La fin du monde constitue un thème richement illustré
en littérature de science-fiction par des auteurs anglo-saxons de premier plan
comme Wells, John Wyndham, J.G Ballard, Thomas Disch, et de non-moins
talentueux écrivains français tels J.-H Rosny aîné, René Barjavel, Jean-Pierre Andrevon, B. R. Bruss.
On y associe souvent un second courant dit postapocalyptique, focalisé sur la
survivance, encore plus abondant et pas avare d’auteurs prestigieux tels
Stephen King, McCarthy, Richard Matheson, Walter M. Miller, Robert Merle etc. Pour
autant, le catastrophisme ne noircit pas forcément le tableau d’ensemble des dernières
heures, jours ou années de notre planète. Ray Bradbury avait imaginé avec la
nouvelle « La nuit dernière » extraite de son recueil L’homme
illustré, une extinction de l’Humanité en un dernier soupir. A l’inverse,
dans son cycle de La Terre mourante, Jack Vance racontait les péripéties
d’un aventurier au sein de cités en ruine. Sur le chemin d’un futur
inimaginablement lointain la magie s’était substituée à la science, sous l’œil,
selon l’expression d’un Robert Silverberg admiratif, « d’un soleil
rouge et fatigué »
« Soleil rouge et fatigué ? ». Notre étoile ressemblera effectivement à cet astre dans quelques milliards d’années. A quelques détails non négligeables près. Ayant épuisé tout son hydrogène, elle entamera la combustion de l’hélium produit jusque-là, s'assombrira et enflera démesurément. Comme Cronos, elle absorbera ses enfants à commencer par Vénus, Mars et peut-être la Terre. Dans le meilleur des cas toute vie aura abandonné notre berceau natal depuis des éons. L’histoire imaginée par Jack Vance ne serait-elle donc qu’une vue de l’esprit ? Peut-être pas. En effet la majorité des étoiles de notre Galaxie sont des naines rouges. Ces soleils de taille inférieure ont une luminosité n’atteignant pas cinq pour cent (1) du notre. Leur durée de vie oscillerait entre quelques dizaines et quelques milliers de milliards d’années. Et autour orbitent des planètes. Sont-elles habitables ? A condition d’évoluer, nous disent les scientifiques, au plus près de l’astre-hôte pour conserver une température de surface acceptable. (2) Mais cette proximité aurait un prix, une exposition dramatique aux tempêtes solaires et une absence de rotation comme notre lune en raison de l’effet de marée gravitationnelle, préjudiciable à la circulation de la chaleur. Une telle difficulté peut être contournée, disent ces mêmes scientifiques jamais à court d’arguments si notre petit bout de terre circulait lui-même autour d’une planète géante. Cela fait beaucoup de si mais l’Univers est tellement vaste que toutes les combinaisons sont possibles, y compris la possibilité d’apparition d’une photosynthèse utilisant le spectre du proche infrarouge.
Après toutes ces circonvolutions, émettons l’hypothèse de la présence d’une forme de vie et mieux, d’une forme de vie consciente. Quel système de pensée développerait-elle ? Lorsqu’on se retourne vers l’espèce humaine on ne mesure peut-être pas à sa juste valeur l’influence de la lumière du soleil jaune sur nos consciences. Religions, connaissance, philosophie morale, art, tout gravite autour du champ lexical de l’illumination, de la révélation, de la beauté éclatante (3). Dans la semi-obscurité de leur monde, les adorateurs de l’astre pourpre vivraient-ils comme les cavernicoles de Platon, étrangers à la vérité ou au savoir ? Peut-on élaborer une métaphysique sans lumière ? Qu’est ce qu’un Au-delà au sein d’une pénombre ? En attendant d’éventuelles réponses, imaginons sans la comprendre l’existence d’innombrables générations se succédant sous l’œil d’un éternel soleil couchant.
(1) Wikipedia :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Naine_rouge#cite_ref-4
41 commentaires:
Magnifique, Soleil vert, c'est exactement ce qu'il fallait pour revenir à la science-fiction qui est une des façons d'interroger les fins dernières
Ce billet ouvre un faisceau d'explorations littéraires. Merci.
Merci aussi pour les illustrations.
Quand on tape jacques Vance sur un moteur de recherche bien connu, après l'encart wikipedia on arrive sur un lien menant à votre site. Bravo, Soleil vert.
Très bien aussi le lien que vous donnez pour arriver au site "La terre mourante".
