dimanche 31 juillet 2022

Le mythe d’Er ou le dernier voyage d’Alexandre le Grand

 

Javier Negrete - Le mythe d’Er ou le dernier voyage d’Alexandre le Grand - L’Atalante

 

 

En l’an 318 avant notre ère, Alexandre le Grand entre dans Rome après avoir défait et massacré les légions de son plus grand adversaire. Ayant conquis la moitié du monde et survécu aux fièvres à Babylone cinq ans auparavant, il lance un dernier défit : non pas conquérir l’Arabie comme le suggère l’historiographie, mais atteindre les régions hyperboréennes. Vous l’avez compris, il s’agit d’une uchronie sur laquelle Javier Negrete, écrivain et enseignant espagnol, reviendra ultérieurement dans Alexandre le Grand et les aigles de Rome.

 

Reprenant les propos de Platon sur le Mythe d’Er dans La République, l’auteur déploie le récit d’une expédition imaginaire dans une Europe du Nord alors inexplorée, terre propice aux mythes qui abriterait dans ses régions les plus septentrionales le Temple des Moires, tout en incorporant des scènes de bataille réalistes extrapolées des affrontements des phalanges macédoniennes d’Alexandre contre les mercenaires de Darius III.

 

A l’exception d’Alexandre, Ptolémée et peut-être Léonnatos, la plupart des personnages sont fictifs et empruntent leur patronyme à des figures antiques détournées, comme Glaucias et Euctémon, ce même Euctémon au centre du roman. Médecin protégé du Conquérant depuis la résurrection babylonienne il incarne l’homme de science pragmatique face à un autre favori, Archippe, philosophe disciple de Platon, qui estime « qu’un sage est en mesure de connaître le monde sans lever les yeux de sa table d’étude ». Mais le plus grand danger qui menace Euctémon est sa relation secrète avec Nébet, princesse égyptienne qui a succédé à Roxane dans la couche d’Alexandre.


Dans ces terres étrangères, les troupes du Roi affrontent des Celtes, des Satyres, des Ménades. Elles endurent des froids extrêmes. La force de persuasion d'Alexandre, maintes fois relatée par les historiens, emporte tout sur son passage, secondée par la présence du Vagabond, héros grec surgi des âges légendaires.

  

Court roman, Le mythe d’Er ou le dernier voyage d’Alexandre le Grand se lit avec plaisir mêlant pure narration de fantasy historique et érudition discrète comme cette restitution de la vision pré-ptoléméenne d’un Cosmos de sphères cristallines. Le final est un peu décevant, mais au moins l’Hyperborée de Platon n’aura plus de secret pour le lecteur.


54 commentaires:

Christiane a dit…

Platon, La République, X, 617de
"Trois autres femmes, assises à l'entour à intervalles égaux, chacune sur un trône, les filles de la Nécessité, les Moires, vêtues de blanc et la tête couronnée de bandelettes, Lachésis, Clôthô et Atropos, chantent, accompagnant l'harmonie des Sirènes, Lachésis le passé, Clôthô le présent, Atropos l'avenir."
"Il faut surtout rappeler que les Moires, non seulement sont associées à la fin de la vie, mais aussi à ses débuts. En outre, elles président à ce mélange de bien et de mal qui est l’apanage de la condition humaine. Dès lors, elles règlent les vicissitudes alternées de la vie des hommes et en scandent les étapes essentielles."
"Un troisième mythe, celui d’Er le Pamphylien, au livre X de la République, déploie une figure cruciforme analogue. En «un lieu démonique» (614 c), où les âmes viennent subir leur jugement dernier, deux ouvertures terrestres contiguës font face à deux ouvertures célestes correspondantes, mais inversées. Entre ces doubles bouches verticales siègent dans la Prairie des juges : ils ordonnent aux justes de prendre à droite la route qui monte au ciel avec, sur leur poitrine, la notification de leur jugement, et contraignent les criminels à s’engager à gauche sur la route qui descend aux Enfers avec, sur leur dos, l’écriteau portant leur châtiment. Les âmes de ceux qui ont accompli leur cycle de punitions ou de récompenses remontent symétriquement des Enfers ou redescendent du Paradis."

(Picorées sur le web pour retrouver la mémoire du mythe qui ressemble fort à celui de la Bible.)

