Kate
Wilhelm - Le village - Denoël - Présence du futur
L’inventaire d’une œuvre romanesque
d’un(e) auteur(e) remarquable donne parfois lieu à des déceptions ou des
semi-déceptions. Une mésaventure que l’on ne connaitra pas avec les productions
d’un écrivain de moindre envergure dont on a coché par avance l’essentiel. Le
village, recueil de nouvelles de Kate Wilhelm se situe dans cette zone d’incertitude.
Des textes ambitieux, principalement les deux novella qui ont accroché en leur
temps une nomination au Nebula, d’autres anecdotiques et un vrai coup de poing
à la Tiptree.
Précisons que Le
village publié en 1978 provient d’un ensemble de neuf fictions parues Outre
Atlantique en 1975 sous le titre The Infinity Box. Six ont été traduites.
Nouvelle titre « Le village », raconte l’invasion d’une bourgade
par des GI américains. Le récit passe sans transition d’une animation
villageoise à des scènes de massacres. L’allusion à la guerre du Vietnam est on
ne peut plus évidente. Sa brièveté, son impact en font l'originalité. Dans « La
boite infinie » le narrateur vit une existence paisible associant réussite
professionnelle et sentimentale jusqu’au jour où une jeune veuve vient s’installer
dans une proche maison vendue par d’anciens amis du couple. Il éprouve une
attirance incompréhensible pour cette femme (1) et découvre qu’il peut pénétrer
son esprit. S’ensuit une dérive mentale, la lente transformation d’un homme en
prédateur sexuel. Cette histoire de possession vue sous l’angle du bourreau est
une réussite. Par contre la lenteur de la narration dessert l’autre novella « Le
premier avril éternel ». Wilhelm immerge le lecteur dans la psyché d’une
jeune femme en peine qui a perdu deux bébés mort-nés. Sont-ils morts d’ailleurs ?
L’absence de points de repère renforce la difficulté de lecture du récit qui a
pour thème l’immortalité.
« Le canari rouge »
évoque un futur où les systèmes de santé défaillent. Un texte qui manque de
sel. « La bombe à fusion » relève de l’incompréhensible. On se
consolera avec l’humour de « La montre à remonter le temps »
qui, s’il ne révolutionne pas le thème du voyage dans le temps, dresse le
portrait au vitriol d’une famille américaine. Bilan mitigé donc pour ce
recueil.
« Le Zahir est, selon le narrateur de Borges, une personne ou un objet ayant le pouvoir de susciter une obsession chez tous ceux qui la voient » - Le Zahir in le recueil L’Aleph – wiki
SOMMAIRE
- La Boîte infinie
- La Montre à remonter le temps
- Le Canari rouge
- Un premier avril éternel
- La Bombe à fusion
- Le Village
SOMMAIRE VO
« The
Infinity Box » (1971) nouvelle (1972 Nebula Nomination), « The Time
Piece » (1975) nouvelle, « The Red Canary » (1973) nouvelle ,
« Man of Letters » (1975) nouvelle, « April Fools' Day
Forever » (1970) novelette (1971 Nebula Nomination), « Where Have You
Been, Billy Boy, Billy Boy? » (1971) nouvelle, « The Fusion
Bomb » (1972) novelette , « The Village » (1973) nouvelle ,
« The Funeral » (1972) novelette (1973 Nebula Nomination)
89 commentaires:
Ça manque de "blurb" !
"La mémoire de l'ombre" était un roman marquant, quant aux nouvelles, il y en a tant...
Voilà donc le Zahir mystérieux....
J'aime bien cet approfondissement d'un auteur que vous menez de livre en live avec cette honnêteté qui m'a fait sourire, hier, quand vous évoquez cette "zone d'incertitude" inhérente à votre recherche d'inventaire.
J'aime ce qui n'est pas logique.
9 heures. L'heure du ménage, des courses, des salles de bain...
Je regarde Bagdad café en VO. Joie. . Percy Adlon. Quel film...
Marianne Sagebrecht immense de talent dans le rôle de Jasmin et CCH Pounder dans celui de Brenda... et les autres.
Motel-station service misérable perdu au milieu de rien en plein désert de Nevada et tant de burlesque poesie. Occasion de renouer avec mes années passées....
Pas une ride dans ce souvenir.
Poussière,... passent les truckers, des routards, et puis rien. Presque un décor de SF pour saltimbanques et autres paumés en tous genres. Métamorphoses. Une musique de piano-bar et d'harmonica qu'on n'oublie pas.
Une passante farfelue lit "Mort à Venise", le fiston joue interminablement une fugue de Bach... Et dans toute cette poussière de sable jaune l'inouï s'installe comme une évidence .
Brenda n'arrête pas de râler plantée dans sa famille de paumés. Jasmin verse sur tout cela un peu de magie avec un balai, une brosse et un jeu de prestidigitation.
Les voix sont rocailleuses à souhait...
C'est bon comme le temps qui s'arrête pour un film.
Jazzi a choisi la meilleure part de la vie, le cinéma. Seulement quand les livres sont fermés.
Et puis les couleurs, fascinantes, éclatantes. Travail époustouflant du réalisateur. Une toile surréaliste. On pense aux œuvres de Dali.
Et la chanson "Calling You", interprétée par Jevetta Steele, est encore là planant sur le film.
