jeudi 19 décembre 2024

La Maison des Jeux - Le Serpent

Claire North - La Maison des Jeux - Le Serpent - Le Bélial’

 

A Vera Menchik

 

« Quel destin n’est pas pendu entre le caprice d’un inconnu et le mépris de l’univers ? »

 

 

Venise début du XVIIe siècle. Thene, fille d’un riche marchand est mariée à 15 ans à un aristocrate vénitien. Jacamo de Orcelo est un homme violent, qui ne cesse d’accumuler des dettes de jeux au point d’entamer la fortune de sa belle-famille. Le couple débarque un soir dans un Etablissement mystérieux. Thene s’y découvre une passion pour le jeu d’échecs ; elle collectionne au fil des jours les victoires au point de se voir admise dans un cercle restreint de la Maison, la Haute Loge. La Maitresse des lieux propose aux impétrants une partie dont l’enjeu bien réel n’est rien moins que la nomination d’un inquisiteur au sein du Tribunal Supreme de la Cité des Doges. Chaque Joueur est le champion d’un candidat et bénéficie de l’aide de personnages identifiés par des cartes de tarots.

 


Publiées initialement en plusieurs volumes dans la collection Une Heure-Lumière, les trois  novella (1) de Claire North reviennent dans un recueil relié du plus bel effet. Cette Maison des Jeux qui semble s’affranchir du Temps et de l’Espace s’inscrit dans une thématique tellement ample que l’on se contentera de citer L’Echiquier du Mal de Dan Simmons et La Ville est un Echiquier de John Brunner. Un narrateur extradiégétique commente les péripéties de la partie. Thene a échangé son visage victimaire contre un Masque d’indifférence. Le Jeu et rien que le Jeu, un but, la victoire. Si les Mythes grecs passent sous silence les passions des Dieux et dévoilent sans complaisance celles des hommes qu’ils manipulent, à l’inverse, Claire North place sa narration à hauteur d’une Joueuse froide et déterminée sous l’œil d’un chœur antique réduit à une voix off, les pièces (humaines) étant réduites à leur valeur utilitaire. Thriller original situé dans la ville des Masques, « Le Serpent » se lit aussi comme l’histoire de l’émancipation d’une femme, inspirée de la série Le Jeu de la dame.

 

 

(1)   « Le Serpent », « Le Voleur », « Le Maitre ».

 

83 commentaires:

Christiane a dit…

Claudio Bahia devrait venir faire un tour sur votre blog, Soleil vert....

Très attirant le premier tome de cette trilogie.
Cette jeune héroïne a tout pour plaire.

Anonyme a dit…

Un Inquisiteur au dix septième siècle ? Il faudrait savoir quand . Ça me paraît un peu tardif…le côté anti-papiste de l’auteur, peut-être ? MC

Soleil vert a dit…

Je ne sais pas. L'action démarre en 1610

Christiane a dit…

J'aime beaucoup ce personnage de Thene.
"Elle a posé mille ducats sur la table.
Jacamo de Orcelo les contemple. (...)
Un moment, ils restent là, mari et femme, de part et d'autre de l'or, et leurs visages s'expriment, déploient leur rage en des discussions que leurs voix n'ont pas le courage d'entreprendre, jusqu'à ce qu'enfin Thene déclare :
"Je pars trois mois prier dans un couvent. Vous découvrirez que toutes les dispositions ont été prises. Au revoir. "
Il hurle alors : "Putain, traînée, roulure, où as-tu eu l'or ? Où peux-tu en trouver davantage." Il tente de l'empoigner par les cheveux mais elle riposte d'un coup de poing. Ce n'est pas la gifle main ouverte qu'assenerait une dame de la maison Orcelo : c'est elle, elle-même, la fille de la Juive, qui frappe en pleine face, sans retenue. Comme Jacamo part en arrière, ensanglanté, elle prend une profonde inspiration avant de conclure : "Pour en avoir davantage, vous attendrez mon retour."
Il reste assis par terre, les jambes écartées, un temps trop choqué pour bouger. Puis surgit en lui le petit garçon qui se met à ramper aux pieds de son épouse, dont il embrasse la chaussure. (...)
Elle se détourne. "

Bon, c'est très bien. Elle va pouvoir percer les mystères de Venise et de la maison de jeux.

Pourquoi les narrateurs sont plusieurs ? Puisque le pronom "nous" entame chaque phrase leur donnant la parole ?

