Robert
Jackson Bennett - Le Retour du Hiérophante
- Albin Michel Imaginaire
Dans Les maîtres enlumineurs le lecteur découvrait l’existence
d’une Cité marchande, disons un univers, régi par la magie des enluminures. Une
idée très originale, à la frontière des genres, entre Terremer et le cyberpunk. Comparables à un glyphe, elles détournent
les lois physiques d’un objet sur lesquelles elles s’appliquent. Un chariot s’envolera
par exemple si une inscription le convainc que la gravité s’exerce en sens
inverse ; qu’importe si votre habitation est construite sans fondation,
une instruction ad hoc lui prouvera le contraire. Leur emploi généralisé engendre
une économie florissante à la base de la création des quatre Maisons marchandes
qui exercent de fait un pouvoir sans contrôle sur Tévanne. La croissance des
richesses d’un petit nombre a pour corollaire le surgissement d’un prolétariat
aux portes de la ville, « les Communes », peuplé tout à la fois de sous-traitants
et d’exclus en tous genres, voir même d’esclaves dans « les Plantations ».
Sur fond de révolte, le premier volume racontait les
exploits de la voleuse Sancia Grado ; elle dérobait à la maison Michiel un
objet mystérieux appelé « Clef » dépositaire d’un esprit. L'héroïne s’était associée à une petite équipe comprenant Bérénice et Orso des enlumineurs,
entendez par là des programmeurs, et Gregor, fils rebelle de la chef de la
maison Dandolo. Ensemble ils avaient créé « Interfonderies » dans
le but de concurrencer les Maisons marchandes, voire de les éliminer. Le Retour
du Hiérophante démarre par une expédition des rebelles dans l’une d’entre
elles, les Michiel. Leur objectif n’est rien moins que de dupliquer leur « Lexique »,
autrement dit la bibliothèque de codes à la base de la conception des
enluminures. Mais à l’euphorie née du succès de l’entreprise succède l’angoisse
du retour annoncé de Magnus Crasedes, premier des hiérophantes. Les
hiérophantes, anciennes puissances régnantes et supposées disparues, transgressaient
les lois de la création. Leur maitrise inégalée des enluminures s’accompagnait
de sacrifices humains.
Second tome attendu du cycle, Le Retour du Hiérophante ne
déçoit pas. Mais ce satisfecit recouvre des appréciations hétérogènes. Le
rythme est soutenu tout au long des six cents pages, reposant sur l’affrontement
entre la bande à Sancia et Crasedes, les premiers disposant d’outils de technologie
hiérophantique comme Clef ou l’imperiat et bénéficiant de l’aide ambiguë de l’IA
Valeria. L’amour de Sancia et Bérénice (un prénom Racinien en plus) aurait pu servir
de trame à une dramaturgie. L’interrogation sur les origines du conditionnement
de la jeune femme, de Gregor et de Clef ouvre certes des lignes narratives ; mais Robert
Jackson Bennett mise tout sur Crasedes, double plus que terrifiant de l’Hadès interprété
par Ralph Fiennes dans Le Choc des titans. Il y a ce moment de vertige kabbalistique
page 333 où Valéria évoque un lieu secret, porte entre les mondes, vestige de
la présence d’un Créateur, architecte du Réel conçu comme un appareil enluminé.
Le final complexe ouvre la voie à une suite tout en concluant
sur un débat éthique. Pour endiguer la violence faut-il priver l’espèce humaine
de liberté ou de technologie ? En tout cas ce roman de cape et d’enluminure
se lit d’une traite.
In memoriam Vangelis: en route pour 1A 0620-00 avec Stephen Hawking
47 commentaires:
https://www.youtube.com/watch?v=8a-HfNE3EIo
J'aime beaucoup aussi la musique qu'il a composée pour le film britannique "Les Chariots de feu" de Hugh Hudson, (aventures de deux athlètes aux Jeux olympiques de Paris de 1924 sur un scénario inspiré d'une histoire vraie).
Encore une très belle couverture ! De qui est-elle ? Qu'y voyez-vous ?
Couverture de Didier Graffet.
Qu'y vois-je ? Le Prince des Ténèbres
Ah, merci, très belle illustration. Didier Graffet, excellent. Les Jules Verne pour Gründ superbes. Vu une expo de lui à Paris. J'aime son imaginaire, sa précision, ses choix de couleur. Son nom a été la clé de ses souvenirs. Ici, ce monde des ténèbres qui naît du personnage qui devient le lieu de l'histoire, une région d'ombre, une révolte du temps.