Jack
Merci fidèle Christiane.
"Sur le chemin d’un futur inimaginablement lointain la magie s’était substituée à la science, sous l’œil, selon l’expression d’un Robert Silverberg admiratif, « d’un soleil rouge et fatigué »"
Cette image me parle comme une toile de Rothko. Une immersion dans la couleur d'une inquiétante étrangeté. Celles où le rouge domine. Et une en particulier " Black over Reds". Un artiste capable de traduire la tragédie humaine par des couleurs et des lumières.
Le héros que vous décrivez me fait penser à une autre toile de Rothko : "White, Red on Yellow". C'est le triomphe de la lumière gagner sur la nuit. Les rouges sombres s'éclaircissent et le noir disparaît.
Mais là où je vois de la lumiere, Michel Butor, voyait une toile particulièrement dramatique avec des rouges fuligineux et des blancs d'ossements dans une toile sans titre dont Rothko ne voulut jamais se séparer. Elle est semble-t-il au Museum d'art moderne du Japon.
Temps intemporel et sans limite qui convient bien à ce "Soleil rouge et fatigué... Notre étoile ressemblera effectivement à cet astre dans quelques milliards d’années." dans l'histoire imaginée par Jack Vance.
Vous posez les bonnes questions, Soleil vert : "Peut-on élaborer une métaphysique sans lumière ? Qu’est ce qu’un Au-delà au sein d’une pénombre ?"
J'ai trouvé douloureux l'assombrissement progressif de ses toiles comme les huit immenses créations exposées dans la chapelle octogonale de Houston. Une opacité décourageante qui incite à une contemplation métaphysique de la mort. Une expérience tragique présente dans l'art et la science-fiction... La mort et la résurrection dans la mythologie classique, des cercles orphiques...
Je lirai ce livre en pensant à Rothko...
Sous peine de passer pour un dangereux maniaque, Hors de la Terre, I: »le soleil/ N’était plus qu’un point rouge au fond du gouffre obscur »….Et maintenant , Soleil Vert peut-il me dire par où commencer Vance? C’est une question que j’ai posé à des Vanciens et qui n’a jamais reçu de réponse. Je profite donc que ce sujet soit abordé . Bien à vous. MC
Cela dit , dernier mot, ce Hugo de Space Opera ou Satan serait une sorte de Surfer d’ Argent vaut la peine d’être lu. Je recommande aux science-fictionneux toute l’ouverture.
C'est étrange, Soleil vert, je découvre que Jack Vance a été aveugle à partir des années 80, mais qu'il avait continué à écrire sur ordinateur grâce à un logiciel adapté. Sa femme corrigeait les fautes de frappe dues à cette conversion imparfaite oral / écrit et lui soumettait ses corrections.
Je me rends compte que cette présence des toiles de Rothko envahies peu à peu par le noir écrasant les rouges, c'est l'histoire de cette cécité progressive due à un glaucome, je crois. Je l'ignorais alors. Quel étrange pressentiment.... Lien aussi avec cette photo magnifique que vous avez placée dans votre billet. Lien encore avec dans "La terre mourante" ce vieux soleil rouge qui se meurt et prépare le monde à la nuit et au froid.
Nous avançons dans une forêt de symboles que Baudelaire n'aurait pas reniée...
J'ai feuilleté le livre longuement à la médiathèque.
Il y a peu de paysages écrits. C'est plutôt un conte, mais pas un conte pour enfants. J'aime beaucoup le personnage de Cugel l'astucieux qui échappe par la ruse aux sortilèges maléfiques d'Iucounu mais qui ensuite se trompant dans ses incantations se propulse là où il ne voulait pas aller, entraîné par un démon.
Cette astuce qui n'a pas fonctionné : lui donner une fausse capsule à poser sur son œil pour faire la paire avec celle qu'il possèdait déjà afin de créer un effet de discordance entre le réel et l'illusoire, inscrit, hors le conte, ce tiraillement que nous vivons entre fiction et réel.
Il y a plein de méditations secrètes cachées dans les actes et intentions des personnages. Un langage très inventif aussi. Je pense à Raymond Queneau qui jouait tant avec le langage.
Baudelaire
Correspondances
"La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.
Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
- Et d'autres, corrompus, riches et triomphants,
Ayant l'expansion des choses infinies,
Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens,
Qui chantent les transports de l'esprit et des sens."
Les fleurs du mal... Cela va bien avec l'ambiance des nouvelles de cette Terre mourante...