Anonyme a dit…

1610 c est encore possible. J’aime bien’ la baffe de la «  fille de la Juive » qui se retire au couvent…

Christiane a dit…

Oui, moi aussi. Cette affirmation de liberté chèrement conquise ouvre l'aventure de cette jeune femme qui déjà se révèle une stratégie exceptionnelle à ce jeu d'échecs. La surprise : les figures habituelles du jeu seront imposées comme autant d'habitants de Venise.
J'ai résisté aussi à la notation des vues de Venise, très poétique. Une atmosphères ouatée et brumeuse donne à cette affaire une ambiance de roman noir. C'est très très bien.

Christiane a dit…

Ce beau roman que vous aviez présenté le 17 octobre est mis en valeur sur le blog de Pierre Assouline.

https://soleilgreen.blogspot.com/2024/10/au-soir-dalexandrie.html

Christiane a dit…

une stratège

Anonyme a dit…

Clin d'oeil :) SV

Christiane a dit…

Vous avez bien fait. Votre billet était un bonheur.

Christiane a dit…

Cette approche du ghetto de Venise est d'une finesse rare. Claire North sait observer la vie secrète de ce quartier et connaît bien son histoire.
Donc, traverser le pont et marcher dans les ruelles du ghetto. (P.66)
"Le ghetto de situe dans le quartier Cannaregio et, du point de vue architectural, peu de chose le distingue au premier coup d'œil de ce qui l'entoure. Comme une grande partie de la cité, il a absorbé les styles de l'Orient et de l'Occident : une grande place au centre, de minuscules ruelles tout autour, des coupoles pentues et des angles vifs, des vêtements mis à sécher sur les fils tendus entre les fenêtres. Pourtant regardez, regardez d'un peu plus près : il n'y a aucun crucifix mais des chandelles brûlant sur des menoras ; il y a des gens qui vivent un peu trop entassés dans des logements qu'on aurait dû agrandir voilà des années - or, au lieu de cela, on a abaissé les planchers ; toutes les pièces paraissent donc comprimées et l'entrepôt au bord de l'eau accueille sept étages au lieu des cinq que justifierait sa hauteur. A présent écoutez, écoutez, et vous n'entendrez peut-être pas parler seulement vénitien mais aussi l'espagnol des Juifs séfarades expulsés par une reine chrétienne, ou les prières de ceux qui ont fui le Saint Empire romain quand les protestants les ont pris pour des amis des catholiques, les catholiques pour des amis des protestants. L'Orient et l'Occident ne prient pas ensemble, chacun visite sa propre synagogue et chuchote, quoique de la même famille, du même sang, "lui" ne pratique pas les mêmes règles qu'"elle".
Donc, même entassée, et même au sein du ghetto, une confrérie se retrouve aisément divisée."
C'est un roman qui réserve bien des surprises car la stratégie de Thene trouve son excellence dans l'observation des lieux et des habitants . ( Si cela s'appelle "entrer au couvent"....)

Christiane a dit…

Vous ecrivez : "Thriller original situé dans la ville des Masques, « Le Serpent » se lit aussi comme l’histoire de l’émancipation d’une femme, inspirée de la série Le Jeu de la dame."

Oui, cette émancipation est repérable. Qu'est-ce que cette serie le "jeu de la dame"?

Anonyme a dit…

Netflix. SV

Christiane a dit…

Merci mais je n'ai pas Netflix. Je vais chercher sur internet.

Christiane a dit…

Le synopsis fourni par wikipédia : "Cette fiction suit Elisabeth Harmon, une prodige des échecs orpheline, de neuf à vingt-deux ans, dans sa quête pour devenir la meilleure joueuse d'échecs du monde, tout en luttant contre des problèmes émotionnels et une dépendance aux drogues et à l'alcool. L'histoire commence au milieu des années 1950 et se poursuit dans les années 1960."

Christiane a dit…

C'est un bien étrange roman. Deux jeux s'ont liés : les cartes du tarot et les personnages vivants qui sont des pions a abattre d'un immenses jeu d'échecs. Le damier est Venise . Leurs motivations sont variées et fortes. Thene est claire. Elle joue pour gagner sa totale liberté ( mari, famille, institutions...) .
Elle est froide, dure, très intelligente.
Je commence à comprendre pourquoi le "nous" des narrateurs. Il pourrait se faire qu'ils soient deux, deux joueurs d'échecs. Des sortes de dieux jouant sur l'échiquier de Venise une partie démoniaque où les humains tombent si le coup est gagné. Les personnages portent les noms des cartes du tarot.
Je pense à une scène de Harry Potter quand les enfants chevauchant des pièces de jeu d'échec entrent dans une bataille où ils risquent la mort.
Cela ferait un film haletant, noir, mystérieux.
Brrrr...