Qu'un écrivain, Javier Negrete, fou d'Antiquité ait désiré créer un roman à partir de ces mythes est très plausible. Vous écrivez : "Le mythe d’Er ou le dernier voyage d’Alexandre le Grand se lit avec plaisir mêlant pure narration de fantasy historique et érudition discrète comme cette restitution de la vision pré-ptoléméenne d’un Cosmos de sphères cristallines. (...) l’Hyperborée de Platon n’aura plus de secret pour le lecteur."

Christiane a dit…

Si je comprends bien, il s'agit pour ces personnages de savoir s'il y a un destin, si on peut être plus fort que le destin ?
Cela me rappelle une autre oeuvre de fiction de Friedrich Dürrenmatt : La mort de la Pythie (Ed. De l'Age d'homme).

Christiane a dit…

https://www.mollat.com/livres/344469/friedrich-durrenmatt-la-mort-de-la-pythie-minotaure

Christiane a dit…

Ou encore à ce conte arabe : Le vizir et la mort.

"Un matin le khalife de Bagdad vit accourir son vizir qui se jeta à ses genoux, pâle et tremblant :
- Je t’en supplie, Seigneur, laisse-moi quitter la ville aujourd’hui même !
- Et pourquoi donc ?
- Ce matin, en traversant la place pour venir au palais, une femme m’a heurté dans la foule.
Je me suis retourné et j’ai reconnu la mort… Elle me regardait fixement. Seigneur, elle me cherche...
- Es-tu sûr que c’était la mort ?
- Oui, Seigneur, elle était drapée de noir avec une écharpe rouge. Son regard était effrayant.
Crois-moi Seigneur, elle me cherche, laisse-moi partir à l’instant même, je prendrai mon coursier le plus rapide, et si je ne m’arrête pas, je peux être ce soir à Samarkand !…

Le khalife, qui aimait son vizir, le laissa partir. Ce dernier disparut dans un nuage de poussière…

Songeur, le khalife sortit du palais déguisé, comme il avait souvent l’habitude de le faire.
Sur la place du marché, il vit la mort et s’avança vers elle :
- J’ai une question à te poser : mon vizir est un homme encore jeune et bien portant.
Pourquoi l’as-tu terrorisé ce matin en le fixant d’un regard menaçant ?
- Ce n’était pas un regard menaçant, c’était un regard étonné.
Je ne m’attendais pas du tout à le voir ici, à Bagdad, alors que j’ai rendez-vous avec lui ce soir, à Samarkand !"

Christiane a dit…

"Et si Alexandre le Grand n’était pas mort à Babylone en 323 ? écrivez-vous dans l'autre billet mis en lien. Si le mythe résiste à l'incrédulité, Alexandre va mourir, autrement mais il va mourir et Les Moires vont battre les cartes d'autres destins....
Belle idée que ces régions du nord de l'Europe pleines de mystères à l'époque d'Alexandre.
Belle idée que cette forme géométrique (sphère cristalline). Je pense à la Mélancolie de Dürer (tétraèdre).
Tout cela est passionnant "mêlant pure narration de fantasy historique et érudition discrète comme cette restitution de la vision pré-ptoléméenne d’un Cosmos de sphères cristallines."

Christiane a dit…

https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Melencolia_I

MC a dit…

Je sais bien que nous sommes en uchronie, mais qu'est devenu au passage Aristote pour etre remplacé par Platon?

MC a dit…

Vous avez raison. La carrière de Léonnatos s'écroule lors de la mort "historique" d'Alexandre. Il a donc le droit de figurer dans une uchronie.
MC

MC a dit…

S'agit-il du Roi Glaucias? Car absent des sources, il fait un retour remarque au 317 et il tient toujours son Royaume. Euctémon, lui, est astronome à peu prés dans le même temps. Tout ceci dénote une solide documentation...
MC

Christiane a dit…

Ah, c'est bien : double signature !
Quant au débat histoire / fiction , je suis un peu dépassée... Mais c'est le jeu dans une uchronie.

Christiane a dit…

"Il (Leucippe) dit que le tout est infini, comme on l'a déjà dit ; de ce tout, une partie est pleine, et l'autre vide, et c'est cela qu'il dit être les éléments. Les mondes naissent en nombre illimité de ces éléments, et s'y résolvent."
Diogène Laërce, "Vies et doctrines des philosophes illustres", IX 31.