Vous dites Le prince des ténèbres, la lutte entre l'acceptation du mal lié à la liberté des choix de l'homme.
Hugo n'est pas loin avec La fin de Satan ou Borges avec ses mondes imaginaires ou J.Verne qui a tant ébranlé mon imagination d'enfant.
Vous précisez pour chaque livre le problème éthique posé. Le bien et le mal, l'ombre et la lumière.
Bien sûr que les romans sont le lieu par excellence où la conscience reste béante sur les dilemmes de l'homme. Les conflits, la répétition muette de la mort. L'homme comme une invention dans la science-fiction. Dans ce ciel, deux mondes s'emparent l'un de l'autre. Duel... l'un est-il le reflet de l'autre ? Robert Jackson Bennett dans cette trilogie creuse le recommencement, la présence du début, le retour, comme dans un imaginaire qui se courbe sur lui-même. Un cheminement sans espoir, sans borne dans ces entrelacs, fragments emmêlés d'un monde chaotique où l'invisible est solidaire du visible. Rencontres insolites et bizarres dans l'espace vide du futur. Penser l'origine, le futur ? l'homme n'y est pas contemporain de ce qui le fait être vivant.
Encore une fois, la même question me taraude : comment les mots réussissent à représenter la pensée ? L'écrivain fait venir cette similitude jusqu'aux signes de l'écriture. Les textes écrits créent un ensorcellement, un vaste espace à interpréter par le lecteur. Sans les livres la parole resterait muette.
ces
"SF et langage", votre billet du 23 avril 2021.(accès par la colonne de droite ou moteur de recherche)
Je viens de lire cette exploration du langage comme lien entre les hommes et barrière entre les hommes et les E.T. sur votre blog.
Et là, la lecture croise la mienne, ainsi : "le langage n’est pas un système arbitraire ; il est déposé dans le monde et il en fait partie à la fois parce que les choses elles-mêmes cachent et manifestent leur énigme comme un langage et parce que les mots se proposent aux hommes comme des choses à déchiffrer. La grande métaphore du livre qu’on ouvre qu’on épelle et qu’on lit pour connaître la nature, n’est que l’envers visible d’un autre transfert, beaucoup plus profond, qui contraint le langage à résider du coté du monde, parmi les plantes, les herbes, les pierres et les animaux. » [Michel FOUCAULT -
"Les mots et les choses"]
Ce livre paru dans la collection "tel" de Gallimard est un ravissement. Je l'avais acheté pour lire son regard sur le tableau de Vélasquez "les Menines" (musée du Prado) dont un détail figure sur la couverture. L'ouvrage est de 1990. Il n'a pas pris une ride.
Le chapitre I est une lente et sûre exploration du tableau. Le tableau peint par l'artiste nous tourne le dos. Nous ne voyons pas la face de la toile, seulement l'infante entourée de courtisans. Que peint le peintre installé devant ce chevalet ? Notre regard se fixe alors sur un miroir minuscule. Miroir trompeur. Il pourrait refléter la toile mais il n'en est rien. Il montre ce qui demeure hors de notre regard mais pas de celui du peintre ni de l'infante entourée de duègnes et des nains qui regardent aussi ce qui est absent pour nous : le roi Philippe IV et son épouse reflétés dans le miroir. Il y a donc deux centres dans ce tableau.
Tout à fait ma position de lectrice quand je lis vos chroniques de science-fiction. Vous me donnez accès à un espace insoupçonné. Vos billets sont des reflets qui m'attirent à l'intérieur de ces livres que vous chroniquez et que je ne connaissais pas. Jules Verne... puis le temps a passé.
Michel Foucault écrit pages 33 et 34 de ce livre : "Dans la vaste syntaxe du monde, les êtres différents s'ajustent les uns aux autres ; la plante communique avec la bête, la terre avec la mer, l'homme avec tout ce qui l'entoure."
De cette similitude, il passe à une autre la connivence spatiale qui pourrait être "affranchie de la loi du lieu, et jouerait, immobile, dans la distance. Un peu comme si la connivence spatiale avait été rompue et que les anneaux de la chaîne, détachés, reproduisaient leurs cercles, loin les uns des autres, selon une ressemblance sans contact. (...) quelque chose du reflet et du miroir" pour que "les choses dispersées, à travers le monde se donnent réponse. (...) et parcourent en silence l'espace".