Christiane a dit…

Je pense aussi aux Voyages de Gulliver de Jonathan Swift. Le deuxième voyage, quand Gulliver se retrouve à Brobdingnag,. Il est alors dans la situation inverse de Lilliput car les Brobdingnagiens sont des géants. L'un d'entre eux s'empare de lui. Il devient le jouet de sa fille.
Un peu comme les personnages de ce "conte" surréaliste de Claire North. Peut-être dans les mains de deux géants...

Christiane a dit…

Là, c'est Venise mais vous nous aviez transportés à Florence avec Jo Walton. Un roman étrange entre rêve et réalité. Le titre, c'était : "Ou ce que vous voudrez". Une magnifique évocation de
Florence, à la Renaissance. Un roman tout baigné d'histoire de l'art et de.littérature avec un pays imaginaire où l'héroïne aimait se refugier.
Si vous retrouvez le billet... J'ai descendu la colonne de droite , je ne l'ai pas trouvé !

Christiane a dit…

Ce qui va dans ce sens c'est par exemple page 66, ces lignes :
"Elle commence à comprendre que les pièces de ce jeu ne sont pas aussi simples que des pions sur un plateau : elles ont des secrets, des fiertés , et, quoique les règles du jeu stipulent qu'elles lui appartiennent,elles aussi doivent êtres façonnées pour devenir quelque chose de plus."

Christiane a dit…

Bon, par erreur j'ai posté mon commentaire au-dessus sous le livre de Zweig. Mille excuses.
Je reviens au bon endroit.
La lectrice que je suis est sans cesse plongée dans l'atmosphère de ce jeu. Ainsi page 79 :
"Il ne reste que trois cartes encore à jouer dans sa main. Le Fou, le Trois de Deniers et la Tour, plus cette étrange pièce romaine, ancienne et pourtant récente, sans grande valeur - quel est son but ? Comment doit-elle être jouée ? "
Même si je ne comprends rien aux règles de ce jeu mortel, le récit des aventures de Trene me passionne.

Christiane a dit…

Oh, c'est bien ! Écoutez, Soleil vert. Re-voici les observateurs qui épient les déplacements de Trene et que nous annoncent-ils alors qu'elle est entrée à nouveau dans la Maison des Jeux ?
"Nous l'observons sans qu'elle nous voie, tant ses pensées sont concentrées sur le jeu, jusqu'à ce que... un autre joueur s'asseoie en face d'elle devant l'échiquier.
Il porte un masque qui est presque le jumeau du sien : blanc, sans âme."
C'est extra !

Christiane a dit…

Ils jouent une partie extraordinaire , complètement différente de celle qui se joue dans la ville avec de vrais personnages.

Il semble bien connaître Trene et lui déclare : "vous êtes ici, madame, seule, alors que votre ivrogne de mari va aux putes et joue seul dans la maison que vous souhaitez abandonner. Vous prenez de grands airs et discourez comme si vous expliquez une doctrine (...)"
Il déclare la partie nulle. Elle s'en va dans la nuit. "Seule.
Dans le noir .
Marchant.
Elle est
en colère."

J'adore ce blog et ces plaisirs de lecture.

Soleil vert a dit…

Corrigé, merci

Christiane a dit…

Pourquoi aime-t-on un livre ? Hors l'intrigue, pour une scène parfaite comme celle-ci :
"Thene se force à ouvrir la lettre lentement. Deplie le papier. L'approche de la flamme. Il y a de la force dans la lenteur, de l'intelligence à ne jamais de presser. Elle doit être forte."
Je vois un tableau de Vermeer. Magique.

Christiane a dit…

https://www.cineclubdecaen.com/peinture/peintres/vermeer/femmeenbleulisantunelettre.htm

Christiane a dit…

Van Gogh écrivait à Émile Bernard :
"Ainsi, connais-tu un peintre nommé Vermeer qui, par exemple, a peint une dame hollandaise très belle, enceinte. La palette de cet étrange peintre est : bleu, jaune citron, gris perle, noir, blanc. Certes, il y a dans ses rares tableaux, à la rigueur, toutes les richesses d'une palette complète ; mais l'arrangement jaune citron, bleu pâle, gris perle, lui est aussi caractéristique que le noir, blanc, gris, rose l'est à Vélasque."

Christiane a dit…

Vélasquez

Il est dommage que la reproduction atténue l'ambiance bleue du tableau.
Il y a aussi une Madeleine à la veilleuse de Georges de la Tour, pour la flamme de la bougie.

