L’écrivain britannique Christopher Priest est décédé
le 2 Février 2024. Publié essentiellement en Lunes d’encre chez Denoël, il
connut un beau succès en 1975 avec Le monde inverti (Calmann-Lévy)
et un autre de ses romans Le Prestige fut adapté au cinéma.
Par la suite il s’orienta vers une littérature à la lisière du fantastique ; il
embarquait souvent ses lecteurs dans « L’Archipel du rêve », un
lieu imaginaire, terre et mer cadre de ses explorations textuelles. Il avait inventé
une Odyssée où l’idée de retour était bannie au profit d’une errance perpétuelle.
Je n’attendais pas seulement de la publication d'une de ses Fictions le plaisir de plonger dans
une histoire inédite mais l’espoir de découvrir une nouvelle façon d’écrire. Il
déployait une écriture sèche, caractéristique de son style. Méprisé par les
essayistes de tout poil, dédaigné par les maisons d'éditions « généralistes », il avait inventé avec J. G Ballard une forme de Nouveau Roman britannique. Ses
interrogations sur le Réel l’apparentaient également aux œuvres d’un autre Géant,
l’écrivain américain Philip K. Dick. La Séparation comme Le Maitre du
Château décrit la confrontation de deux interprétations d’une Réalité.
C. Priest - Librairie Scylla 2008 |
A titre personnel j’ai lu son premier roman il y a
presque cinquante ans. C’est un compagnon de solitude qui disparaît. Il faut
remercier les éditeurs français successifs qui l’ont accompagné et soutenu : Robert
Louis, Gérard Klein, Gilles Dumay et Pascal Godbillon.
Quelques-uns de ses livres, ici
Une petite étude
73 commentaires:
RIP
J'aime bien t'entendre parler d'un cousinage potentiel avec Dick dans les décors truqués qu'ils créaient. Là où Dick se montrait obsessionnel et maladif Priest se dévoilait joueur en égarant son lecteur sur le fil d'une prose magique (lire illusionniste).
Tout à fait
J'étais plongée dans un grand silence.
Dans ce silence, soudain, par votre annonce, un homme, Christopher Priest, s'enfouit dans la mort qui est silence... et nous laisse ses livres, ses mots, cette façon d'écrire avec des phrases simples et sèches pour mieux nous emporter dans ses mondes parallèles.
Grâce à votre lien j'ai relu les commentaires de "Rendez-vous demain". C'est un choc ce passé proche où nous ne parlions que de ses livres. L'homme, l'écrivain, disparaissait sous sa création. Je découvre d'autres livres de lui que je n'ai pas lus grâce aux autres billets.
JJJ a aimé lire Priest et vous remercie pour votre blog, vos chroniques. On sent qu'il est sincère.
Un homme meurt et soudain cet événement est plus fort que tous les livres qu'il a écrit. Toutes ces années où il était là, parmi nous sur cette terre. Il avait choisi d'écrire et vous en parlez bien.
Et maintenant, il est quelque part dans le silence de la mort. Un silence qui ne peut être entamé par le bruit des paroles. Ses proches dans le même silence. Interrogatifs... Dans le déchirement... commençant à égrener les souvenirs du vivre ensemble. Il portait en lui un monde secret qui se referme avec lui.
Une vie... Puis la mort...
Alors il va être absent, vraiment absent.
Nous ne lirons plus ces livres de la même façon.
Merci, Soleil vert.
Un cadeau sans prix : sa voix...
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-methode-scientifique/christopher-priest-le-grand-illusionniste-de-la-sf-8471153
Un grand constructeur d’architectures impossibles. Son « Archipel « aura été le. Samoa de ce nouveau. Stevenson .
Le monde inverti - 4e de couverture :
"J'avais atteint l'âge de mille kilomètres. De l'autre côté de la porte, les membres de la guilde des Topographes du Futur s'assemblaient pour la cérémonie qui ferait de moi un apprenti. Au-delà de l'impatience et de l'appréhension de l'instant, en quelques minutes allait se jouer ma vie.