Rimbaud disait bien que c'était le premier des voyants...
"Prenez un mot prenez en deux
faites les cuir’ comme des oeufs
prenez un petit bout de sens
puis un grand morceau d’innocence
faites chauffer à petit feu
au petit feu de la technique
versez la sauce énigmatique
saupoudrez de quelques étoiles
poivrez et mettez les voiles
Où voulez vous donc en venir ?
A écrire Vraiment ? A écrire ?"
Queneau
Queneau comme Vance aime les jeux de langage : (déplacements de lettres, provoquant des déviations de sens). Ils s’amusent beaucoup avec la plasticite de la langue.
Un passage qui va ravir M.C. :
"Un grand claquement d'ailes fouetta l'espace ; une silhouette noire à la tête hideuse le toisait. Une serre s'abattit ; Cugel fut soulevé de terre et emporté vers le nord, trahi une fois de plus par une pervulsion mal placée.
Le démon vola pendant un jour et une nuit sans cesser de maugréer."
Soleil vert, votre fiche est épatante sur Cugel : "Les pérégrinations de Cugel occupent deux romans, "Cugel l’astucieux" et "Cugel Saga". Victime de la malveillance du magicien Iucounu, l’aventurier est projeté à deux reprises au-delà de l’Océan des Soupirs, bien loin de chère Almérie. Intelligent, malin, pas très scrupuleux, sa route croise une faune peu recommandable, des magiciens, des cités aux coutumes étranges. Les textes les plus intéressants lorgnent du côté de Swift. Ainsi, dans « Le Monde Supérieur », Cugel traverse deux villages Smolod et Crodz. Dans le premier vivent des êtres indolents porteurs de lentilles de vue de couleur violette Elles ont pour effet de transfigurer le bourg minable en une cité merveilleuse. Les villageois de Crodz assurent la subsistance de ceux de Smolod. Pour prix de leur travail, le plus méritant d’entre eux hérite des lentilles d’un habitant de Smolod décédé. Comme à son habitude, Cugel perturbe le jeu en dérobant l’une d’entre elles pour le compte de Iucounu. Le villageois spolié et l’aventurier s’affrontent de façon drolatique, chacun bénéficiant d’une vision double. Un récit de Cugel Saga montre une contrée ou les hommes d’une cité passent leur journée sur une colonne. Chacun exige d’être placé sur la plus haute. Cugel imagine d’alléger la tâche du pauvre hère chargé d’insérer les pierres dans les colonnes, en diminuant leur hauteur .Vance traite avec verve et humour cette allégorie de l’ascension de l’échelle sociale. Comme à l’habitude son héros ne tire pas profit de ses agissements : fuyant le lieu de ses exploits où il prend soin de ne pas remettre les pieds, il égare sacs de sesterces et onguents magiques… Tout juste parvient il à sauver sa peau."
Vous faites un portrait réussi de ce personnage picaresque, pas trop scrupuleux, malin parfois, malhabile d'autres fois. Des nouvelles qui font de son aventure une suite endiablée d'épreuves sournoises. C'est très amusant, pas très sérieux car c'est un antihéros devenu baroudeur par obligation et ne cherchant souvent qu'à dormir ou à se restaurer. Il n'éprouve aucune gêne à tuer ses adversaires et n'est pas assez honnête pour remercier ceux qui l'aident.
Son ennemi juré, le magicien Iucounu est une vraie crapule.
Vraiment un roman picaresque.
Me manquent méditations et romantisme.
Quant au soleil qui se meurt et la terre aussi, ils semblent tous s'en moquer, se repliant égoïstement sur leur bien-être ou leurs désirs de richesse. Une vraie Cour des Miracles moyenâgeuse.
Pas mieux ! SV
Il y a une cocasserie salutaire dans cette première partie de l'histoire de Cugel
J'aime assez qu'ayant faim il capture la créature que Pharesme attendait depuis cent ans sans savoir ce qu'elle représente, la fait cuire sur un brasero, la dévore tout en trouvant la chair caoutchouteuse.
Et que devant le désespoir de Pharesme il n'a qu'une réaction et une question : "Quels dont les effets sur la digestion ? Est-ce que les divers composants de l'espace, du temps et de l'existence garderont leur identité après être passés tout au long de mes voies internes ?"