Christiane a dit…

Postface de l'auteur :
"(...) Les personnages qui apparaissent dans "Le Mythe d'Er" sont fictifs, hormis Alexandre et son général Ptolémée. (il y a d'autres personnages historiques, évidemment, tels Platon et Aristote, mais leur nom seul est mentionné, ils n'interviennent pas dans l'intrigue.) Les détails qui les entourent s'efforcent en revanche d'être fidèles au monde greco-macedonien de la fin du IVe siècle av. J.-C.. Les tactiques militaires employées durant leur périple vers l'Hyperborée s'inspirent de celles dont Alexandre usa pour la conquête de l'Empire perse.(...)
En dehors des conceptions philosophiques et mystiques de Platon (...) on y découvre une vision astronomique qui en était alors à ses balbutiements : la théorie des sphères cristallines qui entourent la Terre et soutiennent les orbites des autres astres. Ce système atteignit son achèvement avec l'oeuvre de Ptolémée qui allait servir de base à la conception cosmologique en vigueur durant tout le Moyen-âge.
(...) à une époque où tout le nord de l'Europe était terra incognito pour les Grecs...(...)"

Christiane a dit…


Hors sujet mais irrésistible !
"Dans la forêt de l'automne
Ce matin est arrivée
Une chose que personne
N'aurait pu imaginer
Au bois de Morte Fontaine
Où vont à morte saison
Tous les chasseurs de la plaine
C'est une révolution, car,

{Refrain:}
Ce matin un lapin
A tué un chasseur
C'était un lapin qui
C'était un lapin qui
Ce matin un lapin
A tué un chasseur
C'était un lapin qui
Avait un fusil

Ils crièrent à l'injustice
Ils crièrent à l'assassin
Comme si c'était justice
Quand ils tuaient les lapins
Et puis devant la mitraille
Venue de tous les fourrés
Abandonnant la bataille
Les chasseurs se sont sauvés, car,
{au Refrain}

Bien sûr ce n'est qu'une histoire
Inventée pour la chanson
Mais chantons-leur cette histoire
Quand les chasseurs reviendront
Et s'ils se mettent en colère
Appuyés sur leurs fusils
Tout ce que nous pouvons faire
C'est de s'en moquer ainsi :
{au Refrain}

Ce matin un lapin
A tué un chasseur
C'était un lapin qui
Avait un fusil."

Jazzi a dû apprécier ! Son reportage est étonnant. Il y a vaut la manne dans le désert, il y a les lapins pour les clandestins qui ont faim !

Christiane a dit…

Pour rappel, mais cela ne se passe pas au Champ de Mars !

La manne et les cailles
Exode 16, 9-15

"Moïse dit à Aaron : «Ordonne à toute la communauté des fils d’Israël : “Présentez-vous devant le Seigneur, car il a entendu vos murmures.” »
Aaron parla à toute la communauté des fils d’Israël ; puis ils se tournèrent du côté du désert, et voici que la gloire du Seigneur apparut dans la nuée.
Le Seigneur dit alors à Moïse : « J’ai entendu les murmures des fils d’Israël. Tu leur diras : “Au coucher du soleil, vous mangerez de la viande et, le lendemain matin, vous aurez du pain à satiété. Alors vous saurez que moi, le Seigneur, je suis votre Dieu.” »
Le soir même, surgit un vol de cailles qui recouvrirent le camp ; et, le lendemain matin, il y avait une couche de rosée autour du camp.Lorsque la couche de rosée s’évapora, il y avait, à la surface du désert, une fine croûte, quelque chose de fin comme du givre, sur le sol.
Quand ils virent cela, les fils d’Israël se dirent l’un à l’autre : « Mann hou ? » (ce qui veut dire : Qu’est-ce que c’est ?), car ils ne savaient pas ce que c’était. Moïse leur dit : « C’est le pain que le Seigneur vous donne à manger."

Science-fiction quand tu nous tiens.....

Soleil vert a dit…

"S'agit-il du Roi Glaucias? Car absent des sources, il fait un retour remarque au 317 et il tient toujours son Royaume. Euctémon, lui, est astronome à peu prés dans le même temps. Tout ceci dénote une solide documentation.."