Helward Mann est l'un des habitants de la cité Terre, une mégalopole progressant sur le sol inconnu d'une planète effrayante. Il ne sait rien de l'extérieur et doit maintenant jurer qu'il ne révélera jamais ce qu'il y découvrira. Mais le long des rails qui mènent à l'optimum, Helward découvrira un monde domine par le chaos et la barbarie, des paysages déformés, éclairés par l'hyperbole du soleil."
Étrange roman que je vais tenter de lire...
Un cancer selon sa compagne Nina Allan.
https://www.liberation.fr/culture/livres/mort-de-lecrivain-christopher-priest-createur-de-mondes-averti-20240203_YET3FSJ3WZDVZKYFD3EC7JJJYI/
Vous avez bien de la chance de lire pour la première fois ce Monde à L’envers! Chut!
Oui, je crois...
J'ai commencé... Envoûtant...
Je me demande si "Le monde inverti" n'est pas atypique dans l'oeuvre de Priest. Si on y trouve bien la mise en abime qui tortille serré le reste n'est pas du même tonneau. Ma lecture remonte à loin maintenant. Je me demande s'il ne me faudrait pas y revenir.
Je ne connais pas assez le reste de son oeuvre pour comparer mais il y a un véritable sortilège à pénétrer dans les moeurs de cette guilde très secrète. Je sens qu'il ne faut rien révéler du contenu qui se dévoile peu à peu . un peu de La servante écarlate... un peu de Soleil vert (le film)... un peu du rite d'admission de certaine secte...
Quant à la trouvaille... Mazette ! Vertige... Si ça dérape... tounicoti...tournicota... Et boum badaboum !
Un autre sortilège : lire ce livre le jour où j'apprends sa mort.
Le silence de la mort se dissout dans cette aventure de lecture comme si cette histoire portait le printemps (comme dans un texte que j'ai lu aujourd'hui chez Paul Edel, magnifique, lui qui a tant écrit ces derniers temps sur des amis et frères disparus.)
Les écrivains ont le pouvoir des magiciens . Ils peuvent nous parler après leur mort a travers leurs créations qui nous donnent accès à leur imaginaire.
Mais où Priest allait-il chercher tout cela ? qui efface pour leecteur le tic tac des horloges et tout ce que l'on sait de la Terre...même si on sait que c'est une fiction.
Après tout on rêve bien ... des choses comme cela... aberrantes. On le sait au réveil mais on a la nostalgie de ces rêves qui s'effacent.
Et quand on verse dans le sommeil, la nuit suivante, on donne à son inconscient le plein accord de nous transporter le temps d'un reve dans un monde qui ressemble à celui de Magritte. Un détail et tout bascule dans l'impossible qu'on aime comme une création hors de la pesanteur.
le lecteur
Je me demande si "Le monde inverti" n'est pas atypique dans l'oeuvre de Priest.
C'est ce que je pense. Comme dit O. tout ce qui centré sur l'Archipel du rêve est le pendant de Vermillion Sands de Ballard. D'autres textes rejoignent, comme tu l'as dit Dick.
Un monde inverti, c'est à dire inversé comme dans un miroir séparant mentalement ce qui est logique ce qui ne l'est pas. Un monde surréaliste.
Ces treuils, ces poulies comme au temps des pharaons quand il fallait déplacer des pierres pesant plusieurs tonnes...
Les prisons de Piranese avec ces perspectives impossibles...
Voilà un roman qui est riche en images troublantes...
C'est difficile, je vais tenter d'évoquer ce roman sans parler des personnages, ni de l'action, ni du mystère de ce monde inverti. L'approcher par des chemins parallèles puisant dans l'art, la poésie, d'autres écritures. Ne pas déflorer ce roman, particulier, atypique disent les deux grands.
C'est doux et scintillant comme la neige la nuit, sous la clarté d'une lune d'outre-monde. Un voyage de lecture comme Priest l'attendait de ses lecteurs ( voir l'entretien mis en lien)...
Juste avant d'aller rêver je laisse place à un souvenir celui d'un ami sculpteur. Il tenait une boule de terre molle dans sa main, la petrissait.
Il disait : si nous n'avions pas le toucher nous verrions le monde plat, sans profondeur, sans volume,
puis il frappait avec force la boule de glaise jusqu'à ce qu'elle devienne plate.
Je crois que Christopher Priest a dû longtemps pétrir une boule de glaise et laisser cette sensation devenir une image mentale qui a peut-être donné naissance à ce roman surréaliste .
