vendredi 22 novembre 2019

Rosewater


Tade Thompson - Rosewater - J’ai Lu - Nouveaux Millénaires







Nouvel entrant sur la scène de la littérature de l’imaginaire, Tade Thompson est un écrivain britannique d’ascendance nigériane. Le premier tome de sa trilogie Rosewater, sorti en 2016, a été traduit dans l’Hexagone en 2019 et la novella The Murders Of Molly Southbourne a suivi le même parcours express (parue en 2017 et publiée au Bélial’ deux ans plus tard). Le Nommo Award attribué à Rosewater vient d’être complété par le Prix Arthur-C.-Clarke 2019.


Dans le Nigeria du XXIe siècle l’apparition d’un artefact extraterrestre et les évènements mystérieux qui lui sont associés provoquent un afflux de population et la naissance d’une ville, Rosewater. Des guérisons miraculeuses et des résurrections, vite réprimées par une population qui ne se résout pas à cohabiter avec des zombies, surviennent lors de l’ouverture périodique du biodôme. Dans ce chaos urbain Karoo subsiste en chapardant grâce à ses dons de télépathe, puis en traquant des cyberfraudeurs pour le compte d’une banque. Il est alors repéré par le S45, un service secret nigérian.


Au-delà de la simple étiquette d’afrofuturisme, l’ouvrage de Tade Thompson offre un brassage de thèmes et d’idées tout à fait intéressants. C’est à la fois un roman d’invasion extraterrestre, un « Neuromancien like » à la différence près que la xénosphère imaginée par l’auteur est un réseau organique créé par l’envahisseur. L’écrivain puise dans ses racines la matière de scènes originales. On se souvient des pages que Liu Cixin avait consacrées à l’exécution d’un physicien au cours de la Révolution Culturelle chinoise dans Le problème à trois corps. Dans Rosewater, la mère de Karoo voue à la vindicte populaire son jeune fils à la suite d’un vol. La sentence prononcée « Tu ne peux pas être mon enfant », exprime non seulement le rejet maternel mais aussi l’exclusion communautaire, ethnique. Un acte qui en rappelle d’autres absolument terrifiants. Heureusement pour la suite du récit Karoo échappe au châtiment du pneu enflammé.


L’ordonnancement narratif avec ses incessants allers-retours chronologiques perturbe la lecture. En règle générale la non-linéarité agace (voir L’usage des armes de I M Banks) se justifie parfois (Le Déchronologue de Stéphane Beauverger) et atteint le sublime avec Tous à Zanzibar de John Brunner. Elle est en revanche bien acceptée, quand occasionnelle, elle restitue le contexte d’une action. Tade Thompson justifie son choix par la nécessité de montrer deux facettes de son personnage, le Karoo opportuniste et autocentré, le Karoo moral et amoureux.


Cette réserve à part, Rosewater est un roman original.

6 commentaires:

Ubik a dit…

OK. J'hésitais à le lire, compte tenu des chroniques pour le moins contrastées. Ton avis me pousse à essayer. Bien joué.

Soleil vert a dit…

Je croise les doigts alors :)

Ed a dit…

Petite remarque :

"L’ordonnancement narratif avec ses incessants allers-retours chronologiques perturbe la lecture"

J'ai eu la même expérience de lecture avec de nombreux bouquins, notamment avec - rien à voir dans le genre - Toni Morrison. Que c'est lourd !

Soleil vert a dit…

Merci fidèle Ed.

John Warsen a dit…

la non-linéarité m'a filé un sacré mal de mer dans Le Déchronologue, j'ai failli tout vomir sur l'invincible armada. Dans Tous à Zanzibar elle m'a réjoui, mais j'avais 35 ans de moins et supportais beaucoup mieux les sauts temporels. Elle est trop souvent un cache-misère narratif. Molly Southbourne m'a laissé sur ma faim, et je n'arrive pas bien à percevoir dans ton article la tête que fait le petit bonhomme de télérama ;-)

Soleil vert a dit…

Tous à Zanzibar non linéaire mais je ne me souviens pas de sauts temporels. Enfin je crois, vu que je l'avais acheté lors de sa parution en A&D et commenté en classe afin d'épater à coups de comparaisons avec Dos Passos mon andalouse de prof de français. En pure perte hélas …

Au plaisir de te lire