Jack Vance ne se prend pas au sérieux. Il semble rire de ses facéties, reprenant des poncifs de l'héroic-fantaisy pour les dégonfler un a un. Toutefois c'est un peu long. Je ne suis pas certaine d'aller jusqu'au bout car les récits se succèdent sans modifier le tempérament insouciant de Cugel , personnage pour lequel on n'éprouve pas vraiment de sympathie. D'ailleurs aucun des personnages n'est attachant. Ils sont tous plus lassants les uns que les autres.
Mais je suis contente d'avoir ouvert ce gros livre. J'ai aimé penser ay cet homme toucher par la cécité et continuant à écrire des contes drolatiques et riches en inventions diverses.
C'est l'histoire d'un homme qui a enfoui dans cette fiction son monde intérieur qui allait devenir tout noir. Un adieu au soleil, à la lumière. Chapeau l'artiste !
sont
Heroic fantasy
https://fr.wikipedia.org/wiki/Heroic_fantasy
Merci, Soleil vert. Ce qui est formidable c'est de pouvoir partager nos impressions de lecteurs.
(J'ai aimé penser à cet homme touché par la cécité )
Ce qui me frappe dans cette succession d'aventures folles vécues par Cugel, ce sont les illusions suivies de la découverte des tromperies des apparences, de la veulerie des personnages. Il finit par se laisser porter par le hasard, cherchant dans toutes ces situations à se sortir de grands dangers, à manger, à dormir. Avec un rêve retourner sur sa planète qui ressemble fort à la terre.
Ce qui me frappe encore dans son écriture c'est cette habilité à introduire des détails réalistes, plausibles et de les rendre extravagants par leur accumulation dans une situation donnée.
Beaucoup de pointes qui piquent et transpercent , d'objets tranchants. On meurt beaucoup, seule échappatoire au danger. Je sens qu'il va devenir de plus en plus indifférent, désabusé. Son ennemi juré Iucounu est aussi son repère. Je ne sais pas préciser mais tous les deux donnent le rythme à la saga.
C'est un peu dans l'esprit des voyages de Gulliver .
Plus j'avance dans ces deux romans consacrés à Cugel plus il me semble que la dérision balaie toutes ces aventures. Oui, le fond est une fin du monde où le soleil se meurt mais les gens sont devenus des êtres désabusés, animés de sentiments égoïstes, moches, cupides. Cugel le premier. Ils n'ont aucune curiosité, acceptent de vivoter là où ils sont, cherchant à protéger leur semblant de confort ou à le voler s'ils sont envieux.
Même la magie est fatiguée, pleine de ratés. Les signes d'opulence sentent le toc. Pas de vie culturelle, pas de désir sensuel ou sentimental. D'ailleurs je n'ai rencontré aucun couple harmonieux. Il n'y a pas de beauté, pas d'espérance et pourtant c'est drôle à cause de ces échecs, de ces caricatures. "Moi, moche et méchant"...
L'outrance sauve les deux romans d'une ambiance cafardeuse. Puisque l'auteur s'amuse, le lecteur lui emboîté le pas.
Et puis c'est très bien écrit. Langage précis, riche et souvent inventif.
Mais j'ai besoin d'autres lectures en même temps pour ne pas abandonner celle-ci que je lis au rythme d'un feuilleton, épisode par épisode.
C'est vraiment un livre à part dans les romans d'heroic fantasy, de science-fiction. Un double roman à part maniant la mollesse d'une répétition dérisoire peut-être pour dénoncer les avatars de notre société où tant plongent dans l'indifférence, le fric et le superficiel.
Un moraliste ?
"Le soi cherche ses complémentaires et ses pairs. Là où le moi, tout empêtré, tout encombré de fantômes, titube, trébuche, s'égare, revient sur ses pas, se contredit, le soi affirme et va droit devant lui."
(L. Daudet, Hérédo, 1916, p. 163).
Voilà, JJJ, ce qui me vient en lisant ces étranges romans et certains commentaires sur le blog où vous aimez vous exprimer.
Quant à l'anecdote écrite par Damien pour les lecteurs de ce même espace commentaires, il se trompe non sur le contenu des livres proposés mais sur le cheminement qu'il aurait pu suivre pour conduire l'autre vers une lecture que l'on aime, que cet autre aurait pu aimer. A-t-il demandé à cette jeune femme si elle aimait lire ? Ce qu'elle aimait lire ? Et si c'est le cas lui emprunter un livre pour echanger. A-t-il oublié d'amorcer son désir de plonger dans le livre que lui avait choisi en lui lisant par exemple un passage qui aurait pu la faire vaciller ? ( pas tituber) S'est-il intéressé à son moi plutôt que de choisir les certitudes du soi ?
