Brian
Aldiss - La Tour des Damnés - Le passager clandestin/dyschroniques
Si l’on voulait
hiérarchiser la multitude des maux qui frappent l’Humanité, et dont elle est d’ailleurs
en grande partie responsable, la surpopulation viendrait en bonne place. « Croissez
et multipliez ». Les conséquences de l’antique impératif religieux suscitèrent
dès les années 50 des colloques encouragés par un bond en avant de la croissance
économique et démographique : l’épuisement des ressources, la dégradation
de l’environnement, les alertes sanitaires furent à l’ordre du jour. Dans ce contexte
de forte visibilité encore accrue par les travaux du Club de Rome parurent sur le
thème quelques ouvrages de science-fiction listés par Philippe Lecuyer. Quelques
esprits firent alors valoir que le spectre de la famine prophétisé en 1966 par
Harry Harrison dans Soleil vert s’évanouirait grâce aux progrès réalisés
en matière de rendements agricoles. Mais la désertification naissante de plusieurs
régions du globe générée par le changement climatique, les tensions inter-étatiques
autour de la gestion de l’eau de certains fleuves réactivent aujourd’hui l’inquiétude.
Guerres et épidémies sont ou seront demain au programme.
La Tour des Damnés qui évoque un Monades Urbaines en
miniature, relate une expérience de surpeuplement menée par un Centre de
recherche ethnographique sous l’égide de l’ONU. Inquiets de la démographie
galopante indienne, les responsables du CERGAFD édifient une tour de cinquante
étages que rejoignent des groupes de volontaires. La nourriture est fournie par
« l’extérieur », des caméras sont placées un peu partout. Plusieurs
générations s’écoulent, les humains s’entassent les uns sur les autres.
Surgissent des tyrans aux royaumes dérisoires, des mystiques dotés de pouvoirs
parapsychiques. Un observateur rebuté par le projet décide de rentrer dans la
tour.
Un peu moins de 20 ans après
la rédaction de la Tour des Damnés, Aldiss reprendra avec Helliconia
l’idée de l’observation d’une communauté par une autre. Dans la trilogie
précitée un groupe d’astronautes à bout de souffle cloitré dans l’environnement
artificiel d’un satellite admire l’épanouissement de la vie sur la planète étrangère.
A l’inverse, dans la novella, l’auteur souligne l’inhumanité des instigateurs
du projet. Dans l’enfer de la promiscuité et de la misère émerge une communauté
violente certes, mais non dénuée de solidarité. Au-delà du message sur les
dangers encourus par notre espèce à vouloir se « hisser sur les épaules
de génies » Brian Aldiss inventait (ou presque) le concept de
téléréalité, forme institutionnalisée du voyeurisme.
2 commentaires:
Alors là, dans ma PAL direct ! Le surpeuplement de la planète et les difficultés dans la production agricole dues au réchauffement climatique sont le plus grand enjeu actuel - et non pas futur.
La prochaine chronique devrait pas te déplaire non plus
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