Christiane a dit…

https://www.cineclubdecaen.com/peinture/peintres/latour/madeleinealaveilleuse.htm

Christiane a dit…

Et maintenant c'est Rembrandt... La leçon d'anatomie.
"Or je connais un homme qui connaît un homme dont on sait que le cousin déterre lors des nuits paisibles les cadavres inhumés de frais, et les apporte aux savants de la ville, lesquels fouillent secrètement tripes et boyaux à la recherche de mystères, prophétisant une ère nouvelle de sang et d'os."
C'est comme si ce roman m'entraînait au fil des mots au Louvre ou dans quelqu'autre musée. Je tourne les pages d'un livre enchanté traversant les lames du tarot, oubliant l'échiquier...
Je redeviens immobile, contemplant une toile, attendant qu'elle m'envahisse. Osmose....


https://histoire-image.org/etudes/rembrandt-lecon-anatomie

Anonyme a dit…

La Tour peut être la Maison-Dieu, mais j’ignore à quoi correspond le Trous Deniers…. MC

Christiane a dit…

Le trois de deniers

La tour... On verra si votre intuition est juste....

Anonyme a dit…

Oui , le trois! J’en déduis que vous n’êtes pas plus avancée que moi ?

Christiane a dit…

Effectivement, je ne comprends rien à ce jeu mais j'aime les évocations qui, au fil des pages, créent un décor somptueux.
Et puis tout cela va peut-être s'éclairer... Je vous ferai signe.

Anonyme a dit…

On peut penser qu’on ne joue pas à Venise selon les règles du tarot de Marseille…le Fou, la Tour , je vois, mais Trois Deniers, non ! En tous cas il n’apparaît pas sur les figures françaises du dix-septième siecle…

Anonyme a dit…

En revanche, la Maison-Dieu est bien figurée par une sorte de tour de Babel. D’autres figurations existent avec une insistance sur les marches ( 36, je crois). Bruce Morissette in Les Romans de Robbe-Grillet ( mais oui! )fait référence à cette iconographie où se conjuguent nombre de marches et valeur.

Christiane a dit…

Peut-être un indice dans la suite du dialogue des deux femmes, page 114.
"On dit que la Maison des jeux n'a d'autre objectif que le jeu, mais j'ai assez vécu et participé à assez de parties pour discuter cette opinion. La nature même du jeu change le monde et, sans pouvoir l'affirmer, je soupçonne la distribution des cartes, en théorie aléatoire, d'être truquée pour produire un résultat plus adapté aux vœux de la Maison qu'aux compétences des joueurs
- Dans quel but ?
- Cela... je ne saurais le dire. Ce n'est pas une question que les joueurs - même les plus anciens - aiment poser. Il est possible que seule la Maîtresse des jeux le sache.
- On m'a bien donné une pièce de monnaie.
- Oui, je m'en doutais.
- Qu'est-ce que c'est ? Ce dernier n'a pas sa place dans le paquet de cartes, c'est un objet de tous les jours, je n'en comprends pas l'intérêt pour le jeu."

Vous voyez, MC., Thene aussi ne comprend pas.
( L'honneur est sauf !)

Christiane a dit…

Venise, c'est vite dit car la Papesse dit (page 114) que " la Maison des jeux est ... ancienne. Elle n'est pas limitée à un seul lieu mais possède des portes dans le monde entier. Cette partie livrée à Venise est l'une des centaines, peut-être des milliers, qui se jouent en des lieux dont vous ne rêvez même pas, et ce n'est qu'une partie élémentaire, une escarmouche sur le champ de bataille. La Maison se soucie d'empires, de rois, d'armées et d'Eglises, et ses joueurs sont parmi les... êtres les plus anciens et... peut-être pas les plus sages mais, disons, les plus déterminés que j'aie jamais rencontrés."

Aïe aïe aïe.... Je donne ma langue au chat !

Christiane a dit…

Ah non, ce n'est plus la Papesse c'est Argent qui l'a suivi dans les rues de la ville. C'est lui qui répond aux questions de Thene

Christiane a dit…

Il définit d'abord le rôle du Maître des Jeux :
"Un Maître des Jeux est la tête et la source de toutes les parties qui se jouent. Des règles sont absolues, son jugement est définitif. Il conçoit et dirige les parties sur les autres disputent, mais ne joue pas lui-même. (...)
La Maîtresse ne peut mourir qu'une fois vaincue...
Puis...Il en revient au denier par un conte où un pauvre hère n'a plus qu'un denier à offrir au sorcier pour avoir une reponse.
" - Lance le denier. Choisis pile ou face. Si tu gagnes, tu vis assez longtemps pour disputer ta partie, celle de la Maison des Jeux.
Si tu perds, tu meurs.
- C'est du hasard, ce n'est pas un jeu.
- Tout est hasard. La vie est hasard. La folie des hommes est de chercher des règles là où il n'y en a pas. Alors choisis.
Et l'homme a choisi."