Je me souviens aussi du ruban de Moebius..
Ce roman est tout à fait étonnant, écartelé entre deux magnetismes inconciliables : le Nord et le Sud.
Vous venez de le lire, et parvenez à nous dire tout cela... ! Vous êtes une merveille de réactivité... et de réactivation de nos souvenirs du "monde inverti". Merci Ch. P.
J'observe que vous portez les mêmes initiales que cet auteur. C'est un très bon signe !
J'aimerais également partager une fois encore le souvenir des fractales de Sergio, que nous aimions durant les mois précédant son agonie. Aurait-il pu avoir été influencé par Priest ? Bàv... (JJJ)
J'avance aux côtés de Helward dans son voyage fantastique. Il semble égaré dans une illusion mentale qui devient sa vérité dans un monde nommé dans le billet de SV. par " L'Archipel des rêves"
Mais son monde déformé a des points communs avec la science.
Quels sens peut trouver le lecteur à ce livre fait de métaphores.
Ainsi le Sud devient le passé où il se perd. Le nord devient l'avenir vers lequel il tend.
Mais où se situe son présent ?
C'est un monde de l'inversion et de l'illusion. Chaque peur de l'être humain semble se concrétiser comme dans un cauchemar ou sous l'influence d'une drogue ou sous l'influence d'autre chose - je n'ai pas encore trouvé l'origine de ce que je crois être ses illusions..
L'autre moitié du livre peut-être me la révélera.
Oh non, cher JJJ, je n'en suis qu'à la moitié mais je fais de nombreuses haltes pour donner du sens à ce que je lis.
Sergio était un être rare.
J'ai croisé son chemin virtuel une nuit à propos de BD. Gaston la Gaffe et Le génie des alpages de S'Murr.
Plus tard j'ai découvert la merveille de ses fractales et cet étrange roman inachevé où ses rêves ressemblaient à ceux d'Alain Resnais dans L'année dernière à Marienbad. Puis j'ai appris sa souffrance due aux suites d'une opération catastrophique et sa mort à laquelle je ne pouvais croire. Pour moi il est dans son monde de fractales...
Oui, il est possible que l'univers de Priest ait croisé son chemin de lecteur.
J'aimais quand il écrivait sur la RdL : Retour à la base.
L’archipel des Rêves existe bien mais c’est tout autre chose. SV et Convergence des Parallèles, d’accord sur ce côté atypique du « Monde Inversé « Encore que Wessex Project ne soit pas mal dans le genre…. MC
Comment rouler sans pouvoir s'arrêter sur une surface plane comme attiré par une attraction irrésistible. Très très beau passage du roman. Juste après que les trois infernales vieilles ronchonnes soient devenues toute petites, presque aplaties...
Un rêve d'ascensionniste sur une paroi horizontale perçue comme un mur effrayant.
Il me plaît beaucoup ce roman. On ne s'ennuie pas une seconde. Merci, Christopher Priest pour ce cadeau pré posthume.
Ah bon ! C'est vrai que ce n'est pas un archipel mais une ville-bulle qui retient ses habitants comme des poissons rouges dans un aquarium, leur fournissant des pincées de drôles de daphnées pour leur survie.
Ce serait comme l'histoire d'un poisson rouge amphibie qui se serait échappé et regarderait de loin l'aquarium où il a vécu ... Sauf que ce n'est pas un poisson rouge ! et que le sol est instable, mouvant, élastique...
F'murr
Une citation très éclairante de ce roman :
"Comment l'esprit pouvait-il admettre un concept dont l'œil n'avait pas été capable d'embrasser totalement la réalité ?"
Prodigieux cerveau dont on n'a pas encore exploré toutes les possibilités. La vue n'étant qu'un de ses circuits si on ajoute la mémoire.
Je crois qu'il roule parce que le passé, dans ce roman est incurvé.
Mais n'est-ce pas notre expérience intime ? Notre passé est fait de sables mouvants où il est impossible de démêler le réel de l'imaginaire.
Le monde de ce roman est donc construit sur une méfiance du passé qui est propice à nous perdre dans la prison du moi. Pour retrouver l'équilibre il faut faire l'effort de s'en extirper, aller de l'avant, s'ouvrir.