Non, Glaucias et Euctémon ont un role différent. Quant à Aristote il est passé à la trappe.

Anonyme a dit…

Mais la documentation est sérieuse! Merci! ( j’ai failli écrire Erci!) Bien à vous. MC

Anonyme a dit…

ML embrayerait ici sur la réalisation tardive de l’ Ancien Testament sous le Roi Josias, selon la thèse de l’archéologue Israël Finkelstein. Mais cette réalisation tardive peut, elle-même, n’être qu’ uchronique! Souvenir d’un Collègue en Pèlerinage en Terre Sainte revenant du désert avec un tesson en bel araméen marqué « Merci, Père « , et adresse avec deux millénaires d’avance à l’ecclésiastique qui nous guidait! Ce jour là, mes certitudes sur l’authenticité de ce type de vestige ont quelque peu vacillé…. MC

Christiane a dit…

Beau souvenir de ML.
Quant au tesson s'il n'est vestige crédible , il est cet indéfectible espoir qu'il existe des signes donnant un sens à cette aventure humaine. Les démentir, est-ce le seuil de la raison, la frontière d'un territoire, une défense ? ( les frontières, même éloignées, passent toujours là où nous sommes.)
Dans la bataille quand Alexandre apparaît sur son fougueux Amauro, j'aime retrouver mon âme d'enfant.
Quand son armée veut atteindre le nord de toute chose, le Nord absolu, le pôle de la sphère terrestre, fût-ce t-elle région imaginaire en Hyperborée, où se cacherait le temple du destin, j'échange le savoir contre les mythes et les fables. Monde des "finistères"...le bout-du-monde...
Il faut des poètes et des récits de voyage pour rêver la vie.
Je prends goût à m'attarder ici. Cortège multicolore où toute lecture devient voyage et traversée des miroirs.
Nous voici à enturiers de l'arche perdue... mettant à distance le réel sous l'égide du langage. Solitudes de la littérature... à perte de vue...

Christiane a dit…

aventuriers

Anonyme a dit…

Amauro? Ce n'est pas Bucéphale? Je vous sens mure pur lire sylvie Baron...

Christiane a dit…

Il est noir et vif. Bucéphale ? Oui, Cela revient de loin...ici Amauro...
Sylvie Baron ? qu'a -t-elle écrit ? Supervielle ?
Bon je me réveille. Je verrai cela tout à l'heure...

Christiane a dit…

Sur la couverture du livre c'est Bucéphale mais page 46 du roman :
"Euctémon hurla de bonheur. Au centre de la formation se dressait un coursier arabe aussi noir sur la poix : ce ne pouvait être su'Amauro ; sur son dos, un cavalier avait ôté son casque afin qu'on reconnût ses boucles blondes et sa face glabre.
- Alexandre ! Alexandre nous a rejoints ! s'écria Euctémon."

Christiane a dit…

Bucéphale ?

https://www-curieuseshistoires-net.cdn.ampproject.org/v/s/www.curieuseshistoires.net/bucephale-cheval-indomptable-dalexandre-grand/amp/?amp_gsa=1&amp_js_v=a9&usqp=mq331AQKKAFQArABIIACAw%3D%3D#amp_tf=Source%C2%A0%3A%20%251%24s&aoh=16594178759595&referrer=https%3A%2F%2Fwww.google.com&ampshare=https%3A%2F%2Fwww.curieuseshistoires.net%2Fbucephale-cheval-indomptable-dalexandre-grand%2F

Christiane a dit…

J'ai décroché de l'histoire mais je regarde attentivement comment J.Negrete écrit. C'est un homme tranquille, peaufinant ses scènes,ses personnages, ses paysages. Un chercheur qui raconte et invente à partir de documents précis.
Un garçon, c'est évident ! Des histoires de batailles... Les rares scènes érotiques sont plutôt ratées. Ça ne l'intéressait pas vraiment.
Le côté mystique du mythe d'Er n'est pas non plus sa préférence.
Ses personnages fantastiques rappellent ceux de l'Odyssée mais il ne s'attarde pas.
Ce qui lui plaît c'est de faire durer les mythes grecs et ses rêves d'enfant, ses héros.
Livre sympathique. Je revois mon frère , mon fils, mon petit-fils, quand ils étaient enfants, jouer pendant des heures avec des petites figurines dans des batailles imaginaires où ils étaient tout à tour les héros et les "méchants". Et rien que pour ce très doux souvenir, j'aime beaucoup ce livre. Une détente.
Pas encore lu la fin qui vous a déçu. Peut-être que je ne la lirai pas pour ne pas être déconcertée. Peut-être que j'en imaginerai une autre plus proche du mythe d'Er...