Donc, Thene devrait jouer à pile ou face avec son dernier....

Christiane a dit…

Ah, MC, désolée pour cette fausse joie. Ce n'est pas un dernier qu'elle a mais une carte, le Trois de Deniers.
La carte représente un personnage jeune, mendiant ou voleur, petit et discret, qui vit de la charité ou de ses rapines. Il aura un rôle à jouer, plus tard
La Tour est prête à être déployée
Ils sont à nouveau trois. La Papesse les a rejoints.
Ils regardent la Tour. C'est ... un homme grand, barbu, un colosse. Foscari. Un vrai personnage... au service de la Maison des Jeux.

De plus en plus bizarre ce conte....


Christiane a dit…

Lire denier, le smartphone remplace par dernier

Christiane a dit…

Réveillé, M.C. ?
C'est le matin des découvertes...
Que pensez-vous de ce nouvel indice ?
"Ce garçon, cet étrange garçon lointain a le regard fixé mais vide. Aussi vide que les yeux de la Tour, aussi fixe que ceux de la Papesse. Voilà ce que dissimulent le rire de la Reine de Coupe, la Vantardise du Valet d"Épée, la décontraction du Sept de Bâton.
(...) Chaque pièce est arrivée dans sa main par l'intermédiaire de la Maison des Jeux...."
Alors, une idée ?

Christiane a dit…

Ah, je n'avais pas rêvé. Page 150 :
"N'y a-t-il pas dans bourse un petit denier romain qu'elle n'a pas joué, n'y a-t-il pas des cartes sur la table, des pièces encore à déplacer ?"
Donc, les cartes du tarot lui donnent le sens d'un symbole, du personnage représenté sur la carte.
Ces personnages, Thene doit les affronter, les cerner, les vaincre. Savoir pour l'un, espoir pour l'autre, ... mort pour la dernière carte reçue. Mort ?
Venise est un cadre labyrinthique pour sa fuite éperdue : "les rues de tordent et s'enchevêtrent, les canaux sinuent de-ci de-là et leurs lents méandres trompent... et lorsqu'elle émerge à nouveau, elle a perdu toute idée de sa position..."
Thene est-elle devenue vulnérable ? Va-t-elle perdre la partie dont l'enjeu est si important pour elle ?

Christiane a dit…

J'ai beaucoup aimé la fin du conte .
Je ne vous en dirai rien mais tout s'est éclairé.
A propos, la Tour n'est pas la Maison-Dieu, loin s'en faut, elle met le feu partout transformant Venise en une toile de Turner.
Bonne lecture.

Christiane a dit…

La réponse :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Trois_inquisiteurs_d%27%C3%89tat

Christiane a dit…

Ce qui m'a plu ?
Le rythme, l'écriture, les emboitements entre tous les personnages y compris les narrateurs et les lecteurs.
Le choix de Venise .
Le fait que c'est une histoire qui ouvre à une autre histoire plus grande, certainement le troisième tome de la trilogie.
C'est une fiction qui donne une lecture de notre société plutôt déprimante mais un questionnement intéressant sur le hasard.
Camus écrivait : "Un homme ça s'empêche."
Ici, c'est tout l'inverse. Les personnages vont jusqu'au bout d'eux-mêmes comme s'ils n'étaient plus libres de choisir... ( esclaves ?manipulés ? désespérés ? robotisés ?) .Trois se différencient dont Thene.
Cette Maison des Jeux est mystérieuse. Qui est la Maîtresse des jeux ? Quel est son but ?Trouver un inquisiteur ? Mais pas seulement. Elle distribue les cartes d'une façon perverse. Le Serpent est intéressant, aimanté par Thene. La Papesse engourdie par une souffrance.
Venise est ici une cité sombre, glauque, pleine du sang des meurtres et des lueurs de la nuit.
Un bon livre.

Christiane a dit…

Maintenant que j'ai terminé le roman, je ne crois pas que les narrateurs soient deux joueurs d'échecs. Ils surplombent la scène , n'en font pas partie, l'observent débonnaires.
Comment dites-vous, Soleil vert, ils sont extradiégétiques. Oui, et pourtant dans la fin du livre, alors qu'on ne s'y attend pas , il est écrit que maintenant Thene sait qui l'observe, mais elle doit parler du personnage qui la suit.
M.C. un jour, avait évoqué un roman SF la grande peur...., où des entités cachées dans les nues pêchaient des êtres humains comme on pêche un poisson, jusqu'à ce qu'elles comprennent que ces créatures étaient intelligentes. Ramuz, peut-être, j'ai oublié.