Pour moi, cette écriture de science-fiction reste encore une chose opaque, une masse fragmentée, énigmatique. Des romans métaphore. Allégoriques. Des signes pour poser une interrogation.
Je les lis comme je regarde la toile de Vélasquez.
Voilà et le tableau et un grand extrait du livre de Michel Foucault :
ean-paul.desgoutte.pagesperso-orange.fr/ressources/son_image/menines/Analyse_menines.htm
http://jean-paul.desgoutte.pagesperso-orange.fr/ressources/son_image/menines/Analyse_menines.htm
Voilà, c'est mieux !
Je reprends ce passage de votre billet : "Comparables à un glyphe, elles détournent les lois physiques d’un objet sur lesquelles elles s’appliquent. Un chariot s’envolera par exemple si une inscription le convainc que la gravité s’exerce en sens inverse ; qu’importe si votre habitation est construite sans fondation, une instruction ad hoc lui prouvera le contraire."
Comment prouver à des objets une nature contraire à la leur ? C'est un exemple très étrange. Les objets ne peuvent ni être convaincus ni recevoir une preuve quelle qu'elle soit. Ne serait-il pas plus cohérent que ces fausses évidences perturbent la pensée et les actions de celui qui conduit le chariot où habite la maison ?
C'est , à part cette remarque, une idée qui n'a rien d'impossible dans le monde des humains. Des mots (inscriptions - discours - propagande...) peuvent dans des régimes autoritaires avoir l'effet d'un lavage de cerveau ou d'un anesthésiant et faire que certains croient à ces dires et agissent en fonction de ces fausses vérités.
Dans votre article du 23 avril 2021 "SF et langage" vous abordez ce sujet.
> Comment prouver à des objets une nature contraire à la leur ?
Le Golem ?
> SF et langage, actualisation d'un texte publié sur le Net en septembre 2005
https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Le_Golem_(Meyrink)#:~:text=Le%20roman%20suit%20les%20traces,'implore%20de%20l'aider.
Celui-ci ?
Une légende très ancienne, très puissante. Des lettres gravées sur son front qui l'oriente vers la mort ou la vie.
C'est tout un imaginaire qui a inspiré des cinéastes, des romanciers (dont Pierre Assouline)
Sur son front figure le mot emet (אמת, « vérité ») qui devient, lorsque sa première lettre est effacée, met (מת, « mort »),.
Ah, c'est bien.vous ouvrez un chemin imaginaire.
"SF et langage, actualisation d'un texte publié sur le Net en septembre 2005".
Oui, passionnant car le langage devient outil, comme pour le golem d'ailleurs.
C'est en fin de compte très proche des personnages terribles qui hantent l'imaginaire des enfants. Des grands, des monstres qui soit tuent soit sauvent. La panoplie des contes traditionnels revue et corrigée par la science.
J'ai regardé quelques épisodes de la série Fringe et la totalité de ceux de la série Vers les étoiles. Il y a des visages doux et de belles histoires dans ces imaginaires horribles. Toujours la mort comme une interrogation sans réponse et le mal. Des inventions délirantes nées des sciences, pas très rassurantes. Et toujours des virus, des explosions, des meurtriers en liberté comme les ogres de l'enfance. Pourquoi aimons-nous avoir peur ( pour de faux !) ?
Les illustrations des anciens Grund cartonnés ? Vous me renvoyez au Matthias Sandorf, et pour l’originale, à le petite Hetzel palpée cet après-midi au soleil de Marseille, ps très loin de la Cannebiere ! Bien à vous. MC
Ah chic, vous pouvez à nouveau voir vos commentaires s'afficher !
Et vous voilà bien loin de la Bretagne. Oui, de belles éditions. Des souvenirs dignes du marché des livres anciens.
Didier Graffet nous fait voyager au pays de l'encre et des reflets métalliques.
Et puis Soleil vert nous entraîne dans la légende du Golem. Je me souviens du roman de Pierre Assouline, ce joueur d'échecs au cerveau augmenté sans son accord et qui fuit à la recherche de lui-même et s'aventure dans les environs de Prague. J'aime ces légendes. Elles ont un sens, tentent de nous faire scruter un point invisible comme dans les Ménines de Velasquez.
Parfois par un dessin, un tableau, parfois par le langage, les choses deviennent lourdes de secret.