On entre dans un autre univers, une fantaisie sombre, très particulière. Une fiction...
Bagdad Café, c'est aussi l’amitié qui va naître entre cesdeux femmes que tout oppose, Brenda et Jasmine.
Beau film.
Une humanité rêvée dans un lieu de nulle part.
Oui, exactement.
Des images restent comme celle qui fut l'affiche du film : Jasmine perchée sur un escabeau, un balai à la main, nettoyant ou peignant un grand réservoir sur fond de ciel bleu.
Comment va Garfield ?
Mieux après la dernière seance de chimio, mais la tumeur a grossi.
Est-ce qu'il souffre ?
J'ai laissé en attente Kate Wilhelm car je lis un peu de la correspondance de Mary Shelley.
Ses lettres sont remplies de ses voyages, et surtout de ses rencontres.
J'aime sa fugue secrète avec le poète Percy Bysshe Shelley (déjà marié et père)...
Ses autres compagnons de voyage sont à rêver (John Keats...Lord Byron...
Une vie romantique et difficile (scandale... grossesses à répétition... privations ... deuils...).
On apprend à connaître sa vie pétrie de rêves, sa grande liberté intérieure.
C'est en Suisse ,dans la villa de Byron qui les hébergeait qu'elle commença à écrire Frankenstein.
C'était une soirée où les invités, tous plus ou moins poètes, étaient mis au défi d'écrire une histoire terrifiante.
Mary Shelley lut le début de Frankenstein, Polidiri celui du Vampire.
Ce monstre Frankenstein qu'elle inventa était tant attiré par les humains et par le langage. Il vivait dans une telle solitude...
Bref, je me régale !
Ainsi, le passage de cette lettre adressée à son ami Hogg, deux ans après la mort de Shelley :
"(...) ce que j'ai connu de joie comme de souffrance en Italie fait paraître mes plaisirs et mes contrariétés d'aujourd'hui comme un théâtre d'ombres. Il m'arrive parfois de prendre les choses du bon côté, mais mes amours appartiennent au passé, et mon imagination est anémiée face à une représentation mesquine et puérile lorsque je la compare avec le ravissement de ma relation avec mon exubérant Shelley, l'affectueux et sincère Edward, et d'autres moins proches, mais dont je me souviens aujourd'hui avec (une larme apparaît sur le papier ici) comme ayant fait partie des élus.
Pour toujours, votre
Mary Shelley "
Polidon/Le Vampire
Je ne peux pas demander à Soleil vert des nouvelles du pauvre Garfield et être insensible au drame que vit Clopine, elle qui ne ment jamais quand elle parle des bêtes qu'elle aime. Retrouver "sa terre" et y vivre cette mort est terrible, d'autant plus qu'elle ressasse le geste oublié qui aurait cadenassé la barrière.
C'est ainsi... une série...
Et heureusement pas de blessés graves dans le véhicule, ni de morts.
Ça ressemble au conte de Daudet La chevrey de monsieur Seguin...
chèvre
Polidori! Je me demande s’il n’a pas été le numéro gagnant au dix neuvième siècle, si tant est que les adaptations de « Lord Ruthwen ou le Vampire, « faites par Nodier, sont à la source d’œuvres lyriques dont Marschner est le plus illustre compositeur, mais pas le seul.A voir.
Polidiri et son Vampire... Mary Shelley et son Frankenstein... La soirée devait être gaie ! On dit que lord Byron aurait inspiré Polidori...
Des histoires terrifiantes ou des films terrifiants. Une peur factice puisque l'on sait qu'on est face à une fiction ? Pourquoi aime-t-on avoir peur le temps d'un film ou d'une lecture ?
Y a-t-il un rapport avec les mythes ? Quelque chose qui incite les hommes à dévier sur une part animale ou à pactiser avec le diable (Faust) pour se dépasser, se transformer ? Frankenstein mi-vivant , mi-mort... cherchant l'humain en lui.
Beaucoup de ces personnages sont amplifiés par la SF.
Qu'est-ce qu'un monstre ? Qu'est-ce qui peut être monstrueux chez un être humain ? J'avais apprécié "Eléphant-man", sa quête éperdue d'être reconnu comme un être humain. Un peu la blessure de Frankenstein.
David Lynch a créé là un film bouleversant et beau. Impeccable univers en noir et blanc où la nuit n'est jamais complète.
Joseph Merrick... quel beau personnage tout aussi poignant que Frankenstein...
John Hurt, immensément doué. Quel acteur !
Le film qui m'a laissée perplexe c'est "Freaks" de Tof Browning. Pourtant j'avais aimé son Dracula (merci , Polidori). Mais là, la fiction est dans l'intrigue car les personnages ont la même apparence dans la réalité. Ces êtres victimes de malformations sont employés pour faire peur. C'est cela qui m'a gênée. Le fait que souvent comme Éléphant Man on ne voit en eux que des phénomènes de foire.
Puis j'ai pensé que le film renvoyait le spectateur à son propre regard. Qu'est-ce que l'étrange ? Tod Browning les présente indépendants, organisés en société au sein du cirque. Il leur permet d'être animés de haine, de jalousie, de cruauté . De vrais et grands acteurs.
La monstruosité se déplace alors et on revient à un registre plus familier : la monstruosité de l'âme humaine.
