anonyme a dit…

Le Loup -Garou est un antique reliquat sorcellaire. La transformation en loup est un classique des procès, ce qui, à une époque rurale, est évidemment très lourd de sens pour les intéressés, qui finissent cependant parfois par avouer. Comment insére-t-il son Loup dans le middle-west américain? MC

Christiane a dit…

C'est un très étrange livre, M.C., pas un roman, pas des nouvelles. Des chapitres courts se succèdent sans lien entre eux si ce n'est les personnages.
Oui, il y a avec insistance une appartenance aux garous mais ce n'est pas l'essentiel. Plutôt les liens entre les membres de ce clan, leurs rapports plus que difficiles avec la société. Leur goût pour certaines odeurs font les poubelles. Pas de pathos. Un ton détaché. Presque un documentaire par moment. Je n'accroche pas de trop. Le personnage principal est étrangement placide. Bizarre.
Je ne suis pas convaincue par les 80 premières pages...

Christiane a dit…

Je n'arrive pas du tout et entrer dans ce livre. Trop defaim, manger,manger,manger...
Le mieux c'est de le refermer et peut-être un jour, il me parlera.
Mauvaise pioche !
Pas grave, j'ai d'autres lectures inachevées.
Merci quand même.
Les loups-garous ne m'intéressent vraiment pas.

Anonyme a dit…

Bonjour;
J'avais lu un livre dont le titre était "je suis de la Nation du Loup", c'était il y a longtemps, et je n'ai plus ce livre (donné à L'Alliance Française je crois). Cela racontait la vie au quotidien d'un jeune Pawnee; cela se passe dans les Grandes Plaines, dans la seconde moitié du XVIIème século, donc pas de contact avec les colons blancs. L'écrivain se nomait Jacques Serguine. Ce livre je le trouvais très beau et captivant.
Mais excusez-moi cela n'a rien à voir avec votre présentation, si-non la présence de l'homme amérindien et l'évocation du loup.
Claudio Bahia

Christiane a dit…

Mais si, Claudio, mais si. Je pense que ce livre m'aurait plu. J'aime les loups. J'ai lu et vu de nombreux documentaires sur eux.
Mais là je cale. Je n'aime pas du tout ces êtres hybrides moitie loup féroce moitie humains qui tuent leur mère de leurs griffes en naissant. Une atmosphère un peu malsaine règne dans cette fiction.
Je l'avais imaginée différente en lisant le billet de Soleil vert.
Les loups avec les loups, les humains avec les humains. C'est mieux ainsi
J'avais aimé Danse avec les loups interprété par Kevin Kosner.
Là, dans ce livre, Galeux, quelque chose de trouble de l'auteur filtre, que je n'aime pas.
Mais on apprend aussi avec ce qu'on n'aime pas.
Heureuse de vous avoir lu.

Christiane a dit…

Costner

Christiane a dit…

Bonjour, Soleil vert. J'ai aimé votre billet mais pas le livre de Stephen Graham Jones "Galeux" (lu partiellement).
Rapidement, un dégoût m'a saisie dû à cette férocité latente, ce sang, toute cette viande, ces cadavres, ces cimetières, ces odeurs, cette laideur.
Votre billet donne beaucoup à connaître de vous ( "Donnez-moi de la boue, j'en ferai de l'or")
Cet écrivain a certainement beaucoup de douleur enfouie à expulser par ses fictions. De colère aussi .
J'ai besoin de me rincer les yeux. Une escapade dans d'autres livres m'est refuge.
Merci de vos chroniques. A bientôt.
PS : j'ai aimé la couverture et le livre que j'ai imaginé à partir de votre billet.
Bonne suite dans vos écritures
PS no2.
Sur la RdL, Rose que j'aime beaucoup, a refusé la mort de Sergio. C'est vrai qu'il y a des êtres qu'on voudrait tellement garder parmi nous...
PS no3 : je n'ai jamais ressenti vos commentaires là-bas comme une publicité pour votre blog. Vous êtes intègre.