La SF c'est un peu cela, un terrain vague, où de dresse pétri de quelques mottes de glaise un être mi imaginaire mi-humain qui traverse le temps.
Mettez un chapeau. Gare au soleil du midi !
https://www.leslibraires.fr/livre/291909-vingt-mille-lieues-sous-les-mers-texte-integr--jules-verne-grund
Là on voit bien la couverture mais hélas pas les illustrations de Graffet !
http://mobilismobile.free.fr/oeuvres/fiche.php?id=200
En voici deux et une belle notice
J'ai supprimé un commentaire qui était publié en double suite à une fausse manœuvre.
De toute manière j’ai l’impression que les liens - j’ai écrit les lions! - ne s’ouvrent pas. Une préférence avouée pour le Golem de Meyrink, fin dix- neuvieme mais pas idiot. De même pour les traditions tchèques, et ce que Yates dit quelque part du duo Dee Kelley, parti travailler chez les Habsbourg de Prague… Bien à vous. MC
https://francais.radio.cz/le-golem-ou-les-mysteres-de-prague-8629919
A partager avec soleil Vert et MC
Le 19 mai, M.Court, vous m'indiquiez le chemin d'un. livre : "Je vous suggère Christiane, au gré de vos errances , le Livre du Retour de Silvia Baron Supervielle. Il y a dans cet ouvrage tout un jeu de labyrinthes et il peut se lire aussi comme une méditation sur les frontières entre réalité et fiction. Ou commence , ou finit le récit ? Ce n’est pas sans analogie avec les labyrinthes de Priest, bien qu’évidemment il n’y ait pas la même thématique."
C'est un enchantement !
Ainsi, pages 31/33, ces lignes, j'aurais pu les penser :
"Cette réalité que je cherche, je crois l'avoir vécue. Sans doute ai-je connu une réalité que nul rêve n'est susceptible de valoir. Seulement, si loin que j'aille, elle de cache au monde à la manière du livre oublié (...) Si cela s'était produit, cela était sensé se reproduire. Ce que le réel rendait inamovible."
Oui , on pense aussi à l'atmosphère du roman de Priest "Rendez-vous demain" que Soleil vert nous a fait découvrir. Anouk Faure aurait pu créer la couverture mais j'ai un tel attachement pour celle du simple et reconnaissable de José Corti.. un exemplaire de 1993, aux pages encore à détacher avec une lame impatiente. Et le prix 100 F, me ramène à un rendez-vous ancien.
Chic, j'apprends un mot : la grivelure. Une nuance de brun et de blanc. Pour Silvia Baron Supervielle, c'est celle de la pénombre.
Au milieu du livre, j'étouffe un peu. Silvia Baron Supervielle a une écriture trop saturée d'adjectifs, d'adverbes. C'est très poétique mais statique. Elle revient toujours d'enrouler sur les mêmes images obsédantes (nuages, sables, eaux...). Il ne se passe rien, très peu d'actions , un voyage interminable. Une question qui se dissout dans tous ses paysages. Elle tourne autour d'une séparation qu'elle désire et qu'elle refuse et se fabrique un "nous" comme un dédoublement. C'est la première fois que je la lis.
Parfois elle m'agace, parfois elle me charme. Un peu les oeuvres d'Odilon Redon. C'est très flou, irisé, filandreux. Je crois qu'elle s'enferme dans le miroir de son écriture. Un développement de fractale qui aurait fait sourire Sergio. Ce Sergio était inclassable. Un blog d'un charme fou. Mais il est mort. Il me manque. Son écriture me manque, son humour aussi. Je le le rencontrais que dans l'espace commentaire. Il s'était lancé dans l'écriture d'un roman très influencé par le film d'Alain Resnais : "L'année dernière à Marienbad."
Dans son roman ( une question que l'on se pose aussi pour le roman de S.B.S.), l'homme et la femme se sont-ils vraiment rencontrés ? Quelle est la part de l'oubli ? Une sorte de présent perpétuel. La durée de telles fictions est irréelle. Dans le roman de Sergio une terrasse, des colonnades, des escaliers aussi. Tout de passe dans la tête de quelqu'un pas dans le réel. Quelque chose d'hypnotique. Ces œuvres ne sont pas un témoignage d'une réalité extérieure. La seule réalité est celle du récit. L'espace détruit le temps.