L'un par rapport à l'autre passe par deux cônes inversés ou comme l'ombre projetée par l'abat-jour conique sur le mur. L'espace du mur porte alors ces courbes entre lumière et ombre projetées. Deux mondes inconciliables tirant leurs lignes vers l'infini.
La sphère de la terre est faite de deux hémisphères, de deux pôles antagonistes. Que de passerait-il si l'on se déplaçait sur l'équateur ou dans l'espace sur une trajectoire parallèle à l'équateur ?
Je crois que Christopher Priest devait aimer les mathématiques.
C'est un roman mental qui me délivre de la pesanteur...
Platon avait écrit à l'entrée de son Ecole : « Que nul n’entre ici s’il n’est géomètre. »
On pourrait inscrire cette pensée en exergue au fronton de ce roman... atypique.
Un délice !
Les détenteurs du pouvoir qui programment ces guildes et dirigent la ville d'une main de fer sont mis à mal dans ce roman et c'est alors, mine de rien, un combat politique contre la manipulation des peuples par un système sophistiqué de lois rendant la perception et l'analyse du mal-être difficile voire impossible.
J'ai trouvé cela dans le roman et cela m'a fait frémir...
Le dérèglement du temps est un des attraits du roman. Le ralentissant dans un sens, l'accélérant dans l'autre mais seulement pour celui qui se déplace.
Nous avions évoquer les paradoxes de Zénon avec la flèche qui n'atteindra jamais sa cible , ou encore un coureur qui ne pourra jamais rattraper la tortue.
Tant que Helward se déplace le monde est incohérent, plein d'illusions. Il faudrait qu'il s'immobilise pour réfléchir... et stabiliser ce monde flottant.
Chic , il me reste un quart du roman à lire. Je voudrais le faire durer jusqu'à ce qu'il trouve mais il est trop crédule, croit trop facilement aux apparences. C'est mal parti...
Mais revenons à Helward
sur le chemin du retour. Il ne rejoint jamais la ville car à chaque fois qu'il atteint un endroit où elle se trouvait précédemment, celle-ci s'est déplacée....
Oui, Zénon n'est pas loin !
C'est aussi un roman qui délivre de la toute puissance de la raison en permettant de constater les limites de la rationalité. On affronte les illusions en même tant que Helward et on s'interroge car on est bien tranquille, un livre entre les mains alors que lui n'a guère le temps de réfléchir , lancé sur l'échiquier de Christopher Priest comme un cavalier fou ne sachant plus quelle ligne suivre. Même les rails s'écartent ou se resserrent !
La durée de son retour est une succession affolée de ses états de conscience, de sa colère, de ses decouragements. S'il était plus détendu, évitant de faire des oppositions entre ses avancées vaines et les états antérieurs, de sa situation dans sa mémoire, il comprendrait que la ville a bougé aussi...
« Il comprendrait que la ville a bougé ». Mais il le sait. La Guilde a pour fonction d’entretenir le mouvement de la ville!
Mais là nous sommes dans la troisième partie du roman. Il a dû aller dans le Sud, revient difficilement vers la ville, ne comprend pas que ses pronostics soient sans cesse en échec pour s'approcher de la ville (distance - temps).
Son horloge interne est complètement déréglée. Son évaluation des distances erronée.
C'est très intéressant.
Cela deviendra fantastique quand , ayant retrouvé la ville, il rencontrera lors d'une de ses sorties professionnelles, Elisabeth.
Ce final est astucieux. Il pourrait enfin connaître la vérité mais il ne peut, c'est trop énorme, il a été tellement formaté, tellement éduqué par cette engeance qui a créé et perpétue l'organisation machiavélique de cette pseudo ville...
Cela me rappelle une discussion houleuse que j'avais eue avec JJJ a propos de la secte du roman de Russell Banks "Le Royaume enchanté".
C'est un peu le même topo mais Christopher Priest y mêle tant de fantastique et de mathématiques que c'est un régal. Légèreté et virevoltes de la science-fiction qui fait exploser le trop sérieux des érudits.
Voilà, Soleil vert, j'ai terminé la lecture du "Monde inverti" de Christopher Priest. J'ai essayé de ne pas dévoiler les mystères du roman bien que le Net soit très bavard.