Anonyme a dit…

Pas seulement Sergio, je le crains.
Pas compris la remarque de la Vipère de la RDL selon laquelle "L'Ours n'est pas perdu pour tout le monde." Mechanceté gratuite?
Retour au Loup Cette histoire de mise à mort nécessaire de la mère est bizarre, et ne figure pas dans mes sources. Est-ce americain ou amerindien?
Bien à vous.
MC

Christiane a dit…

La mise à mort de la mère arrivé quand l'enfant à naître a commencé à se transformer en loup. Il est armé alors pour la déchiqueter lors de l'expulsion. Oui, ce n'est pas très drôle et explique peut-être la mort de la mère du narrateur...
Il y a beaucoup de scènes de ce genre dans les histoires rassemblées dans ce livre. Beaucoup de dévorations. Je n'aime pas trop cet univers sanguinolent même si le narrateur traverse tout cela sans férocité mais témoin des horreurs entre clans de loups-garous. J'avoue avoir abandonné lâchement.
Sauvé qui peut , la coupe est pleine !
(L'ours est celui qui assure la mise en forme d'un blog. Je ne cherche plus à élucider toutes ces perfidies...)

Christiane a dit…

Voilà le passage. Tout au début. Pages 42/43.
"Tout comme les oisillons ont besoin d'un bec pour briser leur coquille ou les serpents d'un nez dur et pointu pour sortir de l’œuf, les louveteaux ont besoin d'ergots. Ça a à voir avec leur part humaine. Parce que, si la tête du loup est conçue pour se faufiler jusqu'à la sortie, une tête de bébé - durant le travail, tous les petits passent sans cesse d'une forme à l'autre - est grosse et massive. Sauf que le corps de la mère, il est pas prévu pour. On peut toujours sortir les louveteaux par césarienne, comme ils ont tenté de le faire avec Grandma, mais faut trouver quelqu'un qui s'y connaisse. Quand il n'y a ni couteau ni personne pour le manier ou que la mère est humaine et pas louve, c'est là qu'interviennent les ergots. Pour aider le petit à traverser, d'une chiquenaude bien tranchante, à déchirer la chair, à agrandir l'ouverture.
c'est sanglant, pour sûr, et terrible, mais ça marche. Du moins pour le louveteau. (...)
Je voyais à présent la scène comme il l'aurait décrite s'il avait pu la raconter sans enrobage.
Une jeune fille de quatorze ans est sur le point d'accoucher, une humaine s'apprête à mettre au monde un bébé humain. Sauf que, en cours de route, le nourrisson commence à changer. les pointes tranchantes de petits crocs transpercent les gencives bien avant l'heure. Elle était la seule de la portée à naître avec des doigts, et non des pattes ; elle était censée être sauve, donner naissance à des humains, mais le loup qui rôdait dans son sang remontait à présent à la surface. (...)
La véritable histoire, (...) c'est celle d'un père qui porte sa fille aînée hors de la maison et, dans ses bras, elle se transforme en abomination. (...) Il la tient par la peau du cou et elle, déjà à quatre pattes, se débat, cherche à le mordre, tandis que son fils nouveau-né vagit sous le porche.(...)
Nous sommes des loups-garous.
et c'est ainsi que nous vivons.
si on peut appeler ça une vie."

Anonyme a dit…

«  Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or »?

Christiane a dit…

"Donnez-moi de la boue, j'en ferai de l'or"
Stephen Graham Jones,a dans cette fiction décrit des scènes terribles, noires, déprimantes, boueuses. Soleil vert a réussi à extraire de cette fiction le meilleur, comprenant à travers le parcours du jeune narrateur, une société où les laisser pour compte sont nombreux et pas seulement parce qu'ils seraient des loup-garous. Il a écrit un billet qui parle d'exclusion, de pauvreté, de solitude . De l'or...

Christiane a dit…

Soleil vert, une immense beauté dans le dernier billet de Paul Edel. Allez voir. Et à la fin du billet l'évocation d'un film que j'ai tant aimé :

"Le romancier, nous parle d’une Rome qui n’existe plus, sauf peut-être ,le long du Tibre, un jour de brume en hiver, celle de » la Grande Belleza ».
Pendant ma lecture je pensais au comédien Toni Servillo dans le film de Paolo Sorrentino interprétant un romancier Jep Gambardella ,celui qui obtint une célébrité..."

Ça fait du bien de se mettre tous ses mots dans la tête. Comme une nostalgie.

Soleil vert a dit…

Magnifique

Christiane a dit…

Oui.
Nostalgie... Notons (retour)... Algos (douleur)...