Voir le roman avec des yeux libres, c'est très difficile. La littérature fonctionne tellement comme une grille qui oriente notre perception. Par exemple notre attente des personnages, d'une histoire, d'une intrigue, des passions. Est-ce que l'architecture des romans SF est traditionnelle ? L'univers est différent. L'homme est aux prises avec cet univers. Dans le roman que Soleil vert nous propose aujourd'hui beaucoup de rapports d'étrangeté entre les humains et ces créatures non humaines nées de mythes anciens.
Je pense à un passage de La Nausée de Sartre quand Roquentin s'absorbe dans la contemplation de la racine du marronnier. Ce pourrait être dans un roman de SF. Il pourrait se passer bien des métamorphoses.
"Noire ? J'ai senti le mot qui se dégonflait, qui se vidait de son sens avec une rapidité extraordinaire. Noire ? La racine n'était pas noire, ce n'était pas du noir qu'il y avait sur ce morceau de bois... mais plutôt l'effort confus pour imaginer du noir de quelqu'un qui n'en aurait jamais vu et qui n'aurait pas su s'arrêter, qui aurait imaginé un être ambigu, par delà les couleurs. (...)Les objets..., ils me touchent, c'est insupportable. J'ai peur d'entrer en contact avec eux tout comme s'ils étaient des bêtes vivantes. (...) J'étais la racine du marronnier."
Je pense à la table et à la maison de Soleil vert qui bougent aussi par la force d'une inscription.
Et toujours grâce au langage, dans Le meneur de lune de Noël Bousquet cette maison : "... Toute la maison se transforme et semble s'agrandir et se taire, édifier sur moi une solitude..."
J'aime ces énigmes de la vie quotidienne. Les objets créent des évènements qui dans eux ne seraient pas. Le mot devient un objet. Le monde n'est pas achevé...
Joë Bousquet
C’est le problème des baroques ; le roman a-t-il eu lieu ou pas? Et si oui, qui parle et où sommes-nous ? C’est luxuriant, démultiplié, etc. Mais curieusement j’aime bien ce côté illusionniste assumé. Bien à vous. Mc
Oui, vous le définissez bien.
"Silvia Baron Supervielle est née à Buenos Aires, de mère uruguayenne d’ascendance espagnole, disparue alors qu’elle avait deux ans, et de père argentin d’origine béarnaise, elle a été élevée par sa grand-mère paternelle, cousine germaine de Jules Supervielle. Elle écrit des nouvelles et des poèmes en espagnol. Elle arrive à Paris en 1961 et publie en français à partir de 1970. Elle commence dans Les Lettres nouvelles de Maurice Nadeau."
Cette notice éclaire cette impression que j'ai en la lisant. Cette femme est écartelée entre plusieurs terres d'origine. Elle ne peut les lier, s'installer solidement dans l'une sans que l'autre l'appelle. Dans ce livre du retour, son voyage est enlisant. Elle avance sans désir d'avancer. La terre est spongieuse, l'air collant, l'eau informe. Elle marche ou galope sur une crête qui sépare deux mondes inconciliables. C'est une lecture très éprouvante. Les mots collent aux yeux.
Le pivot du livre de SBS : Gloria prisonnière du phare de Longstone, en compagnie de son père, qui n'a jamais pu se rendre sur le continent. à cause du naufrage. Ce livre est donc aussi celui de cette Gloria. Il est empli d'estampes du phare de Longstone.
La narratrice en chevauchant un cheval, longe la mer. Où va-t-elle ?
"Où partions nous ? Qu'est ce qui nous emportait ? Nous n'étions pas renseignés. (...) Le phare noir jaillissait d'un piédestal d'écume. (...) Je m'enfonçais dans le sable avec Adios."
Voilà, M.Court, un dernier regard sur le roman de Silvia Baron Supervielle.
Je suis sur le blog de Soleil vert et je ne peux, par effraction, utiliser cet espace pour entretenir avec vous un dialogue sur un livre étranger à l'actualité du blog. Je finirai de le lire sans en parler.
C'est terrible cette tentation de découvrir de nouveaux livres, de nouveaux écrivains. Si je n'y prends garde je vais transformer la maison de Soleil vert en nid de coucou.
Donc retour au maître du lieu et à ses lectures.
"Un chariot s’envolera par exemple si une inscription LE convainc que la gravité s’exerce en sens inverse ; qu’importe si votre habitation est construite sans fondation, une instruction ad hoc LUI prouvera le contraire."