C'est un roman que j'ai beaucoup aimé.
Merci d'avoir évoque cet étonnant écrivain. La lecture de ce roman a généré ces commentaires un peu fous, c'est comme un bouquet de fleurs printanières que je pose sur son silence.
Je prélevé dans le beau billet de Pierre Assouline, tellement émouvant, sur Kafka, cette phrase :
«Son monde a cessé d’être. Seule sa langue vit».
Puissent ainsi vivre nos écrivains aimés au-delà de la mort...
évoqué
« L’organisation machiavélique de cette pseudo-ville »Comme vous y allez! Il faut tout de même heurter le Pacifique pour l’ arrêter ! Et c’est un. Monde cohérent en y incluant les gaffes de F Destainne qui ont les effets pervers que vous savez MC
C'est votre interprétation. La mienne est différente. Une possibilité qui plaisait beaucoup à Christopher Priest qui se plaisait à imaginer les lecteurs libres d'interpréter des romans et nouvelles.
Différente, oui, est-ce une raison pour qu’elle soit négative, et nous refaire ici la querelle avec JJJ? Il ne me semble pas. Bien à vous. MC
Vous vous intéressez à une invention scientifique. Je m'intéresse au sort de ces femmes , de ces hommes prisonniers d'un fou et de ses mensonges. Et d'une organisation opaque de leur vie. Nos choix ne sont effectivement pas les mêmes ce qui devient habituel.
Je ne vois ici nulle querelle mais l'expression d'opinions divergentes.
Ce que j'avais à dire sur ce livre, je l'ai dit. Je ne désire pas entrer dans une discussion avec vous. Laissez donc JJJ tranquille. Nous avons eu des échanges harmonieux sur ce livre.
@ Je prélevé dans le beau billet de Pierre Assouline, tellement émouvant, sur Kafka, cette phrase : «Son monde a cessé d’être. Seule sa langue vit».
------------
C'est en réalité la dernière phrase de l'épilogue da la monumentale biographie de Reiner Stach (2e t. au Cherche-Midi, Paris, 2023, p. 826) : "Si Kafka avait eu par deux fois la chance d'en échapper, d'abord à la tuberculose, aux camps ensuite -au terme de cette catastrophe civilisationnelle-, il n'aurait plus rien reconnu. Son monde a cessé d'être. Seule sa langue vit".
Bà, Ch. et MC. (JJJ)
d'en réchapper ...
Oh, merci, JJJ.
Le sens donné à cette phrase, grâce à vous, me plonge dans une méditation sombre sur cette période de l'histoire.
Oui, certains rescapés n'ont rien reconnu...
Et d'autres comme Ottilie (Ottla), sa sœur tant aimée qui est morte à Auschwitz en septembre 1943, n'en sont pas revenus...
La Villr de Priest n’est pas le lieu d’une folie meurtrière, tout juste d’une expérience qui tourne mal. Cela suffit à la classer au nombre des inventions sataniques . On ne sait pas vraiment pourquoi…. MC
Ville!
Cela suffit à la classer au nombre des inventions sataniques
???
« Il comprendrait que la ville a bougé ». Mais il le sait. La Guilde a pour fonction d’entretenir le mouvement de la ville!
Anonyme - 4 février 2024 à 17:16
Si vous aviez lu le livre vous ne poseriez pas cette question à moins que vous ne layez oublié...
"L’organisation machiavélique de cette pseudo-ville" Comme vous y allez! Il faut tout de même heurter le Pacifique pour l’ arrêter ! Et c’est un. Monde cohérent en y incluant les gaffes de F Destainne qui ont les effets pervers que vous savez." MC
"La Ville de Priest n’est pas le lieu d’une folie meurtrière, tout juste d’une expérience qui tourne mal. Cela suffit à la classer au nombre des inventions sataniques . On ne sait pas vraiment pourquoi…." MC
5 février 2024 à 09:51
Que répondre à ces contresens, à ces déformations de mes commentaires ?