Christiane a dit…

Nostos

Soleil vert a dit…

Merci à vous trois

Christiane a dit…

Soleil vert, pour vous, cette citation d'Aragon extraite de "Henri Matisse, roman". (il l'avait rencontré de nombreuses fois en 1941, à Nice, et avait été ravi de son accueil et de la profondeur de ses pensées) :
"L'enchantement du monde, le bonheur de l'homme, et tout ce dont lui, Matisse, aura fait son univers de splendeur, n'était point ignorance du cri, des ténèbres et de l'horreur."
Étrange livre que j'ouvre souvent. Ni biographie, ni roman... du langage... un labyrinthe.

Christiane a dit…

laissés -pour-compte

Soleil vert a dit…

Ce qui est fou c'est que ma prochaine lecture s'appelle "Pages perdues" !!!!
Télescopage involontaire avec l'actualité célinienne :)

Christiane a dit…

Télescopage, oui.
Pour Céline, je garde l'émotion de deux romans, Mort à crédit et Le Voyage au bout de la nuit. Un style romanesque qu'on n'oublie pas. La langue parlée goûteuse. Beaucoup de vérité. Il montre ce que la guerre fait aux hommes, à la langue des hommes.

(Je n'attends rien de ces pages perdues, volées ? retrouvées font on parle beaucoup.)

Sa correspondance est parfois émouvante (lettre de Saint Malo, ville assiégée, adressée au docteur Gentil ).
"Dans cet univers de fou, Saint-Malo n'est pas épargné tu t'en doutes ! ils ne savent plus si ils nous chassent nous rasent nous brûlent nous assassinent nous font crever de fin, d'enculage ou de faim !"

Mais oh combien il est méprisable dans ses pamphlets antisémites, sa haine obsessionnelle dans d'autres écrits, sa rage délirante. ( Bagatelles pour un massacre...).

Anonyme a dit…

St Malo est bombardé en 1944-45. Qu’´a t-il a voir avec ça ? Il n’est pas au Danemark?

Christiane a dit…

https://www.pileface.com/sollers/spip.php?article1174

Regardez dans ce lien. C'est là que j'ai trouvé une présentation de ces trente-six lettres retrouvées et vendues chez Drouot.
Cette correspondance couvre plusieurs années.
Le docteur Gentil semble être son ami.

Christiane a dit…

J'aime bien suivre les ventes chez Drouot car avant les ventes on peut voir tout ce qui va être proposé, sous vitrine quand il s'agit de photos, de correspondance.

Christiane a dit…

Là dans ces lettres, certaines zones de rage, de mépris, d'envie, d'antisémitisme, on a accès à ces années noires de Céline, sa fuite, ses camouflages et à l'Histoire de ces années terribles. Son besoin de se confier aussi, donc à cette amitié.

Christiane a dit…

zones / pleines

Anonyme a dit…

Puisqu'il est question de loups, quelqu'un sait-il quelque chose sur "la fête du loup vert "; j'ai lu il y a longtemps, une histoire de ce nom; c'est une fête qui se passe en Normandie, mais je ne sais plus si cela concerne toute la Normandie ou seulement une ville ou un village. C'était dans un ouvrage d'un historien français, Pierre Michel; j'ai lu cela dans les années 1980-1984,lors d'un long séjour en Europe, plus exactement en Suisse, à Genève.

Anonyme a dit…

le message précédent était de Claudio Bahia

Christiane a dit…

http://www.normandie-heritage.com/spip.php?article464

C'est à Jumièges ruines splendides d'une abbaye près de laquelle j'ai habité quand j'étais à la fac de Rouen saint-Aignan

Christiane a dit…


Et pourquoi vert, Claudio ?

https://www.france-pittoresque.com/spip.php?article1684

Christiane a dit…

Mais aussi, Claudio, la légende raconte que Saint-Philibert aurait apprivoisé lui-même le loup et lui aurait imposer de ne plus manger de viande, d’où le nom de loup « vert ».

Anonyme a dit…

Merci pour Céline. Je passe aussi à Drouot parfois. Mais quel dommage que votre érudite ne donne pas les détails de la fête du Loup Vert. On dirait une resucée du Loup de Gubbio, Ste Austreberthe remplaçant St François d'Assise, mais je n'y crois pas trop. A bientôt. MC

Christiane a dit…

Ah, MC, le loup vert c'était vous ? Je croyais que c'était Claudio. Avec tous ces messages sans signature, on s'y perd.
Vous ne croyez pas à quoi ? A ces légendes ? J'espère bien ! Sinon je vais vous raconter celle de Marlaguette, un trésor du père Castor que j'aimais beaucoup à l'âge où on apprend à lire ! Encore un loup qu'on essaya de convaincre d'un régime végétarien ! Saint François et le loup de goubio oui, aussi.
Ces braves loups de notre enfance ne remplaceront jamais pour moi celui terrible de la petite chèvre de Monsieur Seguin qui s'est battu toute la nuit avant d'être dévorée.
Je crois que le loup hante les contes en première position. Il a fallu ces dernières décennies pour que le regard change sur cet animal passionnant.
Mais pour l'heure, toutes fenêtres ouvertes,o je quête la fraîcheur tellement éphémère du matin.
Bonne journée aux lecteurs de Soleil vert et aux loups verts ou gris.