Et si ces pronoms personnels (le -lui) ne désignaient pas le chariot et la maison mais un observateur extérieur qui serait induit en erreur par une apparence née de l'influence de ce glyphe ? Une sorte de trompe-l'œil ?
Je me souviens, il y a quelques années avoir vu à Paris des façades d'immeubles recouvertes d'un panneau remarquablement réalisé représentant, à s'y méprendre, le même immeuble tout déformé et récemment dans la cour du Louvre la même expérience conduisant les promeneurs à voir, par un panneau trompe-l'œil, la façade du Louvre sans la pyramide.
J'adore ces expériences optiques qui jouent sur les apparences.
Par analogie la science-fiction n'est-elle pas une apparence en trompe-l'oeil posée sur notre réalité. Nous sommes alors, lecteurs, conduits à un travail de transparence : traverser les couches de l'écriture jusqu'à retrouver le choc qui a amorcé le récit imaginaire pour l'auteur de la fiction. Dans ce cas tout romancier est un magicien de ce genre.
Tenez, régalez-vous :
https://blog-artsper-com.cdn.ampproject.org/v/s/blog.artsper.com/fr/inspirez-vous/le-trompe-loeil/amp/?amp_gsa=1&_js_v=a9&usqp=mq331AQKKAFQArABIIACAw%3D%3D#amp_tf=Source%C2%A0%3A%20%251%24s&aoh=16535508838848&referrer=https%3A%2F%2Fwww.google.com&share=https%3A%2F%2Fblog.artsper.com%2Ffr%2Finspirez-vous%2Fle-trompe-loeil%2F
Et voilà le travail de JR dans la cour du Louvre.
Entre trucages et imaginaire, les romans de science-fiction jouent avec nos nerfs et notre désir de rêver un autre monde. Normal un jour ... d'Ascension...
https://www.graphiline.com/article/23437/pyramide-louvre-disparait-grace-a-un-trompe-oeil-geant
La façade du Louvre sans la pyramide… c’est le mieux qui puisse arriver, ladite façade étant la Cour des Tuileries…
J'adore votre férocité jubilatoire ! Faites-vous toujours partie des Amis du Louvre ?
Quel livre vous ressemble le plus (ton sarcastique et érudition) ?
Commentaire précédent pour M.Court
MC, vos palimpsestes traversent le feu. JR aurait pu dans sa toile d'invisibilité faire figurer les flammes de ce jour-là.
Votre mémoire de l'Histoire efface le présent...
Vous entrez votre cour et moi côté jardin. Vous voyez bien, MC, que tout est un jeu de rôle. Bonne soirée
Je suis déçue, M.Court. Je pensais que vous alliez rebondir sur l'incendie du Palais des Tuileries ou sur ce théâtre qu'il abritait d'où nous vient la célèbre expression "côté cour / côté jardin".
Mais rien... Faut-il que votre déménagement vous prenne tout votre temps ?
@soleilvert
Le seul reproche que je ferai au retour du hie.c’est que le rythme est plus lent,le navire longe un peu les côtes si je peux dire.
Sinon l’idée de départ est originale et vivement le troisième.
MC, sur Mezzo le War Requiem de Britten. C'est vous qui me l'avez fait découvrir.
https://www.mezzo.tv/fr/Classique/Gianandrea-Noseda-dirige-le-War-Requiem-de-Britten-au-Concertgebouw-338
Les chœurs sont superbes. Je préfère les vioncelles aux trompettes. C'était à propos d'une bibliothèque extraordinaire en Angleterre et d'une église détruite dont il restait des clous tordus dans un bout de bois...
Ah j'ai retrouvé en partie...
"Le War Requiem, opus 66 est un requiem non liturgique composé par Benjamin Britten en 1962 pour la consécration de la nouvelle cathédrale de Coventry en Angleterre, remplaçant celle détruite par des bombardements allemands lors de la Seconde Guerre mondiale."
Quant à la bibliothèque extraordinaire, il s'agit de celle d'Aby Warburg qui en 1933 lorsque Hitler devint chancelier du Reich, émigra en Angleterre. (600 caisses de livres et de mobilier partirent en bateau pour Londres). La bibliothèque devait y être remontée mais le classement si singulier de la bibliothèque de Hambourg fut perdu. Chaque livre devait être complété par ses voisins en fonction de la ligne de pensée qu'il suivait à un moment donné. Donc une accumulation d'associations éphémère. Toute bibliothèque devait donc pour lui être circulaire. Nous en avions parlé chez Passou.
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