Lewis Shiner - Les péchés de nos pères - Sonatine
Dans une interview consacrée à son film Dans la brume électrique (In the Electric Mist), tiré d’un roman de James Lee Burke, Bertrand Tavernier disait ceci : « Le passé n’est pas passé, past is not past ».Il continue à vivre, il guide nos actions et il finit par nous exploser à la figure. C’est le sujet du récit de Lewis Shiner Les péchés de nos pères, auteur de l’excellent Fugues, et dans lequel il injecte beaucoup d’éléments personnels.
Michael Cooper, auteur de BD retourne à Dhuram sa ville natale assister aux derniers instants de son père atteint d’un cancer. La découverte d’une ambiguïté sur sa date de naissance le conduit à enquêter sur son propre passé, sur celui d’un ancien quartier noir de Durham et sur le meurtre d’un activiste dans les années 60. Des investigations qui le conduiront à plonger progressivement au cœur d’un chancre humain et social dont il émergera douloureusement pour renaître sous une autre identité.
Lewis Shiner a construit une intrigue policière qui est en même temps une chronique d’une ville du sud des Etats-Unis en plein conflit racial. Le roman alterne présent et flash-back dans les sixtees, par le biais des récits de Robert Cooper le père de Michael et Ruth la mère. La restitution de cette époque constitue la meilleure partie de l’œuvre. Le lecteur assiste à la destruction du quartier noir Hayti, ainsi nommé en référence à l’île d’Haïti. Un lieu formidablement vivant, peuplé de clubs de jazz, qui va être balayé au profit d’un projet d’autoroute et de ce qui deviendra plus tard le Research Triangle Park (1).
A la figure d'un fils déterminé s’oppose celle de l’impuissance du père, un ingénieur amoureux de la culture noire et instrumentalisé contre son gré par son beau-père William Bynum dans le projet routier. C’est en menaçant de faire appel à ce sombre et puissant personnage, évoquant Noah Cross dans Chinatown, que Ruth parvient à préserver son couple, Ruth une sorte de « patricienne » du Sud aux conceptions étroites et fermement attachées à celles-ci. Toutes les figures imaginées par Lewis Shiner sonnent vrai.
On retrouve, un peu comme dans Fugues, le thème du conflit avec le père et la résurgence du passé. Mais Les péchés de nos pères est peut–être encore plus fort.
Lewis, how names your father ? William Faulkner ?
(1) Technopole de la Caroline du Nord (USA)
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