Dans cette remarquable fiction de Priest, Destaine, ce physicien qui a développé l'immense générateur qui permet de fournir de l'énergie électrique (après "l'Effondrement" qui aurait supprimé les sources d'énergie sur la terre), n'ayant pas été reconnu dans son invention, "est parti en Chine. On n'entendit plus jamais parlé de lui." ( dit Elisabeth). Il n'est pas dans le roman !
Par contre, la gigantesque station de recherche qu'il avait créée puis abandonnée existe toujours et fournit toujours de l'énergie. Elle est même habitée ! Le récit se focalise sur ce qui se passe dans cette station de recherche, "La Ville", encore appelée "Terre" et ses alentours. Les habitants y vivent enfermés, d'une façon archaïque, n'ont pas le droit d'en sortir. Tout est cadré sous la férule de la Police. Seuls ceux appartenant à une guilde (il y en a six) ont le droit de sortir mais après avoir juré de ne jamais parler aux autres habitants de ce qu'ils font à l’extérieur, de ce qu'ils voient du monde extérieur, sous peine de mort. Helward Mann en fera partie.
Tant de questions se posent alors.
Pourquoi la "Ville" est sur des rails ? Pourquoi la dirige-t-on toujours vers le Nord ? Il faut lire le roman pour le savoir...
C'est l'organisation de la vie dans cette "Ville" qui m'a intéressée. Cette cité est-elle si parfaite ? Ce "Navigateur" despote qui dirige cet univers clos et ses acolytes, que cachent-ils ?
Pourquoi des déformations spatio-temporelles affectent tous les habitants, surtout les hommes ? Où cette "Ville" se situe-t-elle par rapport à la Terre ? Qu'est-ce qui a été dit à ses habitants du monde extérieur ? La Terre est-elle vraiment hors de portée ? Comment est assuré la démographie de la ville, les naissances ? Pourquoi, régulièrement, des femmes indigènes sont réquisitionnées ? Comment les habitants sont-ils nourris ? Comment fonctionne ce générateur ? Pourquoi parle-t-on de monde "inverti" ?
Beaucoup de pistes dans ce roman d'anticipation qui nous sème et nous rattrape du début à la fin ? Les sciences oui, mais l'organisation humaine aussi (politique- racisme- esclavagisme - place de la femme...).
L'évolution de Helward Mann, si frêle, si naïf, si prompt à croire ces chimères, qui traverse le roman est passionnante ainsi que le final. C'est un très beau personnage. Un magnifique roman, vertigineux, de Christopher Priest, très bien écrit, un ton particulier.
Je ne crois pas qu’il y ait de cachâges quelconque. Simplement la retransmission d’une autre réalité. Ce qu’ Helward dit quelque part: les autres n’ont pas vu, moi j’ai vu. MC
Cachage
Vous êtes un cas désespéré, j'abandonne !
Après, que cette réalité soit fausse est un autre problème!
Mais je maintiens « qu’organisation machiavélique de cette pseudo ville » etc ne rend pas justice à un monde qui a sa cohérence avant de se fracasser devant un réel plus fort que lui. MC
Je sais bien que le rôle de Destainne n’est pas d’être dans le roman, sauf comme cause de la Ville , auteur de la Directive, sorte de Dieu dont on a perdu le souvenir de ce qu’il fut réellement. Mais en tant que physicien , il réapparaît via Elisabeth à la fin, ou me trompe-je ? MC
Destaine , Destin?
Il faudrait voir la version anglaise….
Deux solutions :
1 - ouvrez le livre . Si vous ne l'avez pas achetez-le. (Prix très modique en Poche) ou empruntez le dans une bibliothèque.
2- relisez mon commentaire précédent.
Je ne veux recopier la totalité de la longue conférence d'Élisabeth par respect pour les lecteurs qui n'ont pas lu le livre. Elle y explique tout ce qu'il faut savoir de ce personnage et de son invention.
Nous vivons dans un univers gouverné par les lois de l'espace-temps.
Celui imaginé par Priest est décrit tout entier dans la première phrase - devenue culte - "J'avais atteint l'âge de mille kilomètres".
Dans ce monde l'espace et le temps semblent être confondus dans une meme dimension.