Christiane a dit…

O, merci Soleil vert pour les cartes du jeu. Je réalise les regardant que la Reine des coupes je l'imaginais avec un instrument tranchant et pensais au verbe couper plus qu'à une coupe... pour le vainqueur ?
J'ai commencé le troisième volume, "Le Maître - La Maison des Jeux."
Quelle fluidité de raccord entre la fin du premier volume et celui-ci.

" Venez, à présent, venez.
Le plateau est disposé ; les cartes sont prêtes.
Le denier qui a été lancé doit enfin retomber."
Maintenant le quadrillage recouvre toute la Terre.
"Un coup de dés et des inconnus meurent ; des cartes s'abattent, le denier tourne, tourne, tourne, et, quand nous aurons terminé, des armées seront décimées, le niveau des océans aura monté, et nous aurons gagné, nous vivrons, ou bien nous aurons perdu, nous mourrons. (...)
Le rideau se lève, la musique se tait et le joueur entre en scène."

Magnifique ! Le balancement de cette prose induit presque un chant. Il ne manque qu'un ménestrel pour me conter la suite de cette histoire...

Christiane a dit…

Les narrateurs (nous) du volume 1 ont disparu. C'est Argent que l'on retrouve et qui raconte. Il vient de défier la Maîtresse des Jeux. La suite du récit de passe de nos jours, pour l'instant à New-York.
Une grande aisance pour suivre le récit car tout est familier.

Anonyme a dit…

Non , il s’agissait bien d’une coupe de carte. Cela dit, je ne vois pas qui serait « « Trois deniers » dans le Tarot de Marseille, même si la monnaie évoquée ( une petite pièce romaine » ) n’a rien à y faire! Il faudrait que je me penche davantage sur le devenir du tarot vénitien pour y voir clair. Est suspecte aussi la lecture de la « Tour. « Mais on peut la rapprocher d’au moins deux cartes marseillaises , je crois.. Le roman cité doit etre le Péril Bleu , de Maurice Renard, dont les parties symétriques m’enchantent toujours; «Ou Comment, Qui, Pourquoi? « , «Ou, Comment , qui, pourquoi. » Bien à vous et pardonnez à l’existence de Noël.. MC

Christiane a dit…

Oui oui c'est bien le péril bleu de Maurice Renard. Merci.
Pour le reste, les symboles, je crois que ces cartes aident seulement à trouver un personnage qui a une certaine caractéristique et un rôle dans la partie.
Il y a une grande différence entre ceux qui jouent et ceux qui subissent sans être stratèges.
Un beau rapport se noue entre Thene et Argent fait de respect mutuel construit sur l'estime.. Aucun ne semble vouloir anéantir l'autre.
Thene gagne son pari dans le premier volume de bien étrange façon.
Le troisième volume écrit à la première personne du singulier est très différent de cette quête mystérieuse dans la Venise du dix-septième siècle. Ici, on est précipité dans l'actualité politique du monde. On voyage beaucoup. Argent (c'est un personnage) qui a défié la Maîtresse des Jeux est plongé dans un monde virevoltant et dangereux. En trente pages avion, bateau, New-York, l'Afrique, un peu d'Asie. Des références actuelles en technologie informatique et armements. Pas mal d'explosions !
Pour l'instant je préfère le premier volume très poétique. Mais des clés de trouvent dans ce dernier volume que j'ai envie d'utiliser pour ouvrir les portes qui ont résisté.
Merci pour le symbole de la coupe. Que veut dire couper une carte ?
J'aime bien ce tourbillon en attendant Zweig.
Dans les écrits retrouvés de Borges, il répond au questionnaire de Proust avec élégance. Pas mal d'articles sur Le Quichotte.
Comme il pleut dru, je ne rate rien. Je cale les achats entre deux averses me réjouissant de la venue de mes tendres alliés qui m'offrent leur présence le soir de Noël.
Doux noely at vous, malgrey l'absente... Également at mon astronaute préféré, Soleil vert , et aux amis qui posent leurs mots ici.

Anonyme a dit…

Argent se dit Silver en’ anglais et sa postérité romanesque est réelle, ne serait-ce que par John ! Je me demande s’il n’y a pas ici un tour de ce type…

Anonyme a dit…

Sur le jeu universel, Borges: Tlon Orbis Terrarum, peut-être d’un certain secours…

Christiane a dit…

Doux Noël à vous malgré l'absente.

Christiane a dit…

Oui oui... Plein de souvenirs de Fictions de Borges. L'invention du monde Boys Cavares Sylvana Ocampo.... Il me faut retrouver ce livre dans mon fatras....