Frankenstein , ce monstre inventé
par la douce Mary Shelley n'a pas de nom dans le le roman. C'est un mort-vivant, "hideuse progéniture" reniée par son inventeur .
Née de la science et de la sorcellerie.la créature effraie son "père " qui s'enfuit la laissant livrée à elle-même
Un monstre qui deviendra l'ami d'un aveugle. ( très intéressant !)
Mary Shelley est fascinée par la découverte des expériences que les chercheurs font avec l'électricité, en particulier Galvani. qui avait découvert qu'une cuisse de grenouille morte se contractait lorsqu'elle était en contact avec de l'électricité.
De là à transposer cette expérience à ces morceaux de cadavres humaind reconstitués en une créature, il n'y avait qu'un pas !
Pourquoi a-t-elle appelé Frankenstein, le Prométhée moderne ? Il fait penser au Golem.
Interprétée par Boris Karloff, la creaturerencontre son créateur, le Dr Victor Frankenstein, interprété par Colin Clive dans le film "Frankenstein" réalisé par James Whale (1931). Une merveille en noir et blanc.
John Polidori était le médecin et secrétaire de lord Byron
Dans ses lettres , Mary Shelley écrit de ces journées passées dans la villa delord Byron :
"Une pluie incessante nous empêchait, des jours durant, de sortir de la maison. Quelques volumes d’histoires de revenants [...] tombèrent entre nos mains. [...] Les événements qu’elles content sont aussi présents à mon esprit que si je les avais lues hier ».
Elle ajoute : "Cet isolement peuplé d’histoires de fantômes, d’expériences et de lectures porta ses fruits le jour où lord Byron proposa aux convives d’écrire leur propre récit d’horreur."
Le Vampire, de John Polidori, une nouvelle qui préfigure le Dracula de Bram Stoker (1897),
Mary Shelley, à cette époque,, s’appelait encore Mary Godwin. Elle avait assisté enfant aux salons littéraires et philosophiques que son père, William Godwin, tenait chez lui et qui réunissait les esprits les plus brillants de son temps.
C’est à cette occasion, quelques années plus tard, qu’elle rencontra le poète Percy Shelley, (alors marié et père de deux enfants. ..).
Pour en revenir à la correspondance de Mary Shelley, ce passage d'une lettre relatant une songerie qu'elle fit , est très éclairant quant à la naissance de son personnage :
« Je vis un homme blême agenouillé auprès de la chose qu’il venait d’assembler. Je vis, allongé, le hideux fantasme d’un homme ; je le vis ensuite, sous l’effet de quelque puissant engin, montrer des signes de vie puis se mettre à bouger en un mouvement malaisé et seulement à demi vivant. »
Je pense à ce que vous disiez des motivations de Victor Hugo écrivant La chute de Satan. On retrouve cette même inspiration chez Mary Shelley dans l'écriture de son roman Frankenstein, cette relation unissant la vie et la mort, cette obsession morbide liée pour elle aussi à une peur qui se concrétisera avec la mort de deux de ses enfants, par une infection contractée lors d’un voyage en Italie, et celle plus tard de Percy Shelley dans un naufrage.
Dans la villa de lord Byron était réuni un groupe d’amis romantiques, une vingtaine, partis volontairement de l'Angleterre qui les considérait comme des gens peu recommandables à cause des frasques de leur vie privée sulfureuse pour l’époque : adultère, libertinage , homosexualité et meme athéisme !
Afin d’occuper leurs soirées au bord du lac Léman, en Suisse, dans la villa de lord Byron ,ils décidèrent donc de lire, écrire, se raconter des histoires effrayantes.
J'ai commandé Le Village de Kate Wilhelm. Il n'existe plus qu'en occasion et c'est un peu plus long pour l'obtenir. En attendant , j'ai musardé dans d'autres lectures et réfléchi à la notion de monstre et de peur. Pensé au cinéma en noir et blanc des années où on sortait du muet. Très bonne soirée.
J’avais noté quelque chose ou je me demandais si Polidori n’avait pas gagné la manche au dix- neuvieme siècle avec l’adaptation de Nodier, Lord Ruthwen ou le Vampire, lui même adapté à l’ Opera par Marschner et d’ autres. Il la reperd maintenant que la Frankensteinerie gagne du terrain, mais il peut le regagner quelque jour. Invraisemblable carrousel des Mythes.,.!Bien à vous. MC. PS Du temps de Mary Shelley, la mortalité infantile est encore une réalité. L’on rejoint ici Leopoldine Hugo. Venant après un petit Leopold mort, comment ne serait-elle pas une réincarnation?
) hier, mais ce n’est pas passé)
Ici , non , lire peut-être !
Au point où nous en sommes de ce temps incertain qu'hier doit aujourd'hui est dans l'ordre des choses. Le temps linéaire devient cyclique.
Le carrousel des mythes revu par vous ressemble à la fable de Zenon. Qui dépasse l'autre dans un monde où la vitesse est revue comme autant d'arrêts image ?
Il est vrai qu'ils ont donné le goût de l'étrange habillé de banalité.
Être étonné par la SF ? Avec Soleil vert comme guide que de ramifications... La poésie se tient au croisement des temps.
Dieu lui-même sort de l'ombre. Où a-t-il caché le chiffre au moment de la création ?