Dans le notre disait Jules Lagneau, " L'étendue est la marque de ma puissance. Le temps est la marque de mon impuissance." Je peux me déplacer où bon me semble, mais je suis prisonnier du Temps, prix dans un flux que je ne maitrise pas. Il ajoutait aussi dans ses cours sur la perception que "L'étendue et le temps ne sont point séparables". Mais il semble là que Priest ait pris la phrase au pied de la lettre, puisque la Cité est condamnée à progresser dans une seule direction. L'étendue devient marque de l'impuissance.
Priest fait effectivement progresser la cité dans une seule direction mais son personnage, Helward Mann, fait une expérience différente.
Quand on lui donne pour mission de raccompagner trois vieilles femmes dans le Sud, il se déplace en sens contraire. Et là, que lui arrive -t-il ? Outre le fait qu'il risque d'être aspiré par l'attraction du Sud (le passé), il découvre, hagard, que le temps est lié différemment à l'espace. Le temps semble associé à ses déplacements jusqu'à fausser son évaluation et des distances et du temps qu'il devrait mettre pour accéder aux lieux où il doit se rendre, à l'aller comme au retour. Le temps et espace sont construits à partir de lui, ils sont en relation. C’est parce que le temps est associé à ses mouvements dans l’espace qu'il ne sait plus déchiffrer
le monde qui l'entoure. Mais il découvre aussi l'irréversibilité du temps. Son vieillissement s'accélère et ces quelques jours de voyage deviendront des années pour sa femme qui ne l'attend plus. Le bébé mort ne pourra revivre pas plus que l'amour, du reste.
C'est certainement la partie la plus intéressante du roman et qui échappe à la trajectoire de la cité.
On ne sait d'ailleurs ce qu'il aura compris de cette expérience du temps et de l'espace qui l'auront introduit malgré lui dans la physique quantique.
Si la cité ne se déplace que dans un seul sens, c'est autre chose : une cohérence avec la recherche de l'optimium, une nécessité de rester sur l'axe du flux. Cette ligne qui s'arrêtera devant l'océan...
Par ce personnage , Priest explore ces notions abstraites du temps et de l'espace. On a le droit alors de s'attarder et de se dire que Christopher est un auteur sacrément doué.
Il a écrit plus qu'un roman de science-fiction , il s'est autorisé des rêveries philosophiques sur la façon dont chaque être humain intériorise le temps dans sa vie. Et ça, j'ai beaucoup aimé.
C'est d'ailleurs pour cette raison qu'en cours de lecture j'ai évoqué les paradoxes de Zénon. J'aurais pu aussi évoquer "La pensée et le Mouvant" de Bergson.
Oserais-je écrire que c'est le mouvement qui est à l'origine de l'espace et du temps ?
Helward Mann connait même la distorsion temporelle, l'attraction gravitationnelle.
On peut penser que s'il était tombé dans ce trou du temps il aurait connu la chute dans un Trou noir de l'espace mais C. Priest a voulu le ramener à sa base pour qu'il vive les derniers mètres du déplacement de la cité.
Elisabeth sera certainement retournée en Angleterre avec un haussement d'épaule . Ne lui a-t-elle pas dit que tout le monde était indifférent à la vie, (survie), de cette vieille station de recherche ?
l'Optimum
Quant à Helward, il semble qu'il restera dansune résistance farouche face à Elisabeth . Il ne croit pas un mot de ce qu'elle dit !
Que deviendra-t-il revenu près de cette station de recherche qui sera certainement abandonnée... ?
Joli !
Seule nuance, le paradoxe de Zénon nie le mouvement.
Oui, vous avez raison. Mille fois raisons ! Mais c'est un tel raisonnement... comme d'introduire Dieu dans l'histoire du temps...
Je vous signale quand même qu’il est dans ma bibliothèque depuis sa sortie en France….et fréquemment relu.
La cite a son propre système fondé sur l’existence de l’Optimum. Avant que de philosopher, il faudrait peut-être comprendre ….
Ce que vous venez de dire, Soleil vert, à propos du "paradoxe de Zénon qui nie le mouvement" me conduit à réouvrir mon livre fétiche : "Niembsch ou l'immobilité" de Peter Härtling, un roman traduit de l'allemand par Bernard Lortholary.
Premier extrait :
"Comment voyez-vous le temps ?