Difficile de comprendre où il se situe entre confidence, provocation ou confession.
Le site de Soleil vert est reposant. On lit si on le désire. On s'exprime si on le désire, on cherche, on se contredit, on relit où on referme un livre. C'est vivant et libre. Je suis vraiment bien ici.
http://www.juanasensio.com/archive/2022/02/13/l-heredo-de-leon-daudet.html
Voilà l'essai à croiser avec ces romans de Jack Vance quand on s'interroge sur ces images étonnantes et souvent cruelles qui se succèdent dans les aventures de Cugel.
Le billet de Juan Asensio est remarquable qui installe dans un dialogue imaginaire mais plausible Daudet et Bernanos.
Un regret,on ne peut mettre de commentaires sur le blog de Juan Asencio,c’est certainement son choix .
Il doit passer beaucoup de temps dans ses lectures. Ses billets vont au fond de sa pensée jusqu'à ce qu'il trouve l'explication de son intuition. C'est parfois difficile de le suivre tant il est en combat avec ses propres pensées. Puis on s'habitue. Lire lentement, avec des pauses. Se laisser le temps de réfléchir. de peser chaque phrase, chaque mot. Revenir au livre dont il parle.
Ne pas oublier aussi que son univers est sombre concernant l'avenir de la littérature ou son interrogation sans fin sur le bien et le mal. Là, pour cet essai de Léon Daudet, il est au plus près de l'énergie nécessaire pour devenir malgré l'emprise du milieu culturel qui a été notre matrice et ceci en partie en affrontant les images qui naissent de notre subconscient et qui pour un écrivain deviennent matière à création. Heureuse, au passage, d'avoir retrouvé l'immense Bernanos et ses angoisses...
"Cosmogonie personnelle, féérie intérieure"... Oui. Ici pour Jack Vance, ça devient lumimeux comme un soleil rouge qui s'éteint dans la nuit de la terre mourante.
Où Léon Daudet est fort c'est quand il écrit que cette "cosmogonie intérieure», compose la personnalité intellectuelle, morale, organique du moi, susceptible d'être surveillée, dirigée, contrainte, équilibrée par le soi, mais susceptible aussi de masquer et recouvrir le soi, d'émousser sa volonté agissante et de tromper finalement sa sagesse. "
Comme "une infinité de sphères, dessinant par leur ensemble des "hérédoconstellations", le tout en perpétuel mouvement (...)"
Et justement Jack Vance dynamite toute conscience de la morale. Rien ne masque ni n'émousse la volonté de Cugel. Il se laisse aller sans trop se poser de questions aux larcins, aux mensonges, aux fuites, au crime et continue son chemin, presque insouciant.
Alors, plutôt que moraliste je pense maintenant aux dérives du moi anarchiste qui prend le gouvernail dans un paysage de fin du monde.
Soleil vert, cette lecture est un puits sans fond.
Et qui s'y penche y voit la lune d'y refléter.
Conte éthiopien
"Par une belle nuit d’été, Nasrudin Hodja se rendit dans son jardin, un seau à la main, pour puiser l’eau du puits. Il se pencha pour voir si le seau était plein, et fut effrayé de trouver la lune dans l’eau du puits. — Quelle catastrophe ! La lune est tombée dans le puits ! Il retourna chez lui, prit un seau plus grand, espérant ainsi la sortir de là. Il fixa le seau à la poulie et se mit à tirer de toutes ses forces. Malheureusement la corde céda et il tomba à la renverse. Un peu étourdi, il se remettait lentement du choc, quand il rouvrit les yeux et … vit la lune dans le ciel. Avec un soupir de soulagement, il s’exclama : — Peu importe si je me suis fait mal, j’ai réussi à remettre la lune à sa place !"
Cugel déguste les sot-l'y-laisse d'une volaille. Qu'est-ce donc ?
Il s'agit à l'origine d'une locution verbale : « le sot l'y laisse », c'est-à-dire qu'on n'y touche pas en raison du caractère « bas » du morceau, alors qu'il est réputé pour sa tendreté et sa délicatesse.
Un entretien qui prolonge les questions que vous vous posiez.
https://www.actuabd.com/Junji-Ito-maitre-du-manga-d-horreur-J-aimerais-que-mes-oeuvres-soient-lues-le
Un billet pavesien tombe sur le site de Paul Edel comme une brume du passé. Beaucoup de tendresse et beaucoup d'humour.