Pour Hugo, Borges, Mary Shelley s'ouvre un labyrinthe dans l'espace de la mort où ils cherchent la présence de ceux qu'ils ont aimés et qui sont partis... et l'écriture de Dieu n'est qu'intermittence...
Je contemple cette bibliothèque dont le centre est partout et la fin nulle part.
« Zenon, cruel Zenon, Zenon d’ Elee! ». Et voici Valéry embringué avec nous!
"Zénon ! Cruel Zénon ! Zénon d’Élée !
M’as-tu percé de cette flèche ailée
Qui vibre, vole, et qui ne vole pas !
Le son m’enfante et la flèche me tue !
Ah ! le soleil… Quelle ombre de tortue
Pour l’âme, Achille immobile à grands pas !"
Ah, "Le cimetière marin" et les maisons des morts, quelle belle méditation poétique...
C'est la méditation d'un moi...
La pensée de Paul Valéry fait vivre tout ce qui n'existe pas.
Ainsi Achille ne rattrapera jamais la tortue seulement si Achille s'arrête aux endroits où la tortue était quand il aurait pu la rejoindre, lui laissant alors la possibilité de s'échapper du réel.
Ainsi la flèche vue comme dans une chronophotographie, une succession d'images d'elle décomposant chronologiquement les phases de son déplacement .
Ainsi l'homme ruminant l'idée de la mort contrairement à l'animal qui n'est à chaque instant que ce qu'il est.
Encore que les animaux ont le pressentiment de la mort.
Mais demain reste une puissance cachée pour les deux. Et même pour Frankenstein...
"Ce toit tranquille, où marchent des colombes,
Entre les pins palpite, entre les tombes ;
Midi le juste y compose de feux
La mer, la mer, toujours recommencée !
Ô récompense après une pensée
Qu’un long regard sur le calme des dieux !"
Quel bonheur d'entamer ainsi cette longue méditation.
Et La Jeune Parque...
"L’air me brise. L’oiseau perce de cris d’enfance
Inouïs…l’ombre même où se serre mon cœur,
Et roses ! mon soupir vous soulève, vainqueur
Hélas ! des bras si doux qui ferment la corbeille…
Oh ! parmi mes cheveux pèse d’un poids d’abeille,
Plongeant toujours plus ivre au baiser plus aigu,
Le point délicieux de mon jour ambigu…
Lumière !… Ou toi, la mort ! Mais le plus prompt me prenne !…
Mon cœur bat ! mon cœur bat ! Mon sein brûle et m’entraîne !
Ah ! qu’il s’enfle, se gonfle et se tende, ce dur
Très doux témoin captif de mes réseaux d’azur…
Dur en moi… mais si doux à la bouche infinie !…"
A Julien P. Monod, P. Valéry écrit :
"Quand je composais ce poème, je ne pouvais prévoir de quelle conséquence il serait pour moi. Mais je sentais vaguement qu’il me conduisait de vers en vers, où je ne voulais pas aller ; et c’est pourquoi j’écrivais : J’y suivais un serpent qui venait de me mordre. Ce vers m’était obscur. Je le trouve éclairci."
Victor Hugo aurait pu écrire ces mots à propos de La Chute de Satan...
C'est aussi le monologue d'une femme en proie à un combat entre son corps et son esprit...
Et comme tout est lié,... dans une lettre adressée à Pierre Lecuire, Nicolas de Staël essayait de parler de la peinture, plus exactement de l'acte de peindre - ce pourrait être l'acte d'écrire.
"Elle est un trompe-la-vie comme elle sera toujours pour être. On ne peint jamais ce qu'on voit où croit voir, on peint à mille vibrations le coup reçu, à recevoir, et comment crier sans colère."
J'écoute ce moment de recueillement face à la mer, à Marseille, pour les migrants morts en mer, entassés sur des bateaux de fortune, noyés certainement dans leffroi.
L'étranger... (À traverser les romans SF, peu d'intégration... À scruter le réel, ça grince entre linstallé et l'immigré. Les uns se cramponnent aux frontieres, les autres veulent entrer... arriver sur une terre fantasmée ...)
La Méditerranée... no man's Land pour dernier tombeau .
Fallait-il qu'ils partent vers linconnu ou qu'ils restent ?
Impasse pour ces êtres pris dans un groupe, une cohorte, avec la peur et des rêves. Cette mer comme un passage entre vie et mort.
Des reliquats de Lecuire sont présents dans ma Bibliothèque. Dont me semble-t-il le Sylvia Baron Supervielle dont nous avions parlé, avec envoi à PL. MC
Oui je me souviens. Qui est PL ?
Une BD qui m’avait particulièrement ému” Les oiseaux ne se retournent pas”de Nadia Nakhlé.
L’histoire d’un exil à travers le regard d’une enfant.
Et cette phrase en tête du poète Darwich Mahmoud: ”Nous souffrons d’un mal incurable qui s’appelle l’espoir”.
J'aime beaucoup cette pensée du grand poète Darwich :
"Nous souffrons d'un mal incurable qui s'appelle l'espoir".
J'aimerais bien lire ce livre de Nadia Nakhlé " Les oiseaux ne se retournent pas". Je vais essayer de le trouver. Merci Biancarelli.
