Emil Ferris - Moi ce que j’aime c’est les monstres - Livre premier - Monsieur Toussaint Louverture
La jeune Karen
Reyes vit avec sa mère et son frère Deeze dans un appartement situé au sous-sol
d’un immeuble de Chicago. En 1967 le quartier populaire d’Uptown n’a rien à
voir avec celui célébré dans la chanson de Mark Robson. C’est l’Amérique de la
violence raciale et des luttes des minorités pour leurs droits. Une tempête sociale
qui culminera un an plus tard avec l’assassinat de Martin Luther King dont rend
compte Emile Ferris dans son roman graphique. Les Reyes ont pour proches voisins
un vieux marionnettiste et le couple Silverberg. Lorsque Anka Silverberg décède, officiellement d’un suicide, Karen décide de mener sa
propre enquête. Elle met alors progressivement à jour le passé douloureux de la
victime.
La gestation et la
publication de Moi ce que j’aime c’est
les monstres résultent d’un triple combat : successivement une lutte contre
une méningo-encéphalite ayant pour conséquence une paralysie partielle des membres
de l’auteur, un travail de création étalé sur six années, et quarante-huit
refus d’édition. Le premier tome de l’ouvrage sort enfin en 2017 aux Etats-Unis
et en 2019 en France. Le succès publique et critique est immédiat. Une dizaine
de prix tombe dont pour le seul espace francophone, le Grand Prix de la
Critique et le Fauve d’or au festival d’Angoulême 2019.
Ouvrir ce roman ou cette bande dessinée - mais comment qualifier une œuvre artistique aussi originale dans son domaine que l’architecture sans règle du Palais Idéal du facteur Cheval - confronte le lecteur à une expérience graphique éblouissante. L’ensemble se présente sous la forme d’un volume au format 21X27 de 416 pages imitant un cahier à spirale. Chaque feuille est une découverte. Des pastiches de couvertures de magazines d’horreur inaugurent les chapitres, des portraits pleine page alternent avec des reproductions de toiles de peintures célèbres … A coup de stylos-billes, de feutres, Emile Ferris crayonne à la manière de Crumb. D’autres influences ont été signalées dont celles de Maurice Sendak, Art Spiegelmann.
Frida Kahlo-La Colonne Brisée (autoportrait) |
Paul Delvaux-Le village des Sirènes (détail) |
Moi ce que j’aime c’est les monstres prend mine de rien les chemins du récit initiatique.
Karen Reyes découvre et se confronte peu à peu aux horreurs du réel : une
mère malade, un frère terreur de son quartier, coureur de jupon aussi bienveillant
qu’inquiétant, le chemin de croix de Mme Silverberg entre prostitution et
déportation, et le mépris des pauvres gens. Reste un refuge ultime : l’Art,
la peinture des grands-maitres, auxquelles l’a initié Deeze.
L’éditeur français a réalisé un travail fantastique sur ce chef d’œuvre, jusqu’ à l’idée d’une couverture bénéficiant d’un pelliculage dit « soft touch » ou « peau de pêche » qui donne au visage tourmenté d’Anka une douceur réservée aux anges.
6 commentaires:
Ah ca a l'air intéressant. Déroutant en tout cas !
ça sort effectivement de l'ordinaire de la production BD voir romanesque habituelle !
D'accord avec Ed .Mais l'art comme thérapie c'est incontestable.
Félicitations pour ton blog et tes chroniques.
merci beaucoup … en 2020 (si Cthulhu le veut) j'entamerai ma 50è année de lecture SF
Cthulhu..j'ai jamais su le prononcer.. ou en me gargarisant alors.
Et tu fais bien : le prononcer c'est l'invoquer :-)
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