Anonyme a dit…

Bon Noël à tous. SV

Christiane a dit…

Merci, SV.

MC., vos références au tarot de Marseille semblent indiquer que pour la magie de ce récit, Claire North superpose des éléments à elle et des ressemblances avec des symboles connus.
Une structure de palimpseste éclairerait son imaginaire.
Quelque chose revient souvent avec la force symbolique du tarot de Marseille dans les récits de fiction. D'où vient ce jeu de cartes. A quelle époque a-t-il vu le jour ? Qui l'a inventé. Était-ce pour la distraction ou la divination ?

Christiane a dit…

J'aime beaucoup dans ce volume 1, la neutralité impersonnelle des narrateurs qui scrutent les scènes comme du bout d'une lorgnette.
On ne saura qui regarde, d'où et dans quel but. Ils ressemblent à un public d'événement sportif, intéressé par la joute et seulement préoccupé des astuces des combattants .

Christiane a dit…

Bioy Casarès

Christiane a dit…

Le charme de la répétition dans le récit de Claire North tient aussi aux nombreuses répétitions d'un mot, d'une formule, qui scandent le récit comme une comptine... Des instants brefs et ludiques. Le temps est ainsi différent pour les narrateurs qui semblent au-delà de la durée et celle linéaire du récit.
Je regrette de ne pas les retrouver dans le volume 3.

Christiane a dit…

C'est un peu comme différents conteurs s'emparaient des mêmes mythes et qu'ils formaient, ensemble, un livre unique fait de traductions multiples.
Le lecteur sollicité navigue dans un monde de réminiscences chatoyant, une lecture jamais terminée. Une envie que le rêve continue - un peu comme écoutant Shérazade dans ce joyau des Mille et une nuits.
Vous avez raison, MC., d'évoquer Borges et son idée de l'éternel retour.

Christiane a dit…

J'apprécie beaucoup que Claire North ne ferme pas le récit de ce volume 1. Elle l'empêche de se refermer sur lui-même. Quelque chose reste incomplet et le lecteur cherche une suite qui sauve de la fin. Elle sait rendre son récit interminable. Il me semble que dans ce volume 3 - (j'ai sauté le 2) - elle va utiliser les mêmes combinaisons, les mêmes rouages, les mêmes matériaux - (cartes, jeu d'échecs, damier, pions....), à plusieurs siècles de distance.

Christiane a dit…

La fin du premier volume relance le début du troisième. Le lecteur n'a plus qu'à revenir en arrière pour remettre les personnages - qui traversent le temps - en place.
Le denier tourne, tourne, tourne.... inscrivant dans le temps un mouvement inachevable....

Christiane a dit…

Toutefois, je réalise que si chaque histoire a un parcours différent, un cadre différent, la totalité de son ouvrage comprendra trois volumes comme les séries se terminent par le dernier épisode. Un labyrinthe qui se laisse segmenté à l'infini...

Christiane a dit…

Ces lames du tarot ne deviennent-elles pas les arcanes d'un tri divin ?

Christiane a dit…

Dieu ressemblerait alors à un écrivain imprévisible....

Christiane a dit…

Je n'ai pas retrouvé mon exemplaire de Fictions de Borges mais je me souviens de l'atmosphère de ces nouvelles déconcertantes. A travers ces récits souvent obscurs, Borges me semblait concevoir le monde comme un chaos inintelligible auquel il opposait la fabulation, ses fictions empreintes d'un fabuleux mythique métaphysique. Le fantastique y naissait de la combinatoire d'anachronismes, de légendes sans rapport avec le réel, de symboles, d'un univers cryptique à déchiffrer, de chimères, de cauchemars, de merveilleux.
Un bric-à-brac d'une grande force poétique. Des écrits qui convergent vers un centre secret, une mémoire lointaine.
Et des motifs répètes : le sable, les miroirs, les fauves, les boussoles, les jardins-labyrinthes, les bibliothèques, les prisons... le vrai et l'invention (des écrivains imaginaires, des textes imaginaires servant de references).

Anonyme a dit…

Talon orbis terrarum raconte , si je m’en souviens bien, un Empire qui tient par une sorte de loterie. Mais celle—ci est peut être antérieure à l’ Empire. Il y a quelque chose de ça dans votre Maison de Jeux, qui peut-être ici une métaphore du jeu lui même. Ce qui expliquerait que les plus grosses batailles ne se jouent pas à Venise. Les Arcanes divins du Tarot me laissent plus réservés. Je trouve normal qu’on joue à Venise selon des règles et peut-être des symboles différents de ceux de Marseille. Mais il faudrait se documenter sur le Tarot joue à Venise….