Oh, mais c'est une oeuvre dessinée et peinte en noir et blanc, superbe.
Une fillette pense : "Adieu ma terre.". Elle dit : "Des hommes en noir ont piétiné tous nos espoirs."
Et l'histoire d'Amel commence par une citation de Saint Exupéry : "Je suis de mon enfance comme d'un pays."
Tout proche, des bombardements.
Derniers conseils des proches et marques délicates d'affection...
Un jeune garçon l'attend, son guide....
Magnifique mise en page. Très peu de texte, écrit finement en cursive. Pas de cases mais une successions de petits tableaux dans le blanc de la page.
Merci, Biancarelli. Ce livre me touche en ces premières pages par sa pudeur.
Donc ses parents sont morts...
Quand elle se retrouve dans un groupe de... migrants sur la route, j'aime que l'auteur ait laissé les visages des autres en blanc, comme si seul le visage de son ami avait de l'importance.
Elle reconnaît une amie, plus âgée, qui fuit aussi. Elle lui demande :
- ça s'appelle comment déjà où on va ?
- la France... Paris...
- Est-ce qu'il y a la guerre là-bas ?
Et lecil commence. Les images s'assombrissent. Les passeurs dans visage, autoritaires s'emparent de leur destin.
L'arrivée dans le camp de réfugiés, la vie qu'elle y mène. Tout cela est peint et écrit avec tant de justesse.
Quel grand livre !
L'exil
J'aime quand elle repart avec un musicien... s'enfuyant par un trou du grillage.
"Frontière après frontière
une amitié naît entre
le musicien et l'enfant
Quand leur ciel s'obscurcit,
que le passé ressurgit,
le musicien colore la nuit noire
de quelques harmonies.
La musique leur permet presque
d'oublier la souffrance de l'absence,
la douleur de l'exil.
Perdu quelque part entre le néant
et l'avenir, celui qui voyage sans
souvenir, ne sait plus à quel
monde il appartient.
L'ancien soldat est de ceux-là.
Il navigue entre les mirages."
Ce texte sur une seule image : l'enfant endormie portée par le musicien. Ils marchent... son oud en bandoulière.
Voilà, après je lis en silence. C'est une belle et grave histoire, surtout aujourd'hui...
Avant de vous quitter cette parole du musicien à l'enfant :
"Les oiseaux ne se retournent pas. Ils partent."
Merci , Biancarelli.
Une pause, le temps de découvrir le dernier texte de Paul Edel.
Ondine...
Il est dans ce texte... elle est dans ce texte... comme de passage.
Se rencontrent, se perdent, s'oublient, se retrouvent avec une facilité déconcertante.
Vertige ébloui. L'eau cherche son être, avidement.
Une innocence primordiale,
secrète et mystérieuse.
Il joue avec les mots comme on lance les dés. Elle joue avec lui, lancinante.
L'enfant ne veut pas être une enfant. Une femme dont l'enfance ne finit pas, magique comme la fée des eaux.
Absente et présente. Écume et chair douce.
Elle reste intouchée. Présence flottante d'une obsession intime.
Les mots effleurent à peine la page. Une nuit explorée comme une évasion de ses limites. Un être d'ici et d'ailleurs....
Biancarelli,
La fin est comme un rêve...
Puissent les enfants immigrés connaître ce bonheur....
C'est une belle oeuvre d'art, emplie de citations de poètes. Une histoire dure ne faisant l'impasse sur aucun des périls qui menacent l'enfant.
Merci à vous pour ce partage.
Oui c’est une lecture onirique,entre mélancolie et espoir. Ces migrants sont un peu comme des oiseaux migrateurs dont certains périront en vol.
C'est un livre très émouvant, d'une beauté rare qui me touche par ses personnages, ses images, son histoire et ce texte.
Écoutant l'oiseau blanc qui s'est posé à Marseille pour parler des migrants, j'ai partagé ce livre , avec vous, comme celle d'une petite voix : " Nous souffrons d'un mal incurable qui s'appelle l'histoire."
"Les oiseaux ne se retournent pas”de Nadia Nakhlé. Éditions Delcourt/ Mirages.
Un aperçu du livre :
https://books.google.com/books/about/Les_Oiseaux_ne_se_retournent_pas.html?hl=fr&id=VInVDwAAQBAJ#v=onepage&q&f=false
PL était ´Pierre Lecuire!
Oui, j'ai compris, après... que le livre de Sylvia Baron Supervielle lui dédiait ce livre. J'avais compris l'inverse !
Pierre Lecuire a offert à la B.N. les lettres de Nicolas de Staël . C'était un poète épris d'art.
J'ai découvert sur les présentations internet les touches de couleur dans tout ce noir et blanc. J'avais chargé le livre sur ma liseuse qui n'autorise que le noir blanc pour lire ce livre aujourd'hui parce que c'était important le partage. J'ignorais la présence des couleurs. Je vais maintenant aller vers sa version papier pour apprécier le choix des fines taches ou traits de couleur. Mais je ne regrette pas cette première expérience qui m'a plongée dans le drame de cette enfant et de ce soldat déserteur qui confie à son oug toute sa peine. Et puis les oiseaux. J'ai hâte de les découvrir dans le livre.
son oud
Et un bibliophile exigeant pour lui-même et ceux qu’il éditait…Je ne me retrouve pas toujours dans ces choix esthétiques ou poétiques, ni dans son gout prononcé pour Char, ce qui m’a évité de me ruiner ..Ne pas prendre plaisir à un livre est une bonne excuse pour ne pas l’ acheter ! Bien à vous. MC
Char... c'est une autre histoire... je ne sais ce que Pierre Lecuire aimait en lui.
