mardi 18 septembre 2018

Pastorale américaine


Philip Roth - Pastorale américaine - Folio







« Après trente-six ans, Zuckerman l'écrivain retrouve Seymour Levov dit « le Suédois », un athlète vedette de son lycée de Newark. Toujours aussi splendide, Levov l’invincible, le généreux, l'idole des années de guerre, le petit-fils d'immigrés juifs, est devenu un Américain plus vrai que nature.

Le Suédois a réussi sa vie, faisant prospérer la ganterie paternelle, épousant la très irlandaise Miss New Jersey 1949, régnant loin de la ville sur une vieille demeure de pierre encadrée d'arables centenaires : la pastorale américaine.

Mais la photo est incomplète. Hors champ, il y a Merry, la fille rebelle, et avec elle surgit, dans cet enclos idyllique, le spectre d'une autre Amérique en pleine convulsion, celle des années soixante, de sainte Angela Davis, des rues de Newark à feu et à sang... »



Retour à Newark cette ville du New-Jersey non loin de New-York dans les années Lindon Johnson et Nixon. Une cité industrieuse où la famille Levov, génération après génération, a bâti une entreprise de ganterie. L’écrivain Zuckerman, qui avait été contacté par Seymour Levov peu de temps auparavant, retrouve son frère Jerry devenu un brillant cardiologue, lors d’une réunion d’anciens lycéens. Ce qu’il apprend de sa bouche le stupéfait. Derrière la façade de réussite sociale de sa famille se joue la dernière scène d’un drame. Seymour, l’idole d’une génération de juifs américains, vient de mourir rongé par un cancer et surtout par le destin de sa fille Merry, dont le militantisme extrémiste contre la guerre du Vietnam l'entraine dans une folie meurtrière.


Philip Roth confronte dans ce puissant récit deux Amériques, celle de l’american way of life issu de la seconde guerre mondiale et celle d’une jeunesse tentée par la voie révolutionnaire, l’idéalisme enthousiaste des pères face à la révolte des enfants. Ces lignes de fractures traversent le clan Levov. Seymour, qui n’a jamais renoncé à renouer avec sa fille, tente de retrouver le sentier du monde ancien. C’est le « raccommodeur » ironisé par son frère, l’homme de l’apaisement familial, le parangon de la bonne société de Newark, le héros, le marine, le gendre idéal venu se briser sur le mur filial, sa fille, chaos et monstre tout à la fois. Le mari sensible aussi qui cédant à sa femme, une ancienne miss new-jersey mal dans sa peau, vend la « pastorale américaine », une vieille demeure, symbole historique. Bref, tout lui échappe. A l’inverse Jerry, qui admire secrètement Seymour, trace à coup de serpe son chemin dans la jungle américaine. Il a admis et intégré la violence du monde. C’est le trancheur de nœud gordien, prêt à sacrifier Merry la rebelle.


Autant que le permet ma connaissance fragmentaire de l’œuvre de l’auteur, on trouve dans La pastorale américaine quelques archétypes de personnages : Zuckerman dans le rôle de l’écrivain accoucheur de vérité qui échoue d’ailleurs ici à la différence de son homologue de La tache ; le « Suédois » figure de héros dépeint sous les traits d’Eugène Cantor le lanceur de javelot de Némésis.


Dans ce roman d’une puissance lyrique et imprécatrice intense, et qui a obtenu un Pulitzer, Philip Roth sonde les reins de l’histoire américaine. Son souffle traverse les âmes autant que les rues et les usines de Newark dévastées par les guérillas urbaines et la mondialisation. Il y a du Delillo et du Steinbeck dans ce récit. On pense aussi à Autant en emporte le vent. La troisième partie retombe un peu à mon humble avis comme un soufflé. Mais quel livre mêlant petite et grande histoire !

11 commentaires:

B a dit…

Ce roman montre aussi l'envers du décor chez des familles en apparences "irréprochables" et pose question sur l'héritage culturel et les valeurs de la transmission parentale dont la fille,avec ses troubles psychologiques,fera les frais.
Pour moi l'un des meilleurs roman de ROTH.

Ed a dit…

(Attention, je vais écrire la phrase suivante pour la 3e fois cette année)

Il faudrait tout de même que je lise Roth. Voilà...Encore un article qui donne envie.

Soleil vert a dit…

Tu me diras si tu trouves Roth "macho", comme le laissent entendre certains commentaires. (j'essaye moi-même de me corriger …)

J'ai référencé ton site dans mes liens.


Au plaisir de te lire

Ed a dit…

Merci, je n'en demandais pas tant.

Roth macho ? J'ai beaucoup entendu cela, sans jamais l'avoir lu toutefois. À vérifier donc :)

Laurent a dit…

Un livre peut vous éclairer sur la question "Quand elle était gentille" ou il parle de son mariage raté

Ed a dit…

Macho à la suite d'un mariage raté ? Cela arrive à beaucoup d'hommes, donc ca se tient a priori. En tout cas, je n'ai jamais entendu parler de ce livre (La Tache m'a été recommandé plusieurs fois cependant).

Soleil vert a dit…

Pour être plus clair, les univers de Roth (pour ce que j'en ai lu jusqu'à présent) sont assez masculins. La fonction patriarcale est prédominante mais on trouve des opposantes féminines redoutables (Pastorale américaine, La tache).

Soleil vert a dit…

Finkielkraut qui a fréquenté Roth, parlerait du poids de la tradition. De fil en aiguille, je pourrais opposer Roth et Silverberg sur la notion d'identité (si mes neurones pouvaient répondre présent à l'appel)

Laurent a dit…

D'accord avec toi:on trouve chez ROTH des figures féminines
diaboliques comme chez SILVERBERG(voir dans le seigneur des Ténèbres)
Mais chez ROTH elles se construisent souvent sur un modele défaillant du paternel.

Soleil vert a dit…

Bien vu.
L'autre idée serait de dire que chez Silverberg les personnages sont en réidentification permanente. Un pavé dans les débats actuels.

Anonyme a dit…

Comme dirait Alain Finck.dans " répliques":
Je n'ai plus rien à dire à ceux qui n'aiment pas" La pastorale américaine".Pas mal non?