Christiane a dit…

Silvia Baron Supervielle est effectivement un écrivain intéressant (poèmes -traductions-correpondance-vie). Merci pour la découverte, M.C.

Christiane a dit…

Eh bien, j'ai trouvé la fin du roman très intéressante. Une métaphore de l'écrivain, son rapport aux personnages, aux stratégies de ses romans surtout quand il joue avec des personnages historiques. C'est pour cela que Bucéphale est devenu Amauro. Et bien d'autres glissements.
Une vue pessimiste sur les réseaux de communication par internet me paraît doubler cette notion de jeu, ne serait-ce que par la valse des pseudos multlples qui permettent à certains de jouir du mal et de la haine à visage caché.
Il n'est pas mal du tout ce roman SF même si à la fin tous les personnages s'effritent et disparaissent avalés par le temps de la mémoire et de l'imaginaire.
Ce papyrus qui reste scellé pendant tout le roman est la voix de l'écrivain.
Bonne pioche !

Soleil vert a dit…

Je n'ai pas compris la signification du jeu final

Soleil vert a dit…

Par contre affronter ses fantômes, je comprends.

Christiane a dit…

A la première lecture, moi aussi, je n'ai rien compris. Je l'ai relue plusieurs fois cette fin. Remontant la fin du roman à l'envers.
Il ne devait pas lire le parchemin avant l'écroulement de cette fausse réalité, avant de comprendre qu'il n'était qu'une possibilité dans le jeu du stratège ( qui avait écrit le roman). Il cherchait la vérité.
La mémoire de sa vie, des événements qui la constituaient, défilait sur un écran immatériel.
Tous les personnages historiques qu'il avait aimés retrouvaient leur vrai destin.
Et lui, decillé, comprenait la machine à histoires de fiction qu'il était devenu, à laquelle il devait son existence.
Les dieux dans tout cela restent inconnaissance ou pure imagination.
Je crois que Javier Negrete s'est donné le dernier mot. Les romanciers sont des gens invincibles quand ils écrivent et des humains bien fragiles quand ils n'écrivent pas.
Les lecteurs dans tout cela ? Place de choix comme au théâtre. Ils lisent des personnages en quête d'auteur.
Enfin c'est ce que j'ai compris et c'est peut-être complètement à côté du plan de l'auteur mais j'aime bien ce que j'ai compris... C'est peut-être mon invention de lectrice !
J'aime beaucoup le labyrinthe de vos lectures (gardant une plume sous la main par précaution !)

Christiane a dit…

"Affronter" ses fantômes ? Pourquoi "affronter". Ils ne sont pas forcément effrayants, malveillants. Nous les enfantine par le chagrin de la perte. Nos pauvres morts aiment qu'on les rêve avec tendresse. Alors nous cheminons ensemble et c'est parfois tellement réel, tellement doux que le réveil nous laisse tout frissonnante de solitude.

Soleil vert a dit…

C'est la fin du livre

Christiane a dit…

Que voulez-vous dire ?

Soleil vert a dit…

Christiane, que fait Alexandre à la fin ?
... attention spoiler ...

Christiane a dit…

Il se lance à la tête de son armée sur cette multitude d'ennemis sortis de la nuit en criant Victoire sachant qu'il va mourir... à nouveau et disparaît. Je n'ai pas compris ce sacrifice.

Christiane a dit…

Mais il y a tant de batailles dans cette histoire, tant de morts, tant de sang... Les armes sont différentes mais la mort est la même. Je hais les batailles et les guerres.
Mais il y a des étoiles, des comètes.
Les Moires dont empetrees dans leurs pelotes et leurs ciseaux. Elles semblent s'ennuyer.
J'ai bien aimé le Vagabond qui ne peut pas mourir.
Bref, c'est sacrément compliqué cette histoire !