Christiane a dit…

Sempé est mort. Un des plus émouvants billets de Pierre Assouline. Nul mieux que lui n'aura compris ses dessins et sa vision de la vie. Il doit avoir beaucoup de chagrin...

Christiane a dit…

A partir de ces légendes du loup je crois comprendre ce qui me met mal à l'aise dans certains romans de science-fiction. J'essaie d'expliquer. Voilà. Je ressens comme une blessure les nouveaux mythes qui tentent de ruiner les mythes originaires dans lesquels je me suis fondée. Une histoire narrative. Est-ce que les grands récits peuvent se perpétuer ?
C'est comme un deuil.
Le monde historique n'organise plus les évènements. Des litiges l'ébranlent. Une continuité est brisée. Même l'idée d'humanité est remise en question. Le présent est opaque. Des questions d'identité me plongent dans une sorte de mélancolie, de deuil. Ma bibliothèque devient mon lieu de narcissisme où se rejoue sans cesse la perte de l'objet aimé. Même Dieu devient une idée. Même la vie sur terre. Le réel n'est plus rationnel. Une défaillance s'est installée, celle pressentie par Adorno (anéantissement nommé Auschwitz). L'origine est minée par la décadence. Les noms ont changé, les lieux aussi, le temps est interrogé différemment... On ne peut plus commencer une histoire en disant : "Il était une fois...". On se répétait l'histoire. On s'y reconnaissait. J'aimais ces rituels. Nous étions nommés dans ces contes. Aujourd'hui, lire certain récit de science-fiction c'est un peu détruire ce qui faisait mon identité. Aussi n'ai-je retenu que les récits où je retrouvais un peu de cette transmission.
Ainsi les textes magiques de Paul Edel ne cessent de me faire ressentir cette nostalgie se repliant souvent sur le passé. Les lisant et lisant les livres qu'il chronique je nage entre deux eaux retrouvant le visible élaboré par le Quattrocento, un monde reconnaissable.
Ombres de Chirico, interminable narration de Proust en proie à trop de temps.
Quand Matisse dessinait sur les murs de la chapelle du Rosaire à Vence, on lui demanda s'il croyait en Dieu. Il répondit : Oui, quand je travaille.
Peindre, dessiner c'est déjà parler de quelque chose. Passou le savait quand il regardait les dessins de Sempé. Il parlait en tournant autour, acceptant de ne pouvoir le cerner.
Donner de la lumière à ce qui s'oppose à la joie, à l'horreur de l'Histoire. Blessure de ce siècle...
Les forêts brûlent.
Rencontrer un mot, un lieu comme un évènement de l'enfance. Sauver l'instant, ne pas s'habituer.
Voilà, j'ai écrit avant de savoir ce que j'avais à dire. Ce que j'écris se perd et me laisse en marge. Qu'est-ce qui me prend ?
L'aventure n'est pas finie... Une moitié de la lune, si brillante cette nuit, cachait l'autre. Cette ombre comme une incertitude. Si elle s'éteignait tout serait obscur...
Je crois que c'est ma réponse au billet de Pierre Assouline à cause de la mort de Sempé.

Soleil vert a dit…

"Aussi n'ai-je retenu que les récits où je retrouvais un peu de cette transmission."

Bien sur. Je m'aventure dans des contrées étranges. Ce monde le devient avec ces menaces d'apocalypses multiformes.
Le mythe du loup-garou remonte à Hérodote dit-on; le petit Chaperon rouge n'est pas loin et meme les fondateurs de Rome ont été allaité par une louve. La bestiole semble aujourd'hui sévir sur certains forums :)

Sempé incarnait une forme d'élégance (la votre aussi). Des personnages enfoui dans des décors gigantesques qui les écrasent.

Christiane a dit…

Merci, Soleil vert, pour ces paroles tellement sages.