J'ai aimé l'écriture de ce grand géant de L'Isle-sur-la-Sorgue ....
Ce que Jean Paulhan lui écrit le 16 juillet 1946 est très proche de ce que je ressens à le lire.
"Bien cher René Char, merci des "Feuillets d'Hypnos", et du miel qui les accompagne.
Il y a toujours eu dans votre œuvre une obscurité centrale, à laquelle on venait buter et on butait encore. Mais chacun voit bien à présent qu'elle rayonnait - qu'elle rayonne - la lumière la plus inflexible. Voilà qui est voir les choses en face, et sans cligner des yeux. Merci donc, et sachez-moi vôtre."
Ou encore, ces mots énigmatiques de Joë Bousquet écrits le 31 août 1946, dans La Gazette des lettres.
"Celui de ces hommes que j'estime le plus est aujourd'hui René Char. René Char ne croit pas que la vie ait un sens et que nul n'y peut prétendre qu'il ne doit auparavant devenu sa vie même, tout ce que peut devenir une vie. Voir plus loin aveugle."
Char écrivait à la même époque :
"Les ténèbres du Verbe m'engourdissent et m'immunisent.
Je ne participe pas à l'agonie féerique."
(C'était dans "Les Feuillets d'Hypnos", dédiés à Albert Camus.
Camus dirigeait la collection "Espoir" chez Gallimard où parut ce livret.)
C'est toute une brassée d'amis dont Eluard et Nush, Vercors, Leiris, Matisse, Braque, ...
Le recueil précédent "Seuls demeurent", publié l'année précédente chez Gallimard, est un de mes préférés.
Ce poème, par exemple :
Congé au vent
"A flancs de coteau du village bivouaquent des champs fournis de mimosas. A l'époque de la cueillette, il arrive que, loin de leur endroit, on fasse la rencontre extrêmement odorante d'une fille dont les bras se sont occupés durant la journée aux fragiles branches. Pareille à une lampe dont l'auréole de clarté serait le parfum, elle s'en va, le dos tourné au soleil couchant.
Il serait sacrilège de lui adresser la parole.
L'espadrille foulant l'herbe, cédez-lui le pas du chemin.
Peut-être aurez-vous la chance de distinguer sur ses lèvres la chimère de l'humidité de la Nuit ?"
Ce poème aurait plu à Bachelard qui cite dans"Les images poétiques de la flamme" ces vers de Jean Bourdeillette :
"Les lupins bleus brûlaient
Comme des lampes douces".
Puis-je croire qu’on se fait beaucoup d’illusion sur le verbe de Rene Char? Y compris le gros Matou Paulhan? MC
"le gros Matou Paulhan" !!!
Préférez-vous Gaëtan Picon ?
"(...) l'admirable "Poème pulvérisé ", qui nous révèle le dernier état de sa voix, l'œuvre de René Char n'a cessé de grandir. Chaque titre s'inscrit sur une ligne qui, de toute évidence, est celle d'une conquête, d'un dépassement constant. Si prometteurs et déjà si accomplis que soient les recueils antérieurs à la coupure de la guerre (...) c'est avec une autorité presque inespérée que les recueils récents les confirment et les franchissent. "Seuls demeurent, Feuillets d'Hypnos, Le poème pulvérisé " doivent rendre sensible à tous que, de la poésie de ce temps, René Char est l'une des voix majeures. Et rien ne semble plus légitime que la vénération minutieuse que lui porte Georges Mounin dans un essai scrupuleux, le premier commentaire d'ensemble consacré à René Char.(...)"
Novembre 1947
Alors après le Matou ?
Cette unanimité dans la louange du matou Paulhan au fin Picon n’est pas partagée par le signataire de ces lignes, qui pense avec d’ autres qu’on se fait beaucoup d’illusions sur ledit Bon géant .
MC
Oui, je le lis beaucoup moins maintenant et surtout dans quelques recueils.
Je regarde et écoute sur Arte un film documentaire de qualité sur Nicolas de Staël, très biographique. Intelligent, suivant ses déplacements. Beaucoup de photos.
PS. J'ai bien aimé vous taquiner avec Char qui a été avalé par une mode détestable.
Eh bien,j'ai eu le livre entre les mains cet après-midi. Je ne suis pas du tout conquise par les tâches de couleur ni par le trait devenu épais avec le format du livre.
Je préfère la discrétion du format réduit à l'écran de la liseuse et ces variations de noir en blanc.
Mais le récit reste puissant, réaliste et poétique. J'aime que les poésies arabes soient traduites à la fin du livre
Merci encore d'avoir évoqué ce livre de Nadia Nakhlé.