Christiane a dit…

Euctémon avec Achille rentreront eux dans la colonne lumineuse à la rencontre des Moires.
Le plus beau c'est le voyage dans les étoiles, les planètes, la terre vue d'en haut.mais après, chute libre dans l'écrit du papyrus. Ce fameux jeu... Être homme ou personnage d'une des nombreuses apparences du réel.... Demander aux Moires de couper le fil de la vie avec leur couteau... Être celui qui continue le jeu...
Alexandre aurait donc été tué dans cette ultime bataille par tous ses ennemis anciens, morts, puis tirés du néant pour se venger.
Et vous, Soleil vert, qu'avez-vous compris de cette fin du livre ?
Euctémon est plus intéressant qu'Alexandre, non ? Mais j'ai aimé le rêve d'Alexandre, moins qu'il entraîne son armée vers la mort pour y parvenir. Et le Vagabond Achille a des faux airs du hollandais volant qui ne pouvait pas mourir.
Il fait une chaleur torride. Un orage est annoncé pour demain sur Paris.
J'adore les orages, leur violence, les éclairs, le tonnerre et cette fraîcheur soudain qui gagne l'air saturé de fournaise.avec toutes ces giclées d'eau sur les toits.
Merci pour les étoiles, les comètes et tous ces romans que je comprends un peu, pas beaucoup, passionnément.

Anonyme a dit…

Il ne peut que mourir ayant compris, si je suis bien, qu’il n’est lui-même qu’une virtualité parmi tous les Alexandres possibles. Un lien à faire peut-être ici avec Hymne de Sortie du Clergé de Brown. Se rappeler que la pièce que nous nommons le Fou s’appelle là-bas l’Eveque la partie y est vécue en trois pages du point de vue d’un être qui est la piece, l’évêque, et de celui de la partie , les deux se rejpignant à la fin sans que l’Eveque comprenne ce qui lui arrive. Ici, ce peut-être, Borges aidant, la compréhension qui tue le personnage…Ce n’est qu’une proposition.

Christiane a dit…

La compréhension tuant le personnage. Oui, tout ay fait pour Euctémon.
Alexandre qui ne peut que mourir. Oui, absolument.
Le fou dans le jeu d'échec... Voilà une idée intéressante. Merci.

Christiane a dit…

Ce personnage, Alexandre, apparaît peu dans ce roman. Toujours sur son cheval, toujours à mener des batailles. l'Histoire le présente comme un conquérant un peu fou, sans pitié sur les champs de bataille, un conquérant fou que rien ne satisfait.
Mais aussi comme un lettré épris de culture classique, admiratif d'Achille, peu amoureux, plutôt un homme d'amitié.
Les conquérants... Qui les admire encore dans ce monde où les guerres de conquête ont épuisé les peuples.
Une paix illusoire change de paysage. Est-elle seulement à chercher dans les étoiles ?
Plus que des dédoublements, des jeux de rôle, il me semble que l'essentiel est d'être lucide sur soi-même, bien dans sa tête et dans sa vie. Bonheurs simples dont la culture sous toute forme est une nourriture de choix, amis et proches. Et un jardin - fut-il une plante qu'on arrosé chaque matin.
Euctémon est intéressant car troublé, peu sûr de lui, divisé. Je l'ai suivi avec plaisir, oubliant au passage le bouillant Alexandre et toutes ces batailles.
Je lui imagine un autre voyage final sans écran, sans Moires, libre et se transportant de planète en planète dans l'infini plein d'étoiles. Faut-il que sa mémoire l'encombre ?

Anonyme a dit…

Vous me faites prendre conscience qu 'un Cavalier est aussi un pion des échecs, souvent sacrifié, d'ailleurs, mais il ne faudrait pas pousser trop loin l'analogie...
Bien à vous. MC

Christiane a dit…

Oui, le Cavalier , mathématiquement, est mieux placé au centre de l'échiquier.

Christiane a dit…

Comme si Negrete renonçait à son roman pour suivre les vaincus.

Christiane a dit…

Comprendre... C'est une fenêtre ouverte par où entre le passé et qui laisse des ombres gagner l'écran. Cette fin est troublante comme si nous ne comprenons plus la langue du livre. Alors la langue se repose. Le livre se referme. Negrete ne donne aucune explication.
Il laisse place à la première page d'un livre que le lecteur va écrire...
Et vous , Soleil e, vous êtes resté très silencieux sur ce livre depuis votre billet, nous laissant nous égarer dans nos suppositions.