Je le vois sous la forme d'une ligne (...) qui s'incurverait pour former un cercle, (...) s'il se refermait sur lui-même, si nous ressentions le temps comme un geste perpétuellement répété de la nature, et de tous les êtres, et de toutes les choses (...). Cette façon de nous représenter les choses ne pourrait-elle nous sauver du néant auquel nous condamne l'infini ?(...)
Je suis sûr que si j'atteins ce milieu du cercle, ce centre de repos, le souvenir qui est notre substance même et la source à laquelle nous puisons, prendra une autre forme : celle d'une sphère où tout se trouve inclus, ce que nous fûmes, ce que nous vecûmes, (...)."
Un deuxième extrait :
(les derniers mots de Caroline) :
"Voici que je ressens tout à la fois.
Que veux-tu dire ?
Tout, Niembsch, c'est merveilleux. Ça s'arrondit, je peux le tenir dans la main, ça n'a pas de poids.
Quoi, Caroline ?
Tout.
Le temps ?
Celui-ci n'est qu'une ligne, Niembsch, il n'est pas nécessaire ici.(...)
Niembsch sentit en lui quelque chose se briser, une chaîne, il fut comme projeté en avant, et d'un coup de tonnerre effrayant qui remplit le monde se détachèrent une à une quelques gouttes de silence. Le mouvement avait cessé. Ses pensées vacillantes, instables, s'effaçaient et s'abandonnaient à une musique qui les ordonnait. (...) Leurs mouvements étaient d'une incompréhensible symétrie. "
Peter Härtling raconte dans ce livre l'histoire d'une vie, celle de Nicolas Niembsch, (Lenau), un grand poète romancier (1802- 1850) obsédé par la tentation de l'immobilité comme une pénétration du moment présent participant à l'éternité.
Mais qui sait que l'immobilité se dérobe à celui qui vient de l'entrevoir . Toute l'Autriche romantique...
Pour ce roman, Peter Härtling a reçu en Allemagne le Prix des Critiques en 1965.
C'est Paul Edel qui, un jour, en a parlé sur son ancien blog.
Et que le temps est une dimension.
l'Optimum , pour vous répondre tardivement, MC, est apparemment le point du monde où le temps et l'espace sont les plus semblables.
Destaine, un penseur brillant mais néanmoins dans l'erreur, pensant que la planète Terre était devenue inhabitable et qu'il fallait survivre dans un monde devenu hostile avant que la pénurie définitive des sources d'énergie marque la fin de la civilisation technologique occidentale (L"Effondrement), inventa ce fameux générateur qui permettrait de fournir de l'énergie électrique d'une façon illimitée mais qui dépendait d'un fenêtre de translatération qui se déplaçait lentement à la surface de la planète, suivant une ligne : le Grand Cercle. Ligne sur laquelle était tractée la station, nommée Cité, à l'aide de câbles et de treuils.
(Comme le dit Soleil vert dans son billet, Destaine trouve la fonction mathématique qui décrit la courbe de ce "monde inverti" : y=1/x. de l'autre côté de l'hémisphère, au Sud, dans un monde qui sera perçu dans la suite du roman comme aplati.)
En réalité, le monde n'est pas inverti, et la Cité ne risque rien si elle s'arrête d'avancer.
Quant à Destaine, il dut abandonner son invention.et partit pour la Chine, où se trouvait une fenêtre naturelle de translatération.
Restée abandonnée, la station de recherche, sous la férule de chefs un peu fous, continua de fonctionner, enfermant ses habitants et ne laissant sortir que les guildes nécessaires à sa progression géographique.
Rapidement, des effets secondaires dûs à son puissant champ magnétique altérèrent les perceptions des habitants et engendrèrent des problèmes génétiques rendant impossible la procréation, d'où le rapt des femmes indigènes pour repeupler la communauté. D'où la colère des populations vivant aux alentours de la cité..
Elisabeth terminera sa conférence en annonçant que d'autres fenêtres naturelles de translatération avaient été trouvées, mises au point, et qu'elles faisaient partie de la vie courante.
Et qu'ils étaient bien sûr la Terre et non dans l'espace et ne risquaient rien à éteindre le générateur et à sortir. Hélas, on ne l'a crut pas et elle sortie de la Cité tentant de convaincre une dernière fois Helward avant de repartir en angleterre.
Enregistrer un commentaire