Anonyme a dit…

Tlon, pas Talon!

Anonyme a dit…

Je ne crois pas à l’hermétisme Borgesien. Borges a connu une éducation anglaise, avec l’humour qu’elle peut véhiculer….

Christiane a dit…

Ce qui est à l'origine de l'utilisation du tarot dans ce roman c'est l'autorité incontestée de la Maîtresse des jeux. C'est elle qui distribue les cartes, trois je crois, à chaque joueur qui doit rencontrer les personnes symbolisées par les cartes. Ensuite chaque joueur doit les affronter les uns après les autres et essayer de gagner. Enfin c'est ce que j'ai compris.
Je n' ai pas lu le volume 2 qui déplace le jeu dans un autre pays.
Peut-être, Soleil vert pourrait-il nous éclairer ? Je crois que le tarot sert à Claire North à cette transaction le temps de mettre en jeu la cartes.

Christiane a dit…

Borges, on en reparlera. Là, je décroche. Bonne nuit.

Christiane a dit…

Je reviens à l'hermétisme de certaines nouvelles de Borges traduites par Roger Caillois.
Vous souvenez-vous de celle que nous évoquions récemment où je confondais jaguar et léopard ?
Eh bien, j'ai relu les nouvelles du recueil dont El Aleph (tirée du recueil Fictions) celle du prisonnier, un devin, qui du fond de sa geôle de pierre, si profondément enfoncée dans le sol, si sombre, attend le moment où il peut voir le jaguar qui est dans la geôle d'à côté, derrière les barreaux. Il ne le voit que lorsque la trappe s'ouvre, à l'heure de midi,et que le gardien fait descendre à l'aide d'une poulie et d'une corde de l'eau et un peu de nourriture.
Il imagine que son dieu confie un message à la peau de ce félin. Il apprend l'ordre et la disposition des taches sur le pelage de l'animal par rapport aux barreaux. Et il "laisse les jours l'oublier" dans l'obscurité... Et pense, essaie de déchiffrer le message.
Cette intermittence, écrit Borges est celle de la mort et de la vie. Il perçoit alors ces signes en relation avec la poulie. Un archétype de l'éternité. C'est pour le devin la roue du monde, la formule d'où le monde est issu. Quelque chose qui le rattache à l'ensemble du cosmos. Le prisonnier est alors hors du temps. ( Moi aussi !)
Ce recueil devint pour moi un livre hermétique inscrivant des mythologies nombreuses et divergentes de Borges qui me parut être initié aux mystères orphiques, à la recherche d'un Dieu ressemblant à une sphère intelligible dont le centre est partout et la périphérie nulle part. Ayant la certitude qu'il est le rêve d'un autre qui est en train de revery de lui et qui partage les mêmes images. Il devient la créature d'un rêve....Il y est aussi question de quarante cartes du Truca, les combinaisons possibles d'un nombre lointain... Le miroir des énigmes... Un labyrinthe infini...

Anonyme a dit…


Non il n’est pas initié. C’est à juste titre qu’une des plus belles formules pour saluer son trépas reste celle de Dutourd titrant «  Hoffmann est mort »…

Anonyme a dit…


Non il n’est pas initié. C’est à juste titre qu’une des plus belles formules pour saluer son trépas reste celle de Dutourd titrant «  Hoffmann est mort »…

Anonyme a dit…

Ne pas confondre Réalisé Magique et Initiation, svp! Merci à Soleil Veet de ses cartes….

Christiane a dit…

Je comprends rien ay ce que vous dîtes, MC. C'est quoi être initié ? D'où sortez-vous ce terme que je n'ai pas employé. Vous êtes vraiment bizarre, parfois.

Christiane a dit…

J'ai écrit initié aux mystères orphiques, càd aimant chercher les mythologies de l'origine et s'initiant lui-même par la lecture et les recherches.
Votre initié isolé n'a pas le même sens. Encore vos domaines étranges....

Anonyme a dit…

Vert!

Christiane a dit…

Non bleu comme le ciel !

Anonyme a dit…

Initié aux mystères orphiques , s’entend, , suppose une Initiation qui n’existe plus. Dès lors j’aimerais bien savoir comment et par qui Borges, si c’est de lui qu’il s’agit , a pu être initié. D’autant que ce pouvoir la, au moment de sa Conquête , est brusquement laissé de côté….

Anonyme a dit…

En revanche il a sa place dans le Mouvement dit de la Réalité Magique, oui.

Christiane a dit…

Je comprends mieux votre pensée. Non, je ne pensais pas à cette sorte d'initiation. Merci de vos explications.