Christiane a dit…

Soleil vert

Christiane a dit…

Un cadeau rare. Apostrophes - 1984. Invités Kundera, Nadeau, S.Leys...
Évoqués : Kundera, Orwell, Kafka.
L'émission se termine. En voici le replay


https://lcp.fr/programmes/rembob-ina/milan-kundera-dans-apostrophes-1984-88329

Christiane a dit…

Ah, j'ai compris votre remarque, vous étiez dans le livre. L'armée des morts-vivants qui se dresse devant Alexandre. C'est eux les fantômes terrifiants.
J'étais dans la vie, quand on rêve parfois de nos morts. Eux ne sont pas terrifiants.
Vous feriez un prodigieux cinéaste. Cette armée de fantômes innombrables.
Remarquez, s'il en n'avait moins tués , des guerriers, il y aurait eu moins de fantômes... Ces conquérants sont épuisants, ils ne vivent que pour les batailles.
C'est pour cela que vous me demandez plus loin ce qui est arrivé à Alexandre. Vous avez dû croire que je n'avais rien compris avec mes "pauvres" morts. Ah la la, quelle histoire et que de morts !
Bon, cat va mieux ? La connexion est-elle rétablie ?
C'est déjà le matin. Les oiseaux vont bientôt chanter et le jour se lever.

Christiane a dit…

Je vous ai écrit un petit commentaire plus haut sur les fantômes terrifiants.

Christiane a dit…

Deuxième compréhension de vos remarques. Quand vous écrivez : "c'est la fin du livre", c'est pour situer les fantômes terrifiants. J'ai compris autre chose. Décidément !
J'ai compris : c'est la fin du genre romanesque si l'écrivain reprend la main sur ses personnages.
Nous employons le même langage et pourtant les mots nous entraînent dans des univers de pensée différents.
C'est passionnant.
Eh bien ce roman nous aura offert une réflexion sur le langage à défaut de nous entendre sur cette aventure d'Alexandre.
Ce que j'ai aimé c'est cette colonne de lumière où il laisse sa main pénétrer. Le rêve est là, à portée de sa main et non, encore une fois, il retourne se battre et certainement mourir.
Que se serait-il passé s'il avait continué son exploration ? Que lui aurait dit le trio des Moires ?

Christiane a dit…

Ça va, ça va, je vous ai compris ! (Comme dirait certain). Il faut juste que l'on s'installe dans la même façon de penser. C'est pas gagné !!! Bon, je vais m'appliquer. Le livre et rien d'autre. Promis !

Christiane a dit…

Tout est déjà dans le titre, n'est-ce-pas ? "Le dernier voyage d’Alexandre le Grand".
Mais qui sait si Javier Negrete ne désirera pas un jour, par un tour de magie, saisir son Alexandre, le sortir de cette mêlée terrifiante, lui donner un nouveau cheval, fonder une nouvelle histoire avec Euctémon ?
Comme vous le dites, la fin est frustrante...

Christiane a dit…

Une mémoire lie les Moires aux écrivains. Elle vient de W.G. Sebald dans "Les Anneaux de Saturne". Il y compare les écrivains aux tisserands qui créent des motifs complexes et craignent d'avoir tiré le mauvais fil...
Quel fil a tiré Javier Negrete dans ce roman ? Cherchait-il une fin à la légende d'Alexandre le Grand ?
Quel est le personnage qui ressemble le plus à l'auteur ?
C'est un livre assez mélancolique... Une fascination des mythes grecs.
Un roman qui trébuche à la fin.

Christiane a dit…

Sebald écrit dans ce roman : "Chaque connaissance est environnée d'une obscurité impénétrable. Nous ne percevons que des lueurs isolées dans l'abîme de notre ignorance, dans l'édifice du monde traversé d'épaisses ombres flottantes."

Soleil vert a dit…

« …Il me semble que je n’ai jamais été qu’un enfant jouant sur une plage, m’amusant à trouver ici ou là un galet plus lisse ou un coquillage plus beau que d’ordinaire, tandis que, totalement inconnu, s’étendait devant moi le grand océan de la vérité… »

Isaac Newton

Christiane a dit…

Pas mieux