Oui, ce film documentaire (Nicolas de Staël - La peinture à vif de Françoise Levy-Kuenzt - 2023 ) est vraiment intéressant. Si Nicolas de Staël n'a cessé de peindre on apprend qu'il a aussi beaucoup écrit et avec profondeur. (quelques textes lus). . Écrit sur cette impossibilité de se satisfaire de l'avancée de sa peinture. Insastifait du regard des galeristes à New York qui faisaient de ses toiles un monde marchand et d'autres qui n'ont absolument pas compris ses variations sur les corps des joueurs pendant un match de foot. Exigeant envers les femmes, amoureux intense et prompt à les quitter ou à les entraîner dans des fugues insensées. Quel nomade !
La toile quasiment rouge du Concert est belle et affolante car elle aspire le regard. Inachevée...Vertige.
Est évoquée cette longue amitié avec Pierre Lecuire, leur importante correspondance.
Tous ses paysages sont présents, photos et films.
Je ne l'imaginais pas si grand, presque deux mètres. Un visage inquiet scrutant les gens, les couleurs, les paysages. Beaucoup de témoignages.
PS : Je crois que Marie Sasseur a mis le lien de l'émission. Tant mieux.
C'est très étonnant cet engouement pour Nicolas de Staël. S'il est une peinture difficile à affronter c'est bien la sienne, surtout dans les années où il maçonne sa peinture souvent sur des cartons de petits formats. Des touches qui obstruent la surface peinte. Une épaisseur opaque. On n'y voit rien. On n'y comprend rien. Tout est couvert. C'est parfois fendillé comme de la boue qui a séché. Des couches de peinture se superposent. Ces années 50 sont lourdes grises, bitumes, ocres salis, céruse craquelée, noirs voraces sui avalent le fond comme le loup le fait de l'agneau.
Il ne regarde pas dehors, il regarde en lui. C'est l'inconscient qui propulse cette matière . Un dédale.
Enfin l'espace se simplifie.
On marche, songeur, un peu sonné .
Soudain au détour d'une salle, vue de loin, une toile vous happe. Vous pensez : oui, c'est exactement cette lumière, ces couleurs. On s'approche.
Un soleil rond comme une lune du soir éclate sur un camaïeu de bleus. Un paysage sur un carton tout petit (33x46cm - 1952.) posé sur deux rectangles un noir et l'autre rouge.. les bleus laissent apparaître un fond écaillé de minuscules traces lumineuses.. Même si c'est triste, la composition est en équilibre, se laisse contempler .
Les gris colorés se nuancent dans une composition magnifique (1952) qui fait la part belle a des blancs chauds, crémeux.
Idem pour le ciel à Honfleur. Toile verticale. (100x73cm), un nuage oblique traverse la composition tout en ciel, laissant pour l'assise une mince bande de cobalt et d'ocre pour les choses d'en-bas.
La mer s'en vient, à nouveau,avec cette plage du nord, grise et noire sous un ciel lourd de bleu sur fond gris au premier plan comme des poteaux de bois noircis par les marées sur un ocre encore mouillé.
Une autre (27x33cm), toujours huile sur carton, porte le nom de nuage. Une composition fantastique. Il monte. C'est vertical, solide, une architecture compacte.
Face au Havre, toujours la même année, sur toile, deux immenses rectangles gris, d'un gris sourd, porteur d'orage. Quoi de la mer ? Quoi du ciel ?. On ne sait. Ça chahute là où pourrait être l'horizon en partage. Toile inquiète.. La suivante est plus lumineuse . Un bleu léger et des ocres jaunes soulèvent le regard.
Mais d'où vient cette façon de peindre ?
Une halte devant des dessins lumineux. Des nus de femmes en quelques traits magiques. Pureté.
Voilà pour un début de traversée d'une exposition rare.
Et des études de barques , de voiliers, de port, aux Martigues,, feutres ou crayons sur papier. La Méditerranée semble l'alléger. Une bonne année, 1954. Un coup d'œil léger rapide. Un trait sûr.
On sent que la lumière est fulgurante, qu'il cligne des yeux.
Pour les toiles de cette année là, la lumière est dévorée. Il peint l'ombre... comme une route, superbe. Une toile de 61x81cm. Difficile à décrire.. La route, juste le route qui fuit vers l'infini d'un blanc cassé de gris pâle, entre deux champs, un noir, un blanc rosé. Trois triangles... Et au fond sur la ligne de fuite, à l'horizon donc, la masse sombre de trois arbres . Tâches incertaines comme poussées de vent.
Il écrit à Jacques Dubourg son galeriste préféré : "je suis au maximum du plan aux confins de la toile vierge, je veux dire de la surface peinte, tente sa forme comme si elle était encore vierge.. l'absence de je ne sais quoi. Une peinture concise faite dehors mais exécutée à l'atelier.
Et que voulez-vous si à force de flamber sa rétine sur le "cassé -bleu" comme dit Char on finit par voir la mer en rouge et le sable violet, il n'y a plus qu'à couvrir et vite."
Je reprendrai mes notes plus tard.
Pas participé à vos intéressants échanges sur Char.
J'ai perdu les deux volumes de Gaetan Picon consacrés a la littérature française contemporaine.SV
Ce n'est pas grave, SV. On sait que vous êtes là.
Char a beaucoup soutenu Staël. Il lui avait trouvé une batisse dans le midi.
Quand j'ai découvert des toiles de 1954, j'ai eu du mal à m'habituer puis j'ai aimé cette nouvelle manière de peindre.