Quand il écrit avec tant de précision les gestes des uns et des autres, les siens, ses pensées, on reconnaît ces mêmes gestes -et pensées - dans nos vies. Je pense aussi, le lisant, aux pages douces-amères d'Olivier Rolin.
Et cette gravure de Calot, un grand moment pour ce qu'il voit de ces trentenaires.
Et là, pas de belles romaines, ni de désir sensuel. Juste un père très occupé ! et des copains un peu égoïstes.
A la fin, la paix retrouvée du paysage calme et silencieux.
Ne ratez pas la réponse que Paul Edel donne à JC Barillon dans l'espace commentaires a propos de ce texte. Elle est tellement le cri du cœur. Même deuil que dans Tigres de papier d'Olivier Rolin. Ou dans le Dur métier de vivre de Pavese.
Ces hommes sont plein d'échardes, comme vous ( en bas à droite...). Aussi, le miracle du texte précédent ( la pause des infirmières) est nécessaire comme l'eau à la soif.
https://www.seuil.com/ouvrage/tigre-en-papier-olivier-rolin/9782020375061
Tigre en papier
"Le métier de vivre, c'est d'abord, pour Cesare Pavese, celui d'écrire. Et c'est pourquoi son "journal intime" fait partie des oeuvres majeures du XX? siècle sur la création. Mais le lecteur trouvera dans ces pages d'autres sources d'émotion et de réflexion. Car Pavese se met à nu. Jour après jour, il s'interroge sur le sexe, les femmes, l'amour, l'amitié : la finitude et la mort aussi. Ses mots vibrants et sans concession font écho à nos peurs et à nos combats. À notre métier - celui de vivre."
Martin Rueff dans la préface ( Quarto Gallimard)
David Elbaz, astrophysicien, explique :
"On sait qu’il y a eu un moment dans l’histoire de l’univers où il n’existait pas une étoile, pas une galaxie, rien. On appelle ça la première nuit primordiale de l’univers. Cette nuit s’est arrêtée avec une première aube et la naissance des premières sources de lumières.L’univers est un livre d’histoire nous
montrant le passé. Et on sait qu’il y a des milliards de planètes, dont certaines analogues à la Terre, et on va essayer d’explorer l’atmosphère de ces planètes et voir si elles sont habitables. "
Et vous, Soleil vert, ayant choisi de chroniquer "La terre mourante" de Jack Vance, vous interrogez le futur et vous rappelez à propos de ce "Soleil rouge et fatigué» du roman de Jack Vance :
"Notre étoile ressemblera effectivement à cet astre dans quelques milliards d’années. Ayant épuisé tout son hydrogène, il entamera la combustion de l’hélium produit jusque-là. Son diamètre et son éclat auront considérablement augmenté. Comme Cronos, il absorbera ses enfants à commencer par Vénus, Mars et peut-être la Terre. Dans le meilleur des cas toute vie aura abandonné notre berceau natal depuis des éons. L’histoire imaginée par Jack Vance ne serait-elle donc qu’une vue de l’esprit ?"
Entre ce passé lointain et ce futur tout aussi lointain, quel vertige... Dans un cas , nous n'étions pas là, dans l'autre , nous ne serons plus là...
Mais aujourd'hui nous sommes là. La vie inquiète nous invite à interroger un passé proche, un futur proche. Notre imaginaire s'incline souvent devant notre mémoire, devant l'évolution des êtres qui nous entourent, devant ceux qui nous ont quittés. Des aubes proches sont dans les mains de nos petits-enfants mais aussi , hélas, dans celles des fous de guerre...
Aussi les livres, la tenace argumentation des philosophes, des romanciers, des poètes , des artistes, nous donnent envie d'aller au-delà du visible, au-delà de l'imaginable, une pensée légère puisqu'elle évolue , indépendante de notre propre sort.
PS : ce que j'aime ici, chez vous, Soleil vert, ce sont les rapports horizontaux, les dialogues.
Ailleurs... C'est parfois l'arrogance de ceux qui pensent posséder le savoir et être attendus uniquement dans le rôle d'instruire. Ils oublient de recevoir de l'autre, aussi humble soit-il.
Dans certaines circonstances, un morceau de pain est essentiel...
Corrections grammaticales 13/12/2023.
Vous corrigez des fautes grammaticales ? Où donc ?
L'occasion de relire ce magnifique billet et de prolonger les questions qu'il pose. Merci.
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