Christiane a dit…

Connaissez-vous "Les contes à l'envers" de Philippe Dumas, Soleil vert ? Le petit chaperon rouge devient le petit chaperon bleu marine qui met le loup en cage. Mes petits élèves de 10 / 11 ans adoraient mettre en opposition les contes classiques de Perrault, Grimm, Andersen et ces réécritures. Ils prolongeaient l'amusement en réécrivant des contes et surtout en les lisant à leurs camarades. Histoire de se délivrer par le rire collectif des peurs sournoises des cauchemars.
Mais quand même, ce loup se déguisant en humain pour dévorer un autre humain a des ressemblances avec ces loups-garous.

Anonyme a dit…

Pourtant vous intégrez sans peine la Route de Cormac Mac Carthy, et Christopher Priest, entre autres. Je ne suis pas sûr que les mythes nouveaux vous dérangent tant que cela. Je crois que vous refusez tout simplement d’intégrer ce qui est mal fichu! N’est-ce pas au fond normal ? Bien à vous. MC

Christiane a dit…

En 1942, Jacques Tourneur crée un film remarquable : "La féline" avec Simone Simon dans le rôle de la femme panthère. Ambiance crépusculaire, suggestions au lieu de scènes sanguinolentes, noir et blanc propice aux jeux d'ombres inquiétants. Ce fantastique là, je l'ai beaucoup apprécié. Alors qu'est-ce qui ne colle pas avec ces loups-garous de Galeux ?
J'attendais autre chose de ces transformations plus proche de l'animal totem des indiens. Transformation qui donne à l'homme l'âme et les qualités de l'animal.
De plus, il est vrai que la construction du livre m'a gênée.
Les mythes d'aujourd'hui ? Comme le dit Soleil vert certains sont très anciens. J'en ai découvert de splendides au musée du quai de Branly.
J'ai besoin que ce soit beau. Terrible mais beau.

Christiane a dit…

Je continue à réfléchir sur mon rejet de Galeux. Je crois, hors de la construction du roman, que l'essentiel de mon malaise réside, hors du brouillage des règnes animal et humain de ces créatures hybrides, dans leurs fins maléfiques, leur capacité à nuire, à tuer (même un nourrisson), à dévorer leur proie humaine ou animale dans un univers de squelettes, de cadavres,de lambeaux de peau (parfois déterrés dans les cimetières). Des êtres dangereux.
Il faut pactiser avec la peur et l'effroi pour avancer dans ce roman.
Hors le loup est un animal qui symbolise, outre ses attaques féroces, l'indépendance, la fidélité au clan.
Et les Amérindiens dessinent plutôt des bisons, des chevaux, des oiseaux, des étoiles.
Bien sûr il y a l'évolution de cet adolescent avec cette famille amoindrie, au ban de la société, vivant de petits boulots, de rapines. Mais il faut traverser trop d'horreurs pour le suivre et pas assez de rêves.

Christiane a dit…

Autres impressions
- le passage incessant du je du narrateur -assez limité au début du roman- aux chapitres écrits à la troisième personne beaucoup plus satisfaisants.
- Ces hommes-loups, une fois leur transformation achevée, ne pensent qu'à dévorer, proies vivantes, cadavres, poubelles. Aucun d'eux ne donne l'image d'un loup paisible,digne, beau.
Ils sont uniquement la représentation de l'horrible et manque de chance, à la fin de l'ouvrage, le personnage principal vivra cette abomination.
J'ai repris le roman. Les déshérités du monde ne se reconnaîtraient pas dans ces êtres féroces. La misère ne conduit pas automatiquement au crime.
Pas trop compris ces hommes-lune. Une variation supplémentaire dans l'horreur et les scènes sanguinolentes.
N a-t-il rien écrit de plus poétique, de plus serein ce Stephen Graham Jones ?

Anonyme a dit…

Peut-être une référence mythologique, la transformation en garou ayant lieu en principe la nuit? Oui Jacques Tourneur et Simone Simon, qu’il serait ici fâcheux d’oublier.,.

Christiane a dit…

Je crois que c'est souvent le cas dans le roman.
Ah chic, vous aussi vous avez aimé La féline de 1942. Quel film !

Soleil vert a dit…

Itou
Et aussi "Rendez vous avec la peur"

Christiane a dit…

https://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19540222&cfilm=4373.html

Ça a l'air bien. Je ne connais pas. Je vais essayer de le trouver.