Il peint plus fluide, lissant, atténuant la matière avec parfois des tissus. Quelle lumière douce. Un long mouvement. Un ralenti.
Nappes bleutées, vert tendre, ocre-sable.
Ciel et mer, le Fort d'Antibes, une marine claire, des poires insolites comme des gouttes d'eau bleue (silencieuses), la mer du nord, le Cap Gris Nez, collines.... la terre lui devient douce... le ciel envahit la toile.
Mais aussi des croquis, des études de paysages esquissés au stylo feutre. Vitesse du trait. Il capte l'essentiel. Fantomatique...
Mais tout est précaire. Il chemine vers ses limites. Les bleus céruléens se déchirent.
Dans une lettre à René Char (1952), il écrit : "je fais pour toi des petits paysages pour t'apporter un peu de mes ciels d'ici et calmer mon inquiétude ... cela me rassure un peu en pensant à toi des couleurs plein les mains à ciel ouvert. Le cassé -bleu c'est absolument merveilleux. Sans blague c'est unique René, il y a tout là. Après on est différent. Toujours ému d'aller vers cette lumière que l'on ne voit pas parce qu'elle est la lumière même."
Et à Françoise de Staël : "La lumière se lève doucement. Il fait pas jour, ça non, mais on y voit. Voilà le rose qui rase au ras des arbres, ça va vite le jour en toute douceur. On pourrait déjà peindre."
Peu à peu son univers devient poreux au regard.
Pour vous, Soleil vert, ces quelques lignes que René Char écrivit, pensant aux toiles des années 50 de Nicolas de Staël.
Ce texte est dans "La Recherche de la base et du sommet" (Alliés substanciels).
"Le "printemps" de Nicolas de Staël n'est pas de ceux qu'on aborde et qu'on quitte, après quelques éloges parce qu'on en connait le rapide passage, l'averse tôt chassée. Les années 1950-1954 apparaîtront, plus tard, grâce à cette œuvre, comme des années de "resaisissement" et d'accomplissement par un seul à qui il échut d'exécuter sans respirer, en quatre mouvements, une recherche longtemps voulue. Staël a peint. Et s'il a gagné de son plein gré le dur repos, il nous a dotés, nous, de l'inespéré, qui ne doit rien à l'espoir."
9 mars 1963.
"il nous a dotés, nous, de l'inespéré, qui ne doit rien à l'espoir"
Merci
Heureuse que vous ayez aimé cette pensée de René Char, Soleil vert .
Une toile se regarde avec le coeur. Au moment où on est face à elle, c'est un moment de vérité.
Un tel a aimé , l'autre n'a pas aimé. Un crie au génie, l'autre, péremptoirement décide qu'il ne sait pas voir mais qu'il avait une belle gueule et qu'en plus il s'était suicidé. Autant de critères pour dire : - moi je sais, je peux juger. Il ne vaut rien !
Un autre artiste dont j'aime les toiles et dessins, Giorgio Morandi, écrivait : "Certains peuvent voyager à travers le monde et ne rien en voir. Pour parvenir à sa compréhension, il est nécessaire de ne pas trop en voir, mais bien regarder ce que l'on voit."
On peut lire ce que les autres ont vu, pensé, écrit. On peut aussi faire le chemin tout seul, lentement , perilleusement, sans suivre les meutes.
Si j'ai retenu la parole de René Char, c'est qu'une profonde amitié les liait, qu'ils étaient en vérité, l'un envers l'autre, qu'aux mots de l'un répondaient ceux de l'autre et que Char passait de longues heures dans l'atelier de son ami, assis, l'observant en silence. Un bon compagnon de route. Staël, quand j'ai vu ses toiles d'abord à la mairie de Paris puis à Beaubourg où j'ai pris ces notes, cela a été un grand éblouissement face aux toiles éclatantes qu'il a peintes dans le Midi et une approche silencieuse face aux paysages melancoliques de la côte normande. Cet homme essayait de tout inventer par lui-même.
J'ai été émue que Pierre Assouline choisisse une de ses toiles pour ouvrir son billet et qu'il nous donne un lien ouvrant une route vers le musée d'Art moderne où je n'ai pas encore mis les pieds. Rien ne presse.
Pierre Assouline a un flair pour repérer dans les mouvements de l'art, les expos, ce qui mérite d'être apprécié attentivement. Une sorte de sourcier ...
La notoriété d'un artiste suit souvent une ligne de fracture. Il faut se transporter dans les oeuvres de Nicolas de Staël et en faire une lecture proustienne... La peinture comme un exercice spirituel.
Ses modestes peintures, souvent sur carton, ont un grand pouvoir de fascination .
Plus tard dans la semaine je vais lire le livre que Marie Hélène Lafon a écrit sur un Cézanne qui l'a accompagnée dans son écriture. Celui qui "allait au paysage" comme elle.
"Le Village"/ Kate Wilhelm.
La première nouvelle ("La boîte infinie") me rappelle beaucoup son roman, "La mémoire de l'ombre" que j'avais apprécié. Nous sommes encore dans la possibilité que la pensée d'un prédateur puisse prendre possession de la pensée d'un utre. Ici, en plus, l'expérience vécue s'empare du corps de l'autre, s'y substitue. C'est doucement effrayant, progressif. C'est un art de linsinuation.
Enregistrer un commentaire