Jack
Womack - Journal de nuit - FolioSF
En incipit d’un blog que je parcoure parfois, figure cette phrase de Rilke « On ne peut ouvrir un livre sans s'engager à les lire tous ». A l’impossible évidemment nul n’est tenu. On pourrait envisager de réduire le champ d’application de cette proposition aux seuls bons ouvrages, et en étant réaliste, de le restreindre encore plus à une littérature de genre. Malgré cela, et malgré le temps consacré à la lecture, en ce qui me concerne, je continue de réparer des oublis, comme le Journal de nuit de Jack Womack.
Incorporé dans une série
uchronique nommée Dryco, Journal de nuit décrit la descente aux enfers
d’une famille de la classe moyenne américaine. Dans un New-York en proie, comme
le reste des Etats-Unis, à un chômage et une violence croissants, Lola Hart,
une fillette de 12 ans tient un journal intime des événements. Comme sa petite
sœur, Cheryl surnommée Boob, elle fréquente une école privée du côté de Park
Avenue. Le soir elle consigne ou plutôt confie ses impressions à Anne,
c'est-à-dire son cahier. Son père, scénariste à Hollywood, sa mère enseignante
universitaire sans poste tentent de subsister tant bien que mal. Les contrats
s’amenuisent, les dettes s’accumulent et la famille doit trouver un logement
plus modeste près de Harlem.
Aux antipodes du Flashback
de Dan Simmons, Womack ne s’attarde pas sur les faits économiques ou sociaux à
l’origine de l’effondrement de l’Amérique Les scènes de violence de rue et les
informations balancées en spots télévisuels évoquent plutôt le Robocop de Paul Verhoeven.
Le récit est conduit de l’intérieur par Lola. Par ses yeux, son entendement
d’enfant qui s’ouvre progressivement à la réalité, par le prisme familial, elle
se fait l’écho du chaos ambiant.
La réussite du roman
tient d’abord à la crédibilité des personnages. La vie des deux petites filles,
leur évolution psychologique, la lutte désespérée des parents pour maintenir le
cocon familial, tout cela sonne juste et émeut le lecteur. Même si la référence
au journal d’Anne Franck saute aux yeux, Lola diverge de son illustre modèle.
Bien que nourrissant au départ de vagues ambitions romanesques à l’imitation de
son père, c’est avant tout une survivante qui largue les amarres par la force
des choses, rejoint le camp des desperados, et des prédateurs. A la faveur du
déménagement, elle rompt avec ses anciennes camarades d’école et s’intégrant à
ce qu’on appellerait aujourd’hui un quartier difficile, découvre la sexualité
et la violence.
La traduction et le style
sous haute tension d’Emmanuel Jouanne portent l’ouvrage à incandescence. Il a parait-il effarouché à
l’époque, en 1993, les éditeurs américains. Ce ne sont pourtant pas les
histoires de déclassés qui manquent depuis Autant en emporte le vent … Journal de nuit ou la bobine du rêve américain projeté à l’envers, c’est mon coup de cœur de début d’année.
2 commentaires:
On en prend plein la gueule avec ce roman et on enterre ses illusions sur un monde meilleur
oui, j'aurais pu faire référence à Steinbeck aussi;
A totbien comme on dit chez